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La Chine en face des Puissances/Annexe

La bibliothèque libre.
Librairie Delagrave (p. 121-129).

ANNEXE
LA POSITION INTELLECTUELLE DE LA FRANCE EN CHINE

Les relations intellectuelles de la France avec la Chine remontent au règne de l’empereur Kang-Hi qui dura de 1662 à 1722. Cet empereur reçut avec faveur cinq jésuites envoyés par Louis XIV en 1685 et nomma l’un d’eux président du Bureau des Astronomes ; les autres furent par lui chargés de travaux artistiques. Un peu plus tard, l’empereur Kien-Long (1736-1795) entretint à sa cour le P. Amiot et ses compagnons dont les travaux ont contribué à faire connaître la Chine en France. Si, à la suite des persécutions qui eurent lieu dans la première moitié du xixe siècle, l’influence des missionnaires français ne s’exerça plus sur la Cour, par contre, elle put s’étendre dans les provinces. Aujourd’hui, l’action des religieux s’exerce parallèlement à celle des laïques.

Nous avons en Chine un héritage récent à faire fructifier : l’héritage d’œuvres allemandes d’enseignement. Déjà, avant les troubles boxers de 1900, mais surtout après, de nombreux professeurs allemands s’employèrent dans les écoles chinoises, principalement dans les écoles militaires de Pékin, Tien-Tsin, Tsinan-Fou, Nankin. L’ancien ministre d’Allemagne à Pékin, comte Rex, réussit à introduire la langue allemande dans l’enseignement chinois ; il encouragea la fondation d’écoles sino-allemandes et fit appel aux commerçants allemands pour les soutenir. En 1901, s’ouvrit à Tcheng-Tou, dans la lointaine province occidentale du Seutchouen, une de ces écoles ; la même année une école supérieure s’ouvrit à Tsing-Tao dans le Chan-Toung. Cette ville abrita bientôt le plus grand nombre d’écoles allemandes ; enfin une importante école s’éleva sur la concession française de Changhai. Cette dernière ne fut d’abord qu’un hôpital auquel on adjoignit, en 1905, une école d’ingénieurs qui était à peine achevée en 1914.

Or, aux termes du traité de Versailles (partie IV, section II, article 134), l’Allemagne « renonce, en faveur des gouvernements français et chinois conjointement, à la propriété de l’école allemande située sur la concession française de Changhaï ». Cette école est devenue l’Institut franco-chinois d’Industrie et de Commerce, qui comprend trois sections mécanique et électricité, travaux publics et chemins de fer, commerce.

Il va sans dire que depuis leur traité de paix avec les Chinois du 20 mai 1921, les Allemands ont fait leur possible pour reprendre dans l’enseignement, en Chine, la place qu’ils avaient, et ils ont su trouver assez de concours parmi les Chinois pour obtenir certaines autorisations. Malgré cela, nombreux sont les Chinois qui ont exprimé devant nous le désir de voir en Chine de plus en plus de professeurs français. L’esprit clair de notre race semble se manifester à leurs yeux d’une façon particulièrement évidente dans l’œuvre de ces derniers. En 1918, une section de langue française fut d’ailleurs créée à l’Université nationale de Pékin où l’on enseigna en cette langue, notre littérature et notre histoire et où nous avons enseigné nous-même. Cette innovation donna une forte impulsion à l’enseignement du français dans les écoles chinoises.

Il fut un temps qui n’est pas si éloigné où un mandarin ne parlait en fait de langue étrangère que la nôtre et en tirait gloire ; à présent, le fonctionnaire qui sait notre langue sait aussi l’anglais ; l’enseignement de cette langue s’est beaucoup répandu au cours de ces vingt dernières années. Cependant nous avons, disséminés sur le territoire des dix-huit provinces, et sans compter ceux des possessions extérieures, des établissements d’enseignement tels que ceux des jésuites à Changhaï et aux environs, les pensionnats des autres missions à Pékin, Tien-Tsin, Nankin, Hankéou, Canton, Yunnan-Fou, Tchong-King ; notre Institut et notre École municipale de Changhaï, nos écoles laïques de Yunnan-Fou et de Mongtseu, notre École de médecine de Tcheng-Tou et les nombreuses petites écoles tenues dans les localités plus ou moins importantes de l’intérieur par des missionnaires isolés ; enfin l’Université franco-chinoise constituée par divers foyers d’enseignement primaire, secondaire et supérieur à Pékin et aux environs, à Canton et une mission universitaire en France.

À côté de notre œuvre d’enseignement proprement dite, une autre bien connue s’inscrit : l’Alliance française.

À peine fondée, en 1884, des adhérents lui sont acquis à Pékin, Changhaï, Canton. Dès 1886, elle envoie à des écoles subventions ou matériel scolaire.

Elle est représentée dans diverses villes par un comité de Français dévoués qui quelquefois groupent autour d’eux de très nombreux adhérents chinois.

Nos hôpitaux méritent une mention spéciale, non seulement à cause du zèle professionnel qu’y déploient nos médecins, mais à cause de la diffusion qu’ils assurent à la science française.

Le rôle du médecin, dans cette Chine où la médecine empirique la plus primitive a toujours été et est encore en faveur, peut être considérable. Le Chinois se drogue le plus généreusement du monde. Sa foi dans ce qu’il avale pour se guérir, fût-ce un simple papier sur lequel un charlatan aura inscrit quelque vague formule, est sans limite. Il n’est pas jusqu’à la « drogue de pérennité » qui n’ait eu dans l’histoire de la Chine son heure de vogue, puisqu’en 820, écrit le P. Léon Wieger dans son Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine, « la voix publique attribua à une dose trop forte de la drogue de pérennité » la mort subite du pauvre empereur Hien.

Si les Chinois d’aujourd’hui n’absorbent plus de cinabre dans l’espoir de se rendre immortels, que n’avaient-ils pas encore pour se guérir ou se préserver des maladies ! Avec des clients si bien disposés, l’on comprend que les médecins ne chôment pas. Les hôpitaux regorgent de consultants et d’hospitalisés ; ils sont toujours trop petits. Les Américains le savent qui dépensent millions sur millions de dollars pour en édifier de luxueux. Mais si nous ne pouvons lutter en nombre et rivaliser de luxe avec eux, nous tenons un rang des plus honorables par la qualité, c’est-à-dire par le savoir, le dévouement, la manière. Partout où, en Chine, nous avons trouvé des médecins français, nous avons remarqué non seulement les qualités que nous venons d’énumérer, mais l’autorité respectée et souvent toute paternelle qu’ils exerçaient autour d’eux.

Si nous ajoutons à ce rapide coup d’œil jeté sur la position intellectuelle de la France en Chine, l’œuvre des Français éminents que les Chinois ont chargés de la confection de leurs Codes et celle de nos ingénieurs dans les exploitations les plus diverses, l’on conviendra qu’il n’y a pas qu’une œuvre matérielle d’entreprise par nous en Chine, mais que le rayonnement du pur génie français atteint aussi cette lointaine contrée.

Signification des noms géographiques cités.


Amoy, Hia-Meng — Prononciation de la province du Foukien Aomoy ; prononciation de Canton : Ao-meng. « La Porte du pays de Hia »

Canton — Capitale de la province du Koang-Tong, d’où le nom de Canton donné par les Occidentaux.

Changhaï, Chang-Haï — « Sur la mer » ; la ville était baignée par la mer avant les apports d’alluvions du Yang Tsé.

Chan-Si — « Ouest des monts ».

Chan-Toung. — « Est des monts ».

Chen-Si — « Ouest de la passe » (passe de T’ong-Kouan).

Hankéou. — « Bouche du Han » (rivière Han).

Honan. — « Au sud du fleuve » (Jaune).

Hong-Kong — Prononciation cantonaise de Chiang-Kan « Détroit parfumé ».

Houang-Ho — « Fleuve Jaune ».

Houang-Pou — « La rive » ou « les berges jaunes ».

Kan-Sou — Nom formé des deux villes principales de la province : Kan-Tcheou-Fou et Sou-Tcheou-Fou.

Kiou-Kiang — « Les neuf rivières ».

Mongtseu, Mong-Tse — « Qui se cache » ou « qui accueille » (?)

Nankin, Nan-King — « Capitale du sud ».

Ning-Po — « Flux calme »

Ou-Tchang — Idée d’armée, de guerre. Idée de grandeur, de majesté (?). Fut toujours un centre militaire important et le théâtre d’hostilités.

Pékin, Pe-King — « Capitale du Nord »

Pé-Tchili, Tchi-Li — « Administration directe du nord ». Ancien nom de la province qui la distingue du Nan-Tchili (sud), actuellement Kiang-Sou.

Seutchouen, Se-Tch’oan — « Tête de nasse ». Centre de pêche important.

Tcheng-Tou — « Capitale parfaite ».

Tchong-King — « Double félicité ».

Tien-Tsin — « Le gué du ciel ».

Tsinan-Fou — « Au sud de la rivière Tsi ».

Tsing-Tao — « L’île d’azur ».

Yang-Tsé-Kiang — À plusieurs noms littéraires sauf celui de Fleuve Bleu qui est peut-être une traduction imparfaite de Tsing-Kiang : Fleuve pur. Son nom provient de la ville de Yang-Tchéou Fou, ancienne capitale du royaume de Kiang-Hoai et veut dire : Fleuve fils de Yang. Yang signifie littéralement : élever, exalter. C’est peut-être le Fleuve par excellence ou le grand Fleuve.

Yunnan-Fou — « Au sud des nuages ».

Zi-Ka-Wei, Ts’u-Kiao-Houei — Village créé par la famille (kia) catholique des Ts’u.