La Cathédrale de Lyon/I/7

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Henri Laurens (p. 20-22).

Les maîtres de l’œuvre. — Nous ignorons le nom de l’auteur du plan de la cathédrale ; nous savons seulement, que les « maîtres de l’œuvre » de Saint-Jean, magistri operis sancti Johannis, avaient la direction générale des travaux. Ils s’occupaient des plans et dessins, de la surveillance de l’exécution et de la qualité des matériaux, de la visite des carrières, de la police des chantiers. Le maître de l’œuvre était lui-même un véritable « appareilleur » et traçait souvent de sa main le « trait », la coupe

Profils de tacherons ou d’imagiers

des pierres. Les ouvriers placés sous sa direction marquaient les matériaux travaillés par eux de signes distinctifs, que l’on rencontre très nombreux dans presque tout l’édifice, mais seulement à partir de la fin du xiie siècle.

Les corporations d’ouvriers étaient dirigées chacune par un des maîtres des œuvres spéciales : pour la charpente le magister in arte carpentariae, la serrurerie le magister in arte fabricaturae, la toiture le magister copertor, les peintres le magister pictor, les verriers ou vitriers le magister verrerius ou vitrarius.

Parmi les maîtres de l’œuvre dont les actes capitulaires nous ont conservé les noms un seul, « Robert le maçon», mentionné en 1147, aurait pu travailler à l’œuvre de l’église primitive. Puis nous trouvons : Gauthier (1270), Jean Richard (1292), Jean de Longmont (1316), Jean de Remacin (1359), Jean de Saint-Albin (1362), Jean Bertel (1368), Jacques de Beaujeu (1370) qui traça la grande rose de la façade. Le dernier et le plus connu fut Jacques Morel (1418), l’architecte-sculpteur qui exécuta les tombeaux des ducs de Bourbon à Souvigny et celui du cardinal de Saluces à Saint-Jean. Après lui, le rôle de l’architecte devenant moins important, il n’y eut plus que des conducteurs de travaux, portant le titre de « maître de l’œuvre de la pierre de Saint-Jean » : Pierre Noiret (1425), Jean Robert (1430), Antoine Montaing, et enfin N. Marceau qui doit être considéré comme ayant terminé le gros œuvre de la cathédrale.

Aucun des grands maîtres d’œuvres du Nord ne vint travailler à Lyon, aucun nom ne se détache qui fasse oublier les autres. L’individualité de la cathédrale paraît y avoir gagné. Tandis que, dans le Nord, l’évolution se faisait hâtive et se précipitait au point que les maîtres d’œuvre abattaient parfois le travail de leurs prédécesseurs ; à Lyon chacun s’associa de son mieux au grand effort qui, de 1170 environ à 1480, se continua, anonyme, collectif et persévérant, pendant les trois siècles qui furent l’âge d’or de l’architecture française.