La Cathédrale de Lyon/I/8

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Henri Laurens (p. 22-26).

Vandalisme. Restauration. — Au début du xvie siècle, la cathédrale de Lyon était complètement achevée, mais elle ne devait pas tarder à subir, à deux reprises, de terribles mutilations : en 1562, lors du passage des hordes du baron des Adrets et en 1793 pendant la Terreur. Il faut y ajouter les prétendues restaurations faites par les chanoines du xviiie siècle et d’autres, presque jusqu’à nos jours.

Les ravages de 1562 furent les plus désastreux. Les cinquante grandes statues qui décoraient le soubassement intérieur et extérieur de la façade sont renversées par les calvinistes qui mutilent les trois tympans, les bas-reliefs des ébrasements des portes, décapitent les anges et les patriarches des voussures, arquebusent les hautes statues des contreforts. Un récit contemporain rapporte que l’un de ces iconoclastes, après avoir précipité en bas la Vierge et l’Ange du grand pignon de la façade, s’évertuant à démolir l’image de Dieu le Père qui en couronnait le sommet, vint s’abattre avec elle sur le parvis. À l’intérieur, le somptueux jubé du xiiie siècle est démoli et le grand Christ d’argent qui le surmonte traîné par la ville. Détruits de même, les tombeaux du cardinal de Saluces et du cardinal de Bourbon. Le trésor, les archives contenant les plus précieuses orfèvreries et les titres les plus rares sont une proie facile à la rapacité des soudards. Les pertes étaient irréparables.

Le calme rétabli, le chapitre ne put songer qu’aux réparations les plus urgentes et, en particulier, à la réfection d’un jubé dont l’ordonnance classique, en faveur à l’époque, était loin de faire oublier les fines dentelures de celui du xiiie siècle.

Mais les chanoines du xviie et du xviiie siècle devaient poursuivre l’œuvre de mutilation. En 1706, le trumeau du portail central, surmonté d’un saint Jean-Baptiste en albâtre de Germain Pilon, fut abattu et remplacé par un arc Louis XV qui donnait passage aux pompeux cortèges du chapitre et le plus grand nombre de vitraux de la nef et des chapelles, dus à la générosité des archevêques ou des dignitaires de l’église, furent démolis et remplacés par des verres blancs à combinaisons géométriques. Vint la Révolution qui détruisit les églises Saint-Étienne et Sainte-Croix. Le trésor et le chartrier de la cathédrale furent de nouveau pillés, les autels renversés, le jubé encore une fois détruit. Le dallage avait été bouleversé pour être rendu praticable aux bœufs enguirlandés qui traînaient le char de la déesse Raison et les tombes des archevêques furent profanées. Aussi, quand, en 1802, la cathédrale fut rendue au culte, le service divin ne pouvait y être célébré et le Gouvernement désigna l’église Saint-Nizier pour servir provisoirement de cathédrale.

Cependant le chapitre presse les réparations : il fait placer au tympan du grand portail l’indigne plâtras de Maurice Gallin qui déshonore encore la façade. On garnit le pourtour de l’abside avec les boiseries de 1700 achetées à Cluny ; deux statues de saint Étienne et de saint Jean-Baptiste, œuvres de Blaise datées de 1776 et 1780, furent placées contre les piliers à l’entrée du chœur ; le maître-autel, sans tabernacle, provenant du séminaire Saint-Charles, sans intérêt et composé de marbre de couleur, est un fâcheux anachronisme.

Photo L. Bégule.

Côté méridional

Antoine Chenavard édifie dans les chapelles des retables d’un style grec de haute fantaisie et une chaire en gothique de 1840. L’autel portatif, orné d’un triptyque peint par Louis Janmot et la stalle pontificale sont exécutés en style du xve siècle, sur les dessins de Pierre Bossan, le futur architecte de Fourvière. En 1841, Mgr de Bonald introduit dans le chœur l’orgue qui résonna, pour la première fois, sous les voûtes de la cathédrale, l’usage de chanter l’Office sans accompagnement s’étant maintenu jusqu’alors dans les coutumes rituelles du chapitre. Enfin, en 1861, avec l’approbation du Comité des Monuments Historiques, l’ancienne toiture basse de la nef fut remplacée par le comble actuel qui vient s’appuyer contre le gable de la façade et se dresse, énorme et écrasant, au-dessus du niveau des tours.

Chapiteau du triforium de l’abside, xiie siècle