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La Bible enfin expliquée/Édition Garnier/Exode

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La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de S.M.L.R.D.P.Garniertome 30 (p. 69-92).
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Egypte, et où une foule innombrable de ces émigrants s’enfuit au travers de la mer, étaient les temps où les arts furent le plus cultivés dans ce beau climat, et où les prodiges de Tarcbitecture » de la sculpture et de la peinture, quoique grossières, auraient dû fixer l’attention de tout écrivain profane ; mais l’auteur, uniquement occupé du peuple Israélite, néglige tout le reste. Il n’a devant les yeux que les déserts consacrés dans lesquels il va conduire ces émigrants, et où ils vont mourir. Nous restons dans une ignorance entière de toutes les choses dont il aurait pu nous instruire. Nous sommes avec lui en Egypte, et nous ne la connaissons pas. Contentons-nous de bien connaître les Juifs ; mais déplorons la perte de sept cent mille volumes amassés dans les siècles suivants par les rois d’Egypte : ils auraient instruit l’univers. Il ne nous reste que l’incertitude et les regrets.

Tous ceux qui étaient sortis de Jacob étaient au nombre de soixante et dix personnes quand Joseph demeurait en égypte. [1] après sa mort et celle de ses freres, et celle de toute cette race, les enfans d’Israël s’accrurent, se multiplierent comme des plantes, se fortifierent et remplirent cette terre. Or il s’éleva un nouveau roi dans l’égypte qui ignorait Joseph [2], et il dit à son peuple. Voilà le peuple des enfans d’Israël qui est plus fort que nous. Venez, opprimons-les sagement, de peur qu’ils ne se multiplient, et, si nous avons une guerre, qu’ils ne se joignent à nos ennemis, et qu’après nous avoir vaincus ils ne sortent de l’égypte [3]. Il établit donc sur eux des intendants de leurs travaux, et il leur fit bâtir les villes de Phiton et de Ramessès. [4] le roi parla aussi aux accoucheuses des hébreux, dont l’une étoit appellée Séphora, et l’autre Phua, et il leur commanda ainsi. Quand vous accoucherez les femmes des hébreux, tuez l’enfant si c’est un mâle ; si c’est une fille qu’on la conserve. Ces sages-femmes craignirent Dieu et n’obéirent point au roi ; mais elles conserverent les mâles. Le roi les ayant appellées leur dit. Qu’avez-vous fait ? Vous avez conservé les garçons. Elles répondirent : les israëlites ne sont pas comme les égyptiennes, elles ont la science d’accoucher, et elles enfantent avant que nous soyons venues. [5] alors le pharaon commanda à son peuple disant, que tout ce qui naîtra masculin soit jetté dans le fleuve [6] ; conservez le féminin. Après cela un homme de la famille de Lévi se maria ; sa femme conçut et enfanta un fils ; et voyant que cet enfant était beau, elle le tint caché pendant trois mois, mais voyant qu’elle ne pouvait pas le cacher plus longtemps, elle prit une corbeille de joncs, l’enduisit de bithume et de poix résine, et l’exposa au milieu des roseaux sur le bord du fleuve ; et elle dit à la sœur de cet enfant de se tenir loin, et de voir ce qui arriverait. La fille du roi étant venue pour se baigner dans le fleuve, ses suivantes marchant sur la rive, elle apperçut la corbeille, et elle apperçut l’enfant qui poussait des vagissements. Elle en eut pitié ; elle dit, c’est sans doute un des enfants des hébreux. Sa sœur, qui était-là, dit à la princesse : voulez-vous que j’aille chercher une femme des hébreux pour le nourrir ? Elle répondit allez-y ; et la fille fit venir sa mere, qui nourrit son fils : et qui le rendit à la princesse quand il fut en âge. [7]

Mosé étant devenu grand alla voir les hébreux ses freres, et ayant rencontré un égyptien qui outrageait un hébreux, il tua l’égyptien et l’enterra dans le sable. Le lendemain, craignant d’être découvert et que le roi ne le fît mourir, il s’en fut dans le pays de Madian, et s’assit auprès d’un puits. [8] or il y avait à Madian un prêtre qui avait sept filles, qui vinrent au puits pour prendre de l’eau et abreuver les troupeaux de leur pere. Il survint des pasteurs qui chasserent ces filles. Mosé prit leur défense et abreuva leurs brebis... [9] leur pere donna du pain et une de ses filles nommée Séphora en mariage à Mosé. Séphora enfanta Gerson, et ensuite enfanta élieser... longtemps après, le roi d’égypte mourut. Or Mosé paissait les brebis de Jéthro son beau pere près de Madian. Et ayant conduit son troupeau dans le désert, il vint jusqu’à la montagne de Dieu nommée Oreb. [10] Dieu lui apparut en forme de flamme au milieu d’un buisson ; et Mosé voyant que le buisson n était enflammé et ne brûlait pas... Dieu l’appelle du milieu du buisson, et lui dit, Mosé, Mosé ! Et il répondit, me voilà. N’approche pas, dit Dieu ; ôte tes souliers, [11] car cette terre est sainte. Je suis descendu pour délivrer les israëlites de la main des égyptiens, et je les amenerai dans une terre bonne et spatieuse où coulent le lait et le miel dans le pays des cananéens, des héthéens, des amorréens, des phéréséens, des hêvéens, et des jébuséens. [12]. Viens donc, et je t’enverrai à pharaon... Mosé répondit, j’irai vers les enfans d’Israël, et je leur dirai, le dieu de vos peres m’envoie vers vous ; mais s’ils me demandent quel est son nom, que leur dirai-je ? Dieu dit à Mosé, je m’appelle Eheich. Tu diras aux enfans d’Israël, Eheich m’envoie à vous. [13] Dieu dit encore à Mosé, tu diras aux enfans d’Israël : le Dieu d’Abraham d’Isaac et de Jacob m’a envoyé à vous. Ce sera là mon nom à jamais de génération en génération. Ils écouteront ta voix, et tu iras avec les anciens d’Israël devant le roi d’égypte, et tu lui diras : le dieu des hébreux nous a appellés, et il faut que nous allions à trois journées dans le désert pour sacrifier au seigneur notre Dieu ; [14] mais je sais que le roi d’égypte ne permettra point qu’on y aille si on ne le contraint par une main forte... chaque femme demandera à sa voisine ou à son hôtesse des vases d’arg ent et d’or, et de beaux habits, dont elles revêtiront leurs fils et leurs filles ; et ainsi elles dépouilleront l’égypte. [15] Mosé répondit à Dieu, ils ne me croiront pas, ils me diront que tu ne m’es point apparu ; et Dieu lui dit, que tiens-tu là à la main ? Il répondit, c’est ma verge. Dieu dit, jette ta verge en terre ; il jetta sa verge, et elle fut changée sur le champ en couleuvre.

[16] Mosé s’enfuit de peur. Dieu dit encore à Mosé, mets ta main dans ton sein ; il la mit dans son sein, et il l’en retira toute couverte d’une lepre blanche comme la neige. Et Dieu dit : si les égyptiens ne croient pas à ces deux signes, et s’ils n’écoutent pas ta voix ; prends de l’eau du Nil, et elle se convertira en sang. Mais, dit Mosé à Dieu, j’ai un empêchement de langue, tu sais que je suis begue ; et tout ce que tu me dis me rend plus begue encore. Envoie, je te prie, un autre que moi. Dieu se mit alors en colere, et lui dit : eh bien, j’enverrai Aaron ton frere qui n’a point d’empêchement à la langue ; je serai dans sa bouche et dans la tienne ; il parlera pour toi au peuple, il sera ta bouche, et tu l’instruiras de tout ce qui regarde Dieu. Reprends ta verge. Mosé s’en alla donc chez son beau-pere Jéthro. Il lui dit, je m’en vais en égypte. Jéthro lui dit, allez en paix. Dieu parla encore à Mosé, et lui dit, va-t-en donc en égypte, car tous ceux qui voulaient te faire mourir sont morts. [17]

Mosé ayant donc pris sa femme et ses enfans les met sur son âne, et marche en égypte avec sa verge. Dieu lui dit en chemin, ne manque pas de faire devant le pharaon tous les prodiges que je t’ai ordonné de faire. Car j’endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller mon peuple. Or Mosé étant en chemin, Dieu le rencontra dans un cabaret, et voulut le tuer : mais Séphora lui sauva la vie en coupant le prépuce de son fils avec une pierre aigue [18]. Mosé et Aaron allerent se présenter au pharaon et dirent : voici ce que dit le seigneur le Dieu d’Israël ; laisse aller mon peuple afin qu’il me sacrifie dans le désert. Le pharaon répondit : qui est donc ce seigneur pour que j’entende sa voix ?

[19] je ne laisserai point partir Israël... or Mosé avait quatre-vingts ans et Aaron quatre-vingts trois, lorsqu’ils parlerent au pharaon... Mosé et Aaron allerent donc trouver le pharaon, et ils firent comme Dieu avait ordonné. Aaron jetta sa verge, et elle fut changée en serpent. Pharaon ayant fait venir les sages et les magiciens, ils firent la même chose par leurs enchantements. Et le seigneur dit à Mosé : je ne frapperai plus le pharaon et l’égypte que d’une plaie. Dis donc à tout le peuple que les hommes et les femmes demandent à leurs voisins et à leurs voisines tous leurs vases d’or et d’argent... et je mettrai à mort dans le pays tous les premiers-nés depuis le fils ainé de pharaon jusqu’à celui de l’esclave : mais parmi les enfans d’Israël on n’entendra pas même un chien aboier ; afin qu’on voie par quel miracle Dieu sépare Israël de l’égypte [20]. Dieu dit aussi à Mosé et à Aaron : parle à tout le peuple d’Israël, que chacun prépare le dix du mois un agneau par famille ou un chevreau. On les gardera jusqu’au quatorze, et on les mangera le soir avec du pain sans levain et de laitues sauvages... je passerai par l’égypte, et je frapperai de mort tous les premiers-nés des hommes et des bêtes, et je ferai justice de tous les dieux de l’égypte ; car je suis le seigneur. Vous mangerez pendant sept jours du pain azyme. Quiconque mangera du pain levé pendant ces sept jours périra de mort. Vous tremperez une poignée d’hysope dans le sang de l’agneau, et vous mettrez de ce sang sur les poteaux et le linteau de votre porte ; car le seigneur passera en frappant les égyptiens. Et lorsqu’il verra ce sang sur les deux poteaux de vos portes, il passera outre, et ne permettra pas à l’exterminateur d’entrer dans vos maisons [21]. Et sur le milieu de la nuit le seigneur égorgea tous les premiers-nés de l’égypte, depuis le prince, fils aîné du pharaon assis sur son trône, jusqu’au premier-né de l’esclave, et jusqu’au premier-né des animaux... pharaon s’étant donc levé la nuit, il y eut une clameur de désolation dans l’égypte ; car il n’y avait pas maison où il n’y eût quelqu’un d’égorgé. Pharaon envoya vite chercher Mosé et Aaron pendant la nuit, et leur dit : partez au plutôt vous et les enfans d’Israël. [22] alors les enfans d’Israël firent comme Mosé leur avait enseigné. Ils emprunterent des égyptiens des vases d’or et d’argent et des habits ; et étant partis de Ramessès ils vinrent au nombre de six cents mille hommes de pied, une troupe innombrable se joignit encore à eux, et ils avaient prodigieusement de brebis et de bêtes à cornes. Le temps de la demeure des enfans Israël dans l’égypte fut de quatre cents trente ans. Or pharaon ayant ainsi laissé aller les israëlites, Dieu ne voulut pas les conduire dans le Canaan par la terre des palestins ou philistins, qui est toute voisine ; [23] mais il leur fit faire un long circuit dans le désert qui est sur la mer rouge ; et ils sortirent ainsi en armes de l’égypte... or le seigneur marchait devant eux, et leur montrait le chemin pendant le jour par une colonne de nuée, et la nuit par une colonne de feu. [24]. Or Dieu parla à Mosé, disant : dites aux enfans d’Israël qu’ils aillent camper vis-à-vis de Baal-Séphon, sur le rivage de la mer ; car pharaon va dire, ils sont enfermés dans le désert, et j’endurcirai son cœur... [25]. Pharaon fit donc atteler son char, et prit avec lui tout son peuple aux six cents chars de guerre choisis [26] et tous les chefs de l’armée ; car le seigneur avait endurci le cœur du pharaon roi d’égypte ; ... et le seigneur dit à Mosé : pourquoi cries-tu à moi, dis aux enfans d’Israël qu’ils marchent ; [27] et Mosé ayant étendu sa main sur la mer, le seigneur enleva la mer par un vent brûlant toute la nuit ; et la mer fut à sec, et l’eau fut divisée, et les israëlites entrerent au milieu de la mer séchée ; car l’eau était comme un mur à leur droite et à leur gauche... en ce jour les israëlites virent les corps morts des égyptiens, et l’exécution grande que la main du seigneur avait faite. Alors Mosé et les enfans d’Israël chanterent un cantique au seigneur... Marie la prophétesse, sœur d’Aaron, prit un tambour à la main ; toutes les autres femmes danserent avec elle. [28]. Mosé étant parti de la mer rouge, les israëlites allerent dans le désert de Sur, et ayant marché dans cette solitude ils ne trouverent point d’eau, et ils arriverent à Mara où l’eau était extrêmement amere. Mosé cria au seigneur, qui lui montra un bois, lequel ayant été jeté dans l’eau elle devint douce. Le quinzieme jour du second mois depuis la sortie d’égypte, le peuple vint au désert de Sin, entre Elim et Sinaï ; et ils murmurerent dans ce désert contre Mosé et Aaron ; ils dirent : plût à dieu que nous fussions morts dans l’égypte par la main du seigneur ; nous étions assis sur des marmites de viandes, et nous mangions du pain tant que nous voulions. [29]

Alors Dieu dit à Mosé : je vais leur faire pleuvoir des pains du ciel... et Mosé dit à Aaron, dites à l’assemblée des enfans d’Israël qu’ils se présentent devant le seigneur ; et ils virent la gloire du seigneur qui parut dans une nuée. Et Dieu dit à Mosé : dis-leur que ce soir ils mangeront de la chair, et demain matin ils seront rassasiés, et vous saurez tous que je suis le seigneur votre Dieu. Et le soir donc tout le camp fut couvert de cailles, et le matin tous les environs furent chargés d’une rosée qui ressemblait à la bruine qui tombe sur la terre. Et les enfans d’Israël ayant vu cela, se disaient l’un et l’autre Manhu ; et Mosé leur dit : c’est le pain que Dieu vous a donné à manger. [30]. . Cependant Amalec vint attaquer Israël au camp de Raphidim. Et Mosé dit à Josué : choisissez des combattans et sortez du camp pour combattre Amalec ; demain je me tiendrai sur le haut de la montagne avec la verge de Dieu dans ma main. Josué fit comme Mosé l’avait dit, et il combattit contre Amalec. Or Mosé, Aaron, et Ur, s’en allerent au haut de la colline ; et quand Mosé levait ses mains en haut, Israël était vainqueur, mais quand il laissait tomber un peu ses mains, Amalec l’emportait... or Aaron et Ur lui soutinrent les mains des deux côtés ; Josué donc mit en fuite Amalec, et tua toute son armée. Et Dieu dit à Mosé : écrivez cela dans un livre, et dites la chose aux oreilles de Josué ; car j’abolirai la mémoire d’Amalec sous le ciel. [31] au troisieme mois depuis la sortie d’égypte, les enfans d’Israël vinrent dans le désert de Sinaï ; et Mosé monta vers Dieu, et Dieu l’appella du haut de la montagne, et Dieu lui dit : va-t-en dire aux enfans d’Israël, si vous écoutez ma voix et si vous observez mon pacte vous serez mon peuple particulier par-dessus les autres peuples... je viendrai donc à toi dans une nuée épaisse, afin que ce peuple m’entende parlant à toi, et qu’il te croie à jamais. Va donc vers ce peuple, et qu’aujourd’hui et demain il lave ses vêtemens. Et lorsqu’ils seront prêts pour le troisieme jour, Dieu descendra en présence de tout le peuple sur le mont de Sinaï. Et tu diras au peuple : gardez-vous de monter sur la montagne, et de toucher même au pied de la montagne, quiconque touchera la montagne mourra de mort... le troisieme jour étant arrivé, voilà qu’on entendit des tonnerres, que les éclairs brillerent, que la trompette fit un bruit épouvantable ; et le peuple fut épouvanté, et Mosé parlait à Dieu, et Dieu lui répondait, et Mosé étant descendu vers le peuple lui raconta tout, et Dieu parla de cette maniere. [32] tu ne feras aucun ouvrage de sculpture, ni aucune image de tout ce qui est dans le ciel en haut, ni dans la terre en bas, ni dans les cieux sous la terre... je suis ton dieu fort, je suis le dieu jaloux, punissant les iniquités des peres jusqu’à la troisieme et quatrieme génération de tous ceux qui me haïssent, faisant miséricorde en mille générations à ceux qui m’aiment... tu ne monteras point à mon autel par des degrés, afin de ne point découvrir ta nudité... si quelqu’un frappe son esclave ou sa servante, et s’ils meurent entre ses mains, il sera coupable d’un crime ; mais si son esclave survit un jour ou deux il ne sera sujet à aucune peine, parce que l’esclave est le prix de son argent... oeil pour oeil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied... si un taureau frappe de ses cornes un homme, ou une femme, on lapidera le taureau ; et on ne mangera point sa chair... vous punirez de mort les magiciens, celui qui aura fait le coï avec une bête, celui qui sacrifie aux dieux... tu ne diras point de mal des dieux, et tu ne maudiras point les princes de ton peuple... tu ne différeras point à payer les dixmes... [33] J’enverrai la terreur de mon nom au-devant de vous ; j’exterminerai tous les peuples chez lesquels vous irez. J’enverrai d’abord des frélons et des guepes, qui mettront en fuite le hêvéen, le cananéen, l’éthéen[34]Les limites de votre terre seront depuis la. mer Rouge jusqu’à la mer de la Palestine, et jusqu’au fleuve de l’Euphrate : je livrerai entre vos mains tous les habitans de la terre, et je les chasserai de devant votre face... quand tu feras le dénombrement des enfans d’Israël, ils donneront tout le prix de leur ame au seigneur ; et il n’y aura point de plaie parmi eux quand ils auront été dénombrés ; et tous ceux qui auront été dénombrés donneront la moitié d’un sicle selon la valeur du sicle du temple [35]. Le sicle vaut vingt oboles ; et la moitié du sicle sera offert au seigneur. Prenez des aromates, pour le poids de cinq cents sicles de myrrhe, deux cents cinquante sicles de cinamum, pour deux cents cinquante sicles de cannes, cinq cents sicles de casse[36] ; vous en ferez une huile sainte selon l’art du parfumeur ; quiconque y touchera sera sanctifié, et quiconque en fera de pareille, et en donnera à un étranger, sera exterminé


Dieu dit aussi à Mosé : prends tous ces aromates, ajoutes-y du stacté, de l’onyx, du galbanum, de l’encens... tout homme qui en fera de semblables pour en sentir l’odeur, sera exterminé[37]... et le seigneur ayant achevé tous ces discours sur le mont Sinaï, donna à Mosé deux tables de pierre contenant son témoignage, écrit avec le doigt de Dieu. Or le peuple voyant que Mosé tardait à descendre de la montagne, s’assembla autour d’Aaron, et dit : leve-toi, fais-nous des dieux qui marchent devant nous ; car nous ignorons ce qui est arrivé à cet homme qui nous a fait sortir de l’égypte. Et Aaron leur dit : prenez vos boucles d’oreilles, et celle de vos fils, et de vos filles ; et le peuple ayant apporté ses boucles d’oreilles, il en fit un veau d’or en fonte ; et ils dirent : voilà tes dieux, ô Israël... et Aaron dressa un autel devant le veau ; et dès le matin on lui offrit des holocaustes. Alors le seigneur parla à Mosé, et lui dit : va, et descends [38] Et lorsque Mosé fut arrivé près du camp, il vit. le veau et les danses ; et de colere il jetta les tables et les brisa, et prenant le veau qu’ils avaient fait il le mit au feu, et le réduisit en poudre, et répandit cette poudre dans l’eau, et en donna à boire aux fils d’Israël. Puis Mosé se mit à la porte du camp, et dit : si quelqu’un est au seigneur, qu’il se joigne à moi ; et les enfans de Lévi s’assemblerent autour de lui, et il leur dit. Voici ce que dit le seigneur : allez, et revenez d’une porte à l’autre par le milieu du camp, et que chacun tue son frere, son ami, et son prochain [39]. Le seigneur frappa donc le peuple pour le crime du veau qu’avait fait Aaron [40]  ; et le seigneur parla donc à Mosé, et lui dit : va,pars de ce lieu, et entre dans le pays que j’ai juré de donner à Abraham, à Isaac, et à Jacob ; et j’enverrai un ange pour chasser les cananéens, les amorrhéens, les héthiens, les hévéens, les phéréséens, et les jébuséens... or le seigneur parlait à Mosé face à face, comme un homme parle à son ami... puis le seigneur lui dit : je marcherai devant toi, et je te procurerai du repos... Mosé repartit : fais-moi voir ta gloire. Dieu répondit : je te montrerai tous les biens ; et en passant devant toi, je te ferai voir ma gloire ; je crierai moi-même en prononçant mon nom ; je ferai miséricorde à qui je voudrai. Et il dit de plus : tu ne pourras voir ma face, car nul homme ne me verra sans mourir ; mais il y a une façon de me voir ; tu te mettras sur le rocher, et quand ma gloire passera, je te mettrai dans une fente du rocher, et je te cacherai de ma main, tu verras mon derriere ; mais tu ne pourras pas voir mon visage. Lorsque Mosé sortait du tabernacle, les israëlites voyaient que sa face était cornue [41]. Mais il couvrait son visage quand il avait à leur parler... tout l’or que l’on employa pour les ouvrages du sanctuaire, et tout ce qui fut offert par le peuple, fut de vingt-neuf talens sept cents trente sicles, selon l’évaluation du sanctuaire. Et il fut offert, par tous ceux qui étaient au-dessus de vingt ans, la somme de cent talens d’argent... on fit aussi les vêtemens dont Aaron devait se revêtir, d’hyacinte, de pourpre, d’écarlatte et de lin, et on lui fit un éphod d’or, d’hyacinte, de pourpre, d’écarlate et de lin ; et on coupa des feuilles d’or qu’on réduisit en fil d’or mince ; et on tailla deux pierres d’onyx hassées dans de l’or, sur lesquelles on grava les noms des enfans d’Israël. Le rational fut orné de quatre rangs de pierres précieuses enchassées dans de l’or : sardoine, topase, émeraude, escarboucle, saphir, jaspe, ligure, agathe, améthyste, chrysolythe, onyx, et béril.


    a repris sa premiere stérilité ; il s’en faut beaucoup qu’elle vaille aujourd’hui la Corse, à laquelle elle ressemble parfaitement.

  1. il n’est pas aisé de nombrer ces soixante et dix personnes sorties de Jacob. Cependant saint étienne dans son discours en compte soixante et quinze. (Note de voltaire.)
  2. il y a une grande dispute entre les savants pour savoir quel était ce nouveau roi. Manéthon dit qu’il vint de l’orient des hommes inconnus qui détronerent la race des pharaons du temps d’un nommé Timaüs, que ce roi s’appellait Salathis, qu’il s’établit à Memphis, c’est-à-dire à Moph nommé Memphis par les grecs, et que les rois de la race de Salathis régnerent deux cent cinquante ans : mais ensuite il dit qu’ils posséderent l’égypte cinq cents onze ans. Après quoi ils furent chassés. L’historien Flavien Joseph dit tout le contraire, et prétend que cette nation venue d’orient était celle des israëlites. Lorsque les événemens sont obscurs dans une histoire, que faire ? Il faut les regarder comme obscurs. (id.)
  3. ce roi tient là un singulier discours. Il semble qu’au lieu de craindre que les israëlites vainqueurs ne s’en allassent, il devait craindre qu’ils ne restassent, et qu’ils ne regnassent à sa place : on ne s’enfuit gueres d’un beau pays dont on s’est rendu le maître. (id.)
  4. apparemment que la ville de Ramessès tira son nom de l’endroit où il est dit que Joseph avait établi ses freres. (Note de Voltaire.)
  5. on peut remarquer que les femmes israëlites furent exceptées en égypte de la malédiction prononcée dans la genese contre toutes les femmes condamnées à enfanter avec douleur. On a dit que deux accoucheuses ne suffisaient pas pour aider toutes les femmes en mal d’enfant, et pour tuer tous les mâles. On suppose que ces deux sages femmes en avaient d’autres sous elles. (id.)
  6. si la terre de Gessen était dans le nome arabique entre le mont Casius et le désert d’éthan, comme on l’a prétendu, il ne laisse pas d’y avoir loin delà au Nil ; il fallait faire plusieurs lieues pour aller noyer les enfans. (Id.)
  7. les critiques ont dit, que la fille d’un roi ne pouvait se baigner dans le Nil, non-seulement par bienséance, mais par la crainte des crocodiles. De plus, il est dit, que la cour était à Memphis au-delà du Nil. Et de Memphis à la terre de Gessen il y a plus de cinquante lieues de deux mille cinq cents pas. Mais il se peut que la princesse fût venue dans ces quartiers avec son pere. L’auteur de l’ancienne vie de Mosé* en trente six partie, laquelle*Voyez tome XXVI, page 207 ; et XXVIII, 179 paraît écrite du temps des rois, dit, que soixante ans après la mort de Joseph, le pharaon vit en songe un vieillard tenant en main une balance. Tous les habitans de l’égypte étaient dans la balance, et dans l’autre il n’y avait qu’un enfant dont le poids égalait celui de tous les habitans de l’égypte. Le roi appella tous ses mages. L’un d’eux lui dit, que sans doute cet enfant était un hébreu qui serait fatal à son royaume. Il y avait alors en égypte un lévite nommé Amran, qui avait épousé sa sœur utérine appellée Jocabed. Il en eut d’abord une fille nommée Marie ; ensuite Jocabed lui donna Aaron, ainsi appellé parce que le roi avait ordonné de noyer tous les enfans hébreux. Trois ans après il eut un fils très beau, qu’il cacha dans sa maison pendant trois mois. L’auteur raconte ensuite l’avanture de la princesse qui adopta l’enfant et qui l’appella Mosé , sauvé des eaux, mais son pere l’appella Chabar , sa mere l’appella Jécothiel , sa tante Jared . Aaron le nomma Abizanah , et ensuite les israëlites lui donnerent le nom de Nathanaël . Mosé n’avait que trois ans lorsque le roi se maria et qu’il donna un grand festin ; sa femme était à sa droite, et sa fille était avec le petit Mosé à sa gauche ; cet enfant en se jouant prit la couronne du roi, et se la mit sur la tête. Le mage Balaam eunuque du roi lui dit, seigneur, souviens-toi de ton rêve ; certainement l’esprit de Dieu est dans cet enfant. Si tu ne veux que l’égypte soit détruite, il faut le faire mourir. Cet avis plut beaucoup au roi. On était prêt de tuer le petit Mosé, lorsque Dieu envoya l’ange Gabriel, qui prit la figure d’un des princes de la cour de pharaon, et dit au roi, je ne crois pas qu’on doive faire mourir un enfant qui n’a pas encore de jugement, mais il faut l’éprouver : présentons-lui à choisir d’une perle ou d’un charbon ardent. S’il choisit le charbon, ce sera une preuve qu’il est sans raison, et qu’il n’a pas eu mauvaise intention en prenant la couronne royale ; mais s’il prend la perle, ce sera une preuve qu’il a du jugement ; et alors on pourra le tuer. Aussi-tôt on met devant Mosé un charbon ardent, et une perle ; Mosé allait prendre la perle ; mais l’ange lui arrêta la main subtilement, et lui fit prendre le charbon qu’il porta lui-même à sa langue. L’enfant se brûla la langue et la main ; et c’est ce qui le rendit begue pour le reste de sa vie. L’historien Flavius Joseph avait lu sans doute l’auteur juif que nous citons ; car il dit dans son livre second, chapitre cinq, qu’un des mages égyptiens, un des grands prophêtes du pharaon, lui dit qu’il y avait un enfant parmi les hébreux, dont la vertu serait un prodige, qu’il réleverait sa nation et qu’il humilierait l’égypte entiere. Ensuite Flavien Joseph raconte comment le petit Mosé à l’âge de trois ans prit le diademe du roi et marcha dessus, et comment un prophête du pharaon conseilla au roi de le faire mourir. Toutes ces différentes leçons ont fait dire aux savants, qu’il en a été de l’histoire sacrée de Moyse, comme de l’histoire profane d’Hercule à quelques égards, et que chaque auteur qui en a parlé y a mis beaucoup du sien, en ajoutant à la sainte écriture des aventures dont elle ne parle pas. (note de Voltaire.)
  8. l’auteur hébreu cité ci-dessus dit au contraire, que Mosé alla en éthiopie, étant alors âgé de treize ans, mais grand, bien fait, et vigoureux. Qu’il combattit pour le roi d’éthiopie contre les arabes, et qu’après la mort du roi d’éthiopie Nécano, la veuve de ce monarque épousa Mosé, qui fut élu roi. Ce jeune homme dit l’auteur, honteux de coucher avec la reine dont il avait été le domestique et le soldat, n’osa jamais prendre la liberté de lui rendre le devoir conjugal, sachant d’ailleurs que Dieu avait défendu aux israëlites d’épouser des étrangeres. Il eut toujours la précaution de mettre une épée dans le lit entre lui et la reine, afin de n’en point approcher. Ce manege dura quarante ans. Et, enfin, la reine ennuyée d’un mari qui mettait toujours une grande épée entre lui et elle, résolut de renvoyer Mosé et de faire couronner le fils qu’elle avait eu du roi Nécano. Les grands du royaume assemblés renvoyerent Mosé avec quelques présents, et il se retira alors chez Jethro dans le pays de Madian. Flavien Joseph raconte cette histoire tout autrement ; mais il assure que Mosé fit la guerre en éthiopie, et qu’il épousa la fille du roi. Remarquons seulement ici, que l’auteur juif cité ci-dessus rapporte beaucoup de miracles faits en éthiopie par Mosé, et par les deux fils du mage Balaam nommés Jannès et Mambrès dont il est parlé dans l’écriture. Remarquons encore que ce Jannès et ce Mambrès étaient les enfants d’un eunuque ; ce qui était le plus grand des miracles. Nous en verrons bientôt d’aussi incompréhensibles et de plus respectables. N’oublions pas d’observer que Flavien Joseph fait arriver Mosé dans le Madian sur le rivage de la mer rouge. Mais il est difficile de prouver qu’il y ait eu un pays nommé Madian sur cette mer. La sainte écriture ne parle que du Madian situé à l’orient du lac Asphaltide, ou lac de Sodome, qui est en effet l’un des déserts de l’Arabie pétrée. Ce fut là que Mosé roi d’éthiopie arriva seul à pied après une marche de trois cents lieues, s’il était parti d’éthiopie.
  9. tous les héros de l’antiquité marchent à pied quand ils n’ont pas de chevaux aîlés, et prennent toujours la défense des filles, qu’on leur donne souvent en mariage. On croirait que les auteurs de ces romans auraient copié les vérités hébraïques, s’ils avaient pu les connaître. Nous avons déjà remarqué* une grande conformité entre l’histoire sacrée du peuple de Dieu, et les fables profanes. (Id.)*Tome XXVI, page 202; XXVII, 89 ; XXVIII, 222
  10. on sait qu’Oreb n’est pas le mont Sinaï ; mais qu’il en est fort proche ; qu’il n’y a point d’eau au mont Sinaï, mais qu’au mont Oreb il y a trois fontaines : nous nous en rapportons aux voyageurs qui ont été dans ces pays affreux. Il est triste u’ils se contredisent presque tous. Flavien Joseph ne parle point de cette apparition de Dieu dans le buisson ardent. Il supprime ou il exténue souvent les miracles que les livres saints rapportent, et nous croyons aux livres saints plus qu’à lui. (Id.)
  11. on n’entrait point dans les temples avec des souliers en Asie et en égypte ; c’est une coutume qui s’est conservée dans tout l’orient. Quelques critiques inferent encore delà que ce livre fut écrit après que les juifs eurent bâti un temple ; car, disent-ils, qu’importait à Dieu que Mosé marchât chaussé ou nud-pié dans l’horrible désert d’Oreb. Ils ne considerent pas que c’est delà, peut-être, qu’est venu l’usage dans les pays chauds d’entrer dans les temples, sans souliers.
  12. nous ne demandons pas ici comme les impies, pourquoi Dieu ne donne pas la superbe et fertile égypte à son peuple chéri, mais ce petit pays assez mauvais, où il est dit qu’il coule des fleuves de lait et de miel, et qui, tout petit qu’il est, n’a jamais été possédé ni entiérement, ni paisiblement par les juifs, où même ils furent esclaves à plusieurs reprises l’espace de cent quatre ans, selon leurs propres livres. Nous n’avons pas la criminelle insolence d’interroger Dieu sur ses desseins. Nous produirons seulement ici la lettre de saint Jérôme à Dardanus, écrite l’an 414 de notre ère ; c’est la lettre 85. Voici la traduction fidele faite par les bénédictins de saint Maur. " je prie ceux qui prétendent que le peuple juif après sa sortie de l’égypte prit possession de ce pays, de nous faire voir ce que ce peuple en a possédé. Tout son domaine ne s’étendait que depuis Dan jusqu’à Bersabé, (cinquante-trois lieues de long). J’ai honte de dire quelle est la largeur de la terre promise. On ne compte que quinze lieues depuis Joppé jusqu’à Bethléem, après quoi on ne trouve plus qu’un affreux désert habité par des nations barbares... vous me direz peut-être, ô juifs, que par la terre promise on doit entendre celle dont Moyse fait la description dans le livre des nombres ; mais vous ne l’avez jamais possédée... et on me promet à moi dans l’évangile la possession du royaume du ciel, dont il n’est fait aucune mention dans votre ancien testament... vous êtes devenus esclaves de tous les peuples que vous avez eus pour voisins " . Nous pouvons ajouter à la lettre de saint Jérôme, que nous avons vu plus de vingt voyageurs qui ont été à Jérusalem, et qui nous ont tous assuré que ce pays est encore plus mauvais qu’il ne l’était du temps de saint Jérôme, parce qu’il n’y a plus personne qui le cultive, et qui porte de la terre sur les montagnes arides dont il est hérissé, pour y planter de la vigne comme autrefois. Nous avons peine à concevoir comment un docteur anglican nommé Shaw, qui n’a fait que passer à Jérusalem, peut être d’un avis contraire à saint Jérôme qui demeura vingt ans à Bethléem, et qui était d’ailleurs le plus savant des peres de l’église. Il ose opposer les fictions de Pietro Della Vallé, au témoignage irréfragable de saint Jérôme. Si ce Shaw avait bien vu, il ne chercherait pas à s’appuyer des mensonges d’un voyageur tel que Pietro Della Vallé. Tout ce que nous pouvons dire sur la Judée, c’est que les juifs, à force de soins et des plus pénibles travaux, parvinrent à recueillir du vin, de l’orge, du seigle, des olives et des herbes odoriferantes, qui se plaisent dans les pays chauds et arides. Mais dès que cette terre a été rendue à elle-même, elle
  13. les critiques reprennent Mosé d’avoir demandé à Dieu son nom. Ils disent que puisqu’il le reconnaissait pour le dieu du ciel et de la terre, il ne devait pas supposer qu’il eût un nom appélatif, comme on en a donné aux hommes et aux villes. Que Dieu ne s’appelle ni Jean, ni Jacques ; et que les israëlites ne l’auraient pas plus reconnu à ce nom de eheich qu’à tout autre nom. Ce mot de eheich est ensuite changé en celui de Jehovah qui signifie, dit-on, destructeur, et que quelques-uns croient signifier créateur. Les égyptiens le prononçaient jaou ; et quand ils entraient dans le temple du soleil ils portaient un philactere sur lequel jaou était écrit. Origene, dans son premier livre contre Celse, dit qu’on se servait de ce mot pour exorciser les esprits malins. Saint Clément d’Alexandrie, dans son cinquieme livre des stromates, assure qu’il n’y avait qu’à prononcer ce mot à l’oreille d’un homme pour le faire tomber roide mort, et que Moyse l’ayant prononcé à l’oreille de Nechefre roi d’égypte, ce monarque en mourut subitement. Ce mot jaou signifiait dieu chez les anciens arabes ; et c’est encore le mot sacré dans les prieres des mahometans. Sanchoniathon, le plus ancien des auteurs dans cette partie du monde, écrit jévo. Origene et Jérôme veulent qu’on prononce jao. Les samaritains, qui s’éloignaient en tout des autres juifs, prononçaient javé. C’est delà que vient le nom de jovis, jovispiter, jupiter, chez les anciens toscans et chez les latins. Les grecs firent de jéhova leur heus, qui était le premier des dieux, le grand dieu. C’est ainsi qu’ils prononcerent theos, les latins deus, et nous dieu ; c’est ainsi que les allemands prononcent gott. Les peuples de la Scandinavie gud, les anglais god. Origene est fermement persuadé qu’on ne peut faire aucune opération magique qu’avec le nom de jéhova. Il affirme que si on se sert de tout autre nom, il sera impossible de produire aucun enchantement.
  14. plusieurs commentateurs disputent ici sur la prescience, sur la liberté, et sur le futur contingent. Dieu sait positivement que pharaon n’écoutera point Mosé ; et cependant le pharaon sera libre de l’écouter. On a fait un très grand nombre de volumes sur cette question, qu’on a toujours creusée et dont on n’a pas encore apperçu le fond. Il suffit de savoir que Dieu est tout puissant, et que l’homme est libre pour mériter ou démériter. Qu’on soit libre, ou qu’on ne le soit pas, les hommes agiront toujours comme s’ils l’étaient.
  15. les critiques disent qu’il y a dans cette conduite un vol manifeste. Le curé Meslier, et Woolston après lui, reprochent aux juifs que tous leurs ancêtres sont des voleurs : qu’Abraham vola le roi d’égypte et le roi de Gérar en leur fesant accroire que Sara n’était que sa sœur, et en extorquant d’eux des présens : qu’Isaac vola le même roi de Gérar par la même fraude : que Jacob vola à son frere Esaü son droit d’ainesse : que Laban vola Jacob son gendre, lequel vola son beau pere : que Rachel vola à Laban son pere jusqu’à ses dieux : que tous ses enfans volerent les sichémites après les avoir égorgés ; que leurs descendans volerent les égyptiens, et qu’ensuite ils allerent voler les cananéens. On ferme la bouche à ces détracteurs, par ces seuls mots : Dieu est le maître de nos biens et de nos vies. C’est en vain qu’ils répondent, que tous les voleurs de la terre en pourraient dire autant : Dieu n’a pas inspiré les voleurs ; mais il a inspiré les juifs. On connait d’ailleurs assez l’histoire apocryphe du procès que les égyptiens firent aux juifs par devant Alexandre lorsqu’il passa par Gaza. Les juifs redemandaient le payement des corvées qu’ils avaient faites pour bâtir les pyramides, et qu’on ne leur avait point payées. Leurs adversaires redemandaient aux juifs tout ce qu’ils avaient volé en s’enfuyant d’égypte. Alexandre jugea que l’un irait pour l’autre, et les renvoya hors de cour et de procès, dépens compensés.
  16. tous les magiciens, ou ceux qui passerent pour tels, eurent une verge. Les magiciens de pharaon avaient la leur. Tous les joueurs de gobelets ont leurs verges. C’est par tout le signe caractéristique des sorciers. On voit que le mensonge imite toujours la vérité.
  17. il y a ici quelques petites difficultés. Mosé, au lieu d’obéir à Dieu, et d’aller en égypte, s’en va dans le Madian chez son beau-pere. Et Dieu qui lui avait commandé de faire trembler le roi d’égypte en son nom, va lui dire en Madian que ce roi est mort et qu’il peut aller en égypte en sûreté. C’était donc à un nouveau roi que Moyse devait porter les ordres de Dieu. Mais le texte ne nous apprend ni le nom du roi dernier mort, ni celui de son successeur. Quelques commentateurs ont dit que ce successeur était Aménophis, mais ils n’en donnent aucune preuve ; et c’est ce qui leur arrive assez souvent. Il est vrai que Mosé aurait risqué sa vie en allant en égypte ; il était coupable du meurtre d’un égyptien, c’était un crime capital dans un israëlite. Il aurait pu être exécuté si Dieu ne l’avait pas pris sous sa protection, dont il semblait pourtant se défier malgré les miracles de la verge changée en couleuvre, et de la main lépreuse. C’est encore unbeau miracle que Dieu veuille tuer Mosé dans un cabaret. (Note de Voltaire.)
  18. nos critiques ne cessent de s’étonner que l’ambassadeur de Dieu, qui va faire le destin d’un grand empire, marche à pied sans valet, et mette toute sa famille sur une bourique. Ils sont révoltés que Dieu dise, j’endurcirai le cœur de pharaon. Cela leur parait d’un génie malfaisant plutôt que d’un dieu. Le Lord Bolingbroke s’en explique aigrement dans ses œuvres postumes. Dieu, qui rencontre Mosé dans un cabaret, et qui veut le tuer parce qu’il n’a pas circoncis son fils, excite toute la mauvaise humeur de Bolingbroke, d’autant plus que nul juif ne fut circoncis en égypte, et qu’il n’est dit nulle part que Mosé eut le prépuce coupé. Ce lord avait un grand génie ; on lui reproche d’avoir usé à l’excès de la liberté de son pays.
  19. il est évident ici que l’égypte ne reconnaissait plus le dieu des hébreux. On croit qu’en ce cas pharaon n’est point coupable de dire : qui est donc ce dieu ? Il ne devient criminel que lorsque les miracles de Mosé et d’Aaron, supérieurs aux miracles de ses mages, ne purent le toucher. Cependant, quand on songe que ces mages d’égypte changent leurs verges en serpents, et toutes les eaux en sang, tout aussi bien que les ambassadeurs du vrai dieu, quand ils font naître des grenouilles ainsi qu’eux, on est tenté de pardonner à l’embarras où se trouva le roi. Ce ne fut que quand les deux hébreux firent naître des poux, que les mages commencerent à ne pouvoir plus les imiter. On pourrait donc dire que le roi crut, avec quelque apparence, que tout cela n’était qu’un combat entre des magiciens, et que les enchanteurs hébreux en savaient plus que ceux de l’égypte. Dieu pouvait, nous dit-on, ou donner l’égypte à son peuple, ou le conduire dans le désert sans tant de peine, et sans tant de miracles. On est surpris que le dieu de la nature entiere s’abaisse à disputer de prodiges avec des sorciers. De sages théologiensont répondu, que c’est précisément parce que Dieu est le maître de la nature qu’il accordait aux magiciens égyptiens le pouvoir de disposer de la nature et qu’il bornait ce pouvoir à trois ou quatre miracles. Cette réponse ne satisfait pas les incrédules, parce que rien de tout ce qui est dans ce livre sacré ne les contente. Ils trouvent surtout que pharaon n’était point coupable, puisque Dieu prenait le soin lui-même d’endurcir son cœur. Enfin, ils nient toute cette histoire d’un bout à l’autre... etc. Nous prions Dieu de ne point endurcir leur cœur.
  20. les critiques sont encore plus hardis sur cette partie de l’histoire sacrée que sur toutes les autres. Ils ne peuvent souffrir d’abord, que Dieu recommande si souvent et si expressément de commencer par voler tous les vases d’or et d’argent du pays ; et ensuite, que Dieu, selon la lettre du texte égorge de sa propre main tous les premiers-nés des hommes et des animaux, depuis le fils aîné du roi jusqu’au premier-né du plus vil des animaux. à quoi bon, disent-ils, tuer aussi les bêtes ? Et pourquoi sur-tout les enfans à la mamelle qui étaient les premiers-nés des jeunes femmes ? Pourquoi cette exécrable boucherie exécutée par la main du Dieu du ciel et de la terre ? Le seul fruit qu’il en retire est d’aller conduire et faire mourir son peuple dans un désert. Nous avouons que la faible raison humaine pourrait s’effrayer de cette histoire, s’il fallait s’en tenir à la lettre ; mais tous les peres conviennent que c’est une figure de l’église de Jésus-Christ ; et la pâque, dont nous allons parler, en est une preuve merveilleuse.
  21. il est défendu de manger du pain levé pendant la semaine de pâques sous peine de mort. Cette loi semble abrogée chez nous. L’église même ne commande plus qu’on mange l’agneau pascal ; de-même qu’elle n’ordonne plus qu’on mette du sang à sa porte. Ce sang était une marque pour avertir Dieu de ne point entrer dans la maison et de n’y tuer personne. Il est difficile de calculer le nombre des enfans que Dieu massacra cette nuit. Les hébreux qui s’enfuirent du pays de Gessen étaient au nombre de six cents mille combattans ; ce qui suppose six cents mille familles. Le pays de Gessen est la quarantieme partie de l’égypte depuis Meroé jusqu’à Péluse. On peut donc supposer que le reste de l’égypte contenait vingt quatre millions de familles, par la regle de trois : ainsi Dieu tua de sa main ce nombre épouvantable de premiers-nés, et beaucoup plus d’animaux. Cela peut n’être regardé que comme une figure.
  22. alors donc le pharaon se laisse fléchir, et permet aux israëlites d’aller sacrifier à leur dieu dans le désert. Remarquons que les égyptiens alors n’avaient pas le même dieu que les israëlites, puisqu’il est dit que Dieu fit justice de tous les dieux de l’égypte. On dispute sur la nature de ces dieux : étaient-ils des animaux, ou de mauvais génies, ou de simples statues ? La plus commune opinion est que les égyptiens consacraient déjà des bêtes dans leurs temples, et même des légumes. Sanconiathon, qui vivait longtems avant Moyse (comme Cumberland le prouve) le dit expressément, et leur en fait un grand reproche.
  23. il parait fort extraordinaire que Dieu, ayant promis si souvent la terre de Canaan aux israëlites, ne les y mene pas tout droit, mais les conduise par un chemin opposé dans un désert où il n’y a ni eau ni vivres. Calmet dit, que c’est de peur que les cananéens ne les battissent. Cette raison de Calmet est fort mauvaise ; car il était aussi facile à Dieu d’égorger tous les premiers-nés cananéens que les premiers-nés égyptiens. Il vaut bien mieux dire que les desseins de Dieu sont impénétrables.
  24. les incrédules ont dit que cette colonne de nuée était inutile pendant le jour, et ne pouvait servir qu’à empêcher les juifs de voir leur chemin. C’est une objection très frivole. Dieu même était leur guide, et ils ne savaient pas où ils allaient.
  25. tous les géographes ont placé Baal-Séphon, ou Bel-Séphon, au-dessus de Memphis sur le bord occidental de la mer rouge, plus de cinquante lieues au-dessus de Gessen, d’où les juifs étaient partis. Dieu les ramenait donc tout au milieu de l’égypte, au lieu de les conduire à ce Canaan tant promis ; mais c’était pour faire un plus grand miracle ; car il dit expressément : je veux manifester ma gloire en perdant pharaon et toute son armée ; car je suis le seigneur.
  26. s’il y avait environ vingt-quatre millions de familles en égypte, l’armée de pharaon dut être de vingt-quatre millions de combattans, en comptant un soldat par famille ; mais Dieu avait déjà tué le premier-né de chaque famille : il faut donc supposer que tous les puinés étaient en âge de porter les armes pour former tout le peuple en corps d’armée. à l’égard des chevaux, il est dit que toutes les bêtes de somme avaient péri par la sixieme plaie, et que tous les premiers-nés étaient morts par la derniere ; mais il pouvait rester des chevaux encore.
  27. les incrédules, et même plusieurs commentateurs, ont voulu expliquer ce miracle. L’historien Flavien Joseph le réduit à rien, en disant qu’il en arriva presque autant au grand Alexandre quand il cotoya la mer de Pamphilie ; et dans la crainte que les romains ne prissent le miracle du passage de la mer Rouge pour un mensonge et ne s’en moquassent, il dit, qu’il laisse à chacun la liberté d’en croire ce qu’il voudra. Il faut bien qu’un historien laisse à son lecteur la liberté de le croire et de ne pas le croire, de l’approuver ou d’en rire. On la prendrait bien sans lui. L’auteur sacré est bien loin d’employer les ménagemens et les subterfuges du juif Flavien Joseph, d’ailleurs très respectable. Il vous donne le passage de six cents mille juifs à travers les eaux de la mer suspendues, et tant de millions d’égyptiens engloutis, comme un des plus signalés prodiges que Dieu ait faits en faveur de son peuple. On a dit, qu’un autre prodige est, qu’aucun auteur égyptien n’ait jamais parlé de ce miracle épouvantable, ni des autres plaies d’égypte ; qu’aucune nation du monde n’a jamais entendu parler ni de cet événement, ni de tout ce qui l’a précédé ; que personne ne connut jamais ni Aaron, ni Séphora, ni Joseph fils de Jacob, ni Abraham, ni Seth, ni Adam. Ils affirment que tout cela ne commença à être un peu connu que longtemps après la traduction attribuée aux septante, comme nous l’avons déjà remarqué. Les desseins de Dieu n’ont pu être accomplis que dans les temps marqués par sa providence.
  28. les critiques font des difficultés sur ce cantique : ils disent qu’il n’est guere probable qu’environ trois millions de personnes, en comptant les vieillards, les femmes et les enfants, à peine échappés d’un si grand péril, aient pu aussi-tôt chanter un cantique, et que Mosé l’ait composé dans l’instant même. Ils demandent en quelle langue était ce cantique. Ils disent qu’il ne pouvait être qu’en égyptien. C’est une objection bien frivole. Il y avait une remarque plus singuliere à faire : c’est que l’ancien livre apocryphe de la vie de Mosé dit que le pharaon échappa, et alla régner à Ninive. On a raison de traiter cette imagination de ridicule. Si vous en croyez Don Calmet, Manéthon dit que le pharaon échappa de ce péril ; mais Manéthon, dont on ne connait quelque peu de passages que par la réponse de Flavien Joseph, ne dit point du tout que l’armée du pharaon fut submergée dans la mer entr’ouverte ; il dit qu’un roi d’égypte nommé Aménophis (qui n’a jamais existé) alla au-devant d’une armée de brigands arabes établis en Palestine, qu’il n’osa en venir aux mains, et qu’il se retira en éthiopie.
  29. les incrédules ne cessent de nous reprocher insolemment que nous leur contons des fables absurdes. Ils ne peuvent pas comprendre que Dieu n’ait pas donné à son peuple cet excellent pays de l’égypte, où il n’y avait plus que des femmes et des enfans. " pourquoi, disent-ils, Mosé, à l’âge de plus de quatre vingts ans, peut-il conduire dans le plus affreux des déserts trois millions d’hommes, au lieu de les mener du moins dans le pays de Canaan en passant par l’Idumée ? Les déserts de Sur, de Mara, d’élim, de Sin, de Raphidim, d’Oreb, de Sinaï, de Pharan, de Cadès-Barné, d’Oboth, de Cadenoth, dans lesquels ils errerent quarante années, ne pourraient pas nourrir trente voyageurs pendant quatre jours, s’ils ne portaient de l’eau et des provisions. Il y a quelques fontaines, à la vérité, au mont Oreb ; mais tout le reste est sec et impratiquable ; plusieurs arabes y tombent quelquefois morts de soif et de faim. Le premier devoir d’un legislateur, tel qu’on nous représente Mosé, est de pourvoir à la subsistance de son peuple. " nous avouons à ces incrédules, que selon les regles de la prudence humaine un général d’armée aurait tort de conduire sa troupe par des déserts. Mais il ne s’agit point ici de raison, de prudence, de vraisemblance, de possibilité physique. Tout est au-dessus dans ce livre, tout est divin, tout est miracle ; et puisque les juifs étaient le peuple de Dieu, il ne devait rien leur arriver de ce qui est commun aux autres hommes. Ce qui paraitrait absurde dans une histoire ordinaire, est admirable dans celle-ci.
  30. Diodore de Sicile liv 1 chap 12 raconte, qu’un roi d’égypte nommé Actisan fit autrefois couper le nés à une troupe de voleurs, qui avaient infesté de leurs brigandages toute l’égypte dans le temps des guerres civiles : qu’il les relégua vers Rinocolure à l’entrée de tous ces déserts. Rinocolure en grec signifie nez coupé , (et apparemment ce mot fut depuis la traduction du mot égyptien). Diodore dit qu’ils habiterent le désert de Sin, et qu’ils firent des filets pour prendre des cailles dans le temps qu’elles passent vers ces climats. Les incrédules, abusant également du texte de Diodore et de celui de l’écriture sainte, croient appercevoir dans ce récit la véritable histoire des juifs. Ils disent que les juifs sont des voleurs de leur propre aveu ; qu’il est très naturel qu’un roi d’égypte, soit Actisan, soit un autre, les ayant relégués dans un désert après leur avoir fait couper le nés, leur race ait conçu une haine implacable contre les égyptiens, et qu’elle ait continué le métier de brigands qu’elle tenait de ses peres. Pour la manne ils n’y trouvent rien d’extraordinaire, si ce n’est qu’elle est un purgatif : ils disent que ce purgatif peut être moins fort que la manne de la Calabre, et qu’on peut s’y accoutumer à la longue ; qu’on trouve encore de la manne dans ces déserts ; mais que c’est une nourriture qui ne peut sustenter personne ; et enfin ils nient le miracle de la manne comme tous les autres. Ils prétendent qu’il était aussi aisé à Dieu de les bien nourrir, que de les mal nourrir ; que si les hommes, les femmes et les enfans, marcherent trois jours entiers dans les sables brulants du désert de Sin sans boire, les femmes et les enfans durent expirer par la soif ; que non seulement Dieu se serait contredit lui-même en les conduisant ainsi lorsqu’il se déclarait leur protecteur et leur pere, mais qu’il était leur cruel homicide ; qu’il est impossible d’admettre dans Dieu tant de déraison et tant de cruauté. Quelques raisons qu’on leur dise ils persistent dans leurs blasphêmes, et nous ne pouvons que les plaindre
  31. Amalec était petit-fils d’ésaü, et il occupa une partie de l’Idumée. Ses descendants devinrent la principale horde de l’Arabie déserte ; et l’on prétend que ce fut la horde dont descendait Hérode, qu’Antoine fit roi de Judée. Ces amalécites furent très longtemps sans avoir de villes ; mais leur vie errante endurcissoit leurs corps, et les rendait redoutables. Les critiques disent, que ce n’était pas la peine de faire mourir dans des déserts le peuple juif, de peur qu’ils ne fussent attaqués par les cananéens, puisqu’ils furent attaqués par des arabes ; et que cette bataille contre Amalec fut très-inutile, puisqu’aucun des israëlites qui combattirent n’entra dans la terre promise, excepté deux personnes : ils trouvent d’ailleurs que Mosé, Aaron et Ur, se conduisirent en lâches, en se cachant sur une montagne pendant que leur peuple exposait sa vie. Ils ne songent pas que Mosé était un vieillard de quatre-vingts ans, et qu’Aaron en avait quatre-vingts trois ; que d’ailleurs Mosé tenait sa verge à la main, et qu’en levant les mains au seigneur il rendait plus de services que tous les combattans ensemble. Le chevalier Folard, qui a fait graver toutes les batailles dont le dictionnaire de Don Calmet est orné, a dessiné la bataille d’Amalec, et a placé Mosé, Aaron, et Ur, sur le sommet du mont Oreb. On voit dans la campagne des troupes disposées à peu près comme elles le sont aujourd’hui, des étendarts semblables aux nôtres, et des chariots dont les roues sont armées de faulx ; ce qui n’est gueres pratiquable dans ce désert. Le texte nous apprend que Dieu ordonna à Mosé d’écrire cette bataille dans un livre ; il n’en faut point chercher d’autre que l’exode même. C’est toujours beaucoup qu’il nous soit resté deux livres aussi anciens que la genese et l’exode. En quelque temps qu’ils aient été écrits, ce sont des monuments très précieux ; les critiques ne peuvent empêcher qu’on y retrouve une peinture des mœurs antiques et barbares. Il est à croire que si nous avions quelques monuments des anciens toscans, des latins, des gaulois, des germains, nous les lirions avec la curiosité la plus avide.
  32. nos critiques remarquent d’abord que la bataille d’Amalec ne fut d’aucune utilité aux juifs, et qu’il semble que cette bataille, dont ils doutent, ne soit rapportée dans l’exode que pour inspirer de la haine contre les amalécites, qui furent leurs ennemis du temps des rois. Ils fondent leurs sentimens sur ce que Dieu même, en parlant à Mosé, ne lui dit pas un mot de ce prétendu combat, et qu’il ne lui parle que de ce qu’il a fait aux égyptiens. On lui fait proposer, disent-ils, les conditions de son pacte avec les hébreux, de la même maniere que les hommes font entr’eux des alliances. On fait descendre Dieu au son des trompettes, comme si Dieu avait des trompettes. On fait parler Dieu comme on ferait parler un crieur d’arrêts. Et il faut supposer que Dieu parlait égyptien ; puisque les hébreux ne parlaient pas d’autre langue, et qu’il est dit dans le pseaume quatre-vingt, que les juifs furent étonnés de ne point entendre la langue qu’on parlait au-delà de la mer Rouge. Toland assure, qu’il est visible que tous ces livres ne furent écrits que longtemps après par quelque prêtre oisif, comme il y en a tant eu, dit-il, parmi nous au douzieme, treizieme, et quatorzieme siecle ; et qu’il ne faut pas ajouter plus de foi au pentateuque qu’aux livres des sibylles, qui furent regardés comme sacrés pendant des siecles. Tous ces blasphêmes font horreur à toute ame persuadée et timorée. Il n’est pas plus surprenant que Dieu ait parlé sur le mont Sinaï au son des trompettes, qu’il ne l’est d’ouvrir la mer Rouge pour faire enfuir son peuple, et pour submerger toute l’armée égyptienne. Si on nie un prodige, on est forcé de les nier tous. Or il n’est pas possible, selon les commentateurs les plus accrédités, que tous ces livres ne soient qu’un tissu de mensonges grossiers. Il est vrai que les premieres histoires théologiques des bracmanes, des prêtres de Zoroastre, de ceux d’Isis, de ceux de Vesta, ne sont que des recueils de fables absurdes ; mais il ne faut pas juger des livres hébreux comme des autres. On a beau dire que si le pentateuque fut écrit dans le désert il ne pouvait l’être qu’en égyptien, et que les hébreux n’étant point encore entrés dans le pays des cananéens, ils ne purent savoir la langue de ces peuples, qui fut depuis la langue hébraïque. En quelque langue que Mosé ou Moïse ait écrit dans le désert, il est aisé de supposer que le pentateuque fut traduit après dans la langue de la Palestine, qui était un idiome du syriaque, puisqu’il fut traduit ensuite en chaldéen, en grec, en latin, et long-temps après en ancien gothique. Les objections des incrédules sont récentes ; et ce livre aurait 2290 ans d’antiquité, quand même il n’aurait été compilé que du temps d’Esdras, comme les critiques le prétendent. Il serait presqu’aussi ancien que la république romaine établie après les tarquins. Les incrédules répondent, qu’un livre, pour être ancien, n’en est pas plus vrai, qu’au contraire presque tous les anciens livres étant écrits par des prêtres, et étant extrêmement rares, chaque auteur se livrait à son imagination, et que la saine critique était entiérement inconnue. Cette maniere de penser renverserait tous les fondements de l’ancienne histoire dans tous les pays du monde ; on ne sauroit plus sur quoi compter. Il faudrait douter de l’histoire de Cyrus, de Crésus, de Pisistrate, de Romulus, de tout ce qui s’est passé dans la Grece avant les olympiades ; et ce scepticisme universel ne ferait qu’un chaos indébrouillable de toute l’antiquité.
  33. nous n’avons spécifié ici de toutes les premieres loix juives, que celles contre lesquelles nos adversaires s’élevent avec le plus de témérité. Si on les en croit, la défense de faire aucune image n’a jamais été observée. Mosé lui-même fit sculpter des cherubs des bœufs ou des veaux, qu’il plaça sur l’arche ambulatoire. Il fit faire un serpent d’airain. Salomon mit des veaux de bronze dans le temple qu’il fit bâtir. Les incrédules ne peuvent souffrir que Dieu s’annonce comme puissant et jaloux. Ils disent que rien ne rabaisse l’être tout puissant, comme de lui faire dire toujours qu’il est puissant ; et que c’est bien pis de lui faire dire qu’il est jaloux ; que ce livre ne parle jamais de Dieu que comme d’une divinité totale qui veut l’emporter sur les autres divinités ; et qu’on nous le représente comme les dieux des grecs, jaloux les uns des autres. La punition dont on menace la troisieme et quatrieme génération innocente d’un ayeul coupable, leur semble une injustice atroce ; et ils prétendent que cette vengeance exercée sur les enfants est une des preuves que les juifs n’ont jamais connu l’immortalité de l’ame et les peines après la mort, que vers le temps des pharisiens. C’est l’opinion du docteur Warburton, et de plusieurs théologiens qui ont abusé de leur science. Arnaud dit positivement la même chose, quoiqu’il n’en tire pas les mêmes conséquences que l’absurde Warburton. La peine de mort contre les magiciens prouve que les juifs croyaient à la magie : et comment n’y auraient-ils pas cru, s’ils avaient vu les miracles des magiciens de pharaon, et si Joseph avait fait des opérations magiques avec sa tasse ? On tire de la punition du coït avec les bêtes une preuve, que les juifs étaient fort enclins à cette abomination. On croit trouver de la contradiction entre l’ordre de mettre à mort ceux qui auront sacrifié aux dieux, et la défense de parler mal des dieux. On prétend que l’ordre de payer exactement les décimes, avant qu’il y eût des lévites et des décimes, est une preuve que cela fut écrit dans des temps postérieurs par quelques prêtres intéressés à la dixme. La vengeance exercée sur la quatrieme génération semblerait abolie dans le deutéronome : les peres ne mourront point pour leurs enfans, ni les enfans pour leurs peres . La premiere loi est une menace de Dieu ; et la seconde est une loi positive, qui suppose qu’on ne doit point faire pendre le fils pour le pere. Mais cette loi n’empêche pas que Dieu ne soit toujours supposé punir jusqu’à la quatrieme génération. La défense de dire du mal des dieux peut s’entendre des juges et des prêtres, qui sont souvent appellés dieux dans l’écriture.
  34. Dieu ne cesse de promettre aux juifs qu’il combattra pour eux, et que tout fuira devant eux. Il ajoute qu’il enverra des frêlons et des guepes pour leur préparer la victoire. Ce n’est point une figure dont se sert l’auteur sacré ; car Josué, avant de mourir, dit expressément que Dieu a envoyé devant eux des frêlons et des guepes. Le livre de la sagesse le dit aussi, longtemps après. L’histoire ancienne parle en effet de plusieurs peuples d’Asie, qui furent obligés de quitter leur pays où ces animaux s’étaient excessivement multipliés. On a dit même que les peuples de la Chalcide avaient été chassés par des mouches. On en a dit autant des peuples de la Mysie. Il y a eu deux provinces de Chalcide en Syrie. On ne sait dans laquelle le fléau des mouches put chasser les habitans. Il y a eu aussi plusieurs mysies dans l’Asie Mineure et dans le Péloponese. Il n’est pas croyable que les peuples d’aucune de ces provinces se soient laissés chasser par des mouches. Mais ce qui est fable dans la mythologie, peut devenir une vérité historique dans les livres saints, parce que Dieu faisait pour son peuple ce qu’il ne faisait pas pour des peuples profanes, qui lui étaient étrangers. Dieu promet ici aux juifs qu’il les rendra maîtres de tout le pays depuis la mer Méditerranée jusqu’à l’Euphrate ; or il y a vingt degrés en longitude, dans la latitude du trentieme degré, depuis la Méditerranée par la terrre de Chanaan jusqu’à l’Euphrate. Et quand on ne compterait que vingt lieues par degré, cela devait composer un empire de quatre cents lieues de long. Il est démontré, disent les critiques, que les juifs ont été bien loin de posséder un si vaste pays. Cela est vrai : mais aussi Dieu tantôt promet, et tantôt menace ; et il se relâche de ses menaces, et il retranche de ses promesses, selon sa miséricorde ou sa justice. Ainsi il ne faut pas prendre toujours à la lettre tout ce qui est annoncé dans l’écriture, mais considérer que les prédictions sont conditionnelles. Les critiques ne seront pas contents de cette explication, qui est pourtant la seule qu’on puisse donner.
  35. on demande comment le sicle dans le désert peut-être évalué par le sicle du temple, qui ne fut bâti que cinq cents après, selon la supputation hébraïque ? On croit qu’il y a ici un prodigieux anachronisme, et que c’est une nouvelle preuve que tous ces livres ne furent écrits qu’après que le temple fut bâti. On répond, que par le mot du temple il faut entendre le tabernacle de l’arche de l’alliance : et si les critiques repliquent que l’arche d’alliance n’avait pas encore été construite, il est aisé de dire qu’on parle ici par anticipation et alors on ne trouvera aucune contradiction dans le texte.
  36. Novitius dans son dictionnaire, donne au mot latin cassia la signification de casse, et au mot casia les deux significations de cannelle et de casse. La Vulgate, chap. xxx, vers. 24, porte casia. Voltaire faisait son travail sur la Vulgate. (B.)
  37. on fait des difficultés sur cette prodigieuse quantité de parfums, et sur leur nature. Le cinamum n’est pas connu. On prétend que c’est de la cannelle : mais plusieurs auteurs disent que la cannelle est la canne : d’autres disent que c’est la casse, casia, qui est la cannelle véritable. La plupart de ces drogues viennent des Indes. On est en peine de savoir comment les juifs dans leur désert purent avoir tant de marchandises précieuses ? La réponse est, qu’ils les avaient emportées d’égypte. La peine de mort pour quiconque ferait une composition de ces parfums, seulement pour avoir le plaisir innocent de les sentir, semble une loi injuste et barbare ; mais c’est, sans doute, parce que ces drogues étant destinées uniquement pour le tabernacle qu’on devait faire, ne devaient point être profanées. " les deux tables de pierre écrites ou gravées par le doigt de Dieu-même, ont donné lieu à d’étranges blasphêmes. Dieu a-t-on dit, est toujours représenté dans ce livre comme un homme qui parle aux hommes, qui va, qui vient, qui se venge, qui est jaloux, qui donne des loix, et enfin qui les écrit ; rien ne parait plus grossier et plus fabuleux : ces deux tables de pierre sont une imitation des deux marbres sur lesquels l’ancien Bacchus avait écrit ses loix ; comme le passage de la mer Rouge est une imitation visible de la fable de Bacchus, qui passa la mer Rouge à pied sec pour aller aux Indes avec toute son armée. Les fables arabes sont prodigieusement antérieures à celles de Mosé. Bacchus avait été élevé dans ces déserts avant que Mosé les parcourût. Il fit tous les miracles que les juifs s’attribuent ; et deux rayons lui sortaient de la tête comme à Mosé, en témoignage de son commerce continuel avec les dieux : ils porterent tous deux ce nom de Mosé, qui signifie échappé de l’eau. Les juifs, qui n’ont jamais rien inventé, ont tout copié très tard. " c’est ce que les critiques objectent. Il est vrai qu’on retrouve dans la fable de Bacchus beaucoup de traits qui sont dans l’histoire juive depuis Noé jusqu’à Josué ; mais il vaut mieux croire que les arabes et les grecs ont été les copistes, que de penser que les hébreux ne furent que des plagiaires. La fable de Bacchus ne fut pas d’abord donnée pour une histoire sacrée ; elle ne fut le fondement des loix ni en Arabie, ni en Grece : au lieu que la loi de l’exode est encore celle des juifs. Nous avouons que Bacchus fut adoré et eut des prêtres : mais nous préférons un ministre du dieu de vérité à ceux qui sont devenus les dieux du mensonge.
  38. le texte hébreu porte : il fit un veau au burin, et il le jeta en fonte ; mais c’est une transposition ; on jette d’abord en fonte, et ensuite on répare au burin, ou, pour parler plus proprement, au ciseau. Il est très vrai qu’il est impossible de jeter un veau d’or en fonte, et de le réparer en une nuit. Il faut au moins trois mois d’un travail assidu pour achever un tel ouvrage ; et il n’y a pas d’apparence que les juifs, dans un désert, eussent des fondeurs d’or, qui ne se trouvent que dans de grandes villes : il n’est pas concevable que trois millions de juifs, qui venaient de voir et d’entendre Dieu lui-même au milieu des trompettes et des tonnerres, voulussent sitôt, et en sa présence même, quitter son service pour celui d’un veau. Nous ne dirons pas, comme les incrédules, que c’est une fable absurde, imaginée après plusieurs siecles par quelque lévite, pour donner du relief à ses confreres, qui punirent si violemment le crime des autres israëlites. A dieu ne plaise que nous adoptions jamais de tels blasphêmes, quelque difficulté que nous trouvions à expliquer un événement si hors de la nature. Nous ne pouvons soupçonner un lévite d’avoir ajouté quelque chose au texte sacré. Nous regardons seulement cette histoire prodigieuse comme les autres choses encore plus prodigieuses que Dieu fit pour exercer sa justice et sa misericorde sur son peuple juif ; le seul peuple avec lequel il habitait continuellement, délaissant pour lui tous les autres peuples.
  39. cet article n’est pas le moins difficile de la ste écriture. Il faut convenir d’abord que l’on ne peut réduire l’or en poudre en le jettant au feu ; c’est une opération impossible à tout l’art humain ; tous les systêmes, toutes les suppositions de plusieurs ignorants qui ont parlé au hazard des choses dont ils n’ont pas la moindre connaissance, sont bien loin de résoudre ce problême. L’or potable, dont ils parlent, est de l’or qu’on a dissous dans de l’eau régale ; et c’est le plus violent des poisons, à moins qu’on n’en ait affaibli la force ; encore ne dissout-on l’or que très imparfaitement ; et la liqueur dans laquelle il est mêlé est toujours très corrosive ; on pourrait aussi dissoudre de l’or avec du souffre ; mais cela ferait une liqueur détestable, qu’il serait impossible d’avaler. Si donc on demande par quel art Mosé fit cette opération, on doit répondre que c’est par un nouveau miracle que Dieu daigna faire, comme il en fit tant d’autres. Tout ce que dit là-dessus Don Calmet, est d’un homme qui ne sait aucun principe de chymie. Mosé fait ici une autre action, qui n’est pas absolument impossible ; il se met à la tête de la tribu de Lévi, et tue vingt-trois mille hommes de sa nation, qui tous sont supposés être bien armés, puisqu’ils venaient de combattre les amalécites. Jamais un peuple entier ne s’est laissé égorger ainsi sans se défendre : il n’est point dit que les lévites fussent exempts de la faute de tout le peuple ; il n’est point dit qu’ils eussent un ordre exprès de Dieu de massacrer leurs freres ; et un ordre exprès de Dieu semble nécessaire pour justifier cette boucherie incroyable. Le texte porte que les lévites passerent d’une porte du camp à l’autre : il n’est gueres possible que trois millions de personnes aient été dans un camp, et que ce camp eût des portes, dans un désert où il n’y eut jamais d’arbres ; mais c’est une faible remarque en comparaison de la barbarie avec laquelle Mosé dit aux lévites : vous avez consacré aujourd’hui vos mains au seigneur ; chacun de vous a tué son fils ou son frere afin que Dieu vous bénisse. Il eût été plus beau sans doute à Mosé de se dévouer pour son peuple, comme on le dit des Codrus et des Curtius. Adorons humblement les voies du seigneur, mais gardons-nous de louer la fureur abominable de ces lévites, qui ne doit jamais être imitée pour quelque cause que ce puisse être.
  40. le texte dit expressément que Dieu frappa le peuple pour le péché d’Aaron ; et non seulement Aaron est épargné, mais il est fait ensuite grand-prêtre : ce n’est point là l’idée que nous avons de la justice ordinaire. Ce sont des profondeurs que nous devons adorer. Plusieurs théologiens ont observé, que les deux premiers pontifes de l’ancienne loi et de la nouvelle ont tous deux commencé, par une apostasie. Leur repentir leur a tenu lieu d’innocence ; mais il n’est point dit expressément qu’Aaron eût demandé pardon à Dieu de son crime ; au lieu qu’il est dit que st Pierre expia le sien par ses larmes, quoiqu’il fût infiniment moins coupable qu’Aaron. Quelques-uns ont remarqué, non sans malignité, que Dieu dit d’abord qu’il enverra un ange pour chasser les cananéens, et qu’ensuite il dit qu’il ira lui-même ; mais il n’y a point là de contradiction ; au contraire, c’est peut-être un redoublement de bienfaits pour consoler le peuple de la perte des vingt-trois mille hommes qu’on vient d’égorger. Il n’est pas si aisé d’expliquer ce que l’auteur entend quand Mosé demande à Dieu de lui faire voir sa gloire. Il semble qu’il l’a vue assez pleinement, et d’assés près, quand il a conversé avec Dieu pendant quarante jours sur la montagne, qu’il a vu Dieu face à face, et que Dieu lui a parlé comme un ami à un ami. Dieu lui répond : vous ne pouvez voir ma face ; car nul homme ne me verra sans mourir . C’était en effet l’opinion de toute l’antiquité, comme nous l’avons vu*, qu’on mourait quand on avait vu les dieux. S’il est permis de joindre ici le profane au sacré, on peut remarquer que Sémélé mourut pour avoir voulu voir Zeus, que nous nommons Jupiter, dans toute sa gloire. Il faut supposer que quand Mosé parla à Dieu face à face, comme un ami à un ami, il y avait entr’eux une nuée pareille à celle qui conduisait les hébreux dans le désert ; autrement ce serait une contradiction inexplicable ; car ici Dieu ne lui permet point de voir sa face sans voile, il lui permet seulement de voir son derriere. Ces choses sont si éloignées des opinions, des usages, des mœurs qui regnent aujourd’hui sur la terre, qu’il faut, en lisant cet ouvrage divin, se regarder comme dans un autre monde. Nous sommes bien loin d’oser comparer les poëmes d’Homere à l’écriture sainte, quoi qu’Eustathe l’ait fait avec succès ; mais nous osons dire que dans Homere il n’y a pas deux actions qui aient la moindre ressemblance avec ce que nous voyons de nos jours ; et c’est cela même, qui rend les poëmes d’Homere très precieux. L’ancien testament l’est plus encore. *Tome XXVI, page 262; et ci-dessus, page 24.
  41. les interprêtes entendent par cornue, des rayons. C’est ici que plusieurs commentateurs, et sur-tout Vossius, Bochart et Huet, comparent ce qu’on dit de Bacchus avec ce qui est vrai de Mosé. Nous avons déjà observé* qu’il sortait des rayons du front de Bacchus : ils trouvent entre ces deux héros de l’antiquité une ressemblance entiere. Calmet pousse le parallele encore plus loin qu’eux. Il dit que Mosé, Bacchus, et Chosé divinité arabe, ne sont qu’une même personne. Il est constant que Bacchus était une divinité arabe : il descendait, dit-on, de Chus, et on l’appellait Bacchus ou Jacchus, ce qui signifiait le dieu Chus. Voyez notre remarque [page 88**]. pour construire l’arche d’alliance, qui était de bois de Céthim, de trois pieds et demi de long, de deux pieds de large, et de deux pieds et demi de haut, le texte dit qu’on donna vingt-neuf talens et sept cents trente sicles d’or, et cent talents d’argent. Or le talent d’or est évalué aujourd’hui à cent quarante mille livres, et le talent d’argent six mille livres de france. Cela composait la somme exorbitante de quatre millions six cent soixante et huit mille sept cent soixante livres, sans compter les pierres précieuses ; mais aussi il faut considérer qu’il est dit, qu’on entoura cette arche d’ornements d’or ; que le chandelier était d’or, que tous les vases étaient d’or, qu’il y avait un autel des parfums couvert d’or, et que les bâtons qui portaient cet autel, et cette arche, étaient aussi couverts d’or, et que l’ouvrage surpassait encore la matiere. Les lecteurs sont surpris de voir dans un désert, où l’on manquait de pain et d’habits, une magnificence que l’on ne trouverait pas chez les plus grands rois : c’est encore un prétexte aux incrédules de supposer que la description de ce superbe tabernacle fut prise en partie du temple de Salomon, et qu’encore même le sanctuaire de ce temple ne fut jamais si superbe, et que les juifs ont toujours tout exagéré. Cependant, si l’on accorde que les juifs avaient volé tous les vases d’or et d’argent de la basse égypte, et qu’ils avaient chez eux d’excellens ouvriers formés à l’école des maîtres égyptiens ; alors l’impossibilité physique disparaitra. Et d’ailleurs, tout est miraculeux, comme nous l’avons dit***, chez le peuple de Dieu. C’est là le grand point ; et si les philistins dans la suite ne prirent pas toutes ces richesses quand ils battirent le peuple de Dieu, et qu’ils prirent leur coffre sacré, c’est encore un grand miracle, car les philistins, étaient aussi brigands que les juifs ; et de plus le coffre sacré juif appartenait à leurs vainqueurs. * Tome XI, page 80. ** Du présent volume. *** Tome XI, page 112 ; XXVIII, 157