La Bible d’une grand’mère/217

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L. Hachette et Cie (p. 546-550).

CCXVII

FIN DE JUDAS MACHABÉE

(150 ans avant J.-C.)



La mort du méchant Antiochus Épiphane ne termina pas les guerres des Juifs. Lysias, général d’Antiochus, fit, il est vrai, un traité de paix avec Judas Machabée ; le calme fut rendu à la Judée ; Jérusalem redevint libre, et reprit quelque splendeur ; mais cette paix ne devait pas être de longue durée.

Les habitants de Joppé commirent une grande perfidie envers les Juifs ; ils en invitèrent un nombre considérable, hommes, femmes et enfants, à venir avec eux, faire une grande promenade en mer. Les Juifs acceptèrent sans méfiance ; mais, quand on fut en mer, les habitants de Joppé, à un signal donné, se précipitèrent chacun sur les Juifs et les noyèrent tous, hommes, femmes et enfants.

Lorsque Judas eut appris cette cruauté, commise contre des gens de sa nation, il commanda à ceux qui étaient avec lui de prendre les armes ; et, après avoir invoqué Dieu, il marcha contre les meurtriers de ses frères ; il brûla leur port pendant la nuit, ainsi que leurs barques, et il fit périr tous ceux qui avaient échappé aux flammes.

Il partit ensuite pour rassembler une armée plus considérable, et revenir détruire la ville de Joppé et tuer tous ses habitants. Mais, avant de repartir pour Joppé, il sut que la ville de Jammia se préparait à exécuter une semblable perfidie contre les Juifs qui y demeuraient. Il y alla sans tarder, il les surprit dans la nuit, et brûla leur port avec tous leurs vaisseaux, ce qui fit un immense incendie qu’on put voir de Jérusalem, éloigné d’environ quarante-cinq kilomètres. Une autre ville, mal disposée pour les Juifs, fut attaquée par Judas ; les habitants fermèrent leurs portes, et se moquèrent de Machabée et de son armée, qui n’avait ni machines pour abattre les fortes et hautes murailles de la ville, ni échelles pour les escalader. Judas invoqua le Seigneur ; assistés d’une force surnaturelle, ils escaladèrent les murailles avec un entrain et une ardeur magnifiques. S’étant emparés de la ville avec l’aide du Seigneur, ils y firent un carnage effroyable, de sorte que l’étang voisin fut tout rouge de sang.

Après ces combats, Antiochus Eupator, fils de l’autre Antiochus envoya plusieurs armées nombreuses contre celle de Judas, qui n’excédait toujours pas six mille hommes. Toujours et partout, Judas fut victorieux ; il extermina les armées ennemies, et tua leurs généraux. — Un jour, pourtant, Judas apprit que le roi lui-même marchait contre la Judée avec une armée de cent mille hommes, vingt mille chevaux, trois cents chariots armés de faux ; ce qui, surtout, répandit la terreur parmi les Juifs, c’étaient trente-deux éléphants dressés pour la guerre ; on disait qu’ils écrasaient des milliers d’hommes en courant dans les rangs de leurs ennemis ; qu’ils les brisaient ou les étouffaient avec leurs trompes, et qu’ils étaient préservés de toute blessure, parce que l’épaisseur de leur peau empêchait les flèches et les lances d’y pénétrer. Chaque éléphant portait sur son dos une tour qui contenait trente-deux hommes ; du haut de cette tour, ils lançaient des flèches et des dards aux ennemis sans qu’on pût les atteindre.

Jeanne. Ce pauvre Judas ; il va périr pour le coup avec sa pauvre petite armée.

Grand’mère. Sois tranquille ; Dieu n’est-il pas avec lui et les siens.

Judas, voyant la frayeur de ses troupes, chercha à remonter leur courage, en leur rappelant que le Dieu d’Israël combattait avec eux. « Rappelez-vous, leur dit-il, combien de fois il nous a sauvés de la méchanceté de nos ennemis ; implorons aujourd’hui encore sa miséricorde, et marchons bravement au combat, c’est-à-dire à la victoire. »

Les ayant ranimés par ses paroles et par son courage, ils se prosternèrent tous la face contre terre, et supplièrent le Seigneur avec larmes de les sauver cette fois encore d’un si grand danger. Ils continuèrent leurs prières pendant trois jours, et, se confiant en sa divine protection, ils marchèrent la nuit avec Judas à leur tête pour surprendre l’ennemi. Judas attaqua le quartier du roi, et tua dans le camp quatre mille hommes. Éléazar, le jeune frère de Judas, vit le plus grand des éléphants portant les armes du roi, et revêtu de drap d’or et de pierreries éclatantes ; il crut que ce devait être l’éléphant du roi, et qu’Antiochus pouvait bien être dans la tour que portait l’éléphant ; alors, sacrifiant sa vie au salut de la Judée, et à la gloire de son frère, il se jeta sous le ventre de l’éléphant, et lui enfonça sa dague dans le ventre ; l’éléphant tomba mort ; il étouffa Éléazar par le poids de son corps ; les trente-deux hommes renfermés dans la tour furent tués, mais le roi n’y était pas.

La mort du jeune Éléazar Machabée mit fin au combat ; les Assyriens furent frappés d’épouvante en voyant les Juifs déployer un tel courage ; Judas et les siens furent saisis de douleur en voyant un de leurs chefs périr victime de son dévouement. À la suite de cette bataille, Antiochus fit la paix, et jura une alliance éternelle avec les Juifs, leur abandonnant la Judée, et leur promettant liberté entière de suivre leurs lois.

L’armée Assyrienne se retira donc ; elle alla attaquer les États des Romains qui avaient poussé leurs conquêtes jusqu’en Asie. Antiochus fut défait ; les Romains l’obligèrent à leur donner en ôtage pour trois ans son fils qui s’appelait aussi Antiochus.

Démétrius, un des successeurs de ce jeune Antiochus, voulut s’emparer de la Judée ; il fit la guerre à Judas Machabée, qui vivait encore ; il fut vaincu par ce grand général, et envoya pour le combattre son lieutenant Nicanor avec une armée formidable. Ce Nicanor commit de grandes cruautés et des impiétés égales à celles d’Antiochus. Judas Machabée, ayant invoqué le Seigneur, marcha contre lui avec sa petite armée, lui tua trente-cinq mille hommes, et Nicanor lui-même. Le reste de l’armée ennemie fut dispersé. Judas fit couper la tête de Nicanor, et son bras droit qui avait commis tant d’iniquités, et les fit suspendre devant le temple de Jérusalem. Il avait fait auparavant arracher la langue de Nicanor, qui avait proféré tant de blasphèmes ; il la fit couper en petits morceaux qu’il fit jeter aux oiseaux de proie.

Valentine. Je trouve cette vengeance peu digne de Judas Machabée ; puisque Nicanor était tué, pourquoi lui arracher la langue et la faire manger par les bêtes ?

Grand’mère. Ce n’était pas une vengeance ; c’était une diffamation, c’est-à-dire une honte que Judas infligeait au nom de Nicanor et qui faisait peur aux généraux qui devaient lui succéder.

On croyait que cette dernière défaite terminerait la guerre ; mais, l’année suivante, Démétrius, irrité de la mort de Nicanor et des victoires de Judas, envoya une nouvelle armée plus nombreuse encore, et commandée par ses deux meilleurs généraux. Bacchide et Alcime.

Cette fois, les troupes de Judas, découragées de cette nouvelle attaque, l’engagèrent à se retirer devant cette armée formidable. « Dieu me garde, répondit Judas, de jamais fuir devant les ennemis. Si notre heure est venue, mourons courageusement pour la défense de nos frères, et ne ternissons pas notre gloire par une fuite honteuse. »

Judas se trouva donc, avec sa petite armée réduite à huit cents hommes, en face d’ennemis sans nombre. Il combattit tout un jour ; il parvint à mettre en fuite l’aile gauche de l’armée de Démétrius ; mais il se trouva bientôt enveloppé et attaqué par derrière, par devant, à droite et à gauche, et il périt glorieusement avec ses huit cents hommes.

Paul. Le bon Dieu les avait donc abandonnés ?

Grand’mère. Non ; mais il jugea sans doute qu’ils avaient assez souffert ; et il voulut leur donner la récompense de leur fidélité et de leur courage, en les faisant entrer dans le Ciel.