La Bible d’une grand’mère/180
CLXXX
L’ANGE VA CHEZ GABÉLUS ET REVIENT CHEZ RAGÜEL
Tobie appela un jour l’Ange, qu’il croyait être un homme, et lui dit : « Mon frère Azarias, je vous dois tant de reconnaissance pour tout le bien que vous m’avez fait, que je ne saurais jamais assez vous l’exprimer, et je ne pourrai jamais vous la témoigner par des présents assez riches. Et pourtant j’ai encore une prière à vous adresser ; c’est que vous preniez des serviteurs et des montures nécessaires pour aller chez Gabélus à Ragès ; vous lui rendrez son obligation en échange de l’argent qu’il nous doit, et vous le prierez de venir à mes noces. Vous savez que mon père compte les jours de mon absence, et que si je tarde son âme sera accablée de tristesse. Vous voyez aussi avec quelle instance Ragüel m’a conjuré de rester quinze jours chez lui, et comment j’ai dû céder à ses prières. C’est pourquoi je vous demande d’aller pour moi chez Gabélus. »
L’Ange Raphaël accepta avec sa bonté accoutumée la commission que lui donnait Tobie ; il prit deux chameaux et quatre serviteurs de Ragüel, et il partit pour Ragès, où il trouva Gabélus, qui lui remit les dix talents contre l’obligation.
L’Ange lui raconta tout ce qui était arrivé au jeune Tobie et l’invita aux noces. Gabélus partit avec l’Ange et quelques-uns de ses serviteurs, et il arriva chez Ragüel pendant qu’on était à table. Tobie se leva aussitôt ; ils s’entre-saluèrent et s’embrassèrent ; Gabélus pleura…
Henriette, riant. Ha, ha, ha ! Encore un qui pleure, et sans savoir pourquoi, puisqu’il n’avait jamais vu le jeune Tobie.
Grand’mère. Il savait bien pourquoi ; il voyait en Tobie le fils d’un ancien ami très-cher et très-vénéré ; il avait bon cœur, il fut ému et il pleura ; ensuite il bénit Dieu, et dit à Tobie : « Que le bon Dieu te bénisse, mon fils ! parce que tu es l’enfant d’un homme très-vertueux, très-juste, qui craint Dieu et qui fait beaucoup d’aumônes. Que la bénédiction de Dieu s’étende sur la femme, sur ton père et sur ta mère. Puisses-tu voir tes fils jusqu’à la quatrième génération ! » Tous répondirent Amen ; ils se mirent à table, et pendant les festins des noces, chacun se conduisit avec modération et sagesse.
Petit-Louis. Comment pouvait-on se conduire autrement ?
Grand’mère. Ils pouvaient faire ce qu’on fait très-souvent à des repas de noces, boire avec excès, s’enivrer, se quereller, se battre, enfin commettre toutes sortes d’inconvenances, Mais comme les amis de Ragüel étaient des gens sages, ils ne firent rien de tout cela.