La Chanson française du XVe au XXe siècle/Les Gueux

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 215-216).


LES GUEUX

1812
Air : Première ronde du Départ pour Saint-Malo.


             Les gueux, les gueux,
          Sont les gens heureux :
             Ils s’aiment entre eux,
          Vivent les gueux !

Des gueux chantons la louange ;
Que de gueux hommes de bien !
Il faut qu’enfin l’esprit venge
L’honnête homme qui n’a rien.
          Les gueux, les gueux
       Sont les gens heureux :
          Ils s’aiment entre eux !
       Vivent les gueux !

Oui, le bonheur est facile
Au sein de la pauvreté :
J’en atteste l’Evangile ;
J’en atteste ma gaieté.
          Les gueux, les gueux, etc.

Au Parnasse la misère
Longtemps a régné, dit-on :
Quels biens possédait Homère ?
Une besace, un bâton.
          Les gueux, les gueux, etc.

Vous qu’afflige la détresse,
Croyez que plus d’un héros,
Dans le soulier qui le blesse,
Peut regretter ses sabots.
          Les gueux, les gueux, etc.


Du faste qui vous étonne
L’exil punit plus d’un grand ;
Diogène dans sa tonne
Brave en paix un conquérant.
          Les gueux, les gueux, etc.

D’un palais l’éclat vous frappe,
Mais l’ennui vient y gémir.
On peut bien manger sans nappe
Sur la paille on peut dormir.
          Les gueux, les gueux, etc.

Quel Dieu se plaît et s’agite
Sur ce grabat qu’il fleurit ?
C’est l’Amour qui rend visite
À la Pauvreté qui rit.
          Les gueux, les gueux, etc.

L’Amitié, que l’on regrette,
N’a point quitté nos climats ;
Elle trinque à la guinguette,
Assise entre deux soldats.
          Les gueux, les gueux, etc.

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