La Chanson de Roland/Léon Gautier/Édition critique/Laisse 212

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CCXII

« Ami Rollant, de tei ait Deus mercit ! « Ami Roland, que Dieu te prenne en pitié,
« L’anme de tei seit mise en Pareïs ! « Et que ton âme ait place au Paradis !
2935 « Ki tei ad mort, France ad mis en exill. « Celui qui t’a tué a ruiné la France :
« Si grant doel ai que ne vuldreie vivre « J’ai si grand deuil que plus ne voudrais vivre.
« De ma maisnée ki pur mei est ocise. « Ma maison, toute ma maison est morte à cause de moi.
« Ço duinset Deus, li filz seinte Marie, « Fasse Dieu, le fils de sainte Marie,
« Einz que jo venge as maistres porz de Sizer, « Avant que je vienne à l’entrée des défilés de Cizre,
2940 « L’anme de l’ cors me seit hoi departie, « Que mon âme soit aujourd’hui séparée de mon corps ;
« Entre les lur fust aluée e mise, « Qu’elle aille rejoindre leurs âmes,
« Et ma car fust delez els enfuie. » « Tandis qu’on enfouira ma chair près de leur chair. »
Pluret des oilz, sa blanche barbe tiret. L’Empereur pleure de ses yeux ; il arrache sa barbe :
E dist dux Naimes : « Or ad Carles grant ire. » Aoi.
« Grande est la douleur de Charles, » s’écrie le duc Naimes...


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Vers 2933.Rollanz. O. V. la note du vers 15, sur la règle des vocatifs. Changer ainsi, d’après le texte de Paris, les vers 2933-2935, qui ne sont pas assonancés comme il faut :

Ami Rollant, as perdue la vie ;
L’amne de tei en Pareïs seit mise !
Ki tei as mort bien ad France hunie.

Vers 2936.Dol. O. Cette forme ne se rencontre qu’une seule fois dans tout notre manuscrit. En revanche, la forme doel est constante. (Vers 304, 834, 904, 971, 1196, 1219, 1446, 1501, 1536, 1538, 2082, 2206, 2513, 2608, 3627, 3646.) ═ Voldereie. O. Est également une forme inusitée, et c’est vuldreie que l’on rencontre le plus souvent. (Vers 412, 2859, 2929.) Cf. vuldrat, vulderez, vers 76, 155, 2621. ═ Lire vivere, comme au vers 1923.

Vers 2938.Sancte. Mu. L’abréviation sce est, comme nous l’avons dit, une abréviation latine. Le scribe, habitué à transcrire du latin, l’a employée pour désigner le mot seinte, plusieurs fois employé par lui in extenso. (V. seint, aux vers 53, 921, 973, 1134, 1479, 1581, 2346, 2395, 2526, 3610, 3685, 3693, 3746, 3993 ; et seinte, vers 1856, 2245.) ═ Sancte est une forme qui n’a véritablement rien de français.

Vers 2939. — Lire plutôt Vienge. O. Cf. la forme venget, vengent, aux vers 1091, 1764, 1838, 2680. ═ Sirie. O. Erreur manifeste du scribe. (V. Sizer, aux vers 583, 719.)

Vers 2940.Oi. V. la note du vers 1210.

Vers 2941.Fust n’est pas dans le manuscrit. — G. avait suppléé seit.

Vers 2943.Bare. O. Erreur ou distraction du scribe.

Vers 2944. — Il y a ici, dans la Karlamagnus Saga (ch. xxxix) et dans la Keiser Karl Magnus’s Kronike, un très-curieux épisode qui ne se trouve nulle part ailleurs... Le roi envoie tour à tour plusieurs chevaliers pour prendre l’épée de Roland. Ils ne réussissent pas à l’arracher des mains du mort. Charles en envoie cinq autres à la fois, « un pour chaque doigt. » Peines perdues. L’Empereur s’aperçoit que pour toucher à cette épée merveilleuse, il faut être aussi bon chevalier que Roland. Il se met à prier Dieu, puis s’approche de l’épée de son neveu, et s’en empare très-facilement. Il en garde précieusement le pommeau, qui était plein de reliques ; mais, quant à la lance, il la jeta dans l’eau, loin de terre, « parce qu’il savait qu’il n’appartenait à personne de la porter après Roland. » (V. notre traduction de la Saga et de la Chronique danoise, au vers 4002.)

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