La Bible d’une grand’mère/84

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L. Hachette et Cie (p. 227-229).

LXXXIV

NOUVELLE SERVITUDE — DÉBORAH ET SISARA

(1200 ans avant J.-C.)



Quelque temps après la mort d’Aod, les Israélites recommencèrent à se marier avec des filles chananéennes et à adorer les faux dieux. Le Seigneur les livra alors à Jabin, roi des Chananéens, et les Israélites, après un rude esclavage, se mirent à crier miséricorde au Seigneur.

Armand. Quels insupportables gens !

Grand’mère. Tu as bien raison, En effet, il fallait que Dieu vît en eux la race d’où devait sortir un jour son fils Jésus-Christ, pour pouvoir supporter de tels prodiges d’ingratitude et d’iniquité.

Il y avait dans ce temps-là une sainte femme prophétesse, nommée Déborah, tellement respectée du peuple, qu’elle fut nommée juge pour juger leurs querelles. Dieu lui inspira la pensée de délivrer les Israélites. Elle fit venir un vaillant guerrier, nommé Barac, et lui dit :

« Prenez dix mille guerriers, et allez près du torrent de Cison, sur le mont Thabor. Sisara, général du roi Jabin, viendra avec toute son armée et tous ses chariots, et le Seigneur vous les livrera ; vous les tuerez tous. Ce ne sera pas vous, mais une femme nommée Jahel, qui tuera Sisara et gagnera ainsi la bataille. Barac fit ce que lui disait Déborah ; elle était avec l’armée pour prier le Seigneur.

Aussitôt que Sisara parut avec ses neuf cents chariots et toute son armée, Barac et ses dix mille combattants descendirent, en courant, du haut du mont Thabor. Sisara et ses troupes furent saisis d’épouvante en voyant cette multitude de guerriers, et se jetèrent sur leurs chariots pour s’enfuir ; mais leur empressement à y monter, les cris de ceux qui se disputaient pour les avoir les premiers, jetèrent le désordre parmi les chevaux, qui se mirent à courir dans tous les sens, écrasant leurs maîtres, renversant tout sur leur passage. Barac et ses guerriers se précipitèrent au milieu de ce désordre, exterminant tout sur leur passage, encombrant la plaine et les chemins d’hommes et de chevaux tués, de chariots renversés et d’autres débris de la bataille. Excepté Sisara, qui eut le temps de sauter à bas de son chariot et de s’enfuir, il ne resta pas un seul homme vivant de cette nombreuse armée.

Petit-Louis. C’est dommage que Sisara se soit sauvé ; je croyais qu’il allait être tué.

Grand’mère. Et il va l’être, mais par une femme, comme l’avait prédit Déborah.

Sisara continua à courir jusqu’à ce qu’il fut loin du champ de bataille. Hors d’haleine, épuisé de fatigue, il entra enfin dans la maison d’une femme nommée Jahel, qui n’était pas Israélite, et chez laquelle il se crut en sûreté.

Jahel l’avait vu accourir ; elle alla au-devant de lui : « Entrez chez moi, mon seigneur, entrez, ne craignez rien. »

Il entra dans sa tente…

Marie-Thérèse. Pourquoi demeurait-elle dans une tente et, pas dans une maison ?

Grand’mère. Parce que tout le monde alors n’avait pas de maison ; les ouvriers et les gens pauvres demeuraient dans des tentes ; et l’hiver, quand il faisait plus froid, ils se mettaient dans des grottes, ou cavernes, où ils pouvaient faire du feu et se préserver de l’humidité.

Sisara demanda à Jahel un peu d’eau, parce qu’il mourait de soif.

Au lieu d’eau, Jahel lui apporta un vase plein de lait ; quand il eut bu, elle le couvrit de son manteau et lui dit de se reposer sans crainte.

« Tenez-vous à l’entrée de votre tente, lui dit Sisara. Si quelqu’un vient vous demander : Y a-t-il quelqu’un ici ? vous répondrez : Il n’a personne. »

Sisara, rassuré par les soins de Jahel et très-fatigué de sa longue course, s’endormit profondément.

Jahel rentra sans faire de bruit ; le voyant étendu par terre, sur le côté, elle prit un énorme clou et un lourd marteau, posa légèrement le clou sur la tempe de Sisara et le frappa violemment avec son marteau. Le coup avait été si violent, que le clou traversa la tête de part en part et entra dans la terre du côté opposé à celui qu’elle avait frappé. Sisara ne poussa pas même un cri, ne fit pas un mouvement ; il était mort.

Jeanne. Quelle vilaine femme que cette Jahel ! comme elle a été hypocrite avec ce malheureux Sisara, qu’elle ne connaissait seulement pas !

Grand’mère. Chère petite, Sisara était connu pour être un méchant homme, et Jahel a suivi une inspiration de Dieu en le tuant ainsi. Elle le connaissait certainement, puisque peu d’instants après la mort de Sisara, Barac accourut poursuivant son ennemi. Jahel alla au-devant de lui et lui dit : « Venez, je vous montrerai l’homme que vous cherchez. » Barac entra, et vit Sisara mort, la tête percée d’un clou.

Après cela, Barac continua à faire la guerre à Jabin, roi de Chanaan, jusqu’à ce qu’il l’eût entièrement vaincu.