La Chasse (Gaston Phœbus)/Chapitre XLI

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, Joseph Lavallée
La Chasse (1854)
Texte établi par Léon Bertrand, Maison Lefaucheux (p. 163-164).
XLI. Ci devise comment on doit fere le droit au limier et la cuyrée aux chiens

Chapitre quarante-unième.
Ci devise comment on doit fere le droit au limier et la cuyrée aux chiens.


Après quant il hara escorchîé et deffet son cerf en la manière que j’ay dit : il doit prendre la teste du cerf, et fere la tirier à son limier en fesant li grant feste et disant li de biaus motz, lesquieux seroient trop lonx et divers pour escrire ; et en ce fesant, les autres compainhons doivent decoupper menuement au sang qui sera dedens le cuyr du cerf. Et s’il y a trop de chiens ou les chiens ont bien chassié ou ilz sont mesgres et povres ainsi que mieulx li semblera il peut faire decoupper dedans meslé avec le pain, les espaules et le col du cerf, combien que ce soit des droitz des veneurs et des valletz de chiens, et tout quant qui est dedens le corps du cerf, fors que les bouelles mette à part ; et la pance faire vuyder et laver et trencher menuement dedenz avec l’autre cuyrée. Et s’il y vuet metre des cuysses et des costés, mes que la veneison ne soit trop grasse, il le puet feire, pour faire meilleure cuyrée aux chiens. Et quant tout sera découpé dedens le sanc, il doit faire lever le cuyr o tout ce qui est dedenz haut de terre. Et il doit avoir les manges des bras revirées et metre et tourner et mesler le sang avec la chair et le pain tout ensemble ; et les autres vallez doyvent oster la foillée que j’ai devant dit qui estoit pour soustenir le cuyr que le sanc n’alast dehors ; et puis il doit metre le cuyr à terre ; et les autres valiez doyvent tenir chescun une verge pour défendre que les chiens ne vienhent jusques tant que on vueille qu’ilz menjent. Après il doit forhuer si haut comme il pourra en disant : Tiel au ! comme quant il l’a veu. Et donc doyvent venir les chiens menjier sus le cuyr qui mieulz porra. Et quant ilz aront mengié la moytié de la cuyrée ou plus, il doit prendre les bouelles du cerf un petit loinh de la cuyrée et les tenir haut en sa main, affin que les chiens ne li puissent oster, et doit encore for huer : Tiel au ; et les autres vallez doyvent férir de verges aux chiens, affin qu’ilz leissent la cuyrée et aillent devers luy en disant basset : Apele ! apele ! apele ! et outre à li ! outre !outre ! Et quant les chiens seront à li venuz, il doit geter les bouelles ou mi de tout ; si en prenhe qui pourra. Et quant ils aront cela mangie, il doit recrier sus la cuyrée : Arrière ! arrière ! affin que les chiens tournent mangier le demourant. Puis doivent corner tous ceulx qui sont de la vénerie prise, qui se corne comme j’ay dit devant.

La cuyrée se doit fere là où le cerf se prent, einsi comme j’ay dit ; toutes voyes si aucunefois hon le fet à l’ostel ce n’est mie trop mal fet ; quar quant les chiens ont apris à mengier la cuyrée à l’ostel et ilz ont failly un cerf loinh, ilz s’en retreent plus voulentiers la nuyt là où ilz ont acoustumé de mengier leur cuyrée. Toutes voyes de le fère touzjours ne seroit pas bien fet ; quar quant les chiens sont las et un cerf leur fuyt de fort longe et par grant chalour, ilz le leissent voulentiers et sen revienent à l’ostel en esperant touzjours de trouver à l’ostel leur cuyrée preste.

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