La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 162

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LA DERNIÈRE BÉNÉDICTION DE L’ARCHEVÊQUE

CLXII

Païen s’en fuient curuçus e iret, Païens s’enfuient, courroucés et pleins d’ire ;
2165 Envers Espaigne tendent de l’ espleiter. Ils se dirigent en hâte du côté de l’Espagne.
Li quenz Rollanz ne’s ad dunc enchalcez, Le comte Roland ne les a pas poursuivis,
Perdut i ad Veillantif sun destrer, Car il a perdu son cheval Veillantif.
Voellet o nun, remés i est à pied. Bon gré, mal gré, il est resté à pied.
A l’ arcevesque Turpin alat aider, Le voilà qui va aider l’archevêque Turpin ;
2170 Sun helme ad or li deslaçat de l’ chef, Il lui a délacé son heaume d’or sur la tête :
Si li tolit le blanc osberc leger, Il lui a retiré son blanc haubert léger ;
E sun blialt li ad tut detrenchet, Puis il lui met le bliaut tout en pièces,
En ses granz plaies les pans li ad butet, Et se sert des morceaux pour bander ses larges plaies.
Cuntre sun piz puis si l’ ad embracet, Il le serre alors étroitement contre son sein
2175 Sur l’erbe verte puis l’ad suef culchet, Et le couche doucement, doucement, sur l’herbe verte.
Mult dulcement li ad Rollanz preiet :
Ensuite, d’une voix très-douce, Roland lui fait cette prière :
« E ! gentilz hom, kar me dunes cungied, « Ah ! gentilhomme, donnez-m’en votre congé :
« Noz cumpaignuns, que oümes tant chers, « Nos compagnons, ceux que nous aimions tant,
« Or sunt il mort, ne’s i devum laisser ;
« Sont tous morts ; mais nous ne devons point les délaisser ainsi.
2180 « Jo’es voeill aler querre e encercer, « Écoutez : je vais aller chercher tous leurs corps ;
« Dedevant vus juster e enrenger. »
« Puis je les déposerai l’un près de l’autre à la rangette devant vous.
Dist l’Arcevesques : « Alez et repairez. « — Allez, dit l’Archevêque, et revenez bientôt.
« Cist camps est vostre, mercit Deu ! e li mens. » Aoi. « Grâce à Dieu, le champ nous reste, à vous et à moi ! »


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Vers 2164.Irez. O. Le cas sujet exige un t. ═ Lire, en assonances, à la fin des vers de cette laisse : Iriet, espleitier, enchalciez, destrier, aidier, chief, legier, detrenchiet, enbraciet, culchiet, chiers, laissier, entercier, enrengier, repairiez, miens.

Vers 2165.Ten [dent]. Les quatre dernières lettres sont ajoutées en interligne.

Vers 2166.Encalcer. O. L’r final est une erreur évidente. — La forme enchalcez est plus fréquemment adoptée dans notre texte. (Enchalcent, vers 2462 ; ad enchalcet, vers 2785, 2796 ; enchalz, vers 2446, 3635.)

Vers 2168.Piet. O. La forme la plus usitée et la plus étymologique est pied.

Vers 2170.Elme. O. V. la note du vers 996.

Vers 2172.Blialt. C’est, dans notre Roland, le vêtement de dessous. V. notre note du vers 994, sur les armures.

Vers 2175.At. O. V. la note du vers 2.

Vers 2177.Car. O. V. la note du vers 275. ═ Lire Dunez. O., au lieu de dunes. ═ Cunget. O. Notre manuscrit nous offre deux formes de ce mot : cungied (vers 337), et cunget (vers 2177 et 2764). La première est seule conforme à la théorie des assonances en ier. (V. la note du vers 1500.)

Vers 2178.Tanz. O. Erreur évidente. Suivant que l’on construit la phrase, le mot cumpaignuns peut passer ici pour régime ou sujet. Si l’on admet le sujet, il faut lire cumpaignun.

Vers 2179.Morz. O. Pour le sujet pluriel, il faut mort. ═ Devuns. O. V. la note du vers 42. ═ Laiser. V. la note du vers 265.

Vers 2180.Voell. O. V. la note du vers 40. Voeill se rencontre onze fois dans notre texte. (Vers 309, 492, 522, 651, 1027, 1091, 1701, 3283, 3593, 3907, 3909.) Voell, une seule fois, ici ; et voel, une seule fois aussi. (V. 3836.) ═ Lire entercier. O. Mi. G. Mu. Entercier signifie reconnaître. Lire dans notre traduction : « Je vais aller chercher et reconnaître tous leurs corps. »

Vers 2181.Vos. O.

Vers 2182.Arcevesque. O. Pour le cas sujet, il faut un s final.

Vers 2183.Camp. O. Même remarque. ═ E li n’est pas dans le Ms. ═ Mien. O. V. la note du vers 149 et celle du vers 1500.

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