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La Bible enfin expliquée/Édition Garnier/Lévitique

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La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de S.M.L.R.D.P.Garniertome 30 (p. 92-96).
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LÉVITIQUE

Le seigneur parla encore à Mosé, et lui dit : prends Aaron avec ses enfans, et assemble tout le peuple. Et Mosé posa la tiare sur la tête d’Aaron, et lui mit sur le front la lame d’or sacrée... et Mosé ayant égorgé un bélier, en mit le sang sur le bout de l’oreille d’Aaron et de ses fils et des autres prêtres, et sur les pouces de leur main droite, et sur les pouces de leur pied droit, et répandit le reste du sang autour de l’autel [1]. Dieu parla encore à Mosé, et dit, va déclarer aux enfans d’Israël, que voici de tous les animaux de la terre ceux qu’ils pourront manger... le liévre est impur quoiqu’il rumine, parce qu’il n’a pas le pied fendu. Le cochon est aussi impur, parce qu’ayant le pied fendu il ne rumine point. Vous ne mangerez ni aigle, ni griffon, ni vautour, ni chat-huant, ni milan, ni cormoran, ni onocrotab ; ce qui vole et marche sur quatre pieds vous sera en abomination... vous ne mangerez point de sauterelles [2]

Dieu parla encore à Mosé et à Aaron, disant : tout homme dont la peau et la chair aura changé de couleur, avec des pustules comme luisantes, sera amené devant Aaron le prêtre, ou à quelqu’un de ses enfans, lequel, quand il aura vu la lepre sur la peau, et les poils devenus blancs, et les marques de la lepre plus enfoncées que le reste de la chair, il jugera que c’est la lepre [3]. Dieu parla encore à Mosé et à Aaron, disant : quand vous serez en Canaan, s’il se trouve un bâtiment infecté de lepre, le maître de la maison en avertira le prêtre... si la lepre persévere et si la maison est impure, elle sera détruite aussi-tôt, et on en jetera les pierres, les bois et toute la poussiere hors de la ville dans un endroit immonde [4]

Si quelqu’un des enfans d’Israël veut prendre à la chasse quelque oiseau dont il est permis de manger, qu’il en répande tout le sang, car l’ame de toute chair est dans le sang ; c’est pourquoi vous ne mangerez le sang d’aucun animal, parce que l’ame de toute chair est dans le sang, et quiconque en mangera sera puni de mort [5]..

Les enfans d’Israël ne sacrifieront plus d’hosties aux velus avec lesquels ils ont forniqué [6].

Si vous ne m’écoutez point, si vous n’exécutez pas mes ordres,… voici ce que je vous ferai. Je vous affligerai de pauvreté ; je vous donnerai des fluxions cuisantes sur les yeux… si après cela vous ne m’obéissez pas, je vous châtierai sept fois davantage ; je briserai votre dureté superbe ; la terre ne vous produira plus de grain, vos arbres de fruits ; le ciel d’enhaut sera de fer, et la terre d’airain. Si vous marchez encore contre moi, et si vous ne voulez pas m’écouter, je multiplierai vos playes sept fois davantage ; j’enverrai contre vous des bêtes qui vous mangeront, vous, et vos troupeaux. Si après cela vous ne recevez point ma discipline, et si vous marchez encore contre moi, je marcherai aussi contre vous, et je vous frapperai sept fois davantage : je ferai venir sur vous l’épée, qui vengera mon pacte… je vous enverrai la peste… dix femmes cuiront du pain dans le même four… et si après cela vous ne m’écoutez point encore, et si vous marchez contre moi, je marcherai encore contre vous, et je vous châtierai par sept playes, de sorte que vous mangerez vos fils et vos filles [7]. Tout ce qui aura été offert par consécration de l’homme au seigneur, ne se rachetera point, mais mourra de mort [8]..

  1. il ne faut pas s’étonner que Mosé ou Moyse installe son frere et le consacre, et qu’il sanctifie toutes ces cérémonies communes à toutes les nations. Car il n’y avait gueres alors que l’Inde, et la Chine inconnue, qui ne sacrifiassent pas des animaux à la divinité. Toutes les cérémonies des autres peuples se ressemblaient pour le fond : les prêtres se couvraient de sang ; ils faisaient l’office de bouchers, et ils prenaient pour eux la meilleure partie des bêtes immolées. Calmet dit sur cet article, que la consécration du grand-prêtre des romains se fesoit avec des cérémonies encore plus extraordinaires. Ce pontife, couvert d’un habit tout de soie, était conduit dans un souterrain, où il recevait tout le sang d’un taureau par des trous faits à des planches, etc. et il cite sur cela des vers de Prudence. Calmet prend ici la cérémonie du taurobole pour la consécration du pontifex Maximus. Jamais aucun prêtre chez les romains ne porta un habit de soie : la soie ne commença à être un peu connue que sur la fin de l’empire d’Auguste.
  2. les égyptiens furent, dit-on, les premiers qui firent cette distinction des animaux purs et des impurs, soit par principe de santé, soit par oeconomie, soit par superstition. Le cochon était impur chez eux, non pas parce qu’il ne rumine point, mais parce qu’il est souvent attaqué d’une espece de lepre, et que l’on crut qu’il étoit la premiere cause de la peste à laquelle l’égypte est si sujette. Le lievre fut regardé comme impur chez les juifs ; ils se tromperent en croyant qu’il rumine, et prenant le mouvement de ses levres pour l’action de ruminer. La loi déclare abominable ce qui marche sur quatre pattes et qui vole : il faut entendre que s’il y avait de tels animaux, ils seraient déclarés impurs ; car nous ne connoissons point de telles bêtes. Il n’y en a jamais eu que dans l’invention des peintres et des sculpteurs qui ont représenté des hiéroglyphes. On ne sait pas pourquoi la sauterelle est déclarée impure, puisque st Jean Baptiste s’en nourrissait dans le désert. Le texte parle encore de beaucoup d’animaux qu’on ne connait point, comme du griffon, de l’ixion, qui sont des animaux fabuleux.
  3. il y a plus de trente maladies de la peau ; et le nom de lepre est un nom général : depuis la simple gratelle jusqu’au cancer, toutes ces maladies prennent des noms différens. Les critiques ont trouvé étrange qu’on envoyât les lépreux aux prêtres, au lieu de les envoyer aux médecins, ce qui fait voir, disent-ils, qu’il n’y avait point de médecin dans un pays aride, et dans un climat mal-sain qui produit tant de maladies. Les juifs sur-tout devaient être infectés de diverses sortes de lepres dans des déserts de sables, où l’on ne trouvait que quelques puits d’une eau bitumineuse et nitreuse, qui augmentait encore ces maladies dégoûtantes. Don Calmet, dans sa dissertation sur la lepre, prétend que ces maladies sont causées par de petits vers qui se glissent entre cuir et chair . Calmet n’était pas médecin ; les œufs des vers, dont la terre est pleine, se mettent quelquefois dans les ulceres de la chair, mais ils n’en sont pas la cause... nous avons eu plusieurs charlatans, qui ont fait accroire que toutes les maladies étaient causées par des vers, et que chaque espece d’animaux, étant dévorée par une autre espece, on pouvait faire manger les vers de l’apoplexie et de l’épilepsie par des vers anti-apoplectiques et anti-épileptiques. Que de charlatans de toute espece ! Et que n’a-t-on pas inventé pour tromper les hommes, et pour se rendre maître de leurs corps et de leurs ames !
  4. il faut pardonner à un peuple aussi grossier, et aussi ignorant que le peuple juif, cette imagination de la lepre des maisons. Il n’y a point de muraille qui ne change de couleurs et dans laquelle il ne se loge quelques petits insectes. On voit même dans nos villes plusieurs de ces murs noircis, et remplis de ces animaux presque imperceptibles, comme le sont presque tous nos fromages au bout d’un certain temps : car les œufs de tous ces petits animaux innombrables sont portés par le vent, éclosent ensuite dans toutes les viandes, dans les fruits, dans l’écorce des arbres, dans les feuilles, dans les sables, dans les pierres, dans les cailloux. Rien ne serait plus ridicule que de couper ses arbres, et d’abattre ses maisons, parce que ces petits animaux microscopiques, qui vivent très peu de temps, s’y sont cachés. Ce n’est point d’ailleurs dans les pays chauds que les murailles se couvrent quelquefois d’une moisissure, à laquelle des insectes innombrables s’attachent ; c’est dans nos pays humides qu’une mousse imperceptible croît sur les vieilles murailles, et sert de logement et d’aliment à des insectes lesquels d’ailleurs ne sont nullement dangereux. L’idée de Don Calmet, que l’espece de lepre la plus maligne était la vérole, et que Job en était attaqué, est encore plus insoutenable : la vérole était incontestablement une maladie particuliere aux isles de l’Amérique si long-temps inconnues. Le professeur Astruc l’a démontré. C’est une chose plaisante de voir Calmet donner la torture à quelques anciens auteurs, pour leur faire dire ce qu’ils n’ont point dit ; il va jusqu’à vouloir trouver la vérole dans ces vers de Juvenal... etc. Il ne voit pas que ces vers ne signifient autre chose qu’une opération faite par un médecin à un infame débauché, dont l’anus avait contracté des équimoses par les efforts d’un autre libertin, qui avait blessé ce misérable en commettant le péché contre nature, ce qui n’a pas plus de rapport à la vérole qu’un cors au pied. Il tord un passage de la 37 e ode d’Horace,... etc. Horace peint ici Cléopatre accompagnée de ses eunuques, et ne prétend point du tout que cette reine et ses eunuques eussent la vérole. César et Antoine, aussi débauchés qu’elle, n’en furent jamais soupçonnés.
  5. les critiques disent qu’il est impossible d’obéir à cette loi. En effet, quelque soin qu’on prenne de saigner un animal, il reste nécessairement une grande partie de son sang dans les petits vaisseaux, laquelle n’a plus la force de passer par les valvules, et qui, ne circulant plus, reste dans toutes les petites veines. Une remarque plus importante est que l’ame est toujours prise dans le pentateuque pour la vie ; tout animal qui perd tout ce qu’il peut perdre de son sang est mort. D’ailleurs l’ame de tous les animaux, et même celle de l’homme, étant toujours mise à la place de la vie, cela semble justifier le systême audacieux de l’évêque Warburton, que l’immortalité de l’ame était absolument inconnue aux premiers juifs. Si ce systême était vrai, ce serait une nouvelle preuve de la grossiéreté de ce peuple. Car toutes les nations puissantes dont il était entouré, égyptiens, syriens, chaldéens, persans, grecs, poussaient la créance de l’immortalité de l’ame jusqu’à la superstition. Ils admettaient tous des récompenses et des peines après la mort, comme nous l’avons dit* Tome XI, page 75. C’est le plus beau et le plus utile dogme de tous les législateurs. Il est difficile de rendre raison pourquoi les loix portées dans l’exode, dans le lévitique, dans le deutéronome, ne parlent jamais de ce dogme terrible, qui seul peut mettre un frein aux crimes secrets. C’est sur-tout cette ignorance de l’immortalité de l’ame, qui a fait croire à quelques critiques que les juifs n’avaient jamais rien su de la théologie égyptienne, et qu’ils n’en avaient vu que quelques cérémonies dans la basse égypte orientale, vers le mont Casius et vers le lac Sirbon ! Que ces juifs n’étaient originairement que des voleurs arabes, qui, ayant été chassés, allerent s’emparer avec le temps d’une partie de la Palestine, et composerent ensuite leur histoire comme toute histoire ancienne a été composée, c’est-à-dire, très-tard, et avec des fictions tantôt ridicules, tantôt atroces. Nous insistons sur cette idée, parce qu’elle est malheureusement très répandue, et que de très-savants hommes, abusant de leur science et de leur esprit, ont rendu cette idée trop vraisemblable à ceux qui ne sont pas éclairés par la grace. Cette opinion de tant de savants, sur le malheureux peuple juif, est trop dangereuse à la religion chrétienne pour que nous ne la réfutions pas. Ils disent que le christianisme et le mahométisme, étant fondés sur le judaïsme, sont des enfans superstitieux d’un pere plus superstitieux encore ; que Dieu le créateur et le pere de tous les hommes n’a pu se communiquer familiérement à une horde d’arabes voleurs, et abandonner si long-temps le reste du genre humain ; ils croient que c’est offenser Dieu de penser qu’il parla continuellement à des juifs, et qu’il fit un pacte avec eux. Nous renvoyons ces incrédules aux preuves convaincantes que nous ont données tous les peres ; et parmi les modernes aux écrits des Sherlock, des Abadie, des Jaquelot, des Houteville.
  6. c’est ici un des passages de la sainte écriture des plus délicats à commenter. On entend par les velus, les boucs auxquels on sacrifiait dans le nome de Mendès en égypte. On ne doute pas que plusieurs égyptiennes n’aient adoré le bouc de Mendès, et n’aient poussé leur infamie superstitieuse jusqu’à soumettre leurs corps à des boucs, tandis que les hommes commettaient le péché d’impureté avec les chevres. Cette dépravation a été fort commune dans les pays chauds, où les troupeaux de chevres sont gardés par de jeunes gens ou par de jeunes filles. Toute l’antiquité a cru que ces conjonctions abominables produisirent les satyres, les égypans, les faunes. St Jerôme n’en doute pas ; et on ne tarit point sur des histoires de satyres. Il n’est pas impossible qu’un homme avec une chevre, et une femme avec un bouc, aient produit des monstres, qui n’auront point eu de postérité. On peut revoquer en doute l’histoire du minotaure de Pasiphaé, et toutes les fables semblables : mais on ne peut douter de la copulation de quelques femmes juives avec des bêtes. Le lévitique en parle plus d’une fois, et défend ce crime sous peine de mort. On a cru que l’antique adoration du bouc de Mendès fut la premiere origine de ce que nous appellons encore chez nous le sabat des sorciers. Les malheureux infatués de cette horreur se mettaient à genoux vis-à-vis un bouc dans leurs assemblées, et le baisaient au derriere ; et la nouvelle initiée, qui se donnait au diable, se soumettait à la lasciveté de ce puant animal, qui rarement daignait condescendre aux desirs de la femme. Ces infamies n’ont jamais été commises que par les personnes les plus grossieres de la lie du peuple ; et dans tous les procès de sortilege on ne voit que bien rarement le nom d’un homme un peu qualifié. Le lévitique dit expressément, que la bestialité était fort commune dans le pays de Canaan. Il n’y a gueres de tribunaux en Europe, qui n’aient condamné au feu des misérables convaincus ou accusés de cette turpitude : elle existe ; mais elle est très rare en Europe. On a beaucoup agité la question, si la peine du feu n’est pas aujourd’hui trop barbare pour de jeunes paysans, qui seuls sont coupables de cette infamie, et qui ne different gueres des animaux avec lesquels ils s’accouplent.
  7. des menaces à peu près semblables se trouvent dans le deutéronome au chap 28. Sur quoi les critiques remarquent toujours, que jamais on ne parle aux juifs de peines et de récompenses dans une autre vie. Ils mangeront dans celle-ci leurs enfans. Cette menace est terrible ; et c’est la plus grande que des législateurs, ignorant le dogme de l’immortalité de l’ame, et n’ayant aucune idée saine de l’ame, purent imaginer alors. Ce ne fut que vers le temps où Jesus-Christ vint au monde, que ce grand dogme des ames immortelles fut connu des juifs. Encore l’école entiere des saducéens le niait absolument. Les critiques osent ajouter à cette réflexion, qu’ils ne reconnaissent pas la majesté divine dans les discours qu’on lui fait tenir. Mais qui de nous peut savoir quel est le langage de Dieu ? C’est à nous de révérer ce que les livres saints mettent dans sa bouche : ce langage, quel qu’il soit, ne peut avoir rien de proportionné au nôtre ; et toute la suite nous convaincra de cette vérité.
  8. c’est ici le fameux passage sur lequel tant de savants se sont exercés. C’est delà qu’ils ont conclu que les juifs immolaient des hommes à leur dieu, comme ont fait tant d’autres nations dans leurs dangers et dans leurs calamités. Ils se fondent sur ces paroles, et sur le texte de Jephté, comme nous le verrons en son lieu. Les juifs appellaient cette consécration le dévouement, l’anathême. Ainsi nous verrons qu’Acan fut dévoué avec toute sa famille et son bétail. Les peres pouvaient dévouer leurs enfans. Tout cela s’expliquera dans la suite. On a passé dans le Lévitique tout ce qui ne regarde que les cérémonies, et on s’est attaché principalement à l’historique : c’est ainsi qu’on en usera dans tout le reste de cet ouvrage, excepté quand ce qui est rite, précepte, cérémonie, tient à l’histoire et à la connaissance des mœurs. (id.)