La Chanson de Roland (1911)/Avertissement

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Anonyme
Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 3-4).


AVERTISSEMENT DES ÉDITEURS


Nous nous sommes fondés, pour établir cette traduction, sur le texte du manuscrit d’Oxford, qui remonte au XIIe siècle et qui présente la rédaction la plus ancienne que nous connaissions du poème, version probablement fort approchée du texte primitif. Néanmoins, comme ce manuscrit est l’œuvre d’un scribe distrait et négligent, qui a été jusqu’à omettre des vers, et jusqu’à sauter des laisses entières, nous avons eu recours aux manuscrits postérieurs (MSS de Paris, MSS de Versailles, tous deux du XIIIe siècle), toutes les fois qu’il a été nécessaire.

La traduction que nous offrons présentement au public n’a pas d’autres mérites que ceux de l’exactitude et de la simplicité. Certes, il eût été séduisant, à l’exemple de Petit de Julleville, de M. Clédat, et de certains autres traducteurs, de donner de la Chanson une version en français moderne rythmée et assonancée, tout à fait conforme à l’allure de l’original. Mais les inconvénients qu’une pareille tentative entraîne nécessairement ont balancé à nos yeux son incontestable valeur au point de vue littéraire. En effet, l’écrivain moderne, mal à l’aise dans l’étroite mesure des décasyllabes, est obligé d’employer des tours extrêmement concis, et partant obscurs. Du rythme scrupuleusement maintenu, naît une suggestion bien difficile à réprimer, de hasarder, pour conserver la couleur archaïque, de vieux mots difficiles à comprendre. Pour nous, qui avons eu en vue principalement la clarté, nous n’avons point cru devoir nous prescrire cette contrainte. Mais lorsqu’un vers de dix pieds, en bon français moderne, et parfaitement adapté à l’original, coulait pour ainsi dire de la plume du traducteur, nous n’en avons point fait fi. Cette forme précise éclatant au milieu de la prose met certains détails en valeur ; et les lecteurs retrouvent ainsi de page en page un rappel du rythme rapide et guerrier de la Chanson.