La Bible d’une grand’mère/42

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L. Hachette et Cie (p. 126-128).

XLII

SECOND VOYAGE EN ÉGYPTE DES FRÈRES DE JOSEPH

(1694 ans avant J.-C.)



Jacob, voyant la nécessité de laisser partir Benjamin, se laissa aller à un grand désespoir. « Allez, leur dit-il, puisqu’il le faut ; je verserai des larmes jusqu’à votre retour, et, si vous ne me ramenez pas mon fils Benjamin, je mourrai et vous serez responsables de ma mort. Prenez l’or que vous avez rapporté ; prenez-en deux fois plus encore ; prenez les plus excellents fruits, les plus précieux parfums de notre pays, pour les donner en présent à cet homme qui gouverne l’Égypte. Prenez enfin votre frère et montrez-le-lui. Moi je resterai seul, sans enfants, et dans la désolation. »

Les frères de Joseph partirent, emmenant Benjamin, et ils se hâtèrent d’arriver en Égypte, et de se présenter devant Joseph.

Aussitôt que Joseph apprit qu’ils étaient là et Benjamin avec eux, il dit à son intendant : « Fais tuer des victimes, prépare un beau festin, parce que ces étrangers mangeront avec moi. »

L’intendant exécuta ses ordres, et, à l’heure fixée, il alla chercher les étrangers pour les mener chez Joseph.

Ils furent saisis de crainte à cause de l’argent qu’ils avaient retrouvé dans leurs sacs. Avant d’entrer, ils dirent à l’intendant : « Seigneur, veuillez écouter notre justification ; nous vous rapportons l’argent que nous avons retrouvé dans nos sacs et qui a été remis sans doute par mégarde ; nous ne sommes pas des voleurs ; nous vous rapportons ce que nous devons, avec des présents que nous allons remettre au gouverneur. »

L’intendant leur répondit : « N’ayez pas peur ; j’ai reçu l’argent que vous m’avez payé ; vous ne me devez rien ; c’est votre Dieu et le Dieu de votre père qui vous a donné ces trésors. » — Avant d’entrer chez Joseph, il leur amena leur frère Siméon, qui avait été très-bien traité en leur absence. On leur lava les pieds à tous, selon l’usage des anciens, on les fit entrer dans la maison, et ils attendirent Joseph.

Quand Joseph parut, ils lui offrirent leurs présents, et ils se prosternèrent devant lui, comme ils l’avaient fait la première fois et comme l’avaient prédit les songes de Joseph, qui les avaient tant irrités

Joseph les calma avec bonté et leur demanda des nouvelles de leur père.

Joseph regarda ses frères et vit Benjamin, le fils de Rachel, sa mère. « Mon fils, lui dit-il, je prie Dieu qu’il te conserve et qu’il te bénisse. »

Et, se sentant trop ému, il sortit et pleura beaucoup. Il se lava les yeux pour effacer la trace de ses larmes, et rentra dans la salle. — « Servez, » dit-il.

On servit Joseph à part, ses frères à part, et les Égyptiens qui mangeaient avec lui furent aussi servis à part, car il est défendu aux Égyptiens de manger avec des Hébreux.

Joseph fit asseoir ses frères en face de lui, en les plaçant selon leur âge, l’aîné le premier, le second ensuite jusqu’au dernier, ce qui les surprit beaucoup. Joseph leur fit servir à chacun sa part de tous les plats, mais Benjamin eut toujours une part cinq fois plus grosse que les autres, ce qui les étonna aussi. Le festin fut magnifique ; ils ne comprenaient pas pourquoi on les traitait si splendidement.