La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XL

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, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 158-162).

Chapitre quarantième.
Ci devise comment on doit escorcher un cerf et deffere le.


Et quant il sera pris, il et trestouz les autres qui sont de la vénerie doyvent corner prise comme j’ay dit devant et le doit escorchiers et deffere en telle manière : premièrement quant le cerf est pris et on le vuelt escorchier, on doit metre la teste du cerf contre terre et puis tourner tout le corps du cerf sur la teste, les iiij pies et le ventre en amonts Et la premiere chose qu’il doit fere, il doit coupper les deux daintiers et fere un petit pertuis en la pel du coustel et bouter par une verge que l’en apelle fourchie, laquelle doit estre fourchiée ; et l’un des fourchiés doit estre assez plus long que l’autre ; puis doit fendre le cerf depuis endroit la guele tout au long, par dessus le ventre, jusques au cul et puis doit prendre le cerf par le pié destre devant et enciser la jambe tout entour au dessoubz de la joincte du pié et le doit pourfendre o[1] la poincte du coutel par dessus la jambe tout au long, depuis son enciseure jusques à la hampe ou poitrine jusques à l’enciseure qu’il ha fet au long du ventre et de la hampe. Et tout einsi soit fet en la jambe devant de l’autre part. Puis doit prendre la jambe derrière et l’enciser tout autour au dessouz de la joincte du pied comme ha fet les autres ; puis le doit pourfendre tout au long par devers le jarret jusques à la fente première entre le cul et où il osta les daintiers ; et tout einsi fasse de la jambe de derrière de l’autre part. Puis le doit commencer à escorchier par les jambes. Et quant il escorchera le corps si garde bien qu’il n’oublie mie à lever le parement. Et quant vouldra lever le parement, si garde tout d’un costé comme de l’autre que le cuyr tienhe aux costez du cerf trestout droit depuis le milieu de lespaule jusques aux flanx au dessouz des longes bas ; puis si coupe de son coutel la char un pou tout au long de lescorcheure du cuyr, si que il semble qu’il demuere sus le cuyr une charnosité tendre, et sait ainsi fait de tous les deux costez ; ce est appelé parement. Puis soit tout escorchié et ne coupe mie la cueue avec le cuyr, mes coupe le cuyr tout entour la cueue bien près de la cueue. Et aussi leisse du cuyr tout entour le cul, bien près du trou. Et ne couppe mie les oreilles, laisse les en la teste ; ne aussi n’escorche rien de la teste fors que le col ; et coupe le cuir par derrière. Et mete du boys coupé entre la terre et le cuyr qu’il hara escorchié tout autour et d’une part et d’autre, si que le corps du cerf demuere tout entier dedenz le cuyr, affin que le sanc ne puisse issir hors du cuyr, quant il l’ara escorchié. Et quant il l’ara escorchié, il le deffera en tel manière. Premièrement il ostera la langue toute entière et boutera son coustel parmi le goysier qui tient à la lengue : et y fasse une fente, et la boute ou fouschie ou j’ai dit que seront les daintiers. Puis oste les neuz du col qui sont entre le col et les espaules et encise en travers celle char joinhant de l’espaule et fasse un pertuis en icelle à bouter son doy, si la souliève à son doy et couper au long du col celle chair, environ plain pié de long et fasse un pertuis, et mete au fourchie susdit : et aussi doit il fere de l’autre part. Puis preinhe le pié devant destre du cerf et encise tout au travers du costé du cerf au long de l’espaule par devers le costé, et oste l’espaule, et einsi fasse de l’autre part ; puis oste le sousgorion. C’est une char qui est depuis le bout de la hampe par dessus la gorge jusques au goytron ; et en coupe plain pié et face une fente et mete ou fourchie. Après mete son coutel ou jargel qui est la cane environ demi pié de la hampe et le fende un pou au lonc. Puis preinhe l’erbière qui joint au jargel qui est ainsi comme un bouel de char et le fende un poy au long : einsi comme le jargel et la coupe assez près du bout de la fente par devers la teste du cerf et la boute parmi la fente un tour ou deux, affin que la viande qui est en l’erbière ne isse parmi la fente. Puis coupe le jargel à l’endroit où il a coupé l’erbière, puis boute son coutel au long du jargel et de l’erbière dedans la hampe, en tenant à ses dois le jargel et l’erbière, sans les descharner. Puis les doit leissier aler et lever la voine du cueur que aucun gens apellent jargel et pour ce que elle se tient au grand jargel et metre ou fourchie dessus dit : puis lieve la hampe et commence au bout dessus du piz, et puis s’en vienhe par l’un costé en eslargissant son taill par dessus le ventre droit à la cuisse en coupant au rez de la cuisse jusques au dessouz du peniller. Et einsi fasse de l’autre part. Et quant il aura coupé la char du ventre tout en tour, si la renverse sus la hampe et soit osté le vit tout au long jusques au cul ; puis tiré à soy la pansse et la bouelle et l’erbière s’en vendra avec la pansse. Puis osté d’entre les autres le franc bouel que on apelle pusse ou bouel cullier ; et sois mis au fourchie sus dit. Et quant ce sera osté coupe une char qui est au travers du corps sous le cuer au rés les costes et tire à soy le cuer et les entrailles et avec ce s’en vendra le jargel. Puis coupe la hampe au travers du costé tout d’une part, et la renverse de l’autre part ; si se brisera par les jointes qui sont au costé et ce li montrera comment il la levera autrefois ; quar elle se doit lever par les jointes des costés de chescune part ; mes chescun ne le scet pas fere. Puis levera le colier que aucuns apellent fol li leisse : c’est une char qui est demourée entre la hampe et les espaulles et vient tout entour par dessus l’os du long de la hampe sus le jargel ; et cela mette aussi au fourchie. Puis levera les nombles : c’est une char et une gresse avec les roinhons qui est par dedens endroit les longes près les deux cuisses ; et les euvre et coupe par dedens un pou des cuisses d’un costé et d’autre, et tourne son coustel tout entour par dessus la cuysse, et ira coupant tout au long par dessous les longes, si que les os de l’eschine demuerent tous descouvers par dedens et oste le sanc qui ne te nuyse, et garde qu’il ne chiée sus le cuyr. Et puis si lieve les cuisses, si preinhe les deux jambes d’arière et les croyse l’une sur l’autre et puis se fierre[2] contre terre ; puis coupe et descharne la char des costés qui tient ès-cuysses si comme les cuisses se comportent et coupe tout jusques à l’eschine, et d’un costé et d’autre ; et desjointe de la pointe de son coustel la jointe du neu de l’eschine qui est plus près des cuisses : et mette un baston dessouz, et la ploye dessus le baston, elle rompra.

Après se lieve le col d’avecques les costés ; coupe le col tout entour rez-à-rez des espaules, par le bout de la hampe, et fasse tenir à un homme les costés, et tourne le col à force ; si rompra d’avec les costes. Après il levera l’eschine ; mete le bout des côtés devers terre et l’eschine dessus et encise tout au long de l’eschine de son coustel d’un costé et d’autre, selon la larjour de l’eschine ; puis coupe os et tout d’un costé et d’autre, tout au long de l’eschine, selon qu’il aura encisé le plus près qu’il pourra de l’os de l’eschine et que les costez s’entretienhent à los du bout de la hampe quant l’eschine en sera hors. Après si levera la cueue ; mete les cuisses du cerf contre terre joinctes l’une près de l’autre le plus qu’il pourra, se que la cueue du cerf soit contremont ; puis afourche les deux jambes du cerf par devers la cueue et mette son coustel au bout de la cuysse et encise en venant droit à soy et en prenant sus les cuysses, en venant par dessouz le cul et face d’un costé comme d’autre. Et s’il a bonne venoison, si la coupe plus large et fasse espesse de char sous la gresse, et leisse un poy de l’os corbin si s’en sera plus ferme. Puis levera les cuisses hors de l’os corbin ; ce est l’os qui est sus le treu du cul et où la vessie est ; et mete doncques les cuisses contre terre de icelle partie dont il ostera la cueue et reverse bien les cuisses et il verra deux grosses jointes de l’une partie et de l’autre de l’os corbin. Si desjoingne sus les jointes et les reverses, et boute son coutel parmi du costé et d’autre tout au long de l’os corbin le plus près de l’os qu’il pourra. Après levera la teste du cerf davec le col, bien près des joes de la teste tout entour ; et trouvera une jointe ; si boute son coutel parmi et couppe les nerz derrière ; si fasse bien tenir l’un et l’autre ; et puis soit la teste teurse, si se vendra. Les morsiaus du fourchie que j’ay dit dessus sont des meilleures viandes qui soient sur le cerf et pour ce, se mettent au fourchie pour la bouche du seinheur.

Séparateur

  1. O, à ou avec.
  2. Fierre, qu’il frappe.