La Bible d’une grand’mère/20

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L. Hachette et Cie (p. 69-I).

XX

SACRIFICE D’ABRAHAM

(1826 ans avant J.-C.)



Un jour, Abraham s’entendit appeler par trois fois : « Abraham, Abraham, Abraham !

— Me voici, Seigneur, répondit Abraham.

— Prends Isaac, ton fils unique, que tu aimes tant, et va dans la terre de vision. Et là, tu me l’offriras en holocauste, sur la montagne que je te montrerai. »

Jeanne. Comment ! le bon Dieu va lui faire tuer son fils ? Mais c’est horrible pour le pauvre Abraham ! c’est cruel !

Grand’mère. Chère petite, avant de juger ainsi un acte de Dieu, attends jusqu’à la fin. Dieu ne fait rien que de juste, de bon, de parfait ; et tu vas voir qu’il ne donne cet ordre à Abraham que pour éprouver son obéissance et celle d’Isaac, et pour rendre leur récompense plus grande.

Henriette. Et moi, je crois que le Seigneur ne laissera pas tuer le pauvre Isaac, puisqu’il lui a promis qu’il serait le père du peuple de Dieu.

Grand’mère. C’est ce que nous allons voir.

Abraham, sans demander aucune explication au Seigneur, sans lui adresser aucune supplication pour un commandement aussi rigoureux, se leva au point du jour, prépara son âne, prit avec lui deux jeunes serviteurs, et Isaac son fils, ayant, d’après l’ordre d’Abraham, coupé le bois nécessaire pour le bûcher du sacrifice, ils partirent tous pour le pays de vision.

Armand. Où était ce pays de vision ?

Grand’mère. C’était l’emplacement où depuis a été bâtie la ville de Jérusalem. Et la montagne sur laquelle Abraham devait offrir en sacrifice son fils unique, était la montagne du Calvaire, sur laquelle le Fils de Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, devait mourir plus tard pour sauver les hommes. Vous verrez cela dans l’Évangile.

Abraham et Isaac n’y arrivèrent que le troisième jour. Abraham, ayant vu le pays de loin, dit à ses serviteurs : « Attendez-moi ici avec l’âne ; nous irons seuls jusque-là, mon fils et moi, et nous offrirons notre sacrifice ; après quoi je reviendrai à vous. »

Il prit alors le bois du bûcher et le chargea sur les épaules d’Isaac ; il prit lui-même le couteau du sacrifice et le feu pour allumer le bois ; et ils montèrent ainsi la montagne.

Ils marchaient en silence, et Isaac dit : « Mon père ! — Mon fils, que veux-tu ? — Voilà, dit Isaac, le feu et le bois ; où est la victime pour le sacrifice ? — Mon fils, répondit Abraham, Dieu aura soin de fournir lui-même la victime. »

Et ils continuèrent à marcher en silence. Ils arrivèrent au lieu que le Seigneur avait montré à Abraham. Il y dressa un autel avec des pierres, posa dessus le bois pour le sacrifice, lia ensuite son fils Isaac et le plaça sur le bois qu’il avait arrangé sur l’autel.

Petit-Louis. Et Isaac n’essaya pas de se sauver ?

Grand’mère. Pas du tout ; il était trop soumis à son père pour lutter contre sa volonté. Il avait alors trente-trois ans, et il n’avait jamais résisté à son père.

Henri. Isaac avait juste l’âge qu’avait Notre-Seigneur quand il a été crucifié.

Grand’mère. Tout justement.

Jeanne, pleurant. Grand’mère, c’est affreux pour ce pauvre Abraham !

Valentine, pleurant. Et ce pauvre Isaac, c’est encore plus affreux pour lui, qui devait croire que son père le tuait parce qu’il ne l’aimait plus, et même qu’il le haïssait.

Tous les petits s’essuient les yeux.

Grand’mère. Soyez tranquilles, mes pauvres petits, Abraham ne le tuera pas, le Seigneur l’en empêchera.

Abraham prit le couteau du sacrifice et levait son bras tremblant pour immoler son fils, lorsqu’un Ange lui arrêta le bras, et une voix lui cria du ciel : « Abraham, Abraham ! — Me voici, Seigneur, » répondit Abraham.

La voix lui dit : « N’immole pas l’enfant et ne lui fais pas de mal. Je connais maintenant combien tu m’es fidèle, puisque tu n’as pas hésité à sacrifier ton fils unique pour m’obéir. »

Abraham aperçut alors un bélier qui s’était embarrassé les cornes dans un buisson. Et, l’ayant pris, il l’offrit en holocauste au Seigneur à la place d’Isaac. Le Seigneur appela ensuite Abraham une seconde fois et lui dit :

« Je jure par moi-même, que, puisque tu as fait cette action et que, pour m’obéir, tu as voulu immoler ton fils, je vous bénirai tous deux ; ta race se multipliera comme les étoiles du ciel. Ta postérité possédera les villes de ses ennemis : et toutes les nations de la terre seront bénies dans celui qui sortira de vous, parce que tu as obéi à ma voix. »

Louis. De qui le Seigneur veut-il parler en disant : Celui qui sortira de vous ?

Grand’mère. Le Seigneur veut parler de son divin Fils, notre Seigneur Jésus-Christ, qui devait naître de la Vierge Marie. Et la Vierge Marie descendait en droite ligne d’Abraham et d’Isaac.

Abraham et Isaac descendirent alors la montagne ; ils rejoignirent leurs serviteurs, et ils retournèrent dans leur demeure à Bersabée.

Marie-Thérèse. Comment Abraham n’a-t-il pas tout dit au pauvre Isaac qui ne devait rien comprendre à ce que faisait son père ?

Grand’mère. La sainte Bible ne le dit pas, mais il est plus que probable qu’Abraham, au moment de lier Isaac sur l’autel, lui expliqua qu’il agissait d’après l’ordre de Dieu. Isaac s’y soumit avec la même obéissance qu’Abraham. Et nous ne pouvons douter qu’ils n’aient tous les deux témoigné leur bonheur et remercié Dieu avec une vive reconnaissance de ne pas avoir dû accomplir leur sacrifice jusqu’au bout. Le sacrifice d’Abraham est l’image du sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui, d’après l’ordre de son Père, n’hésita pas à s’immoler sous la forme humaine, pour sauver les hommes des suites du péché d’Adam et d’Ève.

Françoise. Mais je ne sais pas tout cela, moi.

Grand’mère. Tu le sauras, chère petite, un peu plus tard, quand tu pourras lire un livre que j’ai raconté à tes sœurs, frères et cousins, et qui s’appelle l’Évangile. Tu verras alors que l’Histoire Sainte, que je vous raconte maintenant, est remplie d’événements et de paroles qui prédisent, c’est-à-dire qui annoncent Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Armand. Je ne vois pas cela, Grand’mère.

Grand’mère. Parce que tu es encore trop petit pour comprendre ces prédictions, et que ce serait trop long à l’expliquer ; mais tu le verras très-bien plus tard. Le sacrifice d’Isaac