La Chanson française du XVe au XXe siècle/Le Ventru aux élections de 1819

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 232-233).


LE VENTRU AUX ÉLECTIONS DE 1819

Air : Faut d’la vertu, pas trop n’en faut.


Autour du pot c’est trop tourner,
Messieurs ! l’on m’attend pour dîner.

Bis.


Électeurs, j’ai, sans nul mystère,
Fait de bons dîners l’an passé.
On met la table au ministère :
Renommez-moi, je suis pressé.
Autour du pot, etc.

Préfets, que tout nous réussisse,
Et du moins vous conserverez,
Si l’on vous traduit en justice,
Le droit de choisir les jurés.
Autour du pot, etc.

Maires, soignez bien mes affaires :
Vous courez aussi des dangers.
Si les villes nommaient leurs maires,
Moins de loups deviendraient bergers.
Autour du pot, etc.

Dévots, j’ai la foi la plus forte ;
A Dieu je dis chaque matin :
Faites qu’à cent écus l’on porte
La patente d’ignorantin.
Autour du pot, etc.

Ultras, c’est moi qu’il faut qu’on nomme ;
Faisons la paix, preux chevaliers ;
N’oubliez pas que je suis homme
A manger à deux râteliers.
Autour du pot, etc.


Libéraux, dans vos doléances,
Pourquoi donc vous en prendre à moi,
Quand le creuset des ordonnances
Peut faire évaporer la loi ?
Autour du pot, etc.

Les emplois étant ma ressource,
Aux impôts dois-je m’opposer ?
Par honneur je remplis la bourse
Où par devoir j’aime à puiser.
Autour du pot, etc.

On craindrait l’équité farouche
D’un tas d’orateurs éclatants ;
Moi, dès que j’ouvrirai la bouche,
Les ministres seront contents.
Autour du pot, etc.

Béranger