La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 10

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X

Li Emperere en tint sun chef enclin, L’Empereur demeurait là, tête baissée ;
140 De sa parole ne fut mie hastifs, Car jamais sa parole ne fut hâtive,
Sa custume est qu’il parolet à leisir. Et sa coutume était de ne parler qu’à loisir.
Quant se redrecet, mult par out fier le vis.
Quand enfin il se redressa, la fierté éclatait sur son visage :
Dist as messages : « Vus avez mult ben dit. « Vous avez bien parlé, dit-il aux messagers.
« Li reis Marsilies est mult mis enemis. « Il est vrai que le roi Marsile est mon grand ennemi.
145 « De cez paroles que vus avez ci dit « Mais enfin ces paroles que vous venez de prononcer,
« En quel mesure en purrai estre fiz ? » « Dans quelle mesure puis-je m’y fier ?
« — Voelt par ostages, ço dist li Sarrazins, « — Vous aurez des otages, répond le Sarrasin ;
« Dunt vus averez u dis u quinze u vint. « Nous vous en donnerons dix, quinze ou vingt.
« Par num de ocire i metrai un men filz, « Mon fils sera du nombre, dût-il y périr.
150 « E si’n averez, ço quid, de plus gentilz. « Et vous en aurez, je pense, de plus nobles encore.
« Quant vus serez el palais seignurill, « Lorsque vous serez de retour en votre palais seigneurial,
« A la grant feste seint Michel del Peril, « À la grande fête de saint-Michel du Péril,
« Mis avoez là vus siurat, ço dit, « Mon maître, c’est lui qui vous le promet, vous suivra
« Enz en voz bainz que Deus pur vus i fist ;
« À vos bains d’Aix, dont Dieu a fait jaillir pour vous les eaux miraculeuses.
155 « Là vuldrat il chrestiens devenir. » « Là, il consentira à devenir chrétien.
Carles respunt : « Uncore purrat guarir. » Aoi.
« — Voilà bien, répond Charles, le moyen pour lui de se sauver. »


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Vers 142. — [Q]uant. Mu. On lit très-bien tout le mot dans le ms. ═ lu vis. O. On ne trouve lu que trois fois dans tout notre texte. (V. 142, 283, 320.)

Vers 145.Vos. O.

Vers 147.Voet. O. V. la note du v. 40. ═ O. porte : hostages. Or, dans le ms., on trouve à peu près le même nombre de fois les deux formes hostages (147, 572, 646, 3852), et ostages (40, 57, 87, 3950). Nous avons choisi la forme la plus étymologique. C’est en même temps celle qui, après avoir été la plus commune dans notre ancien langage, a persisté dans le nouveau.

Vers 148.Avrez. Mu. V. la note du vers 38.

Vers 149.Par num d’ocire. Mu. Nous restituons de ocire qui se trouve dans le ms., et qui s’élidait dans la prononciation, mais non pas toujours dans l’écriture. ═ Mien. O. On trouve mien dans le ms. d’Oxford (149, 339, 743, 1936, 2183, 2718) ; mais bien plus souvent men (43, 249, 524, 539, 756, 767, 1709, 1798, 2073, 2286, 3591). Voir la note sur bien, au v. 34, et la combiner avec celle sur les couplets en ier, v. 96, page 51. ═ Filz. O., etc. Lisez dans notre texte fil à cause du cas régime.

Vers 150.Avrez. O. V. la note du v. 38. ═ E si ’n averez, ço quid, de plus gentilz. Il nous semble que tous les traducteurs, sauf M. Fr. Michel (éd. de 1869) ont fait un contre-sens sur ce vers. Tous ont traduit à peu près comme Génin : « Vous n’en aurez pas, je crois, de plus noble. » Il est évident qu’il faut, avec MM. Michel et Müller, écrire : Si ’n averez pour en averez, et non pas si n’averez.

Vers 152.A la grant feste seint Michel de l’Peril. V. la note du v. 37.

Vers 153.Vos. O. ═ Suirat. Mi. G.

Vers 154.Vos. O.

Vers 156.Charles. O. V. la note du vers 94.

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