Jacques, il me faut troubler ton somme.
Dans le village, un gros huissier
Rôde et court, suivi du messier.
C’est pour l’impôt, las ! mon pauvre homme.
Lève-toi, Jacques, lève-toi ;
Voici venir l’huissier du roi.
Regarde : le jour vient d’éclore ;
Jamais si tard tu n’as dormi.
Pour vendre, chez le vieux Rémi,
On saisissait avant l’aurore.
Lève-toi, Jacques, etc.
Pas un sou ! Dieu ! je crois l’entendre.
Ecoute les chiens aboyer.
Demande un mois pour tout payer.
Ah ! si le roi pouvait attendre !
Lève-toi, Jacques, etc.
Pauvres gens ! l’impôt nous dépouille !
Nous n’avons, accablés de maux,
Pour nous, ton père et six marmots,
Rien que ta bêche et ma quenouille.
Lève-toi, Jacques, etc.
On compte, avec cette masure,
Un quart d’arpent, cher affermé.
Par la misère il est fumé :
Il est moissonné par l’usure.
Lève-toi, Jacques, etc.
Beaucoup de peine et peu de lucre.
Quand d’un porc aurons-nous la chair ?
Tout ce qui nourrit est si cher !
Et le sel aussi, notre sucre !
Lève-toi, Jacques, etc.
Du vin soutiendrait ton courage ;
Mais les droits l’ont bien renchéri.
Pour en boire un peu, mon chéri,
Vends mon anneau de mariage.
Lève-toi, Jacques, etc.
Rêverais-tu que ton bon ange
Te donne richesse et repos ?
Que sont aux riches les impôts ?
Quelques rats de plus dans leur grange.
Lève-toi, Jacques, etc.
Il entre, ô ciel ! que dois-je craindre ?
Tu ne dis mot ! quelle pâleur !
Hier tu t’es plaint de ta douleur,
Toi qui souffres tant sans te plaindre !
Lève-toi, Jacques, etc.
Elle appelle en vain ; il rend l’âme.
Pour qui s’épuise à travailler
La mort est un doux oreiller.
Bonnes gens, priez pour sa femme.
Lève-toi, Jacques, etc.
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