La Chanson française du XVe au XXe siècle/Air à boire

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 97-98).


AIR À BOIRE


Alexandre, dont le nom
      A rempli la terre,
N’aimait pas tant le canon
      Qu’il faisait le verre.
Si le grand Mars des guerriers
S’est acquis tant de lauriers,
      Que devons-nous faire
      Sinon de bien boire !

La mer Rouge en sa couleur
      En baillait à croire ;
Pharaon, mauvais buveur,
      Eut envie d’en boire ;
Moïse fut bien plus fin,
Il vit que ce n’était vin :
      Il la passa toute
      Sans en boire goutte.

Le bonhomme Gédéon
      Faisait des merveilles,
Aussi n’usait sédition,
      Rien que de bouteilles ;
Servons-nous donc aujourd’hui
De bouteilles comme lui,
      Et faisons la guerre
      A grands coups de verre.

Samson, au vieil Testament,
      Acquit de la gloire,
Ne se servant seulement
      Que de la mâchoire.
Mangeons doncques hardiment,
      Ce serait opprobre
      D’être toujours sobre.


Loth, qui fut homme de bien,
      Se plaisait à boire,
Dieu ne lui en disait rien,
      Il le laissait faire,
Et puis, quand il était saoul,
Il s’endormait comme nous,
      Dans une caverne,
      Près de la taverne.

Noé, pendant qu’il vivait,
      Patriarche digne,
Savait bien comme on buvait
      Du fruit de la vigne ;
De peur qu’il ne bût de l’eau,
Dieu lui fit faire un bateau
      Pour trouver refuge
      Au temps du déluge.


(Parnasse des Muses, 1627.)