La Chanson française du XVe au XXe siècle/Les Hirondelles

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La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 217-218).


LES HIRONDELLES

Air de la Romance de Joseph.


    Captif au rivage du Maure,
    Un guerrier, courbé sous ses fers,
    Disait : Je vous revois encore,
    Oiseaux ennemis des hivers.
    Hirondelles, que l’espérance
    Suit jusqu’en ces brûlants climats,
    Sans doute vous quittez la France :
De mon pays ne me parlez-vous pas ?

    Depuis trois ans je vous conjure
    De m’apporter un souvenir
    Du vallon où ma vie obscure
    Se berçait d’un doux souvenir,
    Au détour d’une eau qui chemine
    À flots purs, sous de frais lilas,
    Vous avez vu notre chaumine :
De ce vallon ne me parlez-vous pas ?

    L’une de vous peut-être est née
    Au toit où j’ai reçu le jour ;
    Là, d’une mère infortunée
    Vous avez dû plaindre l’amour.
    Mourante, elle croit à toute heure
    Entendre le bruit de mes pas ;
    Elle écoute, et puis elle pleure :
De son amour ne me parlez-vous pas ?

    Ma sœur est-elle mariée ?
    Avez-vous vu de nos garçons,
    La foule, aux noces conviée,
    La célébrer dans leurs chansons ?

    Et ces compagnons du jeune âge
    Qui m’ont suivi dans les combats,
    Ont-ils revu tous le village ?
De tant d’amis ne me parlez-vous pas ?

    Sur leurs corps l’étranger peut-être
    Du vallon reprend le chemin ;
    Sous mon chaume il commande en maitre,
    De ma sœur il trouble l’hymen.
    Pour moi plus de mère qui prie,
    Et partout des fers ici-bas.
    Hirondelles de ma patrie,
De ces malheurs ne me parlez-vous pas ?

Béranger.