La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 172
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CLXXII | |||
Ço sent Rollanz la véue ad perdue, | Roland sent bien qu’il a perdu la vue : | ||
Met sei sur piez, quanqu’il poet s’esvertuet ; | Il se lève, il s’évertue tant qu’il peut ; | ||
En sun visage sa culur ad perdue. | Las ! son visage n’a plus de couleurs. | ||
2300 | Dedevant lui ad une perre brune ; | Devant lui est une roche brune ; | |
.X. colps i fiert par doel e par rancune : | Par grande douleur et colère, il y assène dix forts coups ; | ||
Cruist li acers, ne freint ne ne s’esgruignet ; | L’acier de Durendal grince : point ne se rompt, ni ne s’ébrèche :
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E dist li quens : « Seinte Marie, aïue ! | « Ah ! sainte Marie, venez à mon aide, dit le comte. | ||
« E ! Durendal, bone, si mare fustes ! | « Ô ma bonne Durendal, quel malheur ! | ||
2305 | « Quant jo n’ai prod, de vus nen ai mais cure. | « Me voici en triste état, et je ne puis plus vous défendre ;
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« Tantes batailles en camp en ai vencues | « Avec vous j’ai tant gagné de batailles ! | ||
« E tantes teres larges escumbatues, | « J’ai tant conquis de vastes royaumes | ||
« Que Carles tient, ki la barbe ad canue ! | « Que tient aujourd’hui Charles à la barbe chenue ! | ||
« Ne vus ait hom ki pur altre s’en fuiet ! | « Ne vous ait pas qui fuie devant un autre ! | ||
2310 | « Mult bons vassals vus ad lung tens tenue ; | « Car vous avez été longtemps au poing d’un brave, | |
« Jamais n’ert tels en France la solue. » | Aoi. | « Tel qu’il n’y en aura jamais en France, la terre libre. » |
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Vers 2300. — Avant ce vers, M. Bartsch a restitué avec raison le vers qui suit, d’après Venise IV :
Tint Durendal s’espée tute nue.
═ Perre byse. O. La correction est de G. et de Mu., d’après Venise IV.
Vers 2302. — Lire plutôt aciers. ═ Freint n’esgruignet. O. Correction de Mu. — Lire p.-e. esgruniet.
Vers 2303. — Sancte Marie. M. G. Mu. Sancte nous paraît une mauvaise lecture, et il faut évidemment seinte, qui est partout employé dans notre texte. Le scribe, qui était sans doute habitué à transcrire aussi des textes latins, s’est servi d’une abréviation latine dont il a francisé la dernière lettre : Sce.
Vers 2305. — N’i ei. O. Mauvaise leçon. ═ Vos. O. V. la note du vers 17.
Vers 2309. — Vos. O. ═ Hume. V. la note du vers 20. ═ S’en n’est pas dans le manuscrit. Correction de Mu.
Vers 2310. — Bon vassal. O. Pour le cas sujet, il faut l’s final. ═ Vos. O. V. la note du vers 17.
Vers 2311. — Lire plutôt iert. ═ Tel. O. Le cas sujet exige tels.
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