La Bible d’une grand’mère/89
LXXXIX
SAMSON ÉPOUSE UNE FILLE DES PHILISTINS
ELLE LE TROMPE — IL SE VENGE
Samson grandit et devint homme ; il avait trente ans ; tout le monde admirait sa force surprenante. Un jour, il alla dans une ville des Philistins, nommée Tamnatha ; il y vit une jeune fille qui lui plut beaucoup. Il demanda à ses parents la permission de l’épouser.
Son père et sa mère lui dirent : « Pourquoi veux-tu prendre une femme parmi nos ennemis ? Prends-en une parmi nous autres Israélites qui sommes les amis du Seigneur.
— Non, dit Samson, je veux celle-là parce qu’elle me plaît ; je n’en veux pas d’autre. » Ses parents eurent la faiblesse d’y consentir, et ils allèrent avec lui à Tamnatha.
En approchant de la ville, Samson vit, dans une vigne, un jeune lion qui se précipita sur lui pour le dévorer ; mais Samson le saisit par la gueule avec ses deux mains, le déchira en deux, et le mit en pièces.
Quelques jours après, il revenait à Tamnatha pour se marier ;
en passant par la vigne, il trouva que des abeilles avaient fait un
rayon de miel dans la gueule du lion qu’il avait tué. Il prit le
rayon et le mangea.
Son père fit un grand festin de noces qui devait durer sept jours. Les Philistins donnèrent à Samson, pour lui faire honneur, trente jeunes gens qui devaient l’accompagner.
Selon l’usage de ces pays, Samson proposa une énigme.
Petit-Louis. Qu’est-ce que c’est qu’une énigme ?
Grand’mère, C’est une chose difficile à deviner, « Si vous la devinez, leur dit-il, je vous donnerai trente robes et trente tuniques. Mais si vous ne la devinez pas, au bout des sept jours des noces, c’est vous qui me donnerez trente robes et trente tuniques.
— Quelle est ton énigme ? répondirent les jeunes gens ; dis-la-nous pour que nous la devinions. »
Samson leur dit : « La nourriture est sortie de celui qui mangeait, et la douceur est sortie du fort. »
Louis. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Grand’mère. Cela veut dire que le miel, qui est une nourriture très-douce, est sortie de la gueule du lion qui est très-fort.
Pendant trois jours, les jeunes gens se fatiguèrent la tête à expliquer cette énigme. Voyant que le septième jour approchait et n’ayant pas envie de donner à un Israélite trente robes et trente tuniques, ils allèrent trouver la femme de Samson, et lui dirent : « Si tu ne peux, par tes prières et tes caresses, découvrir de ton mari ce que signifie son énigme, nous te brûlerons, toi, ta maison et ton père. »
Marie-Thérèse. Dieu ! quels méchants hommes ! Brûler une femme pour si peu de chose !
Grand’mère. Oui, ces gens-là ne faisaient aucun cas de la vie des hommes.
Cette femme chercha alors par tous les moyens possibles à obtenir de son mari l’explication de l’énigme ; pendant plusieurs heures il résista à ses supplications ; enfin, à la fin du jour, cédant à ses prières, à ses larmes, à ses feintes tendresses, il lui raconta qu’il avait tué un lion et que huit jours après il avait trouvé dans la gueule de ce lion un rayon de miel déposé par des abeilles.
La femme de Samson, enchantée, courut bien vite le redire aux Philistins. Ceux-ci allèrent tout de suite trouver Samson et lui dirent : « Qu’y a-t-il de plus doux que le miel et de plus fort que le lion ? »
Samson n’eut pas de peine à deviner la trahison de sa femme, et il le dit aux jeunes gens. Il était fort en colère contre sa femme, et, pour se venger, il alla à Ascalon, il tua trente hommes, amis de ceux de Tamnatha, prit leurs robes et leurs tuniques, et les donna en payement de sa gageure aux trente jeunes gens de la noce.
Louis. Est-ce que c’était bien cela, Grand’mère ?
Grand’mère. Non, mon enfant. Il me semble que c’est très-mal ; mais les prophètes et les envoyés de Dieu avaient souvent des raisons que nous ne connaissons pas pour agir comme ils le faisaient,
Samson ne voulut pas revoir sa femme ; il abandonna sa demeure et retourna chez son père.
Alors sa femme épousa un des jeunes gens de la noce. — Quand la colère de Samson fut passée, il voulut reprendre sa femme, et il allait entrer dans sa maison, quand le père l’arrêta en lui disant : « Je croyais que vous aviez pris ma fille en haine, et je l’ai donnée à un autre mari ; mais elle a une sœur beaucoup plus belle et plus jeune ; si vous la voulez, prenez-la en échange. »
Samson fort en colère répondit : « À l’avenir, que les Philistins ne se plaignent pas de moi, quand je leur rendrai le mal qu’ils m’ont fait et que je les traiterai comme ils le méritent. » Il alla donc prendre trois cents renards ; il les lia deux à deux par la queue ; il y attacha des paquets d’étoupe auxquels il mit le feu ; puis il les lança au travers des blés des Philistins : les gerbes, les vignes, les oliviers, les jeunes plants, toutes leurs moissons et leurs fruits furent brûlés.
« Qui a fait ce désordre ? demandèrent les Philistins.
— C’est Samson, leur dit-on, gendre d’un homme de Tamnatha, lequel lui a repris la femme qu’il lui avait accordée et l’a donnée à un autre homme. »
Les Philistins allèrent chez cet homme, mirent le feu à la maison et le brûlèrent avec sa fille, femme de Samson. Samson leur dit : « Quoique vous ayez puni ces gens, je veux vous punir tous encore, après quoi je me reposerai. »
Et Samson, se jetant sur eux, en tua un si grand nombre, que
les survivants s’enfuirent tout épouvantés. Puis il se retira dans
la caverne d’Étam.