La Cathédrale de Lyon/II

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Henri Laurens (p. 27-54).
Frise de marbre incrustée au-dessous du triforium de l’abside, xiie siècle

II

description
DE LA CATHÉDRALE


Plan. — La cathédrale de Lyon, régulièrement orientée, a la forme d’une croix latine. Elle comprend une abside en hémicycle, un chœur de deux travées, flanqué de deux chapelles latérales, un transept de deux travées à chaque bras de croix, d’une nef et de deux bas côtés de huit travées. Quatre tours accompagnent le vaisseau : deux sur les bras du transept, dont celle du nord sert seule de clocher ; deux autres moins robustes dominent la façade.

Il est à noter que nous ne voyons à Saint-Jean ni déambulatoire ni chapelles rayonnantes autour du chœur. C’est là un caractère commun à toutes les églises du Lyonnais : il en est de même, non seulement à Saint-Martin d’Ainay, mais à Saint-Paul et à Saint-Nizier.


Déviation de l’axe. — Comme dans beaucoup d’autres églises du xiiie siècle, l’axe du plan est très sensiblement dévié dans le sens de la longueur, en trois brisures différentes. On a souvent vu dans cette anomalie une idée mystique et une allusion au texte de l’Évangile de saint Jean : et inclinato capite. M. de Lasteyrie a péremptoirement démontré que cette particularité est presque toujours la conséquence des « difficultés matérielles auxquelles les maîtres des œuvres se heurtaient lorsqu’il leur était interdit de faire table rase de toutes les constructions élevées antérieurement sur le sol où ils opéraient ». C’était bien le cas pour la cathédrale de Lyon, élevée par étapes successives, l’œuvre de la « grande église[1] » n’avançant que lentement, et l’église baptistère de Leydrade n’étant démolie que successivement, de façon à ne pas interrompre le service divin.


L’abside. — Extérieur. Le niveau extérieur du sol étant plus bas que celui de l’intérieur, l’abside
Photo L. Bégule
Intérieur de la cathédrale
et le chœur ont dû être assis sur un robuste soubassement, pour la construction duquel on utilisa les « choins » du Forum de Trajan, retaillés, mais où l’on retrouve des inscriptions romaines en superbes augustales. L’abside en hémicycle est épaulée par huit contreforts qui la sectionnent dans toute sa hauteur. Au-dessus d’un premier rang de sept grandes baies dont les arcs sont brisés, règne une suite d’arcatures aveugles, tracées en plein cintre, qui correspondent exactement au triforium de l’intérieur. Là s’arrête la part qui revient au xiie siècle. Au-dessus, un second rang de baies géminées, abritées sous une élégante galerie qui entoure le chevet et retourne dans les transepts, éclaire largement le chœur. Enfin, une balustrade évidée en quatrefeuilles et divisée par des pinacles élevés à l’aplomb des contreforts, couronne cet ensemble et dissimule la toiture plate de l’abside. Établie au xve siècle, en même temps que celle des tours de la façade, cette balustrade, a été refaite en 1856, malheureusement sans la primitive dentelle de fleurons qui la complétait si heureusement.


Intérieur de l’abside. — À l’intérieur, le soubassement, du sol aux premières fenêtres, est construit en marbre et en pierre de choin poli. Les assises de la base forment deux gradins circulaires, au-dessus desquels se développe une suite d’arcatures aveugles et géminées, portée par des pilastres cannelés à chapiteaux de marbre blanc ; le tout est couronné d’une frise incrustée de ciment brun. Ce parti décoratif se prolonge sur les parois des deux chapelles latérales. À l’aplomb des six colonnes qui s’élancent entre les fenêtres pour soutenir les nervures de la voûte, d’autres pilastres plus

Soubassement de l’abside
Frise incrustée, xiie siècle.

Photo L. Bégule.
saillants portent six chapiteaux curieusement historiés : ils représentent les Rois Mages se rendant à Bethléem, la Vierge présentant l’Enfant-Dieu à leur adoration, la Nativité, où la Vierge, couchée, refuse du geste les soins que lui offre une servante et, enfin, le premier bain de l’Enfant Jésus : deux femmes lavent l’Enfant dans un vase qui a la forme d’une urne baptismale : ce sont les sages-femmes dont parlent les Évangiles apocryphes. C’est au centre de cet hémicycle que se trouvait l’ancienne
Photo L. Bégule.

Chapiteau du soubassement de l’abside
cathedra de nos archevêques, composée d’un siège de marbre élevé sur trois marches et de deux accoudoirs, dont la disposition est encore très visible.
A. Monvenoux et L. Bégule del.

Trône pontifical au fond de l’abside

Le chapiteau qui surmonte le dossier du trône représente Dieu le Père bénissant, avec le texte : Ego sum qui sum incrusté dans le marbre du tailloir. Malheureusement, les gradins, très richement incrustés de ciments colorés et qui sont la partie la plus importante de ce précieux témoignage de la puissance temporelle de nos anciens archevêques, restent, depuis plus d’un siècle, cachés sous un plancher impénétrable.

Dans la travée du chœur joignant le chevet, le mur est dépourvu de fenêtres et simplement occupé par un deuxième rang de hautes arcatures aveugles et peu saillantes à l’aplomb de celles du soubassement. Ces arcatures sont formées de trois lobes en fer à cheval, dont le tracé rappelle de la façon la plus singulière l’art musulman. Les chapiteaux de cet étage, en marbre blanc, sont plats et décorés simplement d’incrustations de ciment brun rouge. À droite, ce sont des feuilles d’acanthe ; à gauche, on voit un chameau et son conducteur, des têtes vomissant des feuillages, un coq surpris par l’apparition du diable.

La galerie du triforium, se développant tout autour du chœur pour rejoindre celle du transept et de la nef, forme le troisième étage de l’abside. Les arcades sont portées par des colonnettes de marbre alternant avec des pilastres cannelés ou même chevronnés et surmontés de fort beaux chapiteaux à feuillages, de l’art bourguignon le plus pur. Ici s’arrête dans l’abside l’œuvre du XIIe siècle.


Les incrustations. — Au-dessus et au-dessous de cette galerie courent deux frises de marbre blanc, incrustées de ciment brun, analogues à celle du soubassement, mais d’une composition plus variée et d’un dessin plus large, en raison de la hauteur où elles se trouvent. Ce parti décoratif, d’origine orientale, importé en Italie au XIe siècle, puis au XIIe à Lyon qui avait déjà tant de relations commerciales avec la Péninsule, joue un rôle des plus importants dans l’ornementation de la partie romane de la cathédrale[2].

Chapiteaux incrustés des parois latérales du chœur

Les incrustations de la cathédrale de Lyon seraient uniques en France si elles n’avaient été copiées au XIIe siècle dans l’abside de la cathédrale voisine de Saint-Maurice de Vienne. Ce décor de couleur, tout oriental, apporte une note délicate au milieu de la sévérité de l’architecture. Les motifs répandus à profusion sur les chapiteaux, sur les tailloirs, les frises et jusque sur la marche supérieure du trône archiépiscopal sont d’une vie et d’une fantaisie étonnantes : on remarque des Janus bifrons et trifrons, des têtes de bouc, des poissons affrontés, le cheval, le hibou, le lion, une pleine lune, un évêque mitré, et enfin des masques grimaçants.

Chapelles latérales du chœur. — Avant de terminer l’étude de l’abside par la voûte construite au XIIIe siècle, l’ordre chronologique des travaux nous amène à visiter les deux chapelles latérales du chœur, contemporaines de l’abside. La travée tangente au transept communiquait primitivement avec ces chapelles. Aujourd’hui, elles sont séparées du chœur d’un côté par l’orgue, de l’autre par une clôture moderne. De forme rectangulaire, elles se composent chacune de deux travées divisées par un arc doubleau qui repose sur des chapiteaux portés en encorbellement par des consoles et non par des colonnes, afin de laisser aux chapelles toute leur largeur.

Les voûtes sur croisées d’ogives de ces chapelles sont les plus anciennes de tout l’édifice, les seules qui soient dans l’esprit du plan primitif. Huit mascarons, interprétations libres de types romains, décorent les sommiers des arcs formés de trois tores. Tandis que la fenêtre orientale est en plein cintre, surmontée d’une rose à plusieurs lobes, les deux fenêtres latérales sont en tiers point et flanquées de colonnettes à bases de marbre blanc incrustées et surmontées de très beaux chapiteaux romans.


Partie supérieure de l’abside. — La frise incrustée qui surmonte le triforium de l’abside marque une interruption dans les travaux entrepris par l’archevêque Guichard. À ce niveau, les chapiteaux des colonnettes qui montent d’un seul jet, pour porter les nervures des voûtes, accusent très franchement les caractères de transition du XIIe au XIIIe siècle, ainsi que toute la partie supérieure du chœur. Cet étage comprend une série de sept baies

Photo L. Bégule.

Triforium de l’abside
géminées, encadrées par les branches d’ogives qui viennent se souder en faisceau à la clef de voûte. Les ajours de ces fenêtres affectent la forme très rare et peut-être unique d’un cœur. Les quatre fenêtres des travées à la suite sont divisées en trois baies par des colonnettes ; l’arc brisé de la baie centrale est très surhaussé et ceux des deux baies latérales ont leur sommet découpé par de petits évidements circulaires, disposition dont nous ne connaissons pas d’autre exemple.

Les voûtes sur croisée d’ogives, contemporaines, ou à peu d’années près, de celles du transept, sont du début du xiiie siècle. Un problème délicat venait, à ce moment, se poser à la sagacité du constructeur. L’architecture se lançait dans une nouvelle voie et les voûtes gothiques élevées sur la construction romane risquaient de compromettre gravement l’harmonie du chœur. Le maître d’œuvre s’en est tiré avec une habileté parfaite. La courbure de la voûte a été sensiblement brisée au sommet, mais sans prétendre aux élancements des cathédrales du Nord.

Dès le transept, l’architecte a pu librement lancer ses voûtes dans l’espace, mais encore a-t-il su ménager sa transition entre l’élévation de la nef et celle des bras de croix, en donnant à ceux-ci la hauteur même du chœur. Dans le transept, qui s’élève à la hauteur de la nef, les différences de niveau furent rachetées au moyen de murs verticaux, ajourés, au-dessus du chœur, par une rose et deux baies latérales et, au-dessus de l’arc doubleau des bras de croix, par des galeries de communication en forme de triforium.

Photo L. Bégule.

Transept


Transept et clochers. — Les croisillons surmontés aux deux extrémités par les deux grands clochers, furent élevés en même temps que la nef

sur de puissantes assises en matériaux romains, mais seulement jusqu’à la naissance des ogives qui portent les voûtes. Celles-ci ont été construites peu après, au XIIIe siècle.

La construction accuse cependant des indécisions et des modifications, principalement dans les arcatures du triforium qui suivent immédiatement la partie élevée au-dessus des deux chapelles. Les crochets des chapiteaux ne s’épanouissent pas encore en feuillages, mais se terminent par de simples boules. Des colonnettes semblent avoir subi comme une sorte de torsion qui rappelle les ondulations de certains pilastres de l’abside. Ces différences s’expliquent soit par les essais timides des constructeurs qui expérimentaient une architecture nouvelle, soit par des interruptions provoquées par l’insuffisance des ressources. Seules les arcades de la travée, à l’angle de la nef, ont été montées en même temps qu’elle et accusent les caractères du XIIIe siècle dans tout son épanouissement.

Les parties hautes des murs de fond du transept sont ajourées de magnifiques roses rayonnantes qui l’illuminent des feux multicolores de leurs vitraux. Au-dessus s’élèvent deux tours massives et carrées. Celle du nord appartient tout entière au XIIe siècle, mais celle du midi, connue sous le nom de la Madeleine, à cause des deux chapelles dédiées à sainte Madeleine, situées au-dessous de la tour, ne fut élevée qu’au XVe siècle.

Quel devait être le couronnement de ces tours restées inachevées faute de ressources et couvertes d’un toit provisoire ? Cette question, qui a souvent été agitée, est difficile à résoudre, la maçonnerie de la tour septentrionale n’étant pas terminée. Quant à celle du midi, couronnée par une balustrade ajourée qui attend encore ses clochetons d’angle et de milieu, on ne constate pas la présence de trompes dans les angles supérieurs, ce qui, a priori, pourrait exclure la probabilité de flèches élancées. Le constructeur avait peut-être, simplement, prévu une flèche, en forme de pyramide carrée et peu élevée, rappelant celles qui devaient surmonter les tours de la façade, dont les amorces sont encore très visibles ?

Avant 1562, onze cloches constituaient la sonnerie de la cathédrale. Deux d’entre elles seulement échappèrent aux ravages des calvinistes. Elles se trouvent dans la tour du nord. La « grosse cloche », fondue en 1568 aux frais des chanoines-comtes, eut pour marraine Anne de Bretagne, femme de Louis XII et fut baptisée sous le nom de Marie. Elle fut refondue en 1622 avec le même métal. C’est le fameux « bourdon » de Saint-Jean, si populaire à Lyon par la puissance et la gravité de ses sons : il pèse 8.300 kilogrammes, mesure 2m,19 de diamètre et donne le la bémol. Une seconde cloche date de 1671 et porte encore le vieux nom de Quart-Sing.


Intérieur de la nef. — Peu après la construction du chœur et des chapelles latérales donnant sur le transept, on avait élevé le périmètre des collatéraux, et de la façade même jusqu’au niveau des bases des piles engagées. Les profils rappellent de très près ceux des piliers romans du chœur. Quand les travaux reprirent, au XIIIe siècle, le maître d’œuvre monta les bas côtés sur les fondations déjà établies ; mais les piliers de la nef sont tout entiers du XIIIe siècle. La disposition primitive des collatéraux, tels qu’ils étaient avant l’ouverture des chapelles, avec leurs fenêtres à deux baies, est encore visible dans la travée qui touche la façade.

La nef, qui offre une complète unité, tout au moins dans ses grandes lignes, comprend huit travées recouvertes de quatre voûtes d’ogive sexpartites. Chacune de ces grandes voûtes, coupées par une nervure intermédiaire passant par la clef, embrasse deux travées. Seules, les deux dernières travées à l’occident furent élevées en même temps que la partie intérieure de la façade sous l’administration de Pierre de Savoie, vers 1310. Les voûtes de ces deux travées ne furent terminées que plus tard, en même temps que le haut de la façade, par l’archevêque de Thurey, 1358-1365, dont on retrouve les armes aux vitraux et aux clefs des voûtes[3].

L’élévation du vaisseau comporte trois divisions : les grandes arcades s’ouvrant sur les collatéraux
Tony Desjardins del.

Coupe longitudinale de la cathédrale de Lyon
et reposant sur de robustes piliers, un triforium se développant tout autour de l’édifice et les fenêtres hautes.

Les huit piliers cruciformes, tous semblables, sont composés d’une grosse pile cantonnée de quatre colonnes engagées. Deux de ces colonnes soutiennent les grandes arcades de la nef, une autre les arcs doubleaux longitudinaux des bas côtés et la dernière s’élance jusqu’aux voûtes de la nef pour porter alternativement la retombée des arcs doubleaux ou la nervure intermédiaire des grandes voûtes. Entre ces quatre colonnes, deux colonnettes en délit montent supporter les croisées d’ogives de la nef et deux autres soutiennent les formerets et les nervures des bas côtés. Ces faisceaux de colonnes reposent sur un socle robuste à huit faces et des bases à deux tores séparés par une scotie entre deux filets, très refouillée et se creusant en gouttière profonde. Le tore inférieur, robuste et saillant, accompagné de griffes, déborde sur les bases, tandis que le tore supérieur, plus aplati, semble écrasé par le poids des colonnes. Dans les collatéraux, les arcs doubleaux, les formerets et les ogives portent également sur une grosse colonne et quatre colonnettes engagées dans le mur latéral. Au pied de ce mur régnait une assise de pierre destinée à servir de banc aux fidèles. Cette disposition se retrouve près des piliers et dans la dernière travée. Les chapiteaux des piliers et des colonnes montrent un admirable épanouissement de feuillages d’érable, de chêne, de figuier, accrochés à la corbeille et sculptés avec une parfaite observation de la nature.

Le triforium, galerie de circulation qui se prolonge tout autour de l’édifice, constitue la deuxième division de la nef et se compose de quatre arcades par travée. Les différences architecturales provenant des reprises successives dans les travaux sont ici très visibles. Ainsi, dans les deux travées faisant suite au transept, les petites voûtes de la galerie sont des voûtes d’ogives reposant sur des consoles historiées. Dans les travées suivantes, ce sont de simples berceaux, enfin, dans les deux dernières — celles du XIVe siècle — l’extrados des arcs brisés qui surmontent les arcatures est orné de crochets. De même que pour les chapiteaux des grands piliers, la flore locale a fourni les motifs de tous ceux du triforium : feuilles de vigne, d’érable, de houx, feuilles d’eau. Les crochets de l’un d’eux se terminent même de façon très inattendue par des têtes feuillagées. Ces chapiteaux, eux aussi, accusent nettement des reprises dans les travaux. Ceux des quatre premières travées, en parlant du chœur, sont simplement ornés de crochets feuillagés tandis que ceux des deux travées suivantes sont tous décorés de bouquets de feuilles s’épanouissant sur la corbeille : la plupart portent la « marque » de leur auteur, c’est-à-dire un profil humain ou une demi-feuille d’érable, très soigneusement gravés sur le tailloir ou sur la corbeille.

Les grandes fenêtres qui forment le dernier étage de la nef, au-dessus de la galerie de circulation, occupent tout l’espace compris entre les contreforts et s’élèvent jusqu’aux voûtes, formant ainsi une immense clairevoie surmontée de roses polylobées. Ces fenêtres sont divisées, chacune, en trois baies par des meneaux formés d’un groupe de colonnettes bâties en assises.
Chapiteau du triforium
Les bases de ces colonnettes, débordant sur le mur, portent en encorbellement sur des culs-de-lampe et affectent les formes les plus variées : chapiteaux à crochets, masques humains, animaux bizarres. Les contreforts intérieurs, établis au-dessus des piliers de la nef entre les colonnettes qui supportent les formerêts et les nervures des voûtes et la paroi des fenêtres, sont réunis l’un à l’autre par une arcade. C’est sur ces arcades que reposent la corniche du couronnement de la nef, le chéneau et la balustrade. Le revers de la façade, qui n’est pas occupé par un buffet de grandes orgues, puisque l’usage de cet instrument était prohibé par le rituel lyonnais, pourrait sembler un peu nu. Un gable élancé, mais peu saillant, surmonte le portail ; deux autres
Coupe transversale de la nef, côté nord

l’accompagnent latéralement couronnant des consoles et des dais, aujourd’hui privés de leurs quatre grandes statues. Au-dessus retournent le triforium et la galerie supérieure reliant ainsi les deux parois de la nef et sous la voûte s’ouvre la grande rose de Jacques de Beaujeu.

Contemporaine des grandes cathédrales du Nord, c’est dans la nef seulement que l’influence septentrionale s’affirme dans la cathédrale de Lyon. Mais ici l’ascension éperdue des lignes est tempérée par un reste d’influences méridionales et il en résulte un ensemble d’une ordonnance grave et solennelle, d’une perfection et d’une harmonie absolues. Sans doute, les proportions de cette nef sont moins monumentales que celles de Reims, de Chartres ou d’Amiens et l’impression moins violente. Mais son charme plus discret et aussi savant en fait un des purs chefs-d’œuvre de l’architecture gothique de notre pays.


Extérieur de la nef. — L’effet de l’extérieur de la nef a été considérablement diminué et dénaturé par les bâtiments adossés à la Manécanterie et par la maison des Comtes de Lyon, qui masquent en partie la face méridionale et s’opposent à toute vue d’ensemble. Au sommet du mur des bas côtés règne une galerie qui passe au travers des contreforts, sur une corniche formant larmier, couronnée d’une balustrade en festons. Cette disposition, en partie visible au nord, disparaît au midi sous la longue toiture qui est venue prolonger celle du collatéral pour couvrir les chapelles ajoutées au XVe siècle. Au-dessus de la chapelle des Bourbons, dans la gorge de cette corniche, se développe une très curieuse suite d’animaux, sculptés par l’imagier qui les signait de son profil.

Au-dessus du comble des bas côtés, l’architecture du XIIIe siècle apparaît dans toute son intégrité. Sept grandes fenêtres divisées chacune en trois baies par deux meneaux, couronnées de roses à redents, occupent toute la partie haute de la nef, laissant entre elles juste la place nécessaire pour les points d’appui des arcs-boutants. Le mur est couronné par un large chéneau formant chemin

Photo L. Bégule

(XIVe siècle).                Détails de la nef                (XIIIe siècle).
de ronde, surmonté d’une balustrade dentelée qui ne réussit pas à cacher l’énorme toiture moderne. Entre chacune des fenêtres, six arcs-boutants doubles, appuyés sur de puissants contreforts surmontés de pinacles élégants, viennent épauler la poussée des voûtes. Au midi, six grandes statues de belle allure sont adossées à la face principale de chacun des contreforts. Malgré les mutilations causées par les arquebusades des calvinistes en 1562, on reconnaît encore facilement Moïse, Aaron, Josué, Gédéon, le jeune David recevant l’onction de la main de Samuel et enfin David, le Roi-prophète, couronné et jouant du rebec. Ces six figures groupées par un lien historique apparent rappellent les principaux moments de la destinée du peuple juif avant le Messie et, en même temps, les grandes institutions judaïques, symbolisées chacune par leur premier ou leur plus illustre représentant : la théocratie par Moïse, le sacerdoce par Aaron, l’armée par Josué, la judicature par Gédéon, la prophétie par Samuel, la royauté par David.

La face septentrionale présente la même disposition, mais les contreforts sont dépourvus de statues. Comme l’église Saint-Étienne masquait ce côté de l’édifice, on a réservé toute l’ornementation pour les culées méridionales, exposées aux regards des chanoines qui circulaient dans le cloître.


Façade. — Construite au cours du XIVe siècle et achevée au XVe siècle, la façade constitue la dernière étape de la construction de la cathédrale.

Photo L. Bégule

La façade

Elle s’élève, large et sévère, au-dessus d’un parvis de trois marches, sur un soubassement formé d’énormes blocs de marbre cipolin veiné de vert, qui proviennent du Forum de Trajan. Elle se divise dans le sens de la hauteur, en trois étages distincts.

Le soubassement est percé de trois larges baies surmontées de profondes voussures peuplées de légions d’anges et de saints et couronnées de gables élancés décorés de rosaces aveugles. Les trente-deux grandes statues qui formaient une imposante garde d’honneur à l’entrée des trois portails et dans leur intervalle sur le devant de la façade ont disparu, mais les innombrables bas-reliefs qui animent les pieds-droits présentent un merveilleux ensemble iconographique qui demande une étude spéciale. Au-dessus des trois portails se développe, sur toute la largeur de la façade, une série d’arcatures aveugles au niveau du triforium ; elles sont coupées par le gable central. De part et d’autre de celui-ci des écussons aux armes de France et du pape Sixte IV furent placées solennellement en 1476, en mémoire des faveurs spirituelles accordées à l’Église de Lyon. Une balustrade découpée en quatre lobes et bordant une galerie de circulation termine le premier étage.

Sur cette galerie s’élève un mur en retrait, plus sobrement décoré, au milieu duquel s’ouvre la grande rose de Jacques de Beaujeu, achevée en 1392. Elle est accompagnée, latéralement, de deux groupes de quatre consoles et d’autant de dais finement sculptés qui abritaient jadis de grandes statues. Dans le groupe de gauche, on a établi le cadran de l’horloge. Aux extrémités de la façade, les tourelles à pans coupés des escaliers se détachent à l’étage supérieur où elles viennent se souder aux deux clochers.

Une seconde balustrade termine le second étage et sert de base au grand pignon et aux deux tours qui se détachent à ce niveau, en constituant la troisième division de la façade.

Les quatre faces des deux tours sont percées de grandes ouvertures à meneaux. Une balustrade avec pinacles et crête fleuronnée en couronne le sommet. Sur la plateforme de ces tours, des souches d’arêtes et, aux angles, les arrachements de quatre pinacles portant sur quatre trompes indiquent visiblement que le plan primitif avait prévu deux flèches octogonales, peu élevées à vrai dire, qui n’ont jamais été exécutées.

Le grand pignon, simple motif décoratif, ne se soutient que par son aplomb et le constructeur, pour l’alléger, l’a ajouré d’une haute et élégante baie à meneau qui, avant l’établissement du comble monumental de 1862, découpait heureusement sur le ciel la dentelle de ses ajours. À droite et à gauche de la baie, la Vierge et l’Ange de l’Annonciation et, au sommet, dominant tout l’édifice, un Dieu de Majesté remplacent les figures d’Hugonin de Navarre, taillées en 1481 et détruites par les calvinistes en 1562. Cette dernière figure qui avait été dorée en 1482 étincelait au soleil. Pourquoi, lors de sa réfection, ne pas lui avoir rendu son ancienne parure.

Malgré la sobriété et la simplicité de lignes de cette façade, qui se réduit presque à un schéma architectural, et bien qu’elle soit aujourd’hui privée de la plus grande partie de la statuaire qui l’animait, on ne peut méconnaître sa majestueuse grandeur.

Photo L. Bégule.

Retable de la chapelle de l’Annonciade
  1. Principales dimensions de la cathédrale :
    Longueur totale intérieurement 
     79 mètres.
    Longueur du chœur 
     20 mètres.
    Largeur de la nef 
     13m,30.
    Largeur de la nef et des collatéraux 
     26 mètres.
    Hauteur du chœur 
     24m,50.
    Hauteur de la nef 
     32m,50.
    Hauteur des tours du transept 
     44 mètres.
  2. Lucien Bégule, Les incrustations décoratives des cathédrales de Lyon et de Vienne, 1905.
  3. Une conséquence fâcheuse du plan carré formant deux travées divisées par un léger arc doubleau, c’est de donner aux arcs ogives une direction trop oblique dont la projection coupe désagréablement la vue des fenêtres, comme on peut s’en rendre compte sur l’élévation longitudinale.