La Bible enfin expliquée/Édition Garnier/Nombres

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La Bible enfin expliquée par plusieurs aumôniers de S.M.L.R.D.P.Garniertome 30 (p. 97-113).

NOMBRES.

Le seigneur parla à Mosé, disant : ordonne aux enfans d’Israël de jeter hors du camp tout lépreux, et ceux qui ont la gonorrhée, et quiconque aura assisté à l’enterrement d’un mort, soit homme, soit femme, afin qu’il ne souille point le lieu où il demeure avec vous… le seigneur parla encore à Moyse : disant, lorsqu’une femme méprisant son mari aura couché avec un autre homme, et que son mari n’aura pu la surprendre, et que des témoins ne pourront la convaincre d’adultere, on la menera devant le prêtre… et il prendra de l’eau sainte dans une cruche de terre, et de la terre du pavé du tabernacle, et il adjurera la femme, en lui disant : si tu n’as pas couché avec un étranger, et si tu n’es pas pollue, cette eau amere ne te nuira pas ; mais si tu as couché avec un autre que ton mari, et si tu es pollue, sois un exemple au peuple, que Dieu te maudisse, qu’il fasse pourir ta cuisse, que ton ventre enfle et qu’il creve [1]. Le seigneur parla à Moyse, disant : parle aux enfans d’Israël, disant : lorsqu’un homme ou une femme auront fait vœu de se sanctifier, et de se consacrer au seigneur particuliérement, ils ne boiront ni vin ni vinaigre, et ne mangeront point de raisin ; le rasoir ne passera point sur leur tête pendant tout le temps de leur vœu, et ils seront saints pendant que leur chevelure croîtra ; ils auront soin de ne point se rendre impurs, et de ne se point souiller en assistant à des funerailles, fussent celles de leur pere, ou mere, ou frere, ou sœur… le seigneur parla encore à Moyse, disant : faites deux trompettes d’argent ductile, afin que vous puissiez convoquer la multitude quand il faudra décamper… les premiers qui décamperent furent les enfans de Juda, distingués par troupes… alors Mosé dit à Obab (frere de Sephora sa femme) : viens avec nous, nous te ferons du bien… ne nous abandonne pas ; car tu connais tous les endroits de ce désert ; tu nous diras où nous devons camper, et tu nous serviras de guide ; et lorsque tu seras arrivé avec nous, nous te donnerons la meilleure part de ce que Dieu nous aura attribué [2]. Or une grande populace, qui était venue avec les hébreux, demanda avec eux à manger de la viande… et un vent s’étant élevé par le seigneur, apporta des cailles de la mer Rouge dans le camp… mais la chair de ces cailles étant encore entre leurs dents, la fureur du seigneur s’alluma contre le peuple ; et il le frappa d’une très-grande plaie ; et on appella ce lieu le sépulchre des murmures ou de concupiscence [3]. En ce temps Marie et Aaron parlerent contre Mosé… aussi-tôt le seigneur descendit dans la colonne de nuée ; il se mit à la porte du tabernacle, et il dit à Aaron et à Marie : s’ il y a entre vous un prophête je lui apparaîtrai en vision, ou je lui parlerai en songe ; mais il n’en est pas ainsi de Mosé, mon serviteur ; car je lui parle bouche à bouche ; il me voit clairement, sans énigme et sans figure ; pourquoi donc avez-vous mal parlé de mon serviteur Mosé ? Ayant dit cela il s’en alla en colere. La nuée, qui était sur le tabernacle, se retira, et Marie fut couverte de lepre [4]. Et Aaron la voyant lépreuse, dit à Mosé son frere : je te prie, ne nous punis pas du péché que nous avons commis follement, et que Marie ne meure pas ; car la lepre lui a déjà mangé la moitié du corps… Marie fut donc jettée hors du camp pendant sept jours [5]. Et Mosé envoya du désert de Pharan douze hommes pour considérer la terre de Canaan… et ces hommes monterent du côté du midi, et vinrent à Hébron, qui a été bâti sept ans avant Tanis ville d’égypte [6]. Et s’étant avancés ils couperent une branche avec son raisin, que deux hommes porterent sur une voiture, avec des grenades et des figues [7]. D’autres, qui avaient été dans ce pays, dirent : la terre que nous avons parcourue dévore ses habitants, et ils sont d’une grandeur démesurée ; ce sont des monstres de la race des géants, devant qui nous ne paraissons que comme des sauterelles. Et ils dirent l’un à l’autre : établissons-nous un autre chef, et retournons en égypte [8]. Et Dieu dit à Mosé : aucun des israëlites ne verra la terre que j’ai promis par serment de donner à leurs peres ; mais pour Caleb mon serviteur, je le ferai entrer dans ce pays dont il a fait le tour ; et sa semence le possédera ; mais parce que les amalécites et les cananéens habitent dans les vallées, ne montez pas par les montagnes, et retournez-vous-en tous dans les déserts vers la mer Rouge… vous n’entrerez point dans le pays dans lequel j’ai juré de vous faire entrer, excepté Caleb, fils de Séphoné, et Josué fils de Nun… et les cananéens et les amalécites, qui habitaient sur la montagne, descendirent contre eux, les battirent et les poursuivirent jusqu’à Orma [9] Or un homme ayant ramassé du bois un jour de sabath… Dieu dit à Mosé : que cet homme meure et soit lapidé. On le mena hors du camp, il fut lapidé, et il mourut comme l’avait ordonné le seigneur… le seigneur parla aussi à Moyse, et lui dit : parle aux enfans d’Israël ; dis-leur de faire des franges aux coins de leurs manteaux, et d’y mettre des rubans couleur d’hyacinte [10]. En ce temps-là Coré fils d’Isaac, Dathan et Abiran fils d’éliab, et Hon fils de Phelet, s’éleverent contre Mosé et Aaron avec deux cents cinquante des principaux de la synagogue, et s’étant présentés devant Mosé ils lui dirent : qu’il vous suffise que ce peuple est un peuple de saints, et que le seigneur est dans eux ; pourquoi vous élevez-vous sur le peuple de Dieu ? Ce que Mosé ayant entendu, il tomba par terre ; puis il dit à Coré et à toute sa troupe : demain Dieu fera connaître ceux qui sont à lui… que chacun prenne son encensoir, toi Coré et tous tes adhérents ; et demain mettez du feu sur vos encensoirs devant le seigneur ; et celui qu’il aura choisi sera saint ; vous êtes trop insolens, enfans de Lévi. Mosé étant donc extrêmement en colere… dit à Coré : présente-toi demain avec toute ta troupe d’un côté, et Aaron se présentera de l’autre [11]. Prenez chacun vos encensoirs, mettez-y de l’encens, présentez à Dieu vos deux cents cinquante encensoirs ; et qu’Aaron tienne aussi son encensoir. Ce que Coré et sa troupe ayant fait en présence de Mosé et d’Aaron la gloire du seigneur apparut à tous. Et le seigneur parla à Mosé et à Aaron, et leur dit : séparez-vous de leur assemblée, afin que je les détruise tout-à-coup. Mosé s’étant levé, s’avança vers Dathan et Abiran, suivi des anciens d’Israël. Il dit au peuple : retirez-vous des tentes de ces impies… vous allez reconnaître que c’est Dieu qui m’a envoyé pour faire tout ce que vous voyez ; si ces hommes meurent d’une mort ordinaire, et de quelque plaie dont les autres hommes sont frappés, Dieu ne m’a pas envoyé ; mais si le seigneur fait une chose nouvelle, si la terre s’entr’ouvrant les engloutit et tout ce qui leur appartient, et qu’ils descendent dans la fosse tout vivants, vous saurez qu’ils ont blasphémé le seigneur. Et dès qu’il eut cessé de parler, la terre s’entr’ouvrit sous leurs pieds, et ouvrant sa gueule elle les dévora avec toute leur substance. Et ils descendirent tout vivants dans la fosse couverts de terre, et ils périrent du milieu du peuple, et tout Israël, qui était là en cercle, s’enfuit aux cris des mourants, de peur que la terre ne les engloutît aussi. Et en même temps un feu sortit du seigneur, et tua les deux cents cinquante hommes qui offraient de l’encens. Et Dieu parla à Mosé, disant : commande au prêtre éléasar fils d’Aaron de prendre tous ces encensoirs et jetter le feu de côté et d’autre, car ils sont sanctifiés par la mort des pécheurs ; qu’il les réduise en lames, et qu’il les attache à l’autel, car ils sont sanctifiés.. Le lendemain toute la multitude d’Israël murmura contre Mosé et Aaron, disant : c’est vous qui avez tué les gens du peuple de Dieu. Et la sédition augmentant, Mosé et Aaron s’enfuirent au tabernacle du pacte. Quand ils y furent entrés, la nuée les couvrit, et la gloire du seigneur parut. Dieu dit à Mosé : retire-toi du milieu de cette multitude, je m’en vais les exterminer dans le moment. Ils se jetterent tous par terre. Mosé dit à Aaron : prends ton encensoir, mets-y du feu de l’autel, et va vite au peuple, prie pour eux ; car la colere est sortie du seigneur, et la plaie a commencé. Ce qu’ayant fait Aaron, et ayant couru à la multitude que le feu embrasait, il offrit de l’encens, et se tenant entre les morts et les vivants ; il pria pour le peuple ; et la plaie cessa. Le nombre de ceux qui furent frappés de cette plaie fut de quatorze mille sept cents hommes, sans ceux qui étaient morts avec Coré dans la sédition. Le seigneur parla encore à Moyse et à Aaron, disant. Voici la religion de la victime. Commande que les enfans d’Israël amenent une vache rousse, d’un âge parfait, sans tache, et qui n’ait jamais porté le joug. On la donnera au prêtre éléazar, qui la menera hors du camp et l’immolera devant le peuple. Il trempera le doigt dans son sang, et il en aspergera les portes du tabernacle. Il la brûlera devant tout le monde, tant la peau et les chairs, que le sang et la bouze… il jettera dans le feu du bois de cedre, de l’hysope et de la pourpre deux fois teinte. Il reviendra au camp, et sera impur jusqu’au soir. Un homme qui sera pur amassera les cendres de la vache, et les mettra hors du camp dans un lieu très-pur, pour en faire une eau d’aspersion [12]. Le roi d’Arad, prince cananéen qui habitait vers le midi ayant appris qu’Israël était venu pour reconnaître son pays, vint le combattre, en fut vainqueur, et en emporta les dépouilles. Mais Israël s’obligea par un vœu au seigneur : si tu me livres ce peuple je détruirai ses villes. Et Dieu exauça le vœu d’Israël, et lui livra le roi cananéen, qu’ils firent mourir ; et ils nommerent ce lieu Horma, c’est-à-dire, Anathéme. Ensuite ils partirent de la montagne de Hor par le chemin qui mene à la mer Rouge [13]. Et le peuple commença à s’ennuyer du chemin et de la fatigue ; et il parla contre Dieu et Mosé. Il dit : pourquoi nous as-tu tirés d’égypte, pour nous faire mourir dans ce désert, où nous n’avons ni pain ni eau ? La manne, cette vile nourriture, nous fait soulever le cœur. C’est pourquoi le seigneur envoya des serpents ardents ; plusieurs en furent blessés et en moururent. Le peuple vint à Mosé ; ils dirent : nous avons péché, prie Dieu qu’il nous délivre de ces serpents. Mosé pria pour le peuple. Le seigneur dit à Mosé : fais un serpent d’airain pour servir de signe ; et ceux qui auront été mordus le regarderont, et ils vivront [14] Israël demeura dans le pays des amorrhéens ; et il envoya des batteurs d’estrade pour considérer le pays de Jazer, dont ils prirent les villages et les habitants ; et ils se détournerent pour aller vers le chemin de Bazan. Et Og roi de Bazan vint avec tout son peuple pour combattre dans Edraï ; et Dieu dit à Israël : ne le crains point, car je l’ai livré entre tes mains avec tout son peuple et son pays. Ils le frapperent donc lui et tout son peuple ; tout fut tué, et ils se mirent en possession de sa terre. Et étant partis de ce lieu, ils camperent dans les plaines de Moab, où est situé Jérico au de-là du Jourdain. Or Balac fils de Séphor ayant vu tout ce qu’Israël avait fait aux amorrhéens, et considérant que les moabites les craignaient et ne pouvaient lui résister, Balac roi de Moab envoya des députés à Balaam fils de Béhor ; c’était un devin qui demeurait sur le fleuve du pays des ammonites [15]. Il lui fit dire : voilà un peuple sorti de l’égypte, qui couvre toute la face de la terre, et qui s’est campé vis-à-vis de moi ; viens donc pour maudire ce peuple, parce qu’il est plus fort que moi ; car je sais que ce que tu béniras sera béni, et que celui que tu maudiras sera maudit. Les anciens de Moab et ceux de Madian s’en allerent donc, portant dans leurs mains dequoi payer le prophete… Dieu dit à Balaam : garde-toi bien d’aller avec eux et de maudire ce peuple ; car il est béni. Balaam leur répondit donc : quand Balac me donnerait sa maison pleine d’or et d’argent, je ne pourrais dire ni plus ni moins que ce que le seigneur m’a ordonné… Dieu étant venu encore à Balaam, lui dit : si ces hommes sont venus encore à toi, marche et va avec eux, à condition que tu m’obéiras. Balaam, s’étant levé au matin, sella son ânesse, et se mit en chemin avec eux [16] Mais Dieu entra en colere contre lui, et l’ange du. seigneur se mit dans le chemin vis-à-vis Balaam qui était sur son ânesse. L’ânesse, voyant l’ange qui avait un glaive à la main, se détourna du chemin. Et comme Balaam la frappait et la voulait faire retourner, l’ange se mit dans un chemin étroit entre deux murailles qui entouraient des vignes ; et l’ânesse, voyant l’ange, se serra contre le mur, et froissa le pied de son cavalier, qui continuait à la battre. L’ange se mit dans ce lieu étroit, où l’ânesse ne pouvait tourner ni à droite ni à gauche. L’ânesse s’abattit sous Balaam ; et Balaam en colere la frappa encore plus fort avec un bâton. Le seigneur ouvrit la bouche de l’ânesse ; et elle dit à Balaam : que t’ais-je fait ? Pourquoi m’as-tu frappée trois fois ? Balaam lui répondit : c’est parce que tu l’as mérité, et que tu t’es moquée de moi ; que n’ai-je une épée pour t’en frapper ! L’ânesse lui dit : ne suis-je pas ta bête, que tu as coutume de monter jusqu’à aujourd’hui : dis moi, si je t’ai jamais rien fait. Jamais, dit Balaam. Aussi-tôt Dieu ouvrit les yeux à Balaam ; et il vit l’ange qui avait tiré son sabre, et l’adora, se prosternant en terre. L’ange lui dit :. pourquoi as-tu battu trois fois ton ânesse ? Je suis venu à toi, parce que ta voix est perverse et contraire à moi ; et si ton ânesse ne s’était pas détournée de la voie, je t’aurais tué, et j’aurais laissé la vie à ton ânesse… or Balac alla au-devant de Balaam dans une ville des moabites sur les confins de l’Arnon. Ils allerent donc ensemble jusqu’à l’extrémité de sa terre. Et Balac, ayant fait tuer des bœufs et des brebis, envoya des présents à Balaam et aux princes qui étaient avec lui. Et Balaam dit à Balac : fais-moi dresser sept autels, et prépare sept veaux et sept moutons. Et Balac et Balaam mirent ensemble sur l’autel un veau et un bélier ; et Balaam s’en allant promptement, Dieu alla au devant de lui. Et Balaam lui dit : j’ai dressé sept autels, et j’ai mis un veau et un bélier sur chacun. Alors le seigneur lui dit : retourne à Balac, et dis-lui ces choses. Balaam étant retourné, trouva Balac debout près de son [17] holocauste, et tous les princes des moabites. Et s’échauffant dans sa parabole, il dit : Balac roi des moabites m’a appellé des montagnes d’orient ; viens au plus vite m’a-t-il dit, maudis Jacob et déteste Israël. Comment maudirais-je celui que Dieu n’a point maudit ? Comment détesterais-je celui que Dieu ne déteste pas ?… qui pourra nombrer la poussiere de Jacob et le nombre de la quatrieme partie d’Israël ?… il n’y a point d’iniquité dans Jacob, ni de travail dans Israël. Sa force, est semblable à celle du rhinocéros… Balac, en colere contre Balaam et frappant des mains, lui dit : je t’ai fait venir pour maudire mes ennemis ; et tu les as bénis ; retourne en ton pays ; j’avais résolu de te donner un honoraire magnifique, et le seigneur t’en a privé [18] Balaam répondit à Balac : n’ai-je pas dit à tes députés, quand Balac me donnerait sa maison pleine d’or, je ne pourrais pas passer les ordres du seigneur mon dieu ? Voici donc ce que dit l’homme dont l’œil est ouvert, celui qui entend les discours de Dieu a dit ; celui qui connaît la doctrine du très-haut et la vision du puissant, qui en tombant a les yeux ouverts : je le verrai, mais pas sitôt ; je le regarderai, mais non pas de près. Une étoile sortira de Jacob, et une verge s’élevera d’Israël, et elle frapera les chefs de Moab, et elle ruinera tous les enfans de Seth [19] Et Balaam ayant jeté les yeux sur le pays d’Amalec, il reprit son discours parabolique, et dit : Amalec a été l’origine des nations ; mais ses extrémités seront détruites ; et fussiez-vous l’élu de la race du Cin, Assur vous prendra, et ils viendront du pays de Kithim dans des vaisseaux ; ils vaincront les assyriens, ruineront les hébreux, et à la fin ils périront eux-mêmes. Or Israël était alors à Settim, et il forniqua avec les filles de Moab ; elles appellerent les hébreux à leurs sacrifices : ils adorerent les mêmes dieux. Israël embrassa le culte de Belphégor. Le seigneur fut en colere, il dit à Mosé ; prends tous les princes du peuple, et pends-les à des potences contre le soleil, afin que ma fureur se détourne d’Israël. Mosé dit donc aux juges : que chacun tue ses proches, qui sont initiés à Belphégor[20]. Et voici qu’un des israëlites était entré dans un bordel des madianites à la vue de Mosé et de tous les enfans d’Israël, qui pleuraient à la porte du tabernacle [21]. Ce que Phinée fils d’éléazar fils d’Aaron, ayant vu, il prit un poignard, entra dans le bordel et transperça l’homme et la femme par les génitoires ; et la plaie d’Israël cessa aussi-tôt ; et il y eut vingt-quatre mille hommes de tués. Et le seigneur dit à Mosé : Phinée fils d’éléazar, détourne ma colere… c’est pourquoi le sacerdoce lui sera donné par un pacte éternel [22]. Après que le sang des criminels eut été répandu, le seigneur dit à Mosé et à éléasar fils d’Aaron qui était mort

nombrez tous les

enfants d’Israël depuis vingt ans et au-dessus par familles ; tous ceux qui peuvent aller à la guerre… et le dénombrement étant achevé, il s’en trouva six-cents et un mille sept-cents trente [23]. Le seigneur parla ensuite à Mosé, disant : venge premiérement les enfans d’Israël des madianites. Et après cela tu mourras, et tu seras réuni à ton peuple aussitôt. Mosé dit au peuple : faites prendre les armes, afin qu’on venge le seigneur des madianites ; prenez mille hommes de chaque tribut. Ils choisirent donc mille hommes de chaque tribut, douze mille hommes prêts à combattre. Ils combattirent donc contre les madianites et tuerent tous les mâles, et leur roi Hévi, Recem, Sur, Hur, et Rébé, et Balaam fils de Béhor, et ils prirent leurs femmes, leurs petits enfans, leurs troupeaux, tous leurs meubles, et ils pillerent tout et ils brûlerent villes, villages, châteaux… et Mosé se mit en colere contre les tribuns et les centurions, et leur dit : pourquoi avez-vous épargné les femmes ? Ne sont-ce pas elles qui ont séduit les enfans d’Israël, selon le conseil de Balaam ?… tuez tous les enfans, égorgez toutes les femmes qui ont connu le coït, mais, réservez-vous toutes les filles et toutes les vierges… et on trouva que le butin que l’armée avait pris était de six cents soixante et quinze mille brebis, de soixante et douze mille bœufs, de soixante et un mille ânes, de trente-deux mille. pucelles [24]. Dont trente-deux furent réservées pour la part du seigneur. Le seigneur dit encore à Mosé dans les plaines de Moab, le long du Jourdain vis-à-vis de Jéricho : ordonne aux enfans d’Israël, que des villes qu’ils possedent, ex possessionibus suis,

ils en donnent aux lévites… et que de ces villes il y en ait six de refuge où les homicides puissent se retirer, et quarante-deux en outre pour les lévites ; c’est-à-dire qu’ils aient en tout quarante-huit villes [25]

  1. il semble d’abord qu’on ne devait pas être chassé du camp pour avoir aidé à ensevelir un mort ; ce qui était une très bonne action. La gonorrhée n’est point une maladie contagieuse qui puisse se gagner, c’est un écoulement involontaire de semence, causé par le relâchement des muscles de la verge et par quelque acreté dans les prostates ; c’est à peu près ce qu’on nomme fleurs blanches dans les femmes : cette maladie se guérit par un bon médecin. L’auteur de ces remarques en a guéri plusieurs sans les séquestrer de la société civile. De l’oseille, de la scolopendre, et de l’ortie blanche, suffisent quelquefois contre cette maladie dans les hommes et dans les femmes. Il y a une autre sorte de gonorrhée virulente, qui se nomme la chaudepisse, et que l’on guérit sûrement par des injections, par la saignée, par un opiat de savon et de mercure doux : cette maladie n’était point connue dans notre continent avant la fin de notre quinzieme siecle : on sait assez qu’elle est contagieuse par l’accouplement, et que si elle est négligée elle est suivie immanquablement de la vérole. L’eau amere de jalousie qu’on faisait boire aux femmes accusées d’adultere, est probablement le premier exemple qui nous reste de ces épreuves pratiquées par toute la terre : elles ont été variées en bien des manieres, et fort usitées dans les temps d’ignorance. Philon et l’historien Joseph nous assurent que l’épreuve des eaux ameres était en usage de leur temps. Les livres saints ne nomment personne à qui on ait fait boire de ces eaux ; mais le protévangile de st Jacques, qui est lu dans quelques églises d’orient, tout apocryphe qu’il est, dit au chap xvi que le grand-prêtre fit boire des eaux de jalousie à st Joseph, et à la vierge Marie ; ils en burent l’un et l’autre, et furent déclarés également innocens.
  2. les nazaréens semblent la premiere origine des vœux, du moins parmi nous : ils font vœu de mener une vie particuliere, de ne boire ni vin, ni vinaigre. Le peu de vinaigre qu’on jettait dans l’eau, était la boisson du petit peuple et du soldat dans l’antiquité : il faut observer que les meres vouaient leurs enfans au nazareat ; et qu’au lieu que nos moines se tondent, ceux-là étalaient leur chevelure : on faisait aussi quelquefois d’autres vœux, comme de ne point boire de vin, et de ne rien manger à l’huile pendant quelque temps. Les savants disent que le mot syriaque secar signifie du vin ; et Calmet dit qu’il signifie du sucre. Il est fort douteux que les juifs dans le désert eussent du sucre, qui vient des Indes. Quelques troupes distinguées dans les maisons des rois ont des trompettes d’argent ; et puisqu’il est dit que le tabernacle, qu’on portait sur un char dans le désert, avait pour plus de deux millions d’ornemens ; il ne faut pas s’étonner que les trompettes fussent d’argent. Les interpretes disent, que c’était de l’argent battu ; il est plus croyable qu’on les jettait au moule ; et il est plus difficile qu’on ne pense de faire de bonnes trompettes.
  3. les critiques nous disent qu’il n’est pas étrange que des malheureux, n’ayant pour nourriture que la rosée nommée manne, aient demandé à manger ; et qu’il paraîtrait cruel de les faire mourir pour cette faute, et pour avoir mangé des cailles que Dieu-même leur envoya. Apparemment qu’ils en mangerent trop ; ce qui arrive presque toujours après un long jeûne.
  4. le texte dit, que la femme de Mosé était éthiopienne ; l’histoire ancienne de Mosé, dont nous avons déjà parlé, dit, qu’il avait épousé la reine d’éthiopie ; mais que, loin que cette reine le suivît dans cet horrible désert où il erra quarante ans, elle le chassa de ses états. L’écriture dit que Mosé avait épousé Séphora la madianite, fille de Jéthro. Il se peut qu’il ait eu plusieurs femmes, comme tous les autres patriarches ; et il est naturel que Marie se soit brouillée avec cette éthiopienne. Le seigneur venge Mosé des injures de Marie et d’Aaron. Mais Marie est seule punie, et Aaron ne l’est jamais.
  5. cette espece de lepre était donc un cancer ; car la lepre, qui n’est qu’une forte galle, ne détruit pas les chairs en si peu de temps. Dieu déclare ici qu’il parle toujours bouche à bouche à Mosé : cela semble contraire à ce qui est dit ailleurs, que Dieu ne lui permit de le voir que par derriere. Marie dit aussi que Dieu lui a parlé tout comme à son frere : on concilie ces contradictions apparentes aisément.
  6. on ne peut gueres excuser la méprise des copistes, qui sans doute ont pris ici le nord pour le midi. On va droit au nord du désert de Sin à celui de Pharan, de Pharan à Cadès-Barné à Azeroth, de ces déserts à celui de Bersabé au pays de Canaan.
  7. plusieurs interpretes disent que ces espions n’apporterent qu’un seul raisin ; mais on peut entendre que cette branche portée par deux hommes était chargée de plusieurs grappes. Dom Calmet cite des moines, qui ont vu dans la Palestine des raisins si prodigieux que deux hommes n’en auraient pu porter un seul ; ainsi un raisin aurait donné un quartaut de vin comme dans la Jérusalem céleste ; mais les raisins de ce pays-là ne sont pas si gros aujourd’hui.
  8. ces deux rapports des espions juifs sont entiérement contradictoires. On demande d’ailleurs, comment ces géants si redoutables laisserent prendre et emporter leurs raisins, leurs grenades et leurs figues, par des étrangers qui ne leur venaient pas à la ceinture. Ceux qui virent ces géants ne virent pas apparemment les gros raisins ; et s’ils voulurent choisir un autre chef que Mosé, ils ne firent que ce que font encore aujourd’hui tous les arabes, et les maures de Tunis, d’Alger et de Tripoli, qui déposent leurs chefs, et qui souvent les tuent quand ils en sont mécontens. Mais on est surpris que des gens qui voyaient tous les jours Dieu-même parler à Mosé, et qui ne marchaient qu’au milieu de miracles, pussent imaginer de déposer ce même Mosé déclaré si souvent le ministre de Dieu, et qui était armé de toute sa puissance. On peut bien conspirer contre un chef à qui on espere de succéder ; mais personne ne pouvait se flatter d’obtenir de Dieu les mêmes faveurs qu’il avait faites à Mosé son représentant. Les mœurs de ce temps-là sont différentes des mœurs modernes : on le voit à chaque ligne.
  9. nous voyons qu’il était ordinaire chez les anciens que les dieux fissent serment comme les hommes. Il y en a des exemples dans tous les poëtes héroïques. Les critiques ne peuvent concilier ce que Dieu dit ici, que les cananéens et les amalécites habitent les vallées, avec ce qui est dit le moment d’après, qu’ils descendirent des montagnes. La chose cependant est très-possible. Mais ils trouvent Mosé aussi mauvais général que mauvais législateur : car, disent-ils, en supposant que Mosé fût à la tête de six cents mille combattans, il devait s’emparer de tout le pays en se montrant ; il avait assez de monde pour se saisir de tous les défilés ; et il se laisse battre en rase campagne par une poignée d’amalécites ; il ne fait plus ensuite qu’errer pendant quarante ans, aller de désert en désert, et revenir sur ses pas, sans aucun projet de campagne. Ils ne reçoivent point pour excuse les décrets de Dieu ; ils disent qu’il est trop aisé de supposer qu’on n’a été battu que pour avoir offensé Dieu ; ils ajoutent que quand on est errant pendant quarante ans sans avoir pu prendre une seule ville, ce ne peut être que par sa faute ; et après avoir regardé Mosé comme un homme très mal entendu dans son métier, ils persistent à dire que toute cette histoire ne peut être qu’une fable encore plus mal inventée. Nous nous sommes fait une loi de rapporter toutes leurs objections, auxquelles nous avons déjà répondu. Il se peut que Mosé, à l’âge de cent ans, ait été un très mauvais capitaine et un législateur ignorant. Mais s’il obéissait à Dieu, nous devons le respecter.
  10. s’il était permis de juger des loix du seigneur par les loix de nos peuples policés, on trouverait peut-être un peu de dureté à faire périr un homme pour avoir ramassé un peu de bois dont il avait probablement besoin pour faire bouillir le lait de ses enfans, ou pour préparer le dîner de sa famille ; il n’est pas dit que cet homme ramassa un fagot en dérision de la loi. Ce n’est pas à nous à interroger Dieu, et à lui demander pourquoi il fait Aaron grand pontife, immédiatement après qu’il a jetté le veau d’or en fonte, et qu’il l’a fait adorer ; et pourquoi il condamne à mort un homme qui n’a commis d’autre crime que de ramasser un petit fagot pour son usage. Dieu fait miséricorde à qui il lui plait. Plusieurs incrédules soupçonnent que ce livre fut écrit par Samuel ; et on sait que Samuel fut un homme dur ; c’est le sentiment du grand Newton. Mais quelque respect que nous ayions pour Newton, nous respectons encore plus l’église. Les critiques sont révoltés de voir un article de franges et de rubans joint immédiatement à une condamnation à mort. Cela leur paraît incohérent ; ils ne croient pas qu’un peuple, qui manquait de tout, et dont Dieu fut obligé de conserver les habits par miracle, ait mis des franges et des rubans à ses robes dans un désert. Mais si Dieu conserva leurs habits par miracle pendant quarante ans, il put aussi leur donner des franges par miracle, et sur-tout empêcher que six cents mille combattans de son peuple ne fussent battus par une troupe d’amalécites.
  11. si l’on en croit les savants hardis dont nous avons déjà tant parlé, cette histoire de Coré, Dathan, et Abiran, fut écrite après le retour des juifs de la captivité de Babylone, lorsque l’on se disputait dans Jérusalem la place de grand-prêtre avec plus de fureur que n’en ont jamais déployé les anti-papes. Les freres alors tuaient leurs freres pour parvenir au souverain pontificat, et il n’y eut jamais plus de trouble chez les juifs que quand ils furent gouvernés par leurs pontifes avant et après les conquêtes d’Alexandre. On suppose donc, qu’alors quelque juif, pour rendre le sacerdoce plus vénérable, écrivit cette histoire, qui ne tient point au reste du pentateuque, et l’inséra dans le canon. Nous croyons que c’est une conjecture hazardée. D’autres la rejettent absolument, comme incompatible avec l’éloge qu’on donne à Mosé dans le pentateuque d’avoir été le plus doux des hommes. Il n’est pas surprenant, disent-ils, que Coré, arriere-petit-fils du patriarche Lévi, Dathan, Abiran et Hon descendants de Ruben, fussent mécontents de la supériorité que Mosé affectait sur eux ; puisqu’Aaron son frere et Marie sa sœur avaient montré les mêmes sentimens. Les deux cents cinquante juifs qui étaient de leur parti étaient les premiers de la nation ; c’étoit un schisme dans toutes les formes. Ces savants prétendent que le terme de synagogue, dont l’auteur sacré se sert ici, prouve que ce livre fut fait dans le temps de la synagogue, et non pas dans le désert où il n’y avait point de synagogue. Ils disent que ce mot a échappé au faussaire qui a mis cet ouvrage sous le nom de Mosé lui-même, et qui s’est trahi par cette inadvertence. Ils croient voir tant de cruautés et tant de prodiges dans cette avanture, qu’ils la regardent comme une fiction ; ils ne parlent qu’avec horreur de quatorze mille sept cents hommes mourants par le feu du ciel, et de deux cents cinquante chefs du peuple engloutis dans la terre. Toland et Wolston ont la hardiesse de traiter ce châtiment divin de roman diabolique. Quelques commentateurs ont cru, en lisant le mot infernum qui est dans la vulgate pour la fosse, qu’il signifiait l’enfer, tel que nous l’admettons, et que les juifs ne connaissaient pas. Ces mots descenderunt viventes in infernum , signifient qu’ils descendirent vivants dans le souterrain ; c’est ce que nous avons déjà remarqué. Cette équivoque, qui n’est que dans la vulgate, a occasionné bien des méprises. Les commentateurs ont pris souvent infernum la fosse, la sépulture, pour l’enfer ; et Lucifer, l’étoile du matin, pour le diable. Cette histoire a révolté plusieurs juifs, au point qu’un d’eux écrivit l’origine de la querelle entre Mosé et ses adversaires, pour la rendre odieuse et ridicule. C’est le seul ouvrage de plaisanterie qui nous soit venu des anciens juifs. On ne sait pas dans quel temps il fut écrit. Il est intitulé livre des choses omises par Mosé . On l’imprima à Venise en hébreu sous le titre maynshioth , sur la fin du quinzieme siecle. Le savant Gilbert Gaumin le traduisit en latin ; et Albert Fabricius l’inséra dans sa collection en 1714. En voici la traduction en notre langue. " le commencement de la querelle vint par une veuve ; elle n’avait qu’une brebis, qu’elle voulut tondre. Aaron vint et emporta la laine, en disant qu’elle lui appartenait par la loi, dans laquelle il est écrit:tu donneras à Dieu les prémices de la laine de ton troupeau. La veuve alla implorer Coré avec des larmes et des gémissemens. Coré alla vers Aaron ; mais il ne put le fléchir ; alors, prenant pitié de la veuve, il lui donna quatre pieces d’argent, et s’en retourna fort en colere. Quelque temps après, la même brebis mit son premier agneau ; dès qu’Aaron le sut il courut chez la femme, prit l’agneau et l’emporta. La pauvre veuve alla encore pleurer chez Coré; celui-ci conjura Aaron une seconde fois de rendre à la veuve son seul bien. Je ne le puis, répondit le prêtre Aaron, car il est écrit:tout mâle premier-né du troupeau sera offert au seigneur. Il retint l’agneau pour lui, et Coré le quitta furieux. La femme désespérée tua la brebis ; Aaron vint sur le champ et prit pour lui l’épaule, le cou et le ventre. Coré retourna vers Aaron, et lui fit de nouveaux reproches; il est écrit, répondit le pontife : tu donneras l’épaule, le cou et le ventre au prêtre. La veuve, poussée à bout, jura et dit : que ma brebis soit anathême. Aaron, l’ayant su, prit la brebis entiere pour lui, en disant : il est écrit, tout anathême dans Israël t’appartiendra. " l’auteur dit ensuite que Coré, Dathan et Abiran, formerent un parti considérable contre Aaron ; mais qu’ils ne furent pas les plus forts, et que quatorze mille des leurs périrent dans une bataille. On a conjecturé que cette satyre juive, la seule qui nous soit parvenue, fut écrite lorsque le grand-prêtre Jean, disputant la thiare à son frere, Jésu le tua dans le temple-même du temps du roi Artaxerxes. Nous n’entrons point dans cette vaine dispute ; nous devons rejeter tout ce qui n’est pas contenu dans les livres saints, dont nous commentons avec respect les principaux endroits, sans oser en approfondir le sens. Nous dirons seulement, que de tout temps il y eut des esprits hardis qui se piquerent d’être au-dessus des préjugés du vulgaire ; il y en a beaucoup aujourd’hui à Rome, à Constantinople, à Londres, dans Amsterdam, dans Paris, dans Pekin ; mais ils ne forment point de factions, et par-là ils ne sont pas dangereux. Or le parti de Dathan, Coré et Abiran, paraît avoir été une faction considérable, réprimée par ceux qui avaient le pouvoir en main.
  12. ce sacrifice, et cette eau de la vache rousse, furent longtemps en usage chez les juifs. Le chevalier Marsham fait voir dans son canon égyptiaque, aussi bien que Spencer, que cette cérémonie est entiérement prise des égyptiens, aussi bien que le bouc émissaire et presque tous les rits hébreux. Kirker dit, qu’on croirait que les hébreux ont tout imité des égyptiens, ou que les égyptiens ont hébraïsé ; plusieurs pensent qu’il est vraisemblable que le petit peuple se soit modélé sur la grande nation sa voisine, quoiqu’il fût son ennemi. Les uns croient que les égyptiens immolaient une vache à Isis ; les autres croient que c’était un taureau. Ce n’était point une contradiction d’avoir un taureau consacré dans un temple, et d’immoler les autres. Au contraire, dit-on, la même religion qui ordonnait la consécration du taureau symbole de l’agriculture, ordonnait qu’on immolât des taureaux et des vaches à Isheth, que les grecs nommerent Isis, inventrice de l’agriculture. Calmet dit que la vache rousse marque assez Jésu-Christ dans son agonie.
  13. les copistes ont fait encore ici une très-grande faute ; car on ne peut en soupçonner l’auteur sacré : c’est de prendre toujours le nord pour le midi. Arad est précisément à l’extrémité orientale où les hébreux parvinrent selon le texte en partant du désert de Sin. Ils sont battus vers Adar, ou Arada, qui est dans le désert de Bersabé ; ils battent ensuite ce petit chef, qu’on appelle roi d’un peuple cananéen ; voilà le pays que Dieu leur a promis. Mais, loin d’en jouïr, ils détruisent ses villes et s’en retournent au midi vers la mer Rouge. Cela est incompréhensible. Le peuple de Dieu devait être plus nombreux au bout de trente-huit ans que lorsqu’il partit d’égypte ; la bénédiction du seigneur était dans le grand nombre des enfants ; et si chaque femme a eu seulement deux mâles, il devait y avoir douze cents mille combattants, sans compter les vieillards qui pouvaient être encore en vie. Il est vrai que le seigneur en avait fait tuer vingt-trois mille pour le veau d’or, comme depuis vingt-quatre mille pour une madianite, et quatorze mille pour la querelle de Coré, de Dathan, et d’Abiran avec Mosé, mais certainement il en restait assez pour conquérir le petit pays de Canaan, et surtout pour l’affamer. Il n’est pas naturel qu’il s’enfuie alors vers la mer Rouge : nous ne pouvons expliquer cette étrange marche ; nous nous en rapportons au texte, sans pouvoir en applanir les difficultés ; nous ne répondrons rien aux guerriers, qui disent hardiment que cette marche de Mosé est d’un imbécille ; nous répondrons encore moins aux incrédules, qui ne regardent ce livre que comme un amas de contes sans raison, sans ordre, sans vraisemblance : il faudrait des volumes pour résoudre toutes leurs objections ; quelques-uns l’ont tenté, personne n’a pu y réussir. Le saint esprit, qui a seul dicté ce livre, peut seul le défendre.
  14. les égyptiens avaient dans leur temple de Memphis un serpent d’argent qui se mordait la queue, et qui était selon les prêtres d’égypte un symbole de l’éternité. On voit encore des figures de ce serpent sur quelques monuments qui nous restent. C’est une nouvelle preuve, si l’on en croit les savants, que les hébreux furent en beaucoup de choses les copistes des égyptiens. On ne sait pas trop ce que c’est que ces serpents ardents ; mais la grande difficulté est d’expliquer comment cette figure peut s’accorder avec la loi, qui défendait si expressément de faire aucune figure. Il est aisé de détruire cette objection, en montrant que le législateur peut se dispenser de la loi. Grotius dit que l’airain est contraire à ceux qui ont été mordus des serpents, et que le danger du malade redouble si on lui montre seulement l’image de l’animal qui l’a mordu. Grotius n’était pas grand physicien. Il se peut que l’imagination de tout malade se trouble à la vue de toute figure qui lui représentera l’animal qui cause son mal, de quelque espece que cet animal puisse être. Si Grotius avait raison, Mosé serait allé contre son but, et en élevant un serpent d’airain il aurait augmenté le mal au lieu de le guérir. Les incrédules trouvent mauvais que Dieu envoie des serpents à son peuple, au lieu du pain qu’il lui demande ; et ils disent que le serpent d’airain ne ressuscita pas ceux que les serpents avaient tués. Ce qui pourrait confondre les incrédules, c’est que le serpent d’airain, érigé par le grand Mosé, est soigneusement conservé à Milan ; et cela est d’autant plus admirable, que selon la sainte écriture le roi juif ézéchias avait fait fondre ce serpent, comme un monument d’idolatrie et de magie qui souillait le temple juif.
  15. tout ce pays des moabites, et d’Og roi de Bazan, est le désert qui conduit à Damas, et par lequel les arabes passent encore pour aller en Sirie. Ce désert est à la gauche du Jourdain, près des montagnes de la Célésirie. La terre promise, qui contient Jérico, Sichem, Samarie, Jérusalem, est à la droite de ce petit fleuve. Il n’y a point d’autre fleuve dans le pays, il n’y a que des torrens ; aussi le texte hébreu ne dit point que Balaam demeura sur le fleuve des ammonites ; il dit que Balac envoya des députés à Balaam à Petura, situé sur le fleuve de la patrie de Balaam ; et les commentateurs conviennent que le texte hébreu est corrompu dans la vulgate. Le deutéronome, au chap xxiii, dit formellement que Balaam fils de Béhor, était de Mésopotamie de Syrie. Ce fleuve, dont il est parlé dans les nombres, ne peut donc être que l’Euphrate ; et les doctes conviennent que, suivant le texte chaldéen, Balaam demeurait vers l’Euphrate. Mais nous avons déja remarqué* Page 86, note. qu’il y a plus de trois cents mille de l’Euphrate à l’endroit où étaient alors les hébreux ; cela forme une nouvelle difficulté. Comment le petit roitelet Balac, le petit chef d’une horde d’arabes, poursuivi par douze cents mille hommes, pouvait-il, pour tout secours, envoyer chercher un prophete en Chaldée, à cent cinquante lieues de chez lui ? Les critiques demandent encore, de quel droit, et par quelle fureur, douze cents mille étrangers venaient ravager et mettre à feu et à sang un petit pays qu’ils ne connaissaient pas. Si on répond que ces douze cents mille étaient les enfans de Jacob et d’Abraham, les critiques repliquent qu’Abraham n’avait jamais possédé qu’un champ, et que ce champ était en Hébron de l’autre côté du Jourdain, et que les moabites et les ammonites, descendans, selon l’écriture, de Loth neveu d’Abraham, n’avaient rien à démêler avec les juifs. Ou ils les connaissaient, ou ils ne les connaissaient pas. Si les juifs les connaissaient, ils venaient détruire leurs parents. S’ils ne les connaissaient pas, quelle raison avaient-ils de les attaquer ?
  16. les interpretes ne sont pas d’accord entr’eux sur ce prophete Balaam : les uns veulent que ce fût un idolâtre de la Chaldée ; les autres prétendent qu’il étoit de la religion des hébreux. Le texte favorise puissamment cette derniere opinion ; puisque Balaam, en parlant du dieu des juifs, dit toujours, le seigneur mon dieu, et qu’il ne prophétise rien que Dieu n’ait mis dans sa bouche. Il est étonnant, à la vérité, qu’il y eût un prophete de Dieu chez les chaldéens. Abraham, né de parens idolâtres en Chaldée, fut le plus grand serviteur de Dieu. Il est dit que Dieu lui-même vint parler à Balaam pendant la nuit, et lui ordonna d’aller avec les députés du roi Balac. Cependant Dieu se met en colere contre lui sur le chemin ; et l’ange du seigneur tire son épée contre l’ânesse, qui portait le prophête. Le texte ne dit pas pourquoi Dieu était en colere, et pourquoi l’ange vint à l’ânesse l’épée nue ; ce n’est pas un des endroits de l’écriture sainte les plus aisés à expliquer. Balaam semble ne frapper son ânesse, que parce qu’elle se détourne du chemin qu’il prenait pour obéir au seigneur. Ce qui passe pour le plus merveilleux, c’est le colloque du prophete, et de l’ânesse. Mais il est certain que dans ces temps-là c’était une opinion généralement reçue que les bêtes avaient de l’intelligence, et qu’elles parlaient. Le serpent avait déjà parlé dans le jardin d’éden ; et Dieu-même avait parlé au serpent. Don Calmet dit sur cet article ces propres mots. " si le démon a pu autrefois faire parler des animaux, des arbres, des fleuves ; pourquoi le seigneur ne pouvait-il pas faire la même chose ? Cela est-il plus difficile que de voir l’âne de Bacchus qui lui parle, le bélier de Phryxus, le cheval d’Achille, un agneau en égypte sous le regne de Bocchoris, l’éléphant du roi Porus ? Des bœufs en Sicile et en Italie n’ont-ils pas autrefois parlé, si on en croit les historiens ? Les arbres-mêmes ont proféré des paroles ; comme le chêne de Dodone, qui rendait, dit-on, des oracles, et l’orme qui salua Appollonius De Thyane. On dit même que le fleuve Caucase salua Pythagore. Nous ne voudrions pas garantir tous ces événements ; mais qui oseroit les rejetter tous, lorsqu’ils sont rapportés dans un très grand nombre d’historiens très graves et très judicieux ? " la remarque de Don Calmet est très singuliere. Mais on ne sait ce que c’est que ce fleuve Caucase qui salua Pythagore. On ne connaît que le mont Caucase, et point de riviere de ce nom. Stanley, qui a recueilli tout ce que les historiens et les philosophes ont dit de Pythagore, ne parle point d’une riviere appellée Caucase ; et nul géographe n’a cité cette riviere. Mais Diogene De Laërce, Jamblique et Ellen, disent que ce fut la riviere Cosan qui salua Pythagore à haute et intelligible voix. Porphire et Jamblique disent, que Pythagore ayant vu auprès de Tarente un bœuf qui mangeoit des feves, il l’exhorta à s’abstenir de cette nourriture. Le bœuf répondit qu’il ne pouvait manger d’herbe. Mais enfin Pythagore le persuada ; et il retrouva son bœuf plusieurs années après dans le temple de Junon, qui mangeait tout ce qu’on lui présentait, excepté des feves. Il eut aussi un entretien avec une aigle qui volait sur la tête aux jeux olympiques ; mais on ne nous a pas rendu compte de cette conversation. Au reste, il est visible que Dieu préféra l’ânesse à Balaam, puisqu’il dit qu’il auroit tué le prophete, et laissé l’ânesse en vie.
  17. remarquez que Dieu ne prend soin d’instruire, et de conduire aucun prophete dans l’ancien testament avec plus d’empressement qu’il n’en montre envers Balaam. On croirait que toutes les nations avaient alors la même religion, si le contraire n’était pas dit dans plusieurs autres passages. Il faut encore observer que les bénédictions et les malédictions étaient regardées par tout comme des oracles, comme des arrêts de la destinée auxquels on ne pouvait échapper. Le sort de tout un peuple était attaché à des paroles ; et quand ces paroles étaient dites, on ne pouvait plus se rétracter. Vous avez vu que quand Jacob surprit la bénédiction d’Isaac son pere, quoique par une fraude aussi criminelle que grossiere, Isaac ne put la rétracter : il est dit que cette bénédiction eut son effet au moins pour quelque temps. Ici Dieu-même prend soin de diriger toutes les bénédictions, toutes les prophéties de Balaam, comme si un mot de mauvais augure devait empêcher l’effet de la conjuration et en détruire le charme. Ces idées prévalurent long-temps chez les orientaux.
  18. non seulement tous ces passages indiquent que le prophete Balaam était le prophete du dieu des hébreux, et inspiré par lui seul ; mais le roi ou chef Balac déclare positivement, que c’est ce même dieu qui prive Balaam de la récompense. Dieu inspire tellement ce Balaam, que lui qui ne pouvait connaître ni le nom de Jacob, ni celui d’Israël sans révélation, lui qui demeurait au-delà de l’Euphrate à cent cinquante ou deux cents lieues, prononce ces noms avec enthousiasme, et dit que Jacob est fort comme un rhinocéros. Calmet, dans ses remarques, prouve par plusieurs passages, qu’il y a des rhinocéros ; la chose n’a jamais été douteuse, et le rhinocéros qu’on nous a montré depuis peu en Hollande et en France, en est une preuve assez convaincante.
  19. cette étoile de Jacob, jointe avec cette verge, fait voir que Balaam était supposé né dans la Chaldée, où l’on crut, et où l’on croit encore que chaque nation est sous la protection d’une étoile : ainsi l’étoile de Jacob devait l’emporter sur l’étoile de Moab ; et la verge d’Israël devait vaincre les autres verges, comme la verge de Mosé vainquit la verge de Jannès et de Mambrès magiciens du pharaon d’égypte. On n’entend point le sens de ces paroles, elle ruinera tous les enfans de Seth . Ces enfans étaient les juifs eux-mêmes. Tout cela fait soupçonner à plusieurs savants, que l’histoire de Balaam insérée dans le pentateuque n’a été écrite que très tard, et après les conquêtes d’Alexandre. Ce qui semble favoriser un peu cette opinion hazardée, c’est que l’auteur parle de Kittim , qu’on prétend être la Grece, et qu’Alexandre avait une flotte dans sa guerre contre le roi Darah, que nous appellons Darius..
  20. les critiques se sont élevés principalement contre cette partie de l’histoire des anciens juifs. On voit, disent-ils, une armée innombrable d’hébreux, prête à tomber sur les ammonites et les madianites : un prophete est arrivé de cent cinquante lieues pour prédire une victoire complette à l’étoile de Jacob sur l’étoile de Moab et de Madian ; et voilà qu’au lieu de se battre le peuple juif se mêle familiérement aux peuples madianites et moabites ; ils couchent tout d’un coup avec leurs filles, et ils adorent leur dieu Belphégor ; et cela sans que la paix soit faite, sans treve, sans le moindre préliminaire ; rien ne paraît plus incroyable.
  21. le seigneur en colere commence par ordonner à Mosé de faire pendre tous les princes sans forme de procès, c’est-à-dire, de les attacher à des potences après les avoir tués : car les juifs n’avaient pas l’usage de pendre en croix les hommes vivants ; il n’y en a pas un seul exemple. Mosé va plus loin ; il ordonne que chacun tue tous ses parents qui ont sacrifié à Belphégor. Bel est le nom de Dieu dans toute la Syrie. Balac, ce chef des arabes moabites, a reconnu le dieu des juifs pour Dieu en parlant tout à l’heure à Balaam : il est donc probable que les hébreux et ces peuples avaient le même dieu. Mais il est très probable aussi qu’ils n’entendaient point par Belphégor l’Adonaï des hébreux. Les critiques ajoutent qu’il n’est pas possible qu’il y eût un lieu public de prostitution dans ce désert sablonneux, où il n’y a jamais eu que quelques arabes errants et pauvres ; que ces lieux de débauche n’ont jamais été connus que dans les grandes villes, où ils sont tolérés pour prévenir un plus grand mal.
  22. ces mêmes critiques continuent et disent, que cette nouvelle boucherie est aussi difficile à exécuter qu’à croire ; que ce Phinée aurait été le plus fanatique, le plus fou, et le plus barbare des hommes. Selon Flavian Joseph, le juif et la femme madianite étaient mariés. Les parties génitales des gens mariés étaient sacrées ; et le crime de l’assassin Phinée était exécrable. Si les juifs, au lieu de combattre contre Madian, épouserent sur le champ des filles de Madian, cela peut être absurde ; mais cela ne mérite pas qu’on empale deux époux par les parties sacrées, et qu’on massacre vingt-quatre mille innocents. De quel front Mosé, à l’âge de près de six-vingt ans, pouvait-il faire tuer vingt-quatre mille de ses compatriotes, pour s’être unis à des filles madianites, lui qui en avait épousé une, lui dont les enfans avaient un madianite pour grand-pere ! Quoi ! Encore une fois, Aaron apostat est fait sur le champ grand-prêtre, et vingt-quatre mille citoyens sont égorgés pour la chose la moins criminelle ! Et le sacerdoce, est donné éternellement à la race d’Aaron pour sa récompense ! Encore cette race d’Aaron n’eut-elle le sacerdoce que du temps de Salomon, et jusqu’aux maccabées. Une foule d’incrédules pensent que tout cela ne peut avoir été écrit que par quelque lévite très ignorant, qui compila au hazard ces absurdités en faveur de sa tribu, comme nos moines mendiants ont écrit les histoires de leurs fondateurs : nous regardons ces discours comme des blasphêmes ; mais nous sommes obligés de les rapporter. Don Calmet dit que Phinée crut que tout homme sage devait en user ainsi :c’est-à-dire, que tout homme sage doit percer par les génitoires les hommes et les femmes qu’il trouvera couchés ensemble, et ensuite égorger tout ce qu’il rencontrera dans son chemin jusqu’au nombre de vingt-quatre mille.
  23. nous avions compté que les israëlites étant sortis d’égypte au nombre de plus de six cents mille combattans, le nombre des femmes étant à peu près égal à celui des hommes, et tous les juifs se mariant, tous étant nourris par un miracle, l’armée pouvait être, au bout de quarante ans, de douze cents mille hommes. On n’en trouve cependant ici qu’environ six cents mille. Il faut considérer qu’il en était mort beaucoup dans la marche pénible et continuelle au milieu des déserts : le seigneur en avait fait tuer vingt-trois mille pour le veau d’or ; quatorze mille deux cents cinquante pour Coré et Dathan ; vingt-quatre mille pour les filles madianites : somme totale, soixante et un mille deux cents cinquante ; sans compter les princes d’Israël, que le seigneur fit mourir pour le péché commis avec les madianites, et ceux qui moururent de maladie : outre cela le seigneur voulut que toute la race, qui avait murmuré dans le désert, fût entiérement détruite, et n’entrât point dans la terre promise. Ainsi trois millions d’hommes sortis d’égypte moururent dans ces déserts, et six cents mille, qui étaient nés dans ces mêmes déserts, resterent pour conquérir le petit pays de Canaan.
  24. les critiques jettent les hauts cris sur cette colere de Mosé, qui n’est pas content qu’on ait tué tous les mâles descendants d’Abraham comme lui, et chez lesquels il avait pris femme : il veut encore qu’on tue toutes les meres, toutes les femmes qui auront couché avec leurs maris, et tous les enfans mâles à la mamelle, s’il en reste encore. Ils ne peuvent comprendre que dans le camp des madianites le butin ait été de six cents soixante et quinze mille brebis, de soixante et un mille ânes, de soixante et douze mille bœufs ; ils disent qu’on n’aurait pas pu trouver tant d’animaux dans toute l’égypte. Si on donna trente-deux mille filles aux vainqueurs, ils demandent ce qu’on fit des trente deux filles réservées pour la part du seigneur : il n’y eut jamais de religieuses chez les juifs. La virginité était regardée chez eux comme un opprobre. Comment donc trente-deux pucelles furent-elles la part du seigneur ? En fit-on un sacrifice ? Ces critiques osent l’assurer. Il faut leur pardonner d’être saisis d’horreur à la vue de tant de massacres de femmes et d’enfans. On conçoit difficilement comment il se trouva tant de femmes et d’enfans dans une bataille ; mais rien ne nous apprend que les trente deux filles offertes au seigneur aient été immolées. Que devinrent-elles ? Le texte ne le dit pas ; et nous ne devons pas ajouter une horreur de plus à ces rigueurs qui soulevent le cœur des incrédules, et qui font détester le peuple juif à ceux-mêmes qui lisent l’écriture avec le plus de respect et de foi. Le texte dit encore, qu’on trouva une immense quantité d’or en bagues, en anneaux, en bracelets, en coliers, et en jarretieres. On n’en trouverait certainement pas tant aujourd’hui dans ce désert effroyable ; nous avons déjà dit que ces temps-là ne ressemblaient en rien aux nôtres.
  25. M Fréret et le Lord Bolingbroke croient démontrer, que ce fut un lévite ignorant et avide qui composa, disent-ils, ce livre dans des temps d’anarchie. Les lévites, disent ces philosophes, n’avaient d’autre possession que la dixme. " jamais le peuple juif, dans ses plus grandes prospérités, n’eut quarante-huit villes murées. On ne croit pas même qu’Hérode, leur seul roi véritablement puissant, les possédât. Jérusalem, du temps de David, était l’unique habitation des juifs qui méritât le nom de ville ; mais c’était alors une bicoque, qui n’aurait pas pu soutenir un siege de quatre jours. Elle ne fut bien fortifiée que par Hérode. Ces auteurs, et quelques autres, s’efforcent de faire voir que les juifs n’eurent aucune ville, ni sous Josué, ni sous les juges. Comment ce petit peuple, errant et vagabond jusqu’à Saül, aurait-il pu donner quarante-huit villes à des lévites ? Lui qui fut sept fois réduit en esclavage, de son propre aveu. Peut-on ne se pas indigner contre le lévite faussaire, qui ose dire qu’il faut donner quarante-huit villes à ses compagnons par ordre de Dieu ! Apparemment on devait leur donner ces quarante-huit villes quand les juifs seraient maîtres du monde entier, et que les