La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 138

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CXXXVIII

Esclargiz est li vespres e li jurz ; Le soir s’est éclairci, voici le jour.
Cuntre le soleill reluisent cil adub, Au soleil reluisent les armes ;
Osberc e helme i getent grant flambur, Heaumes et hauberts jettent des flammes,
1810 E cil escut ki ben sunt peint à flurs, Et les écus aussi, si bien peints à fleurs,
E cil espiet, cil oret gunfanun. Et les lances et les gonfanons dorés.
Li Emperere chevalchet par irur, L’Empereur chevauche, plein de colère ;
E li Franceis dolent e curius ; Tous les Français sont tristes, sont angoisseux ;
N’i ad celui ki durement ne plurt, Il n’en est pas un qui ne pleure à chaudes larmes,
1815 E de Rollant sunt en mult grant poür. Pas un qui ne tremble pour Roland...
Li Reis fait prendre le cunte Guenelun, Cependant l’Empereur a fait saisir le comte Ganelon
Si l’ cumandat as cous de sa maisun ; Et l’a livré aux gens de sa cuisine.
Tut le plus maistre en apelet Besgun : Leur chef se nomme Bègue ; Charles l’appelle :
« Ben le me guarde, si cume tel felun « Garde-moi bien cet homme, dit-il, comme un traître
1820 « De ma maisnée ad faite traïsun. » « Qui a vendu toute ma maison. »
Cil le receit, si met .c. cumpaignuns Bègue alors prend Ganelon, et met après lui cent compagnons
De la quisine, des melz e des pejurs : De sa cuisine, des meilleurs et des pires,
Icil li peilent la barbe e les gernuns, Qui vous lui épilent la barbe et les moustaches.
Cascuns le fiert .iiii. colps de sun puign. Puis, chacun vous lui donne quatre coups de son poing ;
1825 Ben le batirent à fuz e à bastuns,
Ensuite ils vous le battent rudement à coups de verges et de bâtons ;
E si li metent el’ col un caeignun ; Ils vous lui mettent une grosse chaîne au cou,
Si l’ encaeinent altresi cum un urs, Ils l’enchaînent enfin comme on ferait un ours
Sur un sumer l’unt mis à deshonur ; Et le jettent ignominieusement sur un cheval de charge.
Tant le guarderent que l’ rendent à Carlun. Aoi.
Et c’est ainsi qu’ils le gardèrent jusqu’au moment de le rendre à Charles.


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Vers 1808.Cuntre le soleill. O. Le, inutile, rompt la mesure. Correction de Mu. ═ Pour les deux ll de soleill, voy. le Glossaire.

Vers 1809. — Pour le cas sujet, il faut osberc et helme, au lieu d’osbercs et helmes. O. Venise nous donne gran flanbor, et c’est d’après quoi les éditeurs ont restitué dans notre texte grant flambur. Le Ms. ne donne que g...a...bur.

Vers 1810.Escuz... peinz. O. Pour le cas sujet, il faut escut, peint. ═ Lire plutôt bien. V. la note du vers 1500.

Vers 1811.Espiez. O. Pour la même raison, il faut espiet.

Vers 1812.Empereres. O. ═ Cevalchet. O. Nous avons partout adopté la forme la plus usitée, à beaucoup près. V. la note sur ceval, au vers 1379.

Vers 1813.Et li Franceis sont tuit en grant friçon.- De pitié plorent escuier e garçon. (Ms. de Lyon.)

Vers 1814.Celoi. O. V. la note du vers 1520.

Vers 1815.Mult n’est pas dans le Ms. Correction de Mi., G., Mu.

Vers 1818.Li. O. Pour le cas régime, il faut le.

Vers 1819. — Lire bien. V. la note du vers 1500. ═ Felon. O.

Vers 1822.Mielz. O. V. la note du vers 1500.

Vers 1823. — À la suite de ce vers, le scribe par erreur a écrit : Morz est Turpin, le guerreier Charlun, qui est en réalité le v. 2242 de notre texte.

Vers 1824.Cascun. O. Il faut un s pour le cas sujet.

Vers 1825. — Lire bien. ═ V. la note du vers 1500.

Vers 1828. — Lire sumier. ═ Deshonor. O. V. la note des vers 17, 30, 52.

Vers 1829.Charlun. O. V. la note du vers 94. — Le Ms. ne porte que guardent. ═ Lyon, Paris, etc., n’ont pas reproduit les détails brutaux qui précèdent : Li rois fait prandre le conte Ganelon, — Si le commande par tel devision : — S’il lor eschape, ja n’en aura rançon. Voilà tout ce que dit Lyon. À l’époque de ces Refazimenti, on n’eût plus supporté les violences du texte primitif. Les mœurs s’étaient sensiblement adoucies.

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