La Cité de Carcassonne/éd. 1888/Description des défenses

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Librairie des imprimeries réunies (p. 21-77).


DESCRIPTION DES DÉFENSES DE LA CITÉ.


J’ai voulu donner un résumé très-succinct de l’histoire des constructions qui composent l’enceinte de la cité de Carcassonne, afin d’expliquer aux voyageurs curieux les irrégularités et les différences d’aspect que présentent ces défenses dont une partie date de la domination romaine et visigothe et qui ont été successivement modifiées et restaurées, pendant les xiie et xiiie siècles, par les vicomtes et par le roi de France.

Quand on se présente devant la cité de Carcassonne, on est tout d’abord frappé de l’aspect grandiose et sévère de ces tours brunes si diverses de dimensions, de forme, et qui suivent, ainsi que les hautes courtines qui les réunissent, les mouvements du terrain pour obtenir un commandement sur la campagne et profiter autant que possible des avantages naturels offerts par les escarpements du plateau, au bord duquel on les a élevées. Du côté oriental est ouverte l’entrée principale, la seule accessible aux charrois, c’est la porte Narbonnaise défendue par un fossé et une barbacane garnie de meurtrières et d’un crénelage avec chemin de ronde. L’entrée est biaise, de façon à masquer la porte de l’ouvrage principal. Un châtelet, qui peut être isolé de la barbacane, la précède, à cheval sur le pont qui était composé de deux tabliers mobiles en bois, dont les tourillons sont encore à leur place. Cette barbacane et le châtelet sont ouverts à la gorge afin d’être battus par les défenses supérieures de la porte Narbonnaise, si ces premiers ouvrages tombaient au pouvoir de l’ennemi.

Du côté extérieur, les deux grosses tours entre lesquelles est ouverte la porte, sont renforcées par des becs, sortes d’éperons destinés à éloigner l’assaillant du point tangent le plus attaquable, de le forcer de se démasquer, à faire dévier le bélier (bosson en langue d’Oïl), ou à présenter une plus forte épaisseur de maçonnerie à la mine.

L’entrée était d’abord fermée par une chaîne dont les attaches sont encore à leur place et qui était destinée à empêcher des chevaux lancés d’entrer dans la ville. Un machicoulis protège la première herse et la première porte en bois avec barres ; dans la voûte est percé un second machicoulis, puis on trouve un troisième machicoulis devant la seconde herse. Il n’était donc pas facile de franchir tous ces obstacles. Mais cette entrée était défendue d’une manière plus efficace encore en temps de guerre.

Au-dessus de l’arc de la porte, des deux côtés de la niche occupée par la statue de la Vierge, se voient, sur les flancs de chacune des deux tours, trois entailles proprement faites ; les deux voisines de l’angle sont coupées carrément et d’une profondeur de 0m,20, la troisième est coupée en biseau comme pour recevoir le pied d’un lien de bois ou d’un chevron incliné. Au-dessus de la niche de la Vierge on remarque trois autres trous carrés profonds, destinés à recevoir des pièces de bois formant une forte saillie. Ces trous recevaient, en effet, les pièces de bois d’un auvent formant une saillie prononcée au-dessus de la porte, protégeant la niche et les gens de garde à l’entrée de la ville.

Cet auvent subsistait en temps de paix ; en temps de guerre il servait de machicoulis. À 1m,30 au-dessus du faîtage de cet auvent on voit encore, sur les flancs des deux tours, de chaque côté, quatre entailles ou trous carrés au même niveau, les trois premiers au-dessus de ceux servant de points d’appui aux chevrons de l’auvent et le quatrième à 0m,60 en avant. Là était établi le plancher du deuxième mâchicoulis. Une cinquième entaille, faite entre les deux dernières et un peu au-dessus, servait de garde pour recevoir le madrier mobile destiné à protéger les assiégés contre les projectiles lancés du dehors de bas en haut et maintenait, par un système de décharges, tout cet étage supérieur en l’empêchant de basculer. On ne pouvait communiquer des tours à ces mâchicoulis extérieurs que par une ouverture pratiquée au deuxième étage et par des échelles, de façon à isoler ces mâchicoulis dans le cas où les assaillants s’en seraient emparés. Ces ouvrages de bois étaient protégés par des mantelets percés de meurtrières. L’assaillant, pour pouvoir s’approcher de la première herse, devait donc affronter une pluie de traits et les projectiles jetés de trois mâchicoulis, deux posés en temps de guerre et un dernier tenant à la construction elle-même. Ce n’est pas tout : le sommet des tours était garni de hourds en charpente que l’on posait également en temps de guerre[1]. Les trous destinés au passage des solives en bascule qui supportaient ces hourds sont tous intacts et disposés de telle sorte que, du dedans, on pouvait, en très-peu de temps, établir ces ouvrages de bois dont la couverture se reliait à celle des combles à demeure. En effet, on conçoit facilement qu’avec le système de créneaux et de meurtrières pratiqués dans les couronnements de pierre, il était impossible d’empêcher des assaillants nombreux et hardis, protégés par des pavois et même par des chats (sortes de chariots recouverts de madriers et de peaux) de saper le pied des tours, puisque des meurtrières, malgré la forte inclinaison de leur coupe, il est impossible de voir le pied des tours ou courtines, et que, par les créneaux, à moins de sortir la moitié du corps en dehors de leur ventrière, on ne pouvait non plus viser un objet placé au pied de l’escarpe. Il fallait donc établir une défense continue, couverte et permettant à un grand nombre de défenseurs de battre le pied de la muraille ou des tours par le jet de pierres ou de projectiles de toute nature.


Fig. 3.


La coupe ci-contre (fig. 3), faite sur l’axe de la porte Narbonnaise, explique les dispositions que nous venons d’indiquer.

Non-seulement les hourds remplissaient cet objet, mais ils laissaient aux défenseurs toute la liberté de leurs mouvements, les chemins de rondes au dedans des crénelages étant réservés à l’approvisionnement des projectiles et à la circulation.

D’ailleurs si ces hourds étaient percés, outre le machicoulis continu, de meurtrières, les meurtrières pratiquées dans les merlons de pierre restaient démasquées dans leur partie inférieure et permettaient aux arbalétriers postés au dedans du parapet sur ce chemin de ronde de lancer des traits sur les assaillants. La défense était donc aussi active que possible et le manque de projectiles devait seul laisser quelque répit à l’attaque.

On ne doit donc pas s’étonner si, pendant des sièges mémorables, après une défense prolongée, les assiégés en étaient réduits à découvrir leurs maisons, à démolir les murs de clôture des jardins, à dépaver les rues, pour garnir ces hourds de projectiles et forcer les assaillants à s’éloigner du pied des tours et murailles.

D’un autre côté, les assiégeants cherchaient à mettre le feu à ces hourds de bois qui rendaient le travail des sapeurs impossible ou à les briser à l’aide des pierres lancées par les mangonneaux ou les trébuchets. Et cela ne devait pas être très-difficile, surtout lorsque les murailles n’étaient pas fort élevées. Aussi, dès la fin du xiiie siècle, on se mit à garnir les murailles et tours de machicoulis de pierre portés sur des consoles, ainsi qu’on peut le voir à Beaucaire, à Avignon et dans tous les châteaux forts ou enceintes des xive et xve siècles[2].

À Carcassonne, le mâchicoulis de pierre n’apparaît nulle part, et partout, au contraire, on trouve les trous des hourds de bois dans les fortifications du château, qui datent du commencement du xiie siècle, aussi bien que dans les ouvrages de Louis IX et de Philippe le Hardi.

Au xiiie siècle, la montagne Noire et les rampes des Pyrénées étaient couvertes de forêts ; on a donc pu faire grand usage de ces matériaux si communs alors dans les environs de Carcassonne.

Les couronnements des deux enceintes de la cité, courtines et tours, sont tous percés de ces trous carrés traversant à distances égales le pied des parapets au niveau des chemins de ronde. Les étages supérieurs des tours et de larges hangars établis en dedans des courtines, comme nous le dirons tout à l’heure, servaient à approvisionner ces bois qui devaient toujours être disponibles pour mettre la ville en état de défense.

En temps ordinaire les couronnements de pierre pouvaient suffire, et l’on voit encore comment, dans les étages supérieurs des tours, les créneaux étaient garnis de volets à rouleaux : sortes de sabords, manœuvrant sur un axe de bois posé sur deux crochets en fer ; volets qui permettaient devoir le pied des murailles sans se découvrir et qui garantissaient les postes des étages supérieurs contre le vent et la pluie. Les volets inférieurs s’enlevaient facilement lorsqu’on établissait les hourds, car alors les créneaux servaient de communication entre ces hourds et les chemins de ronde ou planchers intérieurs.

Fig. 4.

Notre figure 4 explique la disposition de ces volets. La partie supérieure pivotant sur deux gonds fixes demeurait, la partie inférieure était enlevée lorsqu’on posait les hourds.

Mais revenons à la porte Narbonnaise. Outre la chaîne A (fig. 3), derrière le premier arc plein cintre de l’entrée et entre celui-ci et le deuxième, est ménagé un machicoulis B par lequel on jetait les projectiles de droite et de gauche sur les assaillants qui tentaient de briser la première herse C. Les réduits dans lesquels se tenaient les défenseurs sont défilés par un épais garde-fou de pierres. Le mécanisme des herses est parfaitement compréhensible encore aujourd’hui. Dans la salle qui est au-dessus de l’entrée, on aperçoit, dans les deux pieds-droits de la coulisse de cette première herse, les entailles inclinées dans lesquelles s’engageaient les deux jambettes du treuil tracé sur notre coupe, et les scellements des brides en fer qui maintenaient le sommet de ces jambettes ; au niveau du sol, les deux trous destinés à recevoir les cales sur lesquelles reposait la herse une fois levée ; sous l’arc, au sommet du tympan, le trou profond qui recevait la suspension des poulies destinées au jeu des contre-poids et de la chaîne s’enroulant sur le treuil.

Derrière la herse était une porte épaisse à deux vantaux D roulant sur des crapaudines inférieures et des pivots fixés dans un linteau de bois dont les scellements sont intacts. Ces vantaux étaient fortement unis par une barre qui se logeait dans une entaille réservée dans le parement du mur de droite lorsque la porte était ouverte, et par deux autres barres de bois entrant dans des entailles pratiquées dans les deux murs du couloir.

Si l’on pénètre au milieu du passage, on voit dans la voûte s’ouvrir un large trou carré E qui communique avec la salle du premier étage. La grande dimension de ce trou s’explique par la nécessité où se trouvait l’assiégé de pouvoir lancer des projectiles non-seulement au milieu, mais aussi contre les parois du passage. La voûte du premier étage est également percée d’un trou carré I, mais plus petit, de sorte que du deuxième étage on pouvait écraser les assaillants qui se seraient emparés de la salle au-dessous ou donner des ordres aux hommes qui l’occupaient.

Des deux côtés de ce large machicoulis, au premier étage, il existe deux réduits profonds qui pouvaient servir de refuge et défiler les défenseurs dans le cas où les assaillants, maîtres du passage, auraient décoché des traits de bas en haut. La largeur de ce machicoulis permettait encore de jeter sur l’assiégeant des fascines embrasées, et les réduits garantissaient ainsi les défenseurs contre la flamme et la fumée en leur laissant le moyen d’alimenter le feu. Des meurtrières latérales percées dans le passage, au niveau du sol, en E, permettaient aux arbalétriers postés dans les salles du rez-de-chaussée des deux tours d’envoyer à bout portant des carreaux aux gens qui oseraient s’aventurer entre les deux herses.

De même que devant la herse extérieure C, il existe dans la salle du premier étage un deuxième machicoulis oblong F destiné à protéger la seconde herse G. Ce machicoulis se fermait, ainsi que l’ouverture pratiquée dans le milieu de la voûte du passage, par une trappe dont la feuillure et l’encastrement ménagé dans le mur existent encore. Au moyen d’une petite fenêtre qui éclairait la salle du premier étage, les assiégés, du dedans, pouvaient communiquer des ordres à ceux qui servaient la herse sur le chemin de ronde pratiqué au-dessus de la seconde porte H. Cette seconde herse manœuvrait sous un arc réservé à cet effet ; son treuil était en outre protégé par un auvent P maintenu par de forts crochets de fer qui sont encore scellés dans la muraille. Tout le jeu de cette herse est encore visible ; ses ferrures sont en place : la herse seule manque.

Les deux tours qui flanquent cette entrée sont distribuées de la même manière. Elles comprennent : un étage de caves creusées au-dessous du sol, un rez-de-chaussée percé de meurtrières et voûté avec quatre escaliers pour communiquer au premier étage ; un premier étage, également voûté, percé de meurtrières et muni de deux cheminées et de deux fours. Deux des escaliers seulement continuent jusqu’à l’étage supérieur. Les deux autres n’aboutissent pas et peuvent tromper ainsi les gens qui ne connaîtraient pas les lieux. Un deuxième étage couvert autrefois par un plancher portant sur le bord du chemin de ronde. Ce deuxième étage est percé, du côté de la ville, de riches fenêtres ogivales à meneaux O qui ne s’ouvraient que dans la partie inférieure par des volets, tandis que les compartiments de l’ogive étaient vitrés à demeure ; ces fenêtres étaient fortement grillées à l’extérieur. Un troisième étage crénelé recevait la charpente des combles. Cette charpente est divisée en trois pavillons, deux sur les deux tours et un pavillon intermédiaire au-dessus de la porte. Lors de la construction première, rétablie aujourd’hui, ces trois pavillons, aux points de leur rencontre, étaient portés par des poutres entrant dans des entailles pratiquées dans l’assise de la corniche ; soit que ces poutres aient fléchi, soit que les eaux des chéneaux mal entretenus les eussent pourries, au xve siècle, ces combles furent réparés, et, pour les porter, on établit deux grands arcs qui s’arrangeaient fort mal avec la construction du xiiie siècle, puisque l’un d’eux venait buter dans un des créneaux M et le boucher. Des chéneaux en pierre furent posés sur ces arcs et reçurent les pieds du chevron des toitures aux points de leur jonction. Des gargouilles saillantes rejetaient les eaux des chéneaux du côté de la campagne. Ces arcs, qui poussaient en dehors le grand mur élevé du côté de la ville, ont dû être enlevés.

Le chemin de ronde de la courtine n’est pas interrompu par la porte Narbonnaise suivant le système ordinaire adopté dans les défenses de cette époque. Il passe du côté de la ville, au-dessus de la porte, et relie les deux courtines de façon cependant à n’être en communication avec la ville que par les escaliers intérieurs des tours et par une seule baie fermée autrefois par deux épais vantaux ferrés. L’escalier actuel, qui donne accès à ce chemin de ronde, est moderne et a été élevé par le génie militaire.

Habituellement, les tours de l’enceinte intérieure et même de l’enceinte extérieure interrompent les chemins de ronde ; de sorte que si l’assaillant parvenait à s’emparer d’une courtine, il se trouvait pris entre deux tours, et, à moins de les forcer les unes après les autres, il lui devenait impossible de circuler librement sur les remparts ; d’autant que les escaliers qui mettent directement en communication les chemins de ronde avec le terre-plein du côté de la ville, sont très-rares et qu’on ne peut monter sur ces chemins de ronde qu’en passant par les escaliers pratiqués dans les tours. Chaque tour était ainsi un réduit séparé, indépendant, qu’il fallait, forcer. Les portes qui mettent les tours en communication avec les chemins de ronde sont étroites, bien ferrées, barrées à l’intérieur, de sorte qu’en un instant on pouvait fermer le vantail et le barricader en tirant rapidement la barre de bois, logée dans la muraille, avant même de prendre le temps de pousser les verrous et de donner un tour de clef à la serrure. L’examen attentif de ces défenses fait ressortir le soin apporté par les ingénieurs de ce temps contre les surprises. Toutes sortes de précautions ont été prises pour arrêter l’ennemi et l’embarrasser à chaque pas par des dispositions imprévues. Évidemment, un siège à cette époque n’était réellement sérieux pour l’assiégé, comme pour l’assaillant, que quand on en était venu à se prendre, pour ainsi dire, corps à corps. Une garnison aguerrie pouvait lutter avec des chances de succès jusque dans ses dernières défenses. L’ennemi entrait dans la ville par escalade ou par une brèche, sans que pour cela la garnison se rendît ; car alors, celle-ci renfermée dans les tours qui, je le répète, sont autant de réduits indépendants, pouvait se défendre encore ; il fallait forcer des portes barricadées. Prenait-on le rez-de-chaussée d’une tour, les étages supérieurs conservaient les moyens de reprendre l’offensive et d’écraser l’ennemi. On voit que tout était calculé pour une lutte possible pied à pied. Les escaliers à vis étaient facilement barricadés de manière à rendre vains les efforts de l’assiégeant pour arriver aux étages supérieurs.

Les bourgeois d’une place eussent-ils voulu capituler, que la garnison se gardait contre eux et leur interdisait l’accès des tours et des courtines. C’est un système de défiance adopté envers et contre tous.

Les machines de jet, les engins dont les assaillants disposaient à cette époque pour battre du dehors des murailles, comme celles de la cité de Carcassonne, ne pouvaient produire qu’un effet très-médiocre, vu la solidité des ouvrages et l’épaisseur des merlons ; car l’artillerie à feu seule pourrait les entamer. Restaient la sape, la mine, le bélier et tous les engins qui obligeaient l’assaillant à se porter au pied même des défenses. Or il était difficile de se loger et de saper sous ces hourds puissants qui vomissaient des projectiles. La mine n’était guère efficace ici, car toutes les murailles et tours sont assises sur le roc.

On ne doit pas être surpris si, dans ces temps éloignés de nous, certains sièges se prolongeaient indéfiniment. La cité de Carcassonne était, à la fin du xiiie siècle, avec sa double enceinte et les dispositions ingénieuses de la défense, une place imprenable qu’on ne pouvait réduire que par la famine, et encore eût-il fallu, pour la bloquer, une armée nombreuse, car il était aisé à la garnison de garder les bords de l’Aude, au moyen de la grande barbacane (no 8 du plan, fig. 16) qui permettait de faire des sorties avec des forces imposantes et de culbuter les assiégeants dans le fleuve.

En examinant le plan général, nous voyons en bas de l’escarpement de la cité, devant les tours 11 et 12 à l’ouest, une muraille qui défendait le faubourg de la Barbacane. Cette muraille date du xiiie siècle, et elle fut certainement élevée pour empêcher l’ennemi de se loger, comme l’avait fait Trincavel, entre l’Aude et la cité. Cette muraille est à portée d’arbalète des tours 11, 12 et 40 et est commandée par celles-ci. Il était donc fort difficile d’arriver, en descendant la rive droite de l’Aude, jusqu’à la barbacane, malgré la garnison de la cité.

Les remparts et les tours présentent surtout un aspect formidable sur les points de l’enceinte où les approches sont relativement faciles, où des escarpements naturels ne viennent pas opposer un obstacle puissant à l’assaillant. Du côté du nord-est, de l’est et du sud, là où le plateau qui sert d’assiette à la cité est à peu près de plain-pied avec la campagne, de larges fossés protègent la première enceinte. Il est vraisemblable que les extrémités de ces fossés, ainsi que les avancées des portes, étaient défendues par des palissades extérieures, suivant les habitudes de l’époque. Ces palissades étaient munies de barrières ouvrantes.

En s’avançant dans les lices[3], entre les deux enceintes, la première tour que l’on rencontre à droite, à la suite de la porte Narbonnaise, est la tour no 21, dite du Treshaut, ou du Trésau, de Tressan, du Trésor ou de la Cendrino. Cette construction est un magnifique ouvrage de la fin du xiiie siècle, contemporain de la porte Narbonnaise. Elle domine toute la campagne, la ville, et joignant presque l’enceinte extérieure, elle commandait le plateau, la barbacane de la porte Narbonnaise et empêchait l’ennemi de s’étendre du côté du nord dans les lices le long desquelles s’élèvent les tours visigothes.

La tour du Trésau, outre ses caves, renferme quatre étages dont deux sont voûtés.

L’étage inférieur est creusé au-dessous du terre-plein de la ville. Le deuxième étage est presque de plain-pied avec le sol intérieur de la ville. Le troisième étage était couvert par un plancher et le quatrième, sous comble, au niveau du chemin de ronde du crénelage.

Le chemin de ronde des courtines passe derrière le pignon de la tour, mais n’a aucune communication avec les salles intérieures.

Du côté de la ville, la partie supérieure de la tour est terminée par un pignon crénelé avec escaliers rampants le long du comble. Deux tourelles carrées, munies d’escaliers et crénelées à leur partie supérieure, épaulent le pignon et servaient de tours de guet, car elles sont, de ce côté, le point le plus élevé des défenses.

En temps de paix, le crénelage de la tour du Trésau n’était pas couvert. Le comble porte sur un mur intérieur. Les gargouilles qui existent encore à l’extérieur indiquent d’une manière certaine que le chemin de ronde supérieur était à ciel ouvert. En temps de guerre, les toitures des hourds couvraient ces chemins de ronde ainsi que les hourds eux-mêmes.

Un seul escalier à vis dessert les quatre étages et toutes les issues étaient garnies de portes fortement ferrées. Le deuxième étage au-dessus des caves contient une petite chambre ou réduit éclairé par une fenêtre, destiné au capitaine, une grande cheminée et des latrines ; cet étage et le rez-de-chaussée sont percés de nombreuses meurtrières s’ouvrant sous de grandes arcades munies de bancs de pierre. Les meurtrières ne sont pas percées les unes au-dessus des autres, mais chevauchées, ou vides sur pleins, afin de battre tous les points de la circonférence de la tour. Ce principe est généralement suivi dans les tours de l’enceinte intérieure et, sans exception, dans les tours de l’enceinte extérieure où les meurtrières jouent un rôle important. En effet, les meurtrières percées dans les étages des tours ne pouvaient servir que lorsque l’ennemi était encore éloigné des remparts ; on conçoit dès lors qu’elles aient été pratiquées plus nombreuses et disposées avec plus de méthode dans les tours de l’enceinte extérieure.

Les courtines qui accompagnent la tour du Trésau sont fort belles. Leur partie inférieure est percée de meurtrières au niveau du terre-plein de la ville, sous des arcs plein cintre avec bancs de pierre et leurs merlons, larges, épais, sont bien construits.

Le parement intérieur des merlons entre la tour Narbonnaise et la tour du Trésau n’est pas vertical, mais élevé en fruit. La disposition des hourds explique l’utilité de cette inclinaison du parement intérieur des merlons.

Sur ce point de la défense — l’un des plus attaquables, à cause du plateau qui s’étend de plain-pied devant la porte Narbonnaise — les courtines intérieures devaient être munies de ces hourds doubles dont il est fait parfois mention dans les chroniqueurs du xiiie siècle[4].

La figure 5 explique, dans le cas actuel, la disposition de ces doubles hourds. Ainsi que nous venons de le dire, les merlons ayant leur parement intérieur en fruit sur le chemin de ronde A, leur base est traversée au niveau de ce chemin de ronde par des trous de hourds de 0m,30 de côté, régulièrement espacés. Sur le parement du chemin de ronde, du côté de la ville, est une retraite continue B. Les hourds doubles étaient donc ainsi disposés : de cinq pieds en cinq pieds passaient, par les trous des hourds, de fortes solives C, sur l’extrémité desquelles, à l’extérieur, s’élevait le poteau incliné D, avec des contre-poteaux E, formant la rainure pour le passage des madriers de garde. Des moises doubles J pinçaient ce poteau D, reposaient sur la longrine F, mordaient les trois poteaux G, H, I, celui G étant appuyé sur le parement incliné du merlon, et venaient saisir le poteau postérieur K également incliné. Un second rang de moises, posé en L à 1m,80 du premier rang, formait l’enrayure des arbalétriers M du comble. En N un mâchicoulis était réservé le long du parement extérieur de la courtine. Ce mâchicoulis était servi par des hommes placés en O, sur le chemin de ronde, au droit de chaque créneau muni d’une ventrière P. Les archers et arbalétriers du hourd inférieur étaient postés en R et n’avaient pas à se préoccuper de servir ce premier mâchicoulis.


Fig. 5.


Le deuxième hourd possédait un mâchicoulis en S. Les approvisionnements de projectiles se faisaient en dedans de la ville par les guindes T. Des escaliers Q, disposés de distance en distance, mettaient les deux hourds en communication. De cette manière, il était possible d’amasser une quantité considérable de pierres en V, sans gêner la circulation sur les chemins de ronde ni les arbalétriers à leur poste. En X, on voit, de face, à l’extérieur, la charpente du hourdage dépourvue de ses madriers de garde, et en Y, cette charpente garnie. Par les meurtrières et mâchicoulis, on pouvait lancer ainsi sur l’assaillant un nombre prodigieux de projectiles. Comme toujours, les meurtrières U, percées dans les merlons, dégageaient au-dessous des hourds et permettaient à un deuxième rang d’arbalétriers postés entre les fermes, sur le chemin de ronde, de viser l’ennemi.

On conçoit que l’inclinaison des madriers de garde était très-favorable au tir. Elle permettait, de plus, de faire surplomber le deuxième mâchicoulis S en dehors du hourdage inférieur.

La dépense que nécessitaient des charpentes aussi considérables ne permettait guère de les établir que dans des circonstances exceptionnelles, sur des points mal défendus par la nature.

La courtine qui relie la tour du Trésau à la porte Narbonnaise possède un petit puits et une échauguette flanquante destinée à battre l’intervalle entre la barbacane et cette porte.

De la tour du Trésau, en se dirigeant vers le nord, on longe une grande partie de l’enceinte des Visigoths. À voir le désordre de ces anciennes constructions, on doit admettre qu’elles ont été bouleversées par un siège terrible ; on a peine à comprendre comment on a pu, avec les moyens dont on disposait alors, renverser des pans de murs d’une épaisseur considérable, faire pencher ces tours dont toute la partie inférieure ne présente qu’une masse de maçonnerie. Il semblerait que la poudre à canon peut seule causer des désordres aussi graves, et cependant le siège pendant lequel une partie considérable de ces remparts a été renversée est antérieur au xiie siècle, puisque, sur ces débris, on voit s’élever des constructions identiques avec celles du château, ou datant du xiiie siècle.

À peine si l’on a pris soin de déblayer les ruines, car on remarque, enclavés dans les courtines reprises au xiiie siècle, d’énormes pans de murs renversés et présentant verticalement les lits de leurs assises de moellon ou de brique. Grâce à la bonté des mortiers, ces masses renversées ne se sont point disjointes et sont là comme des rochers sur lesquels on serait venu construire de nouveaux murs.

De ce côté, les courtines et les tours sont très-hautes et dominent de beaucoup l’enceinte extérieure élevée sur la crête de l’escarpement.

Cet escarpement fait face à l’Aude et il s’étend jusqu’à la tour no 41 qui termine le saillant occidental de la cité.

Deux portes sont percées dans l’enceinte des Visigoths : l’une, petite, datant de l’époque primitive, a été murée ; elle est située à la droite de la tour no 26 ; l’autre, percée au xiie siècle et réparée au xiiie, se trouve entre les tours 24 et 25. C’est la porte désignée par le sénéchal Guillaume des Ormes sous le nom de porte de Rodez. Elle ne présente aucune défense particulière, mais devait être précédée d’un ouvrage avec poterne, protégé par la tour-barbacane no 4 ; tour qui a malheureusement été modifiée dans sa forme par le génie militaire, de telle sorte qu’aujourd’hui la porte de Rodez donne sur les lices et n’a plus de communication avec le dehors.

Si nous passons de l’autre côté du château, vers le sud-ouest, nous rencontrons la porte de l’Aude (autrefois porte de Toulouse).

Cette porte a été percée dans la muraille des Visigoths au xiie siècle. On voit encore, à l’extérieur, l’arc plein cintre qui paraît appartenir à cette époque par son appareil et la nature des matériaux employés. À la gauche de cette porte il existait, sur un pan de mur visigoth, un bâtiment contemporain du château, c’est-à-dire élevé du xie au xiie siècles. Le mur extérieur de ce bâtiment est encore percé de trois petites fenêtres jumelles divisées par des colonnettes de marbre avec chapiteaux sculptés.

Une longue rampe aboutissait à la grande barbacane no 8 et était battue par cette barbacane ; elle s’élève suivant une inclinaison assez roide, et, en faisant un lacet, conduit à une première porte, simple barrière, puis à une seconde porte défendue par un crénelage et commandée par un gros ouvrage en forme de traverse, terminé, à la hauteur des chemins de ronde de l’enceinte intérieure, par une plate-forme et des merlons. À sa base, cette traverse est percée d’une porte qui donne entrée dans les lices du sud-ouest.

Il faut gravir, en dedans de l’enceinte extérieure, une rampe assez roide battue par l’ouvrage qui masque la porte de l’Aude, percée dans le mur de l’enceinte intérieure. Cette rampe est dominée par la tour de la Justice, no 37, et par une tour visigothe, no 38. On arrive ainsi à un lacet qui oblige l’arrivant à se détourner brusquement pour atteindre la porte. Bien qu’il n’y ait, devant cette porte, ni fossé ni ponts à bascule, il n’était point facile d’y arriver malgré les gens du dedans de la ville, car l’espace compris entre les deux enceintes forme une véritable place d’armes, un grand châtelet, commandé de tous côtés par des ouvrages formidables. De plus, les lices, à droite et à gauche, étaient fermées par des portes. On observera que la porte supérieure est percée dans un angle rentrant, ce qui a permis de la flanquer très-puissamment, et que son masque forme en avant un petit châtelet que l’on pouvait fermer complétement en temps de guerre, et qui, en temps de paix, était précédé d’un petit poste dont on aperçoit encore la trace le long de la courtine. De cet ouvrage, les rondes pouvaient descendre dans les lices du sud-ouest, en ouvrant une porte percée sur le flanc du parapet et en posant des planches mobiles sur des corbeaux engagés dans les gros contre-forts à la suite. Ce moyen de sortie ou d’entrée indique assez que l’ouvrage, en avant de la porte de l’Aude, était absolument fermé en temps de guerre.

En se dirigeant de la porte de l’Aude vers les lices du sud-ouest, on laisse bientôt les dernières traces des constructions visigothes et l’on atteint le saillant bâti par Philippe le Hardi, en dehors des terrains de l’évêché (fig. 16). Ayant passé la porte percée dans la traverse de commandement, et que nous croyons être la porte dite du Sénéchal, on voit une des tours des Visigoths, entière, puis la tour 39, dite de l’Inquisition, et dans laquelle nous avons trouvé un cachot avec pilier central, garni de chaînes, puis la tour carrée no 11, dite de l’Évêque. Cette tour, à cheval sur les lices, commande les deux enceintes et pouvait, sur ce front, couper la communication entre la partie sud et la partie nord des lices. Toutefois, les deux arcs jetés sur le passage, entre les deux enceintes, n’étaient défendus que par deux machicoulis intérieurs et par un machicoulis percé au milieu de la voûte. On ne trouve pas trace de gonds indiquant la présence de vantaux de porte, mais seulement des entailles qui font supposer qu’en temps de guerre des barrières de bois fermaient ces ouvertures et interceptaient les communications. Cette tour, dont l’évêque avait la jouissance sauf le chemin de ronde supérieur, est fort belle, admirablement construite, fièrement plantée sur les deux enceintes dont elle rompt l’uniformité. De même qu’elle coupait la communication sur les lices, elle interrompait aussi le chemin de ronde supérieur des courtines, car, pour aller de la courtine nord à la courtine sud, il fallait traverser cette tour et forcer deux portes. Les escaliers intérieurs sont disposés de façon à ce que l’accès aux crénelages soit indépendant de l’accès aux deux salles voûtées, dont l’évêque avait la jouissance.

Les courtines qui font partie du saillant bâti par Philippe le Hardi, sont munies de belles meurtrières percées sous des arcades avec bancs ; meurtrières qui battent les lices et les chemins de ronde de l’enceinte extérieure. On voit encore, en dehors de cette partie de l’enceinte extérieure, à côté de la tour no 12, dite du Grand-Canisou, les orifices de l’égout que le roi avait fait construire à travers la muraille élevée par son ordre, pour rejeter au dehors les eaux de l’évêché, ainsi qu’il a été dit plus haut.

Quant aux bâtiments de l’évêché, ils sont complétement rasés ; il n’en est pas de même du cloître de l’église Saint-Nazaire, dont les fondations ont été retrouvées. Ces fondations, et un mur de ce cloître, conservé avec les piles engagées et les formerets des voûtes, se rapportent aux tracés des vieux plans de la cité, dans lesquels ce cloître et ses dépendances sont indiqués. Cette construction date de l’époque de saint Louis. À la suite de la tour no 11 est la tour no 40, dite de Cahusac, qui présente une disposition curieuse. Le chemin de ronde tourne à l’entour, et est couvert par un portique ; puis on arrive à la tour du coin no 41, dite Mipadre ou de Prade. Elle contient deux étages voûtés et deux étages entre planchers, elle est munie d’une cheminée et d’un four. La seule porte donnant entrée dans cette tour, qui n’interrompt pas le chemin de ronde, est percée du côté de l’est et était fermée par des verrous et une barre rentrant dans la muraille. Comme aux autres tours de cette partie de l’enceinte, le dernier merlon des courtines s’élève au point de jonction avec la tour, là où sont percées les portes, et le dernier créneau était également muni de volets sur rouleaux, afin de protéger les entrants ou les sortants ou les factionnaires posés aux entrées des tours. Presque toujours il faut monter quelques marches pour passer des courtines dans les tours, et alors le crénelage suit la montée.

On remarquera encore que les chemins de ronde des courtines, et par conséquent les crénelages et les hourds ne sont pas toujours de niveau, mais suivent la pente du terrain extérieur, de manière à conserver sur tous les points de l’enceinte une hauteur d’escarpe uniforme, ainsi que cela se pratique encore de nos jours.

C’était une règle établie par l’expérience, et, passé une certaine hauteur, l’échelade devait être regardée comme impossible ; aussi maintenait-on un minimum d’élévation partout. Toutefois les escarpes de l’enceinte intérieure sont beaucoup plus élevées que celles de l’enceinte extérieure. L’enceinte extérieure était établie de manière à battre l’assaillant à grande distance et à l’empêcher d’approcher ; tandis que pour l’enceinte intérieure, tout est combiné en vue de combattre un ennemi très-rapproché. Il n’est pas besoin d’insister sur une disposition indiquée par le simple bon sens.

Dans l’enceinte du cloître Saint-Nazaire, de larges escaliers donnent accès aux remparts. Mais il est bon d’observer que le cloître et l’évêché étaient déjà renfermés dans une enceinte, et que, par conséquent, les habitants de la ville ne pouvaient monter de la voie publique sur les courtines. Partout où il existe des escaliers montant aux chemins de ronde directement, ces escaliers sont toujours, ou enclavés dans d’anciens logis dépendant des murailles et fortifiés, ou compris dans des enceintes spéciales ; tels sont les escaliers qui montaient à la courtine à côté de la tour no 44, le long de la tour no 47 et près de la chapelle Saint-Sernin (tour 53). Le plus souvent, ce sont les escaliers des tours qui, au moyen de petites portes extérieures bien ferrées, permettent l’accès sur les chemins de ronde. La garnison pouvait donc, si bon lui semblait, ainsi que nous l’avons dit plus haut, s’isoler et tenir les citoyens en respect pendant qu’elle repoussait les assiégeants. Elle seule circulait entre les deux enceintes, dans les lices, en fermant les portes de la ville sur les habitants ; sur ce point, il n’y avait nul inconvénient à ce que les chemins de ronde fussent de plain-pied avec le terre-plein.

En suivant l’enceinte intérieure vers l’est, après avoir dépassé la tour no 42 — dite tour du Moulin, parce qu’autrefois son étage supérieur, en retraite sur le crénelage, était affecté au mécanisme d’un moulin à vent — on arrive à la tour no 43, dite tour et poterne Saint-Nazaire. Cet ouvrage, sur plan carré, est encore un des plus remarquables de la cité. À côté de la barbacane no 15, dite de la Crémade et dépendant de l’enceinte extérieure, est une poterne basse et étroite, donnant dans le fossé peu profond sur ce point. Cette poterne, en cas de siège, pouvait être murée facilement puisqu’il n’y avait qu’à remplir l’escalier roide qui, du seuil de cette poterne, monte aux lices. Le large diamètre de la tour de la Crémade en fait une barbacane propre d’ailleurs à protéger des sorties ou des partis rentrants. Cette tour n’était point couverte, comme les autres, par un comble, et est en communication directe avec le chemin de ronde des courtines dont elle n’est, pourrait-on dire, qu’un appendice flanquant.

Quant à la tour Saint-Nazaire, il était impossible à des assiégeants postés en dehors de l’enceinte extérieure de supposer qu’elle fût munie d’une poterne. La porte, percée à la base de cette tour Saint-Nazaire, et donnant sur les lices, est ouverte de côté, masquée par la saillie de l’échauguette d’angle, et le seuil de cette ouverture est établi à plus de deux mètres au-dessus du sol des lices. Il fallait donc poser des échelles ou un plan incliné en bois pour entrer et sortir.

Dans la tour elle-même l’entrée est biaise, et, si de l’extérieur on n’entre par la poterne percée sur le flanc est de la tour qu’au moyen d’échelles ou d’un plancher mobile, on ne peut franchir la seconde entrée qu’en se détournant à angle droit. Cette poterne ne pouvait donc servir qu’aux gens de pied. Chacune des deux baies est munie d’une herse, de machicoulis et de vantaux. Un puits dessert les lices et le premier étage, qui contient en outre un four. La première herse était manœuvrée de la salle du premier étage, la deuxième du chemin de ronde, comme à la porte Narbonnaise. Le crénelage supérieur s’élève sur une plate-forme propre à recevoir un engin de défense (mangonneau) et possède une guette, car ce point est un des plus élevés de la cité. Le crénelage inférieur (car la défense de couronnement est double) est flanqué par des échauguettes qui montent de fond.

Toujours en se dirigeant vers l’est, on arrive à peu de distance de la tour Saint-Nazaire à la tour no 44, dite Saint-Martin, qui semble avoir été élevée à proximité de la tour no 43 à dessein, pour masquer et battre la poterne à très-petite portée. Cette tour est renforcée, comme les tours 41 et 42 et comme celles de la porte Narbonnaise, par un bec saillant dont nous avons expliqué l’utilité. Elle contient deux étages voûtés, deux étages sous plancher, comme la tour no 41, et se dégage au-dessus du chemin de ronde qui tourne autour d’elle du côté de la ville.

À partir de ce point de l’enceinte intérieure, nous voyons reparaître, dans les parties inférieures des courtines et tours, les restes des remparts visigoths jusqu’à la tour no 53, dite de Saint-Sernin, à côté de la porte Narbonnaise.

Les tours nos 45, 46, 47, 49, 50, 52 et 53 sont bâties sur les fondations des tours primitives et sont d’un diamètre plus faible que les tours du xiiie siècle. Seule, la tour no 48 a été reconstruite entièrement par Philippe le Hardi. Aussi présente-t-elle à l’extérieur un bec saillant, et l’épaisseur de sa construction est très-considérable. C’est qu’elle devait s’élever assez haut pour dominer la tour no 18 de l’enceinte extérieure, tour dite de la Vade ou du Papegay, sorte de donjon avancé absolument indépendant et qui était destiné à battre le plateau qui s’étend de plain-pied, en face de ce front.

Les tours précédentes, nos 45, 46, 47, 49, 50 et 52, ne sont pas voûtées, et des planchers en bois séparaient leurs étages, au nombre de deux seulement et établis sur le massif plein de la maçonnerie des Visigoths. Leurs escaliers à vis font saillie à l’intérieur des salles et sont pris à leurs dépens. Toutes ces tours interrompent la circulation sur le chemin de ronde des courtines ; il faut les traverser pour communiquer d’une courtine à l’autre. La tour no 49, dite de Daréja, est bâtie sur une substruction romaine, formée de gros blocs de pierre parfaitement jointifs, sans mortier. Le soubassement romain portait certainement une tour carrée, car les Visigoths se sont contentés d’abattre les arêtes saillantes à coups de masse, pour arrondir cette construction massive qui ne renferme qu’un blocage.

En examinant les constructions surélevées au xiiie siècle, on voit que les ingénieurs ont donné à la partie cylindrique (côté extérieur) une forte épaisseur, tandis que du côté de la ville, là où la tour est fermée par un pignon, les murs n’ont qu’une faible épaisseur, afin d’obtenir l’espace vide le plus grand possible à l’intérieur pour loger les postes. La tour no 47 présente aussi, sur les lices, dans sa partie inférieure, des restes de soubassements romains, sur lesquels est implantée une tour visigothe couronnée par la bâtisse du xiiie siècle.

Ainsi, toute cette portion de l’enceinte, comprise entre la tour no 44 et la porte narbonnaise, a été réparée et reconstruite en partie par Philippe le Hardi sur l’enceinte des Visigoths, qui avait été élevée sur les remparts romains. Le périmètre de la ville antique est donc donné par celui de la ville des Visigoths, puisque, du côté du midi comme du côté du nord, nous retrouvons les traces des constructions romaines sous les ouvrages dus aux barbares.

Sur tout ce front sud-est, les hourds présentaient en temps de guerre une ligne non interrompue, car ceux des courtines se relient à ceux des tours au moyen de quelques marches. Cela était nécessaire pour faciliter la défense et ne pouvait avoir d’inconvénients, dans le cas où l’assiégeant se serait emparé d’une portion de ces hourds, car il était facile de les couper en un instant et d’empêcher l’ennemi de profiter de cette coursière extérieure continue pour s’emparer successivement des étages supérieurs des tours. L’assiégé, obligé d’abandonner une portion de ces hourds, pouvait lui-même y mettre le feu, sacrifier au besoin une tour ou deux, et se retirer dans les postes éloignés du point tombé au pouvoir de l’ennemi, en coupant les planchers de bois derrière lui.

Les tablettes de pierre des chemins de ronde des courtines élevées sous Philippe le Hardi sont supportées à l’intérieur pour augmenter la largeur de la coursière, du côté du sud et du sud-est, depuis la tour de l’évêque jusqu’à la porte Narbonnaise, par des corbeaux de pierre. Il existe, entre ces corbeaux, des trous carrés très-profonds ménagés dans la construction à intervalles égaux. Ces trous étaient destinés à loger des solives horizontales dont l’extrémité pouvait, au besoin, être soulagée par des poteaux. Sur ces solives on établissait un plancher continu qui élargissait d’autant le chemin de ronde à l’intérieur et formait une saillie fort utile pour l’approvisionnement des hourds, pour la mise en batterie de pierrières et trébuchets, et pour disposer au pied des remparts, sur le terre-plein de la ville, des magasins, des abris pour un supplément de garnison.

Les combles qui couvraient les hourds venaient très-probablement couvrir ce supplément de coursières. On conçoit combien ces larges espaces, ménagés à la partie supérieure des courtines, devaient faciliter la défense. Et il faut noter ici que cette disposition n’existe que dans la partie des défenses qui était le moins bien protégée par la nature du terrain et contre laquelle, par conséquent, l’assaillant devait réunir tous les efforts et pouvait organiser une attaque en règle.

Ces précautions eussent été inutiles là où l’ennemi ne pouvait se présenter qu’en petit nombre par suite des escarpements de la colline. Du côté méridional, l’ennemi, en supposant qu’il se fût emparé de l’enceinte extérieure, pouvait combler une partie des fossés, détruire un pan de mur de l’enceinte extérieure et faire approcher de la muraille intérieure, sur un plan incliné, un de ces beffrois de charpente, recouverts de peaux fraîches pour les garantir du feu et au moyen desquels on se jetait de plain-pied sur les chemins de ronde supérieurs. On ne pouvait résister à une semblable attaque, qui réussit mainte fois, qu’en réunissant, sur le point attaqué, un nombre de soldats supérieur aux forces des assiégeants. Comment l’aurait-on pu faire sur ces étroits chemins de ronde ? Les hourds brisés, les merlons entamés par les machines de jet, les assiégeants se précipitant sur les chemins de ronde, ne trouvaient devant eux qu’une rangée de défenseurs acculés à un précipice et ne présentant qu’une ligne sans profondeur à cette colonne d’assaut sans cesse renouvelée ! Avec ce supplément de chemin de ronde qu’on pouvait élargir à volonté, il était possible d’opposer à l’assaillant une résistance solide, de le culbuter et de s’emparer même du beffroi.

C’est dans ces détails de la défense pied à pied qu’apparaît l’art de la fortification du xie au xve siècle. En examinant avec soin, en étudiant scrupuleusement, et dans les moindres détails, les ouvrages défensifs de ces temps, on comprend ces récits d’attaques gigantesques que nous sommes trop disposés à taxer d’exagération. Devant des moyens de défense si bien prévus, si ingénieusement combinés, on se figure sans peine les travaux énormes des assiégeants, les beffrois mobiles, les estacades et bastilles terrassées, les engins de sape roulants, tels que chats et galeries, ces travaux de mine qui demandaient un temps considérable, lorsque la poudre à canon n’était point en usage dans les armées. Avec une garnison déterminée et bien approvisionnée on pouvait prolonger un siège indéfiniment. Aussi n’est-il pas rare de voir une bicoque résister pendant des mois à une armée nombreuse. De là, souvent, cette audace et cette insolence du faible contre le fort et le puissant, cette habitude de la résistance individuelle qui faisait le fond du caractère de la féodalité, cette énergie qui a produit de si grandes choses et un si grand développement intellectuel au milieu de tant d’abus.

Indépendamment des portes percées dans l’enceinte intérieure, on comptait plusieurs poternes. Pour le service des assiégés, — surtout s’ils devaient garder une double enceinte —, il fallait rendre les communications faciles entre ces deux enceintes et ménager des poternes donnant sur les dehors, pour pouvoir porter rapidement des secours sur un point attaqué, faire sortir ou rentrer des corps, sans que l’ennemi pût s’y opposer. En parcourant l’enceinte intérieure de Carcassonne, on voit un grand nombre de poternes plus ou moins bien dissimulées et qui devaient permettre à la garnison de se répandre dans les lices par une quantité d’issues facilement masquées, ou de rentrer rapidement dans le cas où la première enceinte eût été forcée. Entre la tour du Trésau du côté nord et le château, nous trouvons deux de ces poternes, sans compter la porte de Rodez. L’une de ces poternes donne entrée dans le fossé du château (fig. 16), l’autre à côté de la tour no 26. Entre le château et la tour no 37 est une poterne donnant également dans le fossé du château. Entre la porte de l’Aude et la porte Narbonnaise (côté ouest et sud de l’enceinte intérieure) on trouve la poterne Saint-Nazaire décrite plus haut ; entre les tours 44 et 45, une poterne communiquant à un escalier à vis, et entre les tours 50 et 52, une construction saillante no 51, qui contenait un escalier de bois, communiquant à de vastes souterrains dont l’issue extérieure est placée à côté de la tour de l’enceinte extérieure no 19, au niveau du fond du fossé et dont deux galeries débouchaient dans les lices. Cette dernière poterne avait une grande importance, car elle mettait les chemins de ronde supérieurs en communication directe, soit avec des lices, soit avec les dehors. Aussi, en arrière de la porte donnant dans l’angle de la tour 19, est une salle voûtée, vaste, pouvant contenir une quarantaine d’hommes armés.

De plus, il existe une poterne mettant les lices en communication avec le fossé, à l’angle de rencontre de la courtine de droite avec le donjon de la Vade no 18. Il y avait une poterne au côté droit de la grosse tour no 4 de l’enceinte extérieure, une poterne très-relevée au-dessus de l’escarpement percée dans le mur extérieur de la porte de l’Aude et qui exigeait l’emploi d’une échelle, et la poterne encore ouverte dans l’angle de la tour no 15, ainsi qu’il a été dit plus haut. En ajoutant à ces issues la grande barbacane du château no 8, on voit que la garnison pouvait faire des sorties et se mettre en communication avec les dehors, sans ouvrir les deux portes principales de l’Aude et Narbonnaise.


Fig. 6.


Avant de passer à la description du château, il est nécessaire de nous occuper de l’enceinte extérieure qui présente également un intérêt sérieux.

De cette enceinte extérieure, la tour la mieux conservée (elle est intacte sauf sa couverture) est celle de la Peyre no 19. Cette tour, comme la plupart de celles dépendant de cette enceinte, est ouverte du côté de la ville dans la partie supérieure de manière à ne pouvoir servir de défense contre les remparts intérieurs, et afin que, du chemin de ronde supérieur, on puisse donner des ordres aux hommes postés dans cette tour. Le milieu de cette tour, comme de toutes celles de l’enceinte extérieure, à l’exception des barbacanes, était couvert par un comble, mais le chemin de ronde crénelé était à ciel ouvert en temps de paix et pouvait être garni de hourds en temps de siège.


Fig. 7.


Ces combles à demeure portaient sur le bahut intérieur du chemin de ronde.

La figure 6 donne la coupe de cette tour de la Peyre.

En M est tracé le profil d’ensemble de cet ouvrage avec le fossé, la crête de la contrescarpe et le sol extérieur formant glacis. On voit comme les meurtrières sont disposées pour couvrir de projectiles rasants ce glacis, et de projectiles plongeants, la crête et le pied de la contrescarpe. Quant à la défense rapprochée, il y est pourvu par les mâchicoulis et des hourds, ainsi qu’on le voit en P. La figure 7 donne le tracé général de cette tour du côté intérieur, les hourds n’étant supposés montés que du côté R.

La tour no 18, dite de la Vade ou de Papegay, bien qu’elle appartienne à l’enceinte extérieure, est, comme nous l’avons dit, un réduit, un donjon, dominant tout le plateau de ce côté, occupé avant le règne de Saint-Louis, par un faubourg.

Les courtines de l’enceinte extérieure étant tombées au pouvoir de l’assiégeant, la plupart des tours de cette enceinte devaient être facilement prises, car elles ne sont guère défendues à l’intérieur et leurs chemins de ronde communiquent parfois de plain-pied avec ceux des courtines ; cependant des portes interrompent la circulation, mais la tour de la Vade est un ouvrage indépendant et d’une grande élévation ; il possède deux étages voûtés, deux étages entre planchers, un puits à rez-de-chaussée, une cheminée au deuxième étage et des latrines au troisième. La porte donnant sur les lices pouvait être fortement barricadée et opposer à l’assiégeant un obstacle aussi résistant que la muraille elle-même. L’étage supérieur était muni d’un crénelage à ciel ouvert avec toit au centre. Ce crénelage, qui, en temps de guerre, était muni de hourds, était dominé par le couronnement de la tour no 48.


Fig. 8.


Les autres tours de l’enceinte extérieure sont toutes à peu près construites sur le modèle de la tour no 7, dite de la Porte-Rouge. Cette tour possède deux étages au-dessous du crénelage. La figure 8 en donne les plans à chacun de ces étages. Comme le terrain s’élève sensiblement de a en b, les deux chemins de ronde des courtines ne sont pas au même niveau ; le chemin de ronde b est à 3 mètres au-dessus du chemin de ronde a. En A est tracé le plan de la tour au-dessous du terre-plein ; en B, au niveau du chemin de ronde d ; en C, au niveau du crénelage de la tour qui arase le crénelage de la courtine e. On voit en d la porte qui, s’ouvrant sur le chemin de ronde, communique à un degré qui descend à l’étage inférieur A, et en e, la porte qui, s’ouvrant sur le chemin de ronde d’amont, communique à un degré qui descend à l’étage B. On arrive, du dehors, au crénelage de la tour par le degré g. De plus, les deux étages A et B sont mis en communication entre eux par un escalier intérieur h h’, pris dans l’épaisseur du mur de la tour. Ainsi les hommes postés dans les deux étages A et B sont seuls en communication directe avec les deux chemins de ronde des courtines. Si l’assaillant est parvenu à détruire les hourds et le crénelage supérieur, et si, croyant avoir rendu l’ouvrage indéfendable, il tente l’assaut de l’une des courtines, il est reçu de flanc par les postes établis et demeurés en sûreté dans les étages inférieurs, lesquels étant facilement blindés, n’ont pu être écrasés par les projectiles des pierrières ou rendus inhabitables par l’incendie du comble et des hourds. Une coupe longitudinale faite sur les deux chemins de ronde, de e en d, permet de saisir cette disposition (fig. 9). On voit en e’ la porte de l’escalier e, et en d’ la porte de l’escalier d du plan. Cette dernière porte est défendue par une échauguette f, à laquelle on arrive par un degré de six marches. En h" commence l’escalier qui met en communication les deux étages A et B. Une couche de terre posée en k empêche le feu, qui pourrait être mis au comble l par les assiégés, d’endommager le plancher supérieur. La figure 10 donne la coupe de cette tour suivant l’axe perpendiculaire au front. En d" est la porte donnant sur l’escalier d. Les hourds sont posés en m. En p est tracé le profil de l’escarpement avec le prolongement des lignes de tir des deux rangs de meurtrières des étages A et B. Il n’est pas besoin de dire que les hourds battent le pied o de la tour.


Fig. 9.


Une vue perspective (fig. 11), prise des lices (point x du plan C), fera saisir les dispositions intérieures de cette défense.


Fig. 10.


Les approvisionnements des hourds et chemins de ronde de la tour se font, par le créneau c du plan C, au moyen d’un palan et d’une poulie, ainsi que le fait voir le tracé perspectif. Ici la tour ne commande que l’un des chemins de ronde (voyez la coupe, figure 9). Lors de la construction sous saint Louis, elle commandait les deux courtines ; mais sous Philippe le Hardi, lorsqu’on termina les défenses de la cité, on augmenta, ainsi qu’on l’a vu plus haut, le relief de quelques-unes des courtines de l’enceinte extérieure qui ne paraissaient pas avoir un commandement assez élevé. C’est à cette époque que le crénelage G fut remonté au-dessus de l’ancien crénelage H, sans qu’on ait pris la peine de démolir celui-ci ; de sorte qu’extérieurement ce premier crénelage H reste englobé dans la maçonnerie surélevée. En effet, le terrain extérieur s’élève comme le terrain des lices de a en b (voyez les plans), et les ingénieurs, ayant cru devoir adopter un commandement uniforme des courtines sur le dehors, aussi bien pour l’enceinte extérieure que pour l’enceinte intérieure, on régularisa, vers 1285, tous les reliefs. Il faut dire aussi qu’à cette époque on ne donnait plus guère un commandement important aux tours sur les courtines qu’aux saillants, ou sur quelques points où il était utile de découvrir les dehors au loin.


Fig. 11.


Pour les grands fronts, les tours flanquantes n’ont, sur les courtines, qu’un faible commandement, et cette disposition est observée pour le grand front sud-est de l’enceinte intérieure de la cité, réparé et couronné par Philippe le Hardi.

La disposition de cette tour de l’enceinte extérieure que nous venons de donner est telle, que cet ouvrage ne pouvait se défendre contre l’enceinte intérieure ; car, non-seulement cette tour est dominée de beaucoup, mais elle est, du côté des lices, nulle comme défense.

Nous avons parcouru et décrit les points les plus importants des deux enceintes de la cité. Revenant à la porte Narbonnaise, d’où nous sommes partis, et montant en ville à travers une rue étroite et tortueuse, on arrive, en se dirigeant vers l’ouest, au château bâti sur le point culminant de la cité.

J’ai dit que la plus grande partie des constructions de cette citadelle remontait au commencement du xiie siècle. Le premier ouvrage qui se présente du côté de la ville est une barbacane bâtie au xiiie siècle, semi-circulaire, crénelée avec chemins de ronde (voyez le plan général, fig. 16) et dans laquelle est percée une avant-porte. Cette première porte n’était défendue que par des meurtrières et des créneaux garnis de doubles volets, un mâchicoulis et des vantaux de bois. C’est, comme on peut le voir, une charmante construction, bien faite et passablement conservée.

Le plancher de bois et les combles seuls ont été enlevés, mais la trace de ces compléments est si apparente, qu’on ne peut se méprendre sur leur disposition. L’étage supérieur de la porte était ouvert du côté du château, afin d’empêcher les assaillants qui s’en seraient rendus maîtres de se défendre contre la garnison renfermée dans le château. Un large fossé protège trois des fronts de cette citadelle, le quatrième donnant sur les escarpements faisant face à l’Aude.

Un pont, reconstruit en partie à une époque assez récente, donnait accès à la seule porte du château sur le front faisant face à la ville. Les piles de ce pont datent du xiiie siècle, et les deux dernières, proches l’entrée, sont disposées de telle façon qu’un plancher mobile en bois devait s’y appuyer.

L’assaillant trouvait un premier obstacle formé d’une barrière de bois couverte d’un appentis. Cet obstacle détruit, supposant le plancher mobile enlevé, il avait à franchir un fossé d’une largeur de 2 mètres pour arriver à la première herse défendue par un mâchicoulis. Derrière cette herse est une porte de bois, un second mâchicoulis, une seconde herse et une seconde porte. La première herse se manœuvrait du deuxième étage. La deuxième herse était servie dans une petite chambre disposée immédiatement au-dessus du passage.

Les deux tours qui flanquent cette entrée renferment deux étages voûtés en calotte hémisphérique, et percés de meurtrières ; les deux étages supérieurs sont séparés par un plancher. Ces deux étages supérieurs mettent, sans murs de refend, les deux tours en communication avec le dessus du passage. On ne pouvait arriver à ces étages que par un escalier de bois disposé contre la paroi plate de la porte, du côté de la cour ou par les chemins de ronde des courtines. Les salles voûtées ne sont éclairées que par les meurtrières. Le troisième étage prend jour sur la cour par une charmante fenêtre romane à doubles cintres posés sur une colonnette de marbre avec chapiteau sculpté, et par une très-petite ouverture donnant latéralement au-dessus de l’entrée à l’extérieur. Cette dernière fenêtre était percée pour permettre aux assiégés qui servaient la première herse de voir ce qui se passait à l’entrée et de prendre leurs dispositions en conséquence, sans se démasquer. Bien que les tours affectent la forme cylindrique à l’extérieur, à l’intérieur les parements des étages supérieurs sont à pans coupés. Cette construction était évidemment faite pour faciliter l’établissement de la charpente des combles. Il est beaucoup plus facile de tailler et de poser une charpente en pavillon sur un plan polygonal que sur un plan circulaire ; le plan circulaire exige pour les sablières des bois courbes, pour la pose des chevrons des assemblages compliqués. À la fin du xie siècle on ne devait pas être fort habile dans ces sortes de constructions, qui, un siècle et demi plus tard, étaient arrivées à un degré de perfection remarquable ; aussi ne doit-on pas s’étonner de voir cette forme de charpentes pyramidales adoptée pour toutes les tours primitives du château. Les constructeurs rachetaient les différences de saillies produites par la forme circulaire du parement extérieur par des coyaux.

Du deuxième étage on communique au premier au moyen d’une trappe ouverte dans la voûte hémisphérique. Cette trappe, percée derrière la petite fenêtre qui permet de guetter l’entrée, était destinée à transmettre des ordres aux gens qui servaient la deuxième herse dans la petite salle du premier étage, soit pour faire tomber rapidement cette herse en cas d’attaque, soit pour la lever lorsqu’un corps rentrait ; car on observera que les servants de la deuxième herse ne peuvent voir ce qui se passe à l’extérieur que par une meurtrière très-étroite, ou par le mâchicoulis ouvert devant cette deuxième herse.

Dans cet ouvrage de défense si complet et dont nous donnons les coupes figure 12, tout est disposé pour que le commandement puisse venir du haut, là où les moyens de défense les plus efficaces étaient déployés, et là, par conséquent, où devait se tenir le capitaine de la tour au moment de l’attaque. Nos vaisseaux de guerre, avec leurs écoutilles, leurs porte-voix et leurs batteries basses, peuvent donner une idée des moyens de transmission du commandement alors en usage dans les ouvrages de fortification[5].


Fig. 12.


Tous les couronnements des murailles et des tours du château élevé vers le commencement du xiie siècle étaient défendus en temps de guerre par des hourds très-saillants, car on remarquera que les trous par lesquels passaient les pièces de bois en bascule portant ces hourds, sont doubles, percés à 0m,60 environ l’un au-dessus de l’autre, afin de soulager la portée des pièces supérieures recevant le plancher par des corbelets et des liens de charpente. La pose de ces hourds devait être moins expéditive que celle des hourds du xiiie siècle portés par de fortes solives en bascule. Toutefois elle pouvait se faire sans trop de difficulté en supposant les liens assemblés par embrèvement, sans tenons ni mortaises, ce qui, du reste, eût été inutile, puisque les pièces de bois traversant les murs étaient parfaitement fixes et ne pouvaient dévier ni à droite ni à gauche. Un charpentier (fig. 13) à cheval sur la solive horizontale supérieure, adossé à la muraille, pouvait assembler le lien par le côté à coups de maillet, en ayant le soin de le retenir préalablement à l’aide d’un bout de corde[6].


Fig. 13.

Les trous des solives dans les crénelages du château, étant plus petits que ceux des constructions datant du xiiie siècle, expliquent ce surcroît de précautions, destiné à empêcher les bois en bascule de fléchir à leur extrémité. On observera encore que les créneaux du château sont hauts (2 mètres), c’est que le plancher des hourds était posé à la base même de ces créneaux, au lieu d’être, comme au xiiie siècle, posé à 0m,30 au-dessus du sol du chemin de ronde. Il fallait donc passer par ces créneaux comme par autant de portes et leur donner une hauteur suffisante pour que les défenseurs pussent se tenir debout dans les galeries des hourds.

Nous ne devons pas passer sous silence un fait très-curieux touchant l’histoire de la construction. La plupart des portes et fenêtres des tours du château, du côté de la cour, sont couronnées par des linteaux en béton. Ces pierres factices ont beaucoup mieux résisté aux agents atmosphériques que les pierres de grès ; elles sont composées d’un mortier parfaitement dur, mêlé de cailloux concassés de la grosseur d’un œuf, et ont dû être façonnées dans des caisses de bois. Après avoir observé en place quelques-uns de ces linteaux, mon attention ayant été éveillée, j’ai retrouvé une assez grande quantité de ces blocs de béton dans les restaurations extérieures des murailles des Visigoths entreprises au xiie siècle. Il semblerait que les constructeurs de cette dernière époque, lorsqu’ils avaient besoin de matériaux résistants d’une grande dimension relative, aient employé ce procédé qui leur a parfaitement réussi ; car aucun de ces linteaux ne s’est brisé, comme il arriva fréquemment aux linteaux de pierre.

Après avoir franchi la porte du château, on entre dans une cour spacieuse, entourée aujourd’hui de constructions modernes qui ont été accolées aux courtines et tours. Ces constructions ont été élevées sur l’emplacement de portiques datant du xiiie siècle et dont on retrouve toutes les amorces. Des traces d’incendie sont apparentes sur les parements des constructions du xiie siècle, et font supposer que ces portiques ont remplacé des constructions de bois garnissant l’intérieur de la cour avant les restaurations entreprises par Louis IX et Philippe le Hardi. Du côté de l’est et du nord les murailles n’étaient doublées que par un simple portique. Du côté sud, s’élève un bâtiment dont toute la partie inférieure date du xiie siècle et la partie supérieure de la fin du xiiie avec remaniement au xve. Ce bâtiment contenait, à rez-de-chaussée, des cuisines voûtées en berceau tiers-point, avec une belle porte plein cintre ouverte dans le pignon. Il sépare la grande cour d’une seconde cour donnant du côté du sud et fermée par une forte courtine du xiie siècle, complètement restaurée au xiiie. À cette courtine était accolée une construction présentant un très-large portique à rez-de-chaussée, avec salle au premier étage. On voit encore en place, le long de la courtine, tous les corbeaux de pierre qui supportaient le plancher de cette salle, une belle cheminée dont les profils et les sculptures appartiennent à l’époque de saint Louis ; et, à l’angle de la tour carrée no 31, dite tour Peinte, l’amorce des piles du portique inférieur. Une grande fenêtre carrée à meneaux éclairait du côté sud, vers Saint-Nazaire, la grande salle du premier étage. Cette fenêtre est élevée au-dessus du plancher intérieur, et la disposition du plafond qui fermait l’ébrasement est telle, que les projectiles lancés du dehors ne pouvaient pénétrer dans la salle. À l’angle sud-ouest du château s’élèvent d’énormes constructions, sortes de donjons ou réduits, indépendants les uns des autres, qui commandaient les cours et les dehors. La plus élevée, mais la plus étendue de ces bâtisses, est la tour dite Peinte, no 31, qui domine toute la cité dont elle était la guette principale. Cette tour, sur plan barlong, ne pouvait contenir et ne contenait en effet qu’un escalier de bois, car elle n’est divisée, dans toute sa hauteur, par aucune voûte ni aucun plancher. Une seule petite fenêtre romane, percée vers la moitié de sa hauteur, s’ouvre sur la campagne, du côté de l’Aude. Cette tour est intacte ; on voit encore son crénelage supérieur avec les trous des hourds très-rapprochés, comme pour établir une galerie extérieure saillante, en état de résister aux vents terribles de la contrée.

Le plan de la tour no 35 du château, dite du Major (l’une de celles d’angle, l’autre tour no 32 étant semblable), est fort intéressant à étudier. Ces deux tours d’angle sont les seules qui contiennent des escaliers à vis, en pierre. Les tours nos 32, 34, 35 et 36 sont défendues comme les deux tours de la porte : mêmes petites salles voûtées en calottes hémisphériques, mêmes dispositions des crénelages, des meurtrières et hourds, même combinaison de combles pyramidaux.

Mais c’est sur le front ouest que l’étude du château de la cité est particulièrement intéressante. Le côté occidental est celui qui regarde la campagne et qui fait face à la grosse barbacane bâtie en bas de l’escarpement.

Pour bien faire comprendre les dispositions très-compliquées de cette partie du château, il faut que nous descendions à la barbacane, et que, successivement, nous passions par tous les détours si ingénieusement combinés pour rendre impossible l’accès du château à une troupe armée.


Fig. 14.


Malheureusement, la barbacane fut démolie il y a cinquante ans environ pour bâtir une usine le long de l’Aude. Cette destruction est à jamais regrettable, car, au dire de ceux qui ont vu ce bel ouvrage, il produisait un grand effet et était élevé en beaux matériaux. Je n’ai pu retrouver, en fouillant assez profondément, que ses fondations et ses premières assises, ce qui permettait seulement de reconnaître exactement et sa place et son diamètre.

La barbacane avait été élevée très-probablement sous saint Louis, comme la plupart des adjonctions et restaurations faites au château. Elle était percée de deux rangs de meurtrières et était couronnée par un chemin de ronde crénelé avec hourds. Elle n’était point couverte, sa grande étendue ne le permettant guère, mais devait posséder à l’intérieur des galeries de bois facilitant l’accès aux meurtrières, et formant un abri pour les défenseurs.

La porte était percée dans l’angle rentrant, côté du nord, sur le flanc de la grande caponnière qui monte à la cité (fig. 14) en B. Cette caponnière ou montée, fortifiée des deux côtés, est assez étroite à sa base près de la barbacane. Elle s’élargit en E jusqu’au point où, formant un coude, elle se dirige perpendiculairement au front du château, afin d’être enfilée par les assiégés postés sur les chemins de ronde de la double enceinte ou dans le château même ; puis, ayant atteint le pied de l’enceinte, la caponnière se détourne en E’ à droite, longe cette enceinte du nord au sud, pour atteindre une première porte dont il ne reste que les pieds-droits. Ces rampes E sont crénelées à droite et à gauche. Leur montée est coupée par des parapets chevauchés. En F était un mur de garde en avant de la première porte ; ayant franchi cette première porte, on devait longer un deuxième mur de garde, passer par une barrière, se détourner brusquement à gauche, et se présenter devant une deuxième porte G, en étant battu de flanc par les gens de la deuxième enceinte. Alors on se trouvait devant un ouvrage considérable et bien défendu ; c’est un couloir long, surmonté de deux étages, sous lesquels il fallait passer. Le premier de ces étages battait la porte G et était percé de mâchicoulis s’ouvrant sur le passage ; le deuxième étage était en communication avec les crénelages supérieurs, battant soit la rampe, soit l’espace G. Le plancher du premier étage ne communiquait avec les lices que par une porte étroite. Si l’ennemi parvenait à occuper cet étage, il était pris comme dans une souricière, car, la petite porte fermée sur lui, il se trouvait exposé aux projectiles tombant des mâchicoulis du deuxième étage ; et l’extrémité du plancher de ce premier étage étant interrompue en H, du côté opposé à l’entrée, il était impossible à cet assaillant d’avancer. S’il parvenait à franchir sans encombre le couloir à rez-de-chaussée, il était arrêté par la porte H percée dans une traverse couronnée par les mâchicoulis du troisième étage, communiquant avec les chemins de ronde supérieurs du château. Si, par impossible, les assiégeants s’emparaient du deuxième étage, ils ne trouvaient d’autre issue qu’une petite porte latérale donnant dans une salle établie sur des arcs, en dehors du château, et ne communiquant avec l’intérieur que par des détours qu’il était facile de barricader en un instant et qui d’ailleurs étaient fermés par des vantaux. Si, malgré tous ces obstacles accumulés, les assiégeants forçaient la troisième porte H, il leur fallait alors attaquer la poterne I du château, protégée par un système de défense formidable : des meurtrières, deux mâchicoulis placés l’un au-dessus de l’autre, un pont avec plancher mobile, une herse et des vantaux. Se fût-on emparé de cette porte, qu’on se trouvait à 7 mètres en contre-bas de la cour intérieure L, à laquelle on n’arrivait que par des degrés étroits, défendus, et en passant à travers plusieurs portes en K.

En supposant que l’attaque fût poussée par les lices du côté de la porte de l’Aude, on était arrêté par un poste T et par une porte avec ouvrages de bois et un double mâchicoulis percé dans le plancher d’un étage supérieur communiquant avec la grande salle sur N du château, au moyen d’un passage de charpente qui pouvait être détruit en un instant ; de sorte qu’en s’emparant de cet étage supérieur on n’avait rien fait.

Si après avoir franchi l’ouvrage T, on poussait plus loin sur le chemin de ronde, le long de la tour carrée S, on rencontrait bientôt une garde avec porte bien munie de mâchicoulis et bâtie perpendiculairement au couloir G H. Après cette porte, c’était une troisième porte étroite et basse percée dans la grosse traverse Z qu’il fallait franchir ; puis, on arrivait à la poterne I du château.

Si, au contraire, l’assaillant se présentait du côté opposé, par les lices du nord, il était arrêté par une défense V, mais de ce côté l’attaque ne pouvait être tentée, car c’est le point de la cité qui est le mieux défendu par la nature. La grosse traverse Z qui, partant de la courtine du château, s’avance à angle droit jusque sur la montée de la barbacane, était couronnée par des mâchicoulis transversaux qui commandaient la porte H et par une échauguette crénelée qui permettait de voir ce qui se passait dans la caponnière, afin de prendre les dispositions intérieures nécessaires, ou de reconnaître les corps amis[7].

Cette partie des fortifications de la cité carcassonnaise est certainement la plus intéressante ; malheureusement, elle ne présente plus que l’aspect d’une ruine. C’est en examinant scrupuleusement les moindres traces des constructions encore existantes, que l’on peut reconstituer ce bel ouvrage. Je dois dire, toutefois, que peu de points restent vagues et que le système de la défense ne présente pas de doutes. Il s’accorde parfaitement avec les dispositions naturelles du terrain, et ces ruines sont encore pleines de fragments qui donnent non-seulement la disposition des constructions de pierre, mais encore les attaches, prises et scellements des constructions de bois, des planchers et gardes.

Une vue cavalière du château et de la barbacane restaurés, que nous donnons ci-après, figure 15, présente l’ensemble de ces ouvrages.

Un plan de la cité et de la ville de Carcassonne, relevé en 1774, antérieurement par conséquent à la destruction de la barbacane, mentionne, dans la légende, un grand souterrain existant sous le boulevard de la Barbacane, mais depuis longtemps comblé. Je n’ai pu retrouver la trace de cette construction, à l’existence de laquelle je ne crois guère. Si ce souterrain a jamais existé, il devait établir une communication entre la barbacane et le moulin fortifié dit du Roi, afin de permettre à la garnison du château d’arriver à couvert jusqu’à la rivière.

Nous avons fait le calcul du nombre d’hommes strictement nécessaire pour défendre la cité de Carcassonne.

L’enceinte extérieure de la cité de Carcassonne possède 14 tours ;
en les supposant gardées chacune par 20 hommes, cela fait 
 280
hommes
Vingt hommes dans chacune des trois barbacanes 
 60
Pour servir les courtines sur les points attaqués 
 100
L’enceinte intérieure comprend 24 tours à 20 hommes par poste ; en moyenne 
 480
Pour la porte Narbonnaise 
 50
Pour garder les courtines 
 100
Pour la garnison du château 
 200
———
1,270
Ajoutons à ce nombre d’hommes les capitaines, un par poste ou par tour, suivant l’usage 
 53
———
1,323

Il s’agit ici des combattants seulement ; mais il faut ajouter à ce chiffre les servants, les ouvriers qu’il fallait avoir en grand nombre pour soutenir un siège : soit au moins le double des combattants. Ce nombre, à la rigueur, était suffisant pour opposer une résistance énergique à l’ennemi, dans une place aussi bien fortifiée.

Les deux enceintes n’avaient pas à se défendre simultanément, et les hommes de garde, dans l’enceinte intérieure, pouvaient envoyer des détachements pour défendre l’enceinte extérieure. Si celle-ci tombait au pouvoir de l’ennemi, ses défenseurs se réfugiaient derrière l’enceinte intérieure. D’ailleurs, l’assiégeant n’attaquait pas tous les points à la fois. Le périmètre de l’enceinte extérieure est de 1,400 mètres sur les courtines ; donc c’est environ un combattant par mètre courant qu’il fallait compter pour composer la garnison d’une ville fortifiée comme la cité de Carcassonne.


Fig. 15.


Voici le nom des tours des deux enceintes en se rapportant aux numéros inscrits sur le plan général :


ENCEINTE EXTÉRIEURE.

1. Barbacane de la porte Narbonnaise.
2. Tour de Bérard, dite aussi de Saint-Bernard.
3. Tour de Bénazet.
4. Tour de Notre-Dame, dite aussi de Rigal.
5. Tour de Mouretis.
6. Tour de la Glacière.
7. Tour de la Porte-Rouge.
8. Grande barbacane extérieure du château.
9. Avant-porte de l’Aude.
10. Tour du petit Canizou.
11. Tour de l’Évêque, appartenant aux deux enceintes.
12. Tour du grand Canizou.
13. Tour du grand Brulas.
14. Tour d’Ourliac.
15. Tour Crémade, barbacane de la poterne Saint-Nazaire.
16. Tour Cautières.
17. Tour Pouleto.
18. Tour de la Vade, dite aussi du Papegay.
19. Tour de la Peyre.


ENCEINTE INTÉRIEURE.

20. Tours et porte Narbonnaise.
21. Tour du Trésau, dite aussi du Trésor.
22. Tour du moulin du Connétable.
23. Tour du Vieulas.
24. Tour de la Marquière.
25. Tour de Sanson.
26. Tour du moulin d’Avar.
27. Tour de la Charpentière.
37. Tour de la Justice.
38. Tour Visigothe.
39. Tour de l’Inquisition.
40. Tour de Cahuzac.
41. Tour Mipadre, dite aussi tour du Coin ou de Prade.
42. Tour du Moulin.
43. Tour et poterne de Saint-Nazaire.
44. Tour Saint-Martin.
45. Tour des Prisons.
46. Tour de Castera.
47. Tour du Plô.
48. Tour de Balthazar.
49. Tour de Darejean ou de Dareja.
50. Tour Saint-Laurent.
51. Escalier descendant à la poterne de la tour de la Peyre.
52. Tour du Trauquet.
53. Tour de Saint-Sernin.


CHÂTEAU.

28. Tour de la Chapelle.
29. Tour de la Poudre.
30. Avant-porte du château.
31. Tour Peinte, Guette.
32. Tour Saint-Paul.
33. Porte du château.
34. Tour des Casernes.
35. Tour du Major.
36. Tour du Degré.
54. Barbacane intérieure du château.

  1. On a vu que le sénéchal Guillaume des Ormes se félicite d’avoir pu reprendre le faubourg de Graveillant, dans lequel se trouvait une provision de bois qui fut très-utile aux assiégés.
  2. Au château de Coucy, bâti au commencement du xiiie siècle, on voit naître les machicoulis de pierre destinés à remplacer les hourds de bois. Là, ce sont déjà de grandes consoles de pierre qui portaient le hourd de bois.
  3. Lices, espace compris entre les deux enceintes d’une place.
  4. À Toulouse, assiégé par Simon de Montfort, les habitants augmentent sans cesse les défenses de la ville :

    « E parec ben a lobra e als autres mestiers
    « Que de dins et defora ac aitans del obriers
    « Que garniron la vila els portals els terriers,
    « Els murs e las bertrescas els cadafalcs dobliers
    « Els fossatz e las lissas els pons els escaliers
    « E lains en Toloza ac aitans carpentiers. »

    Ces cadafalcs dobliers sont des hourds doubles.

    Voyez Poëme de la Croisade contre les Albigeois, Collection des documents inédits de l’Hist. de France.

  5. Dans la figure 12, la coupe transversale est tracée en A. En I est l’extrémité du pont fixe ; en B, le fossé couvert par un pont volant ; en C, la première herse avec son treuil en E ; en D, la deuxième herse avec son treuil en F ; en G, les trous des hourds. En H est tracée la coupe longitudinale sur le passage et les salles voûtées.
  6. Du chemin de ronde, les charpentiers faisaient couler par le trou inférieur une première pièce A, puis une seconde pièce B, en bascule. L’ouvrier, passant par le créneau, se mettait à cheval sur cette seconde pièce B, ainsi que l’indique le détail perspectif B’, puis faisait entrer le lien C dans son embrèvement. La tête de ce lien était réunie à la pièce B par une cheville ; un potelet D, entré de force par derrière, roidissait tout le système. Là-dessus, posant des plats-bords, il était facile de monter les doubles poteaux E entre lesquels on glissait les madriers servant de garde antérieure, puis on assujettissait la toiture qui couvrait le hourd et le chemin de ronde, afin de mettre les défenseurs à l’abri des projectiles lancés à toute volée. Des entailles G, ménagées entre les madriers, permettaient de viser.
  7. Notre figure 12 fait voir en C la barbacane du côté de la ville avec sa porte en A ; en O, la porte du château ; en L, la grande cour ; en P, le logis contenant les cuisines ; en M, la deuxième cour avec le portique N sur lequel est établie la grande salle ; en Q et R, les logis, donjons ; en D, la grande barbacane, et en X et Y les tours du XIIe siècle.