La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 106

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CVI

E Olivers chevalchet par l’estur. Parmi la bataille chevauche Olivier ;
Sa hanste est fraite, n’en ad que un trunçun ;
Le bois de sa lance est brisé, il n’en a plus qu’un tronçon au poing.
E vait ferir un païen, Malsarun. Alors il va frapper un païen, du nom de Malseron.
L’escut li freint ki est ad or e à flurs, Il lui brise l’écu qui est couvert de fleurs et d’or.
1355 Fors de la teste li met les oilz ambsdous, Il lui jette les deux yeux hors de la tête,
E la cervele li chet as piez desuz : Et la cervelle du païen lui tombe aux pieds.
Mort le tresturnet od tut .vii. c. des lur. Bref, il le renverse mort avec sept cents de sa race.
Puis, ad ocis Turgin e Esturgus ; Puis il a tué Turgin et Esturgus ;
La hanste briset e esclicet jusqu’as puigns.
Mais cette fois il brise et met en éclats sa lance jusqu’à son poing :
1360 Ço dist Rollanz : « Cumpainz, que faites vus ? « Que faites-vous, compagnon ? lui crie Roland,
« En tel bataille n’ai cure de bastun ; « Ce n’est pas un bâton qu’il faut en telle bataille,
« Fers e acers i deit aveir valur. « Mais il n’y a de bon que le fer et l’acier.
« U est vostre espée ki Halteclere ad num ? « Où donc est votre épée qui s’appelle Hauteclaire ?
« D’or est li helz e de cristal li punz. « Sa garde est d’or, et sa poignée de cristal.
1365 « — Ne la puis traire, Olivers li respunt, « — Je n’ai pas le temps de la tirer, répond Olivier,
« Kar de ferir oi jo si grant bosuign. » Aoi. « Je suis trop occupé à frapper ! »


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Vers 1351.Oliver. V. la note du vers 176 et celle du v. 1500. ═ Estor. O. V. la note du vers 30.

Vers 1353.Fauseron. Lyon. Le Ms. d’O. ne porte que Malun.

Vers 1354.Flur. O. Cf. le vers 1276, où flurs est avec raison au pluriel.

Vers 1355.Andous. O. Mauvaise leçon. V. le Glossaire. Nous y avons établi que la meilleure forme est ambedui, ambesdous ; puis, ambdui, ambsdous ; puis enfin : amdui, amdous. Nous avons choisi la forme la plus correcte, et celle qui peut en même temps se prêter le mieux à la mesure du vers. ═ Remarquer encore qu’amdous, ambsdous rime avec des mots en u : d’où l’on peut conclure rigoureusement que, dans un grand nombre de cas, l’u se prononçait ou. ═ Lyon : For de la teste li a les ieuz sachiez.

Vers 1356. — [Des] uz. O. Les trois premières lettres sont absentes. ═ E la cervele li abat à ses piez, Lyon.

Vers 1357.Entre VII. C. Mu. Od tut nous paraît une bonne leçon. ═ Au lieu de mort, le manuscrit d’Oxford donne e cor, et tot.

Vers 1358.Pois. V. la note du vers 656.

Vers 1359. — Au lieu d’Esturgus, Lyon donne Maucuidanz.

Vers 1359.Josqu’as. O. V. la note du v. 510. ═ Poinz. O. Voir la note du v. 415.

Vers 1360.Vos. O.

Vers 1362.Valor. O. V. la note du v. 30.

Vers 1363.Halteclere. Voici, en quelques propositions, l’histoire de l’épée d’Olivier : a. Suivant l’auteur de Fierabras (v. 655), Hauteclère est l’œuvre de Galant. b. La version provençale du même poëme l’attribue à Munificans. (Pueis fe Munificas,... Autaclara e Joyosa.) c. Elle fut, avec Courtain et Durendal, essayée sur le perron d’acier qui se trouvait à Aix, devant le Palais du roi (Renaus de Montauban, édition Michelant, p. 210), et elle résista merveilleusement à cette épreuve. — d. C’est dans Girars de Viane que son histoire est racontée le plus au long. Œuvre de Munificans, qui l’avait forgée à Rome, elle avait d’abord appartenu à l’empereur romain Closamont (et, par parenthèse, M. Victor Hugo, dans sa Légende des siècles, a pris ce nom pour un nom d’épée). Mais, un jour, Closamont la perdit dans un bois, au milieu même de la bataille où le tua Maucon de Valfondée. Des faucheurs la retrouvèrent et l’apportèrent au Pape, qui vit le mot Hauteclère écrit sur l’acier, admira beaucoup cette épée au pommeau d’or et la fit mettre dans son Trésor. Quand Pépin se fit couronner à Rome, il la prit, puis la donna au duc Beuves, qui la vendit à un juif. Or ce juif est précisément ce Joachin qui, dans ce même roman de Girars de Vianes, se charge de fournir les armes d’Olivier luttant contre Roland. Une première épée a été brisée par le neveu de Charlemagne : Joachin la remplace par Hauteclère. Et c’est depuis lors que cette épée a conquis tant de gloire. (Girars de Vianes, dans I. Bekker, v. 2671.) Cf. la note de Génin, p. 390. — Et deux fois Olivier faillit la perdre : Maugis la lui vola une première fois (Renaus de Montauban, édition Michelant, p. 306), et Alori, une seconde. (Jehan de Lanson, B. N. 2495, f° 2, v° et suiv.)

Vers 1365.Poi. O. Puis est la forme la plus étymologique. La notation ui est en harmonie avec la phonétique de notre texte. — Oliver. O. ═ Lire Oliviers.

Vers 1366. — Lire Ai jo. Mu. ═ Bosoign. O. Pour la phonétique et l’assonance, il faut bosuign, qui se trouve au v. 1619.

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