La Cité de Carcassonne/éd. 1890/Guide topographique du visiteur

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Texte établi par Michel JordyMorancé (p. 35-115).

GUIDE TOPOGRAPHIQUE DU VISITEUR

La visite de la merveilleuse ville fortifiée qu’est la Cité de Carcassonne demande plusieurs heures. Le touriste qui veut apprendre ou revivre, au milieu des plus pures sensations d’art, les vingt siècles passés de l’Histoire à tous les points de vue — militaire, religieux, artistique, social — doit consacrer au moins une journée à cette visite.

Visiter successivement :

1o L’enceinte extérieure (les Lices) ;

2o L’enceinte intérieure (sur les Remparts) ;

3o Le Château Comtal et son musée ;

4o La Cathédrale Saint-Nazaire (le Bijou de la cité) ;

5o L’intérieur de la vieille ville (rues, maisons anciennes, puits, etc.).

Ne pas quitter la Cité sans avoir vu en détail chacune de ces cinq parties qui sont toutes des plus intéressantes et se complètent l’une par l’autre.

Voici le nom des tours des deux enceintes en se rapportant aux numéros inscrits sur le Plan général.

ENCEINTE INTÉRIEURE
CHÂTEAU
I. — ENCEINTE EXTÉRIEURE

L’enceinte extérieure, qui présente un intérêt sérieux et que je regarde comme antérieure de quelques années aux réparations entreprises par Philippe le Hardi, pour améliorer l’enceinte intérieure — et je vais en donner des preuves certaines tout à l’heure — est bâtie en matériaux (grès) irréguliers et disposés sans choix, mais présentant des parements unis, tandis que toutes les constructions de la fin du xiiie siècle sont parementées en pierres ciselées sur les arêtes, et forment des « bossages rustiques » qui donnent à ces constructions un aspect robuste et d’un grand effet.

Tous les profils des tours de l’enceinte intérieure, réparée par Philippe le Hardi, sont identiques ; les culs-de-lampe des arcs des voûtes et les quelques rares sculptures, telles, par exemple, que la statue de la Vierge et la niche placées au-dessus de la Porte Narbonnaise, appartiennent incontestablement à la fin du xiiie siècle.

Dans ces constructions, les matériaux sont de même nature, provenant des mêmes carrières et le mode d’appareil uniforme ; partout on rencontre ces « bossages », aussi bien dans les parties complètement neuves, comme celles de l’ouest, du sud-ouest et de l’est, que dans les portions complétées ou restaurées, sur les constructions visigothes et du xiie siècle. Les moulures sont finement taillées et déjà maigres, tandis que l’enceinte extérieure présente dans ses meurtrières, ses portes et ses corbeaux, de profils très simples et larges. Les clefs des voûtes de la tour no 18 (tour de la Vade ou du Papegay) sont ornées de figures sculptées présentant tous les caractères de l’imagerie du temps de Saint Louis.

De plus, entre la tour no 7 et l’Échauguette de l’ouest, le parapet de la courtine a été exhaussé, en laissant toutefois subsister les merlons primitifs ainsi englobés dans la maçonnerie surélevée, afin de donner à cette courtine, jugée trop basse, un commandement plus considérable.

Or, cette surélévation est construite en pierres avec bossages, les créneaux sont plus espacés, l’appareil beaucoup plus soigné que dans la partie inférieure et parfaitement semblable, en tout, à l’appareil des constructions de 1280.

La différence entre les deux constructions peut être constatée par l’observateur le moins exercé : donc, la partie inférieure étant semblable, comme procédés de structure, à tout le reste de l’enceinte extérieure, et la surélévation conforme, comme appareil, à toutes les constructions dues à Philippe le Hardi, l’enceinte extérieure a été évidemment élevée avant les restaurations et les adjonctions entreprises par le fils de Louis IX.

1. Barbacane de la Porte Narbonnaise. — Ouvrage avancé destiné à défendre l’accès de la Porte Narbonnaise (no 20). Crénelage hourdé avec chemin de ronde ; huit larges meurtrières au rez-de-chaussée. À remarquer la 1re meurtrière à gauche, modifiée pour l’usage du « mousquet ». Cette adaptation se trouve aussi aux Tours 15, 16, 17.


Phot. Michel Jordy.

La Porte Narbonnaise.
Entrée principale de l’Est.

2. Tour de Bérard. — Flanque l’angle nord-est. Ronde du côté des « Fossés », carrée sur la face des « Lices ». Deux étages avec bandeaux intérieurs continus pour recevoir des planchers mobiles. Crénelage avec chemin de ronde. Escalier à angle droit conduisant à l’étage inférieur défendu par cinq meurtrières. La partie supérieure est ouverte sur la façade des « Lices ».

3. Tour de Bénazet. — Circulaire à l’intérieur ; fermée par un mur plat, avec lucarne, à la hauteur des « Lices », deux étages sur cave. Cette tour, comme plusieurs autres, interrompt le chemin de ronde et concourt à la défense en isolant l’assaillant entre deux tours.

4. Barbacane Notre-Dame. — Demi-circulaire défendant la Porte de Rodez ; large chemin de ronde crénelé et hourdé ; au-dessous ligne de neuf meurtrières ; poterne au côté droit donnant accès dans les fossés. Le crénelage a été modernement exhaussé. Dans l’angle extérieur sud-est, traces d’une ancienne meurtrière.

5. Tour de Mouretis ; 6. Tour de la Glacière. — Cylindriques à l’intérieur, avec chemin de ronde crénelé et hourdé ; étages séparés et rendus indépendants, par un plancher en bois, facile à enlever ou à détruire. Ces deux tours sont à peu près construites sur le modèle de la Tour 7, dite de la Porte Rouge.

7. Tour de la Porte Rouge. — Cette tour possède deux étages au-dessous du crénelage. La figure 3 en donne les plans à chacun de ces étages. Comme le terrain s’élève sensiblement de a en b, les deux chemins de ronde des courtines ne sont pas au même niveau ; le chemin de ronde b est à 3 mètres au-dessus du chemin de ronde a.


Fig. 3.
Tour de la Porte Rouge
(no 27)
Plan
au niveau du crénelage.
Plan
au niveau du chemin
de ronde.
Plan
au-dessous du terre-plein.

En A est tracé le plan de la tour au-dessous du terre-plein ; en B, au niveau du chemin de ronde d ; en C, au niveau du crénelage de la tour qui arase le crénelage de la courtine e. On voit en d la porte qui, s’ouvrant sur le chemin de ronde, communique à un degré qui descend à l’étage inférieur A, et en e, la porte qui, s’ouvrant sur le chemin de ronde d’amont, communique à un degré qui descend à l’étage B. On arrive, du dehors, au crénelage de la tour par le degré g. De plus, les deux étages A et B sont mis en communication entre eux par un escalier intérieur h h’, pris dans l’épaisseur du mur de la tour. Ainsi les hommes postés dans les deux étages A et B sont seuls en communication directe avec les deux chemins de ronde des courtines. Si l’assaillant est parvenu à détruire les hourds et le crénelage supérieur, et si, croyant avoir rendu l’ouvrage indéfendable, il tente l’assaut de l’une des courtines, il est reçu de flanc par les postes établis et demeurés en sûreté dans les étages inférieurs, lesquels étant fortement blindés, n’ont pu être écrasés par les projectiles des pierrières ou rendus inhabitables par l’incendie du comble et des hourds.


Fig. 4.
Tour de la Porte Rouge
(no 7). Coupe longitudinale

Une coupe longitudinale faite sur les deux chemins de ronde, de e en d, permet de saisir cette disposition (fig. 4). On voit en e’ la porte de l’escalier e, et en d’ la porte de l’escalier d du plan. Cette dernière porte est défendue par une échauguette f, à laquelle on arrive par un degré de six marches. En h’’ commence l’escalier qui met en communication les deux étages A et B. Une couche de terre posée en k empêche le feu, qui pourrait être mis au comble l par les assiégés, d’endommager le plancher supérieur. La figure 5 donne la coupe de cette tour suivant l’axe perpendiculaire au front. En d’’ est la porte donnant sur l’escalier d. Les hourds sont posés en m. En p est tracé le profil de l’escarpement avec le prolongement des lignes de tir des deux rangs de meurtrières des étages A et B. Il n’est pas besoin de dire que les hourds battent le pied o de la tour.

Une vue perspective (fig. 6), prise des Lices (point x du plan C, fig. 3), fera saisir les dispositions intérieures de cette défense.


Fig. 6.
Tour de la Porte Rouge (no 7). Vue perspective.

Les approvisionnements des hourds et chemins de ronde de la tour se font, par le créneau c du plan C, au moyen d’un palan et d’une poulie, ainsi que le fait voir le tracé perspectif (fig. 6). Ici la tour ne commande que l’un des chemins de ronde (voyez la coupe, figure 4). Lors de la construction sous Saint Louis, elle commandait les deux courtines ; mais sous Philippe le Hardi, lorsqu’on termina les défenses de la Cité, on augmenta, ainsi qu’on l’a vu plus haut, le relief de quelques-unes des courtines de l’enceinte extérieure qui ne paraissaient pas avoir un commandement assez élevé. C’est à cette époque que le crénelage G fut remonté au-dessus de l’ancien crénelage H, sans qu’on ait pris la peine de démolir celui-ci ; de sorte qu’extérieurement ce premier crénelage H reste englobé dans la maçonnerie surélevée.


Fig. 5.
Tour de la Porte Rouge
(no 7). Coupe suivant l’axe perpendiculaire au front.

En effet, le terrain extérieur s’élève comme le terrain des Lices de a en b (voyez les plans), et les ingénieurs, ayant cru

devoir adopter un commandement uniforme des courtines sur le dehors, aussi bien pour l’enceinte extérieure que pour l’enceinte intérieure, on régularisa, vers 1285, tous les reliefs. Il faut dire aussi qu’à cette époque on ne donnait plus guère un commandement important aux tours sur les courtines qu’aux saillants, ou sur quelques points où il était utile de découvrir les dehors au loin.

Pour les grands fronts, les tours flanquantes n’ont, sur les courtines, qu’un faible commandement, et cette disposition est observée pour le grand front sud-est de l’enceinte intérieure de la Cité, réparé et couronné par Philippe le Hardi.

La disposition de cette tour de l’enceinte extérieure que nous venons de donner est telle, que cet ouvrage ne pouvait se défendre contre l’enceinte intérieure ; car, non seulement cette tour est dominée de beaucoup, mais elle est, du côté des Lices, nulle comme défense.

La Courtine (entre la Tour 7 et la petite Échauguette nord-ouest) a été bâtie sous Saint Louis et exhaussée par Philippe le Hardi sur l’ancien crénelage. Le sol des « Lices » a été aussi exhaussé sur ce point. La porte murée visible à l’intérieur de la Tour 7 communiquait avec la courtine primitive (voir explications détaillées sur ces travaux page 38).

La petite Échauguette nord-ouest, commande l’angle nord-ouest. Crénelée. Deux mâchicoulis.

Voir de ce point la belle ligne des remparts protégeant le château et le passage crénelé à chicanes. (La Grande Caponnière, p. 100) qui menait à la Grande Barbacane, no 8.

8. Grande Barbacane extérieure du Château. (Voir le Château, p. 97).

9. Avant-Porte de l’Aude. — Première barrière défendant l’accès de la Cité du côté de la rivière. Profusion d’obstacles et de détours obligeant l’assaillant à se démasquer. Sous le passage, voûté, se trouve une ancienne Citerne. (Voir Citerne de la Porte de l’Aude, Intérieur de la Cité).

Au xviiie siècle ce passage fut comblé et transformé en place publique. On l’appelait « Belle Vue », puis « Place de la Liberté ». C’est là que le 20 novembre 1793 furent brûlés solennellement les archives et tous les documents précieux pour l’Histoire de la Cité.

10. Tour du Petit Canisou. — Demi-ronde fermée à la gorge au rez-de-chaussée. Chemin de ronde et crénelage au premier étage. Commande la montée de la Porte-d’Aude.

11. Tour de l’Évêque. — À cheval sur les « Lices », commande les deux enceintes et pouvait sur ce front, couper la communication entre la partie sud et la partie nord des Lices. Toutefois, les deux arcs jetés sur le passage, entre les deux enceintes, n’étaient défendus que par deux mâchicoulis intérieurs et par un mâchicoulis percé au milieu de la voûte. On ne trouve pas trace de gonds indiquant la présence de vantaux de porte, mais seulement des entailles qui font supposer qu’en temps de guerre des barrières de bois fermaient ces ouvertures et interceptaient les communications.

Cette tour, dont l’Évêque avait la jouissance, sauf le chemin de ronde supérieur, est fort belle, admirablement construite, fièrement plantée sur les deux enceintes dont elle rompt l’uniformité. De même qu’elle coupait la communication sur les Lices, elle interrompait aussi le chemin de ronde supérieur des courtines, car, pour aller de la courtine nord à la courtine sud, il fallait traverser cette tour et forcer deux portes. Les escaliers intérieurs sont disposés de façon à ce que l’accès aux crénelages soit indépendant de l’accès aux deux salles voûtées, dont l’évêque avait la jouissance.

En examinant le plan général (page 116, fig. 16), nous voyons en bas de l’escarpement de la Cité, devant les tours 11 et 12 à l’ouest, une muraille qui défendait le faubourg de la Barbacane. Cette muraille date du xiiie siècle, et elle fut certainement élevée pour empêcher l’ennemi de se loger comme l’avait fait Trencavel, entre l’Aude et la Cité. Cette muraille est à portée d’arbalète des tours 11, 12 et 40 et est commandée par celles-ci. Il était donc fort difficile d’arriver, en descendant la rive droite de l’Aude, jusqu’à la Barbacane, malgré la garnison de la Cité.

12. Tour du Grand-Canisou. — Mêmes dispositions que la tour 10. On voit encore, en dehors de cette partie de l’enceinte extérieure, à côté de la tour 12, les orifices de l’égout que le roi Philippe le Hardi avait fait construire à travers la muraille élevée par son ordre, pour rejeter au dehors les eaux de l’Évêché (voir p. 80, Courtine entre les tours 39 et 40).

13. Tour du Grand Brulas. — Ouvrage important, à bec saillant, destiné à défendre l’angle sud-ouest. Il avait été bâti avec un soin tout particulier.

14. Tour d’Ourliac. — Interrompt la poursuite sur le chemin de ronde grâce à deux portes faciles à obstruer. L’escalier extérieur, pouvant être intercepté, conduit au crénelage hourdé. Un deuxième escalier, dans l’épaisseur du mur, dessert spécialement le premier étage à plancher mobile.

15. Tour Crémade (Barbacane de la Poterne Saint-Nazaire). — À côté de cette Barbacane, est une Poterne basse et étroite, donnant dans le fossé peu profond sur ce point. Cette poterne, en cas de siège, pouvait être murée facilement puisqu’il n’y avait qu’à remplir l’escalier roide qui, du seuil de cette poterne, monte aux Lices. Le large diamètre de la tour de la Crémade en fait une Barbacane propre d’ailleurs à protéger des sorties ou des partis rentrants. Cette tour n’était point couverte, comme les autres, par un comble, et est en communication directe avec le chemin de ronde des courtines dont elle n’est, pourrait-on dire, qu’un appendice flanquant.

Quant à la tour Saint-Nazaire no 43, il était impossible à des assiégeants postés en dehors de l’enceinte extérieure de supposer qu’elle fût munie d’une poterne.

16. Tour Cautières. 17. Tour Pouléto. — Réalisent à peu près le système de défense offert déjà par la Tour 14.

Courtine, entre les tours 16 et 17. — Dans l’angle extérieur nord de cette muraille était percée une poterne, aujourd’hui murée, faisant communiquer les Lices avec l’extérieur.

L’Échauguette, entre les tours 17 et 18, flanque l’angle avancé de la courtine et commande les fossés. Des trous de « hourds » permettaient de l’armer en temps de guerre.

18. Tour de la Vade ou du Papegay. — Bien qu’elle appartienne à l’enceinte extérieure, cette tour est une sorte de réduit, un donjon avancé, absolument indépendant, dominant tout le plateau de ce côté, occupé, avant le règne de Saint Louis, par un faubourg.

Trois étages spacieux, voûtés en ogive, clefs des voûtes ornées de figures sculptées présentant les caractères de l’imagerie du temps de Saint Louis. Abrite un puits et un four à cuire le pain. Ancien logement de la compagnie dite des Mortes-Payes, instituées par Louis IX pour veiller à la sauvegarde perpétuelle de la cité (voir p. 9, Historique).

La liaison avec l’enceinte supérieure, soit pour le ravitaillement, soit pour le changement de garnison, était facilitée par la Poterne ogivale, avec herse, visible dans l’angle ouest de la tour Balthazar (no 48) lui faisant face.

Courtine, entre les tours 18 et 19. — Il existe dans cette muraille une poterne mettant les Lices en communication, au moyen d’un escalier à vis, avec le fossé, à l’angle de rencontre de la courtine nord avec le donjon de La Vade (no 18).

19. Tour de la Peyre. — Cette tour, comme la plupart de celles dépendant de cette enceinte, est ouverte du côté de la ville dans la partie supérieure de manière à ne pouvoir servir de défense contre les remparts intérieurs, et afin que, du chemin de ronde supérieur, on puisse donner des ordres aux hommes postés dans cette tour. Le milieu de cette tour, comme de toutes celles de l’enceinte extérieure, à l’exception des Barbacanes, était couvert par un comble, mais le chemin de ronde crénelé était à ciel ouvert en temps de paix et pouvait être garni de hourds en temps de siège.

Ces combles à demeure portaient sur le bahut intérieur du chemin de ronde.

La figure 7 donne la coupe de cette tour de la Peyre.


Fig. 7.
Tour de la Peyre (no 19). Coupe.

En M est tracé le profil d’ensemble de cet ouvrage avec le fossé, la crête de la contrescarpe et le sol extérieur formant glacis. On voit comme les meurtrières sont disposées pour couvrir de projectiles rasants ce glacis, et de projectiles plongeants, la crête et le pied de la contrescarpe.


Fig. 8.
Tour de la Peyre (no 19). Tracé général.

Quant à la défense rapprochée, il y est pourvu par les mâchicoulis et des hourds, ainsi qu’on le voit en P.

La figure 8 donne le tracé général de cette tour du côté intérieur, les hourds n’étant supposés montés que du côté R.

II. — ENCEINTE INTÉRIEURE

C’est pendant la domination des Visigoths que fut bâtie l’Enceinte Intérieure sur les débris des fortifications romaines.

En effet, la plupart des Tours Visigothes encore debout sont assises sur des Substructions romaines qui semblent avoir été élevées hâtivement, probablement au moment des invasions franques. Les bases des « tours visigothes » sont carrées ou ont été grossièrement arrondies pour recevoir les défenses du ve siècle.

Du côté méridional de l’enceinte on remarque des soubassements de tours élevées au moyen de blocs énormes, posés à joints vifs et qui appartiennent certainement à l’époque de la décadence de l’Empire.

Quoi qu’il en soit, il est encore facile aujourd’hui de suivre toute l’enceinte des Visigoths (voir le plan général, page 99, fig. 14)[1]. Cette enceinte affectait une forme ovale avec une légère dépression sur la face occidentale, suivant la configuration du plateau sur lequel elle est bâtie. Les tours, espacées entre elles de 25 à 30 mètres environ, sont cylindriques à l’extérieur, terminées carrément du côté de la ville et réunies entre elles par de hautes courtines (fig. 9, page 55).


Fig. 9.

Toute la construction visigothe est élevée par assises de petits moellons de 0 m. 10 à 0 m. 12 de hauteur environ, avec rangs de grandes briques alternées. De larges baies en plein cintre sont ouvertes dans la partie cylindrique de ces tours, du côté de la campagne, un peu au-dessus du terre-plein de la ville ; elles étaient garnies de volets de bois (voir page 30) à pivots horizontaux et « tenaient lieu de meurtrières ». Le couronnement de ces tours consistait en un crénelage couvert. Des chemins de ronde des courtines on communiquait aux tours par des portes dont les linteaux en arcs surbaissés étaient soulagés par un arc plein cintre en brique. Un escalier de bois mettait à l’intérieur l’étage inférieur en communication avec le crénelage supérieur qui était ouvert du côté de la ville par une arcade percée dans le pignon.

Malgré les modifications apportées au système de défense de ces tours, pendant les XIIe et XIIIe siècles, on retrouve toutes les traces des constructions des Visigoths. Jusqu’au niveau du sol des chemins de ronde des courtines, ces tours sont entièrement pleines et présentent ainsi un massif puissant propre à résister à la sape et aux béliers.

Les Visigoths, entre tous les peuples barbares qui envahirent l’Occident, furent ceux qui s’approprièrent le plus promptement les restes des arts romains, au moins en ce qui regarde les constructions militaires et, en effet, ces défenses de Carcassonne ne diffèrent pas de celles appliquées à la fin de l’Empire en Italie et dans les Gaules. Ils comprirent l’importance de la situation de Carcassonne, et ils en firent le centre de leurs possessions dans la Narbonnaise. L’assiette était donc parfaitement choisie et elle avait été déjà prise par les Romains qui, avant les Visigoths, voulaient se ménager tous les passages de la Narbonnaise en Espagne.

Mais les Romains trouvaient par Narbonne une route plus courte et plus facile pour entrer en Espagne et ils n’avaient fait de Carcassonne qu’une citadelle, qu’un Castellum, tandis que les Visigoths, s’établissant dans le pays après de longs efforts, durent préférer un lieu défendu déjà par la nature, situé au centre de leurs possessions de ce côté-ci des Pyrénées, à une ville comme Narbonne, assise en pays plat, difficile à défendre et à garder. Les événements prouvèrent qu’ils ne s’étaient point trompés ; en effet, Carcassonne fut leur dernier refuge lorsqu’à leur tour ils furent en guerre avec les Francs et les Bourguignons.

20. Tour de la Porte Narbonnaise. — Du côté oriental de la Cité est ouverte l’Entrée principale, la seule accessible aux charrois, c’est la Porte Narbonnaise défendue par un fossé et une Barbacane (no 1). L’entrée est biaise, de façon à masquer la porte de l’ouvrage principal. Un Châtelet, qui peut être isolé de la Barbacane, la précède, à cheval sur le Pont qui était composé de deux tabliers mobiles en bois, dont les tourillons sont encore à leur place.

Cette Barbacane et le Châtelet sont ouverts à la gorge afin d’être battus par les défenses supérieures de la Porte Narbonnaise, si ces premiers ouvrages tombaient au pouvoir de l’ennemi.

Du « côté extérieur », les deux grosses Tours, entre lesquelles est ouverte la Porte, sont renforcées par des becs, sortes d’éperons destinés à éloigner l’assaillant du point tangent le plus attaquable, de le forcer à se démasquer, à faire dévier le bélier (bosson en langue d’Oïl), ou à présenter une plus forte épaisseur de maçonnerie à la mine.

L’Entrée était d’abord fermée par une « chaîne » dont les attaches sont encore à leur place et qui était destinée à empêcher des chevaux lancés d’entrer dans la ville (fig. no 10) (A, page 59). Un mâchicoulis protège la première « herse » et la première porte en bois avec barres ; dans la voûte est percé un second « mâchicoulis », puis on trouve un troisième « mâchicoulis » devant la seconde « herse ». Il n’était donc pas facile de franchir tous ces obstacles. Mais cette entrée était défendue d’une manière plus efficace encore en temps de guerre.

Au-dessus de l’arc de la porte, des deux côtés de la niche occupée par la Statue de la Vierge, se voient, sur les flancs de chacune des deux tours, trois entailles proprement faites ; les deux voisines de l’angle sont coupées carrément et d’une profondeur de 0 m. 20, la troisième est coupée en biseau comme pour recevoir le pied d’un lien de bois ou d’un chevron incliné.


Fig. 10.
Tour de la Porte Narbonnaise (no 20).
Coupe sur l’axe de la Porte.

Au-dessus de la niche de la Vierge on remarque trois autres trous carrés profonds, destinés à recevoir des pièces de bois formant une forte saillie. Ces trous recevaient, en effet, les pièces de bois d’un auvent formant une saillie prononcée au-dessus de la porte, protégeant la niche et les gens de garde à l’entrée de la ville.

Cet auvent subsistait en temps de paix ; en temps de guerre il servait de « mâchicoulis ». À 1 m. 30 au-dessus du faîtage de cet auvent on voit encore, sur les flancs des deux tours, de chaque côté, quatre entailles ou trous carrés au même niveau, les trois premiers au-dessus de ceux servant de points d’appui aux chevrons de l’auvent et le quatrième à 0 m. 60 en avant. Là était établi le plancher du « deuxième mâchicoulis ». Une cinquième entaille, faite entre les deux dernières et un peu au-dessus, servait de garde pour recevoir le madrier mobile destiné à protéger les assiégés contre les projectiles lancés du dehors de bas en haut et maintenait, par un système de décharges, tout cet étage supérieur en l’empêchant de basculer.

On ne pouvait communiquer des tours à ces mâchicoulis extérieurs que par une ouverture pratiquée au deuxième étage et par des échelles, de façon à isoler ces mâchicoulis dans le cas où les assaillants s’en seraient emparés. Ces ouvrages de bois étaient protégés par des mantelets percés de meurtrières.

L’assaillant, pour pouvoir s’approcher de la première herse, devait donc affronter une pluie de traits et les projectiles jetés de trois mâchicoulis, deux posés en temps de guerre et un dernier tenant à la construction elle-même.

Ce n’est pas tout : le sommet des tours était garni de « hourds » en charpente que l’on posait également en temps de guerre[2].

La coupe ci-contre (fig. 10, p. 59), faite sur l’axe de la porte Narbonnaise, explique les dispositions que nous venons d’indiquer.

Outre la chaîne A (fig. 10), derrière le premier arc plein cintre de l’entrée et entre celui-ci et le deuxième, est ménagé un mâchicoulis B par lequel on jetait les projectiles de droite et de gauche sur les assaillants qui tentaient de briser la première herse C. Les réduits dans lesquels se tenaient les défenseurs sont défilés par un épais garde-fou de pierres.

Le mécanisme des herses est parfaitement compréhensible encore aujourd’hui. Dans la salle qui est au-dessus de l’entrée, on aperçoit, dans les deux pieds-droits de la coulisse de cette première herse, les entailles inclinées dans lesquelles s’engageaient les deux jambettes du treuil tracé sur notre coupe (fig. 10), et les scellements des brides en fer qui maintenaient le sommet de ces jambettes ; au niveau du sol, les deux trous destinés à recevoir les cales sur lesquelles reposait la herse une fois levée ; sous l’arc, au sommet du tympan, le trou profond qui recevait la suspension des poulies destinées au jeu des contrepoids et de la chaîne s’enroulant sur le treuil.

Derrière la herse était une porte épaisse à deux vantaux D roulant sur des crapaudines inférieures et des pivots fixés dans un linteau de bois dont les scellements sont intacts. Ces vantaux étaient fortement unis par une barre qui se logeait dans une entaille réservée dans le parement du mur de droite lorsque la porte était ouverte, et par deux autres barres de bois entrant dans des entailles pratiquées dans les deux murs du couloir.

Si l’on pénètre au milieu du passage, on voit dans la voûte s’ouvrir un large trou carré E qui communique avec la salle du premier étage. La grande dimension de ce trou s’explique par la nécessité où se trouvait l’assiégé de pouvoir lancer des projectiles non seulement au milieu, mais aussi contre les parois du passage. La voûte du premier étage est également percée d’un trou carré I, mais plus petit, de sorte que du deuxième étage on pouvait écraser les assaillants qui se seraient emparés de la salle au-dessous ou donner des ordres aux hommes qui l’occupaient.

Des deux côtés de ce large mâchicoulis, au premier étage, il existe deux réduits profonds qui pouvaient servir de refuge et défiler les défenseurs dans le cas où les assaillants, maîtres du passage, auraient décoché des traits de bas en haut. La largeur de ce mâchicoulis permettait encore de jeter sur l’assiégeant des fascines embrasées, et les réduits garantissaient ainsi les défenseurs contre la flamme et la fumée en leur laissant le moyen d’alimenter le feu. Des meurtrières latérales percées dans le passage, au niveau du sol, en E, permettaient aux arbalétriers postés dans les salles du rez-de-chaussée des deux tours d’envoyer à bout portant des « carreaux » aux gens qui oseraient s’aventurer entre les deux herses.

De même que devant la herse extérieure C, il existe dans la salle du premier étage un deuxième mâchicoulis oblong F destiné à protéger la seconde herse G. Ce mâchicoulis se fermait, ainsi que l’ouverture pratiquée dans le milieu de la voûte du passage, par une trappe dont la feuillure et l’encastrement ménagé dans le mur existent encore. Au moyen d’une petite fenêtre qui éclairait la salle du premier étage, les assiégés, du dedans, pouvaient communiquer des ordres à ceux qui servaient la herse sur le chemin de ronde pratiqué au-dessus de la seconde porte H. Cette seconde herse manœuvrait sous un arc réservé à cet effet ; son treuil était en outre protégé par un auvent P maintenu par de forts crochets de fer qui sont encore scellés dans la muraille. Tout le jeu de cette herse est encore visible ; ses ferrures sont en place, la herse seule manque.

Les deux tours qui flanquent cette entrée sont distribuées de la même manière. Elles comprennent : un étage de caves creusées au-dessous du sol, un rez-de-chaussée percé de meurtrières et voûté avec quatre escaliers pour communiquer au premier étage ; un premier étage, également voûté, percé de meurtrières et muni de deux cheminées et de deux fours. Deux des escaliers seulement continuent jusqu’à l’étage supérieur. Les deux autres n’aboutissent pas et peuvent tromper ainsi les gens qui ne connaîtraient pas les lieux.

Ces deux tours comprennent encore un deuxième étage couvert autrefois par un plancher portant sur le bord du chemin de ronde. Ce deuxième étage est percé, du côté de la ville, de riches fenêtres ogivales à menaux O qui ne s’ouvraient que dans la partie inférieure par des volets, tandis que les compartiments de l’ogive étaient vitrés à demeure ; ces fenêtres étaient fortement grillées à l’extérieur.

Un troisième étage crénelé recevait la charpente des combles. Cette charpente est divisée en trois pavillons, deux sur les deux tours et un pavillon intermédiaire au-dessus de la porte. Lors de la construction première, rétablie aujourd’hui, ces trois pavillons, aux points de leur rencontre, étaient portés par des poutres entrant dans des entailles pratiquées dans l’assise de la corniche ; soit que ces poutres aient fléchi, soit que les eaux des chéneaux mal entretenus les eussent pourries, au xve siècle, ces combles furent réparés, et, pour les porter, on établit deux grands arcs qui s’arrangeaient fort mal avec la construction du xiiie siècle, puisque l’un d’eux venait buter dans un des créneaux M et le boucher. Des chéneaux en pierre furent posés sur ces arcs et reçurent les pieds du chevron des toitures aux points de leur jonction. Des gargouilles saillantes rejetaient les eaux des chéneaux du côté de la campagne. Ces arcs, qui poussaient en dehors le grand mur élevé du côté de la ville, ont dû être enlevés.

Le chemin de ronde de la courtine n’est pas interrompu par la Porte Narbonnaise suivant le système ordinaire adopté dans les défenses de cette époque. Il passe du côté de la ville, au-dessus de la porte, et relie les deux courtines de façon cependant à n’être en communication avec la ville que par les escaliers intérieurs des tours et par une seule baie fermée autrefois par deux épais vantaux ferrés. L’escalier actuel, qui donne accès à ce chemin de ronde, est moderne et a été élevé par le génie militaire.

Courtines, entre les tours 20 et 21. — Les courtines qui accompagnent la Tour du Trésau sont fort belles. Leur partie inférieure est percée de meurtrières au niveau du terre-plein de la ville, sous des arcs plein cintre avec bancs de pierre et leurs merlons, larges, épais sont bien construits.

Le parement intérieur des merlons entre la Tour Narbonnaise et la Tour du Trésau n’est pas vertical, mais élevé en fruit. La disposition des hourds explique l’utilité de cette inclinaison du parement intérieur des merlons.

Sur ce point de la défense — l’un des plus attaquables, à cause du plateau qui s’étend de plain-pied devant la Porte Narbonnaise — les courtines intérieures devaient être munies de ces « hourds doubles » dont il est fait parfois mention dans les chroniqueurs du xiiie siècle[3].

La figure 11 explique, dans le cas actuel, la disposition de ces doubles hourds. Ainsi que nous venons de le dire, les merlons ayant leur parement intérieur en fruit sur le chemin de ronde A, leur base est traversée au niveau de ce chemin de ronde par des trous de hourds de 0 m. 30 de côté, régulièrement espacés. Sur le parement du chemin de ronde, du côté de la ville, est une retraite continue B. Les hourds doubles étaient donc ainsi disposés : de cinq pieds en cinq pieds passaient, par les trous des hourds, de fortes solives C, sur l’extrémité desquelles, à l’extérieur, s’élevait le poteau incliné D, avec des contre-poteaux E, formant la rainure pour le passage des madriers de garde. Des moises doubles J pinçaient ce poteau D, reposaient sur la longrine F, mordaient les trois poteaux G, H, I, celui G étant appuyé sur le parement incliné du merlon, et venaient saisir le poteau postérieur K également incliné. Un second rang de moises, posé en L à 1 m. 80 du premier rang, formait l’enrayure des arbalétriers M du comble. En N un mâchicoulis était réservé le long du parement extérieur de la courtine. Ce mâchicoulis était servi par des hommes placés en O, sur le chemin de ronde, au droit de chaque créneau muni d’une ventrière P. Les archers et arbalétriers du hourd inférieur étaient postés en R et n’avaient pas à se préoccuper de servir ce premier mâchicoulis.

Le deuxième hourd possédait un mâchicoulis en S. Les approvisionnements de projectiles se faisaient en dedans de la ville par les guindes T. Des escaliers Q, disposés de distance en distance, mettaient les deux hourds en communication. De cette manière, il était possible d’amasser une quantité considérable de pierres en V, sans gêner la circulation sur les chemins de ronde ni les arbalétriers à leur poste. En X, on voit, de face, à l’extérieur, la charpente du hourdage dépourvue de ses madriers de garde, et en Y, cette charpente garnie. Par les meurtrières et mâchicoulis, on pouvait lancer ainsi sur l’assaillant un nombre prodigieux de projectiles. Comme toujours, les meurtrières U, percées dans les merlons, dégageaient au-dessous des hourds et permettaient à un deuxième rang d’arbalétriers postés entre les fermes, sur le chemin de ronde, de viser l’ennemi.

On conçoit que l’inclinaison des madriers de garde était très favorable au tir. Elle permettait, de plus, de faire surplomber le deuxième mâchicoulis S en dehors du hourdage inférieur.

La dépense que nécessitaient des charpentes aussi considérables ne permettait guère de les établir que dans des circonstances exceptionnelles, sur des points mal défendus par la nature.

La courtine qui relie la tour du Trésau à la Porte Narbonnaise possède un « petit puits » et une « échauguette » flanquante destinée à battre l’intervalle entre la Barbacane et cette Porte.

21. Tour du Trésau dite aussi du Trésor. — Cette construction est un magnifique ouvrage de la fin du xiiie siècle, contemporain de la Porte Narbonnaise. Elle domine toute la campagne, la ville, et joignant presque l’enceinte extérieure, elle commandait le plateau, la Barbacane de la Porte Narbonnaise et empêchait l’ennemi de s’étendre du côté du nord dans les Lices le long desquelles s’élèvent les tours Visigothes.

La Tour du Trésau, outre ses caves, renferme quatre étages dont deux sont voûtés.

L’étage inférieur est creusé au-dessous du terre-plein de la ville. Le deuxième étage est presque de plain-pied avec le sol intérieur de la ville. Le troisième étage était couvert par un plancher et le quatrième, sous comble, au niveau du chemin de ronde du crénelage.


Fig. 11.
Courtine entre la Porte Narbonnaise et la Tour du Trésau (nos 20 et 21).
Disposition des doubles hourds.

Le chemin de ronde des courtines passe derrière le pignon de la tour, mais n’a aucune communication avec les salles intérieures.

Du côté de la ville, la partie supérieure de la tour est terminée par un pignon crénelé avec escaliers rampants le long du comble. Deux tourelles carrées, munies d’escaliers et crénelées à leur partie supérieure, épaulent le pignon et servaient de tours de guet, car elles sont, de ce côté, le point le plus élevé des défenses.

En temps de paix, le crénelage de la tour du Trésau n’était pas couvert. Le comble porte sur un mur intérieur. Les gargouilles qui existent encore à l’extérieur indiquent d’une manière certaine que le chemin de ronde supérieur était à ciel ouvert. En temps de guerre, les toitures des hourds couvraient ces chemins de ronde ainsi que les hourds eux-mêmes.

Un seul escalier à vis dessert les quatre étages et toutes les issues étaient garnies de portes fortement ferrées. Le deuxième étage au-dessus des caves contient une petite chambre ou réduit éclairé par une fenêtre, destiné au capitaine, une grande cheminée et des latrines ; cet étage et le rez-de-chaussée sont percés de nombreuses meurtrières s’ouvrant sous de grandes arcades munies de bancs de pierre.

Courtines, entre les tours 21, 22 et suivantes. — De la tour du Trésau, en se dirigeant vers le nord, on longe une grande partie des vestiges de l’enceinte des Visigoths. À voir le désordre de ces anciennes constructions, on doit admettre qu’elles ont été bouleversées par un siège terrible ; on a peine à comprendre comment on a pu, avec les moyens dont on disposait alors, renverser des pans de murs d’une épaisseur considérable, faire pencher ces tours dont toute la partie inférieure ne présente qu’une masse de maçonnerie. Il semblerait que la poudre à canon peut seule causer des désordres aussi graves, et cependant le siège pendant lequel une partie considérable de ces remparts a été renversé est antérieur au xiie siècle, puisque, sur ces débris, on voit s’élever des constructions identiques avec celles du Château, ou datant du xiiie siècle.

À peine si l’on a pris soin de déblayer les ruines, car on remarque, enclavés dans les courtines reprises au xiiie siècle, d’énormes pans de murs renversés et présentant verticalement les lits de leurs assises de moellon ou de brique. Grâce à la bonté des mortiers, ces masses renversées ne se sont point disjointes et sont là comme des rochers sur lesquels on serait venu construire de nouveaux murs.

De ce côté, les courtines et les tours sont très hautes et dominent de beaucoup l’enceinte extérieure élevée sur la crête de l’escarpement.

22. Tour du Moulin du Connétable. — Les fondations Gallo-Romaines sont soutenues par des substructions de Saint Louis. Appareil visigoth, avec assises alternées de briques, jusqu’à mi-hauteur. Au-dessus, construction féodale jusqu’au crénelage qui a été rétabli dans le style du xiiie siècle. À l’intérieur, voûte en calotte hémisphérique (comme les tours de la Porte du Château) supportant le premier étage. Cette tour a été utilisée comme moulin à vent.

23. Tour du Vieulas. — Fondations Gallo-Romaines protégées et soutenues par les travaux de Saint Louis. Fortement penchée en avant à suite de sapement, suivi du renversement de la courtine, au siège de 1240. Partie supérieure réédifiée d’aplomb au xiiie siècle.

24. Tour de la Marquière. — Inclinée vers la gauche pour la même cause que la tour 23.

Porte de Rodez, entre les tours 24 et 25. — Percée dans l’enceinte des Visigoths au xiie siècle, et réparée au XIIIe. C’est la porte désignée par le Sénéchal Guillaume des Ormes, lors du siège de 1240, sous le nom de « Porte de Rodez ». Elle ne présente aucune défense particulière, mais devait être précédée d’un ouvrage avec poterne protégé par la Tour-Barbacane Notre-Dame no 4.

25. Tour de Samson. — Reconstituée en partie dans le style Visigoth complet. La base carrée a été réparée au moyen âge. Dans l’angle de droite, au bas de la courtine attenante, traces de constructions difficiles à déterminer.

Remarque : Les « merlons » des créneaux sont pleins, c’est-à-dire dépourvus de meurtrières. Les Visigoths ne connaissaient pas ce moyen de défense inventé par les féodaux.

Du côté de la ville, restant d’ancien logis.

26. Tour du Moulin d’Avar. — Gallo-Romaine, réparée au xiiie siècle. A servi de moulin à vent au xixe siècle.

Dans l’angle nord-ouest curieuse Poterne formée de gros blocs de pierre. Probablement une des portes latérales du Castellum romain.

Au-dessus de la Poterne, sur le crénelage de la Courtine, on voit un monte-charge reconstitué.

Courtine entre les Tours 26 et 27. — Très intéressante à étudier. On distingue nettement sur toute la longueur de la Courtine et à des hauteurs variables suivant la conformation du terrain, la ligne des fondations Gallo-Romaines reposant sur des substructions de Saint Louis.

Vers le milieu de la Courtine est visible l’emplacement d’une tour Gallo-Romaine démolie à suite d’un siège, probablement celui de 1240.

27. Tour de la Charpentière. — Base Gallo-Romaine, à environ deux mètres au-dessus du sol, soutenue par des substructions du xiiie siècle. Son nom provient de son voisinage avec les ateliers ou dépôts de bois destinés aux défenses.

Courtine entre les tours 27 et 28. — Construction Gallo-Romaine soutenue par des travaux de Saint Louis. Vers le milieu de la Courtine s’ouvre une poterne du xiiie siècle donnant accès dans les fossés nord du Château. À la place de cette poterne devait s’élever une tour faisant partie de l’enceinte Gallo-Romaine.

En avant de la tour 28, un mur, avec porte et meurtrière, couronné par une plate-forme crénelée, ferme les abords du Château. Du haut de cette plate-forme, facilement accessible à l’aide d’escaliers en pierre placés dans l’angle de la tour 28, on découvre un splendide panorama embrassant les formidables défenses du Château et de la Porte d’Aude, et un lumineux paysage borné, à l’horizon, par les cimes dentelées des Pyrénées.

Les Tours 28 à 37 et les remparts joignant ces tours, font partie des défenses du château du côté de la rivière. (Voir description p. 100, La Grande Caponnière, Défenses du Château).

28. Tour de la Chapelle. — Reconstituée dans sa forme Visigothique. La base est Gallo-Romaine avec revêtement du xiiie siècle. La Chapelle du Château était voisine de cette tour.

Courtine, entre les tours 28 et 29. — Elle paraît avoir été bâtie au xvie siècle, par le Sénéchal, en remplacement de la courtine Gallo-Romaine.

29. Tour de la Poudre. — Construction du xiiie siècle (Saint Louis) tenant la place d’une tour de l’enceinte primitive. À la base de la tour, Porte ogivale, murée et à moitié enfouie dans le sol des Lices.

Courtine, entre les tours 29 et 31. — Cette partie des fortifications est des plus intéressantes. Les moyens de défense y sont accumulés pour protéger l’entrée du Château du côté de la rivière. Une belle échauguette domine les murailles transversales et permet de découvrir un vaste horizon. (Voir figure 14, p. 99).

30. Avant-Porte du Château. — Interceptait le passage des assaillants entre le Château et la Grande Barbacane no  8. L’espace, clos de hautes murailles, faisant suite à l’avant-porte, est une véritable souricière d’où ne pouvait plus sortir l’ennemi qui aurait pu s’y engager. C’est de l’avant-porte que descend le couloir appelé la Grande Caponnière (p. 100) conduisant à la Barbacane 8 entre deux murs crénelés.

31. Tour Peinte ou Pinte. — Seule tour dans la Cité de forme carrée ce qui l’a fait supposer bâtie par les Arabes. Bases Gallo-Romaines avec, au-dessus, appareillage de diverses époques.

Domine toute la Cité dont elle était la Guette principale. Cette tour, sur plan barlong, ne pouvait contenir et ne contenait en effet qu’un escalier de bois, car elle n’est divisée, dans toute sa hauteur, par aucune voûte ni aucun plancher. Une seule petite fenêtre romane, percée vers la moitié de sa hauteur, s’ouvre sur la campagne, du côté de l’Aude. Cette tour est intacte ; on voit encore son crénelage supérieur avec les trous des hourds très rapprochés, comme pour établir une galerie extérieure saillante, en état de résister aux vents terribles de la contrée.

Courtine, entre les tours 31 et 37. — Un mur transversal, surmonté d’une grande ouverture ogivale ferme le passage des Lices en cas d’attaque et défend l’accès du Château du côté de la Porte d’Aude. Cette défense est complétée par un Châtelet à deux étages, surplombant le talus.

Entre le mur transversal et la tour 37 est une Poterne du xiiie siècle, murée, communiquant autrefois avec les fossés du Château.

Une autre Poterne, aussi murée, très relevée au-dessus de l’escarpement et qui exigeait l’emploi d’une échelle, se trouve dans le mur extérieur, presque sous le Châtelet.

32. Tour Saint-Paul. — 33. Tours de la Porte du Château. — 34. Tour des Casernes. — 35. Tour du Major. — 36. Tour du Degré.

Ces tours entourent le Château sur trois faces : est, sud et nord et sont de construction féodale avec crénelage du xiiie siècle. Elles ont le même système de défense. Mêmes petites salles voûtées en calottes hémisphériques, mêmes dispositions des crénelages, des meurtrières et hourds, mêmes combinaisons de combles pyramidaux. Les deux tours d’angle 32 et 35 sont les seules qui contiennent des escaliers à vis, en pierre. Le plan de ces deux tours est fort intéressant à étudier.

37. Tour de la Justice. — Bâtie sous Saint Louis à la place d’une tour Gallo-Romaine entre deux courtines de cette dernière époque. C’était le siège de la « Justice du Roi » et aussi celui du « Tribunal de l’Inquisition ». La belle salle du premier étage sert actuellement de Poste aux Gardiens des fortifications. C’est de cette tour que commence la visite des remparts supérieurs.


Phot. Michel Jordy.

La Porte de l’Aude.
Entrée principale de l’Ouest.

Porte de l’Aude (autrefois Porte de Toulouse). Entre les tours 37 et 38. — Cette porte a été percée dans la muraille des Visigoths au xiie siècle. On voit encore, à l’extérieur, l’arc plein cintre qui paraît appartenir à cette époque par son appareil et la nature des matériaux employés[4]. À la gauche de cette porte il existait, sur un pan de mur visigoth, un bâtiment contemporain du château, c’est-à-dire élevé du XIe au XIIe siècles. Le mur extérieur de ce bâtiment est encore percé de trois petites fenêtres jumelles divisées par des colonnettes de marbre avec chapiteaux sculptés.

Une longue rampe aboutissait à la Grande Barbacane no 8 et était battue par cette barbacane ; elle s’élève suivant une inclinaison assez roide, et, en faisant un lacet, conduit à une première porte, simple barrière, puis à une seconde porte défendue par un crénelage et commandée par un gros ouvrage en forme de traverse, terminé, à la hauteur des chemins de ronde de l’enceinte intérieure, par une plate-forme et des merlons. À sa base, cette traverse est percée d’une porte qui donne entrée dans les Lices du sud-ouest (voir Porte du Sénéchal, p. 79).

Il faut gravir, en dedans de l’enceinte extérieure, une rampe assez roide (voir Avant-Porte de l’Aude, p. 47). Cette rampe est battue par l’ouvrage qui masque la Porte de l’Aude, percée dans le mur de l’enceinte intérieure.

Cette rampe est dominée par la Tour de la Justice, no 37, et par une Tour Visigothe, no 38. On arrive ainsi à un lacet qui oblige l’arrivant à se détourner brusquement pour atteindre la Porte de l’Aude. Bien qu’il n’y ait, devant cette porte, ni fossé ni ponts à bascule, il n’était point facile d’y arriver malgré les gens du dedans de la ville, car l’espace compris entre les deux enceintes forme une véritable place d’armes, un grand châtelet, commandé de tous côtés par des ouvrages formidables. De plus, les Lices, à droite et à gauche, étaient fermées par des portes. On observera que la porte supérieure est percée dans un angle rentrant, ce qui a permis de la flanquer très puissamment, et que son masque forme en avant un petit châtelet que l’on pouvait fermer complètement en temps de guerre, et qui, en temps de paix, était précédé d’un petit poste dont on aperçoit encore la trace le long de la courtine. De cet ouvrage, les rondes pouvaient descendre dans les Lices du sud-ouest, en ouvrant une porte percée sur le flanc du parapet et en posant des planches mobiles sur des corbeaux engagés dans les gros contreforts à la suite. Ce moyen de sortie ou d’entrée indique assez que l’ouvrage, en avant de la Porte de l’Aude, était absolument fermé en temps de guerre.

Porte du Sénéchal. Entre les tours 37 et 38. — En se dirigeant de la Porte d’Aude vers les Lices du sud-ouest, on laisse bientôt les dernières traces des constructions Visigothes et l’on atteint le saillant bâti par Philippe le Hardi, en dehors des terrains de l’Évêché (fig. 16). Ayant passé la porte percée dans la traverse de commandement et que nous croyons être la Porte dite du Sénéchal (voir Porte d’Aude, p. 77), on aperçoit la Tour Visigothe no 38, puis la Tour 39, dite de l’Inquisition.

38. Tour Visigothe. — La base de cette tour est semblable dans tous ses détails à la Tour 28.

Courtine, entre les tours 38 et 39. — On voit distinctement que cette muraille est formée de deux genres de constructions bien différentes : Gallo-Romaine du côté de la Tour 38 et xiiie siècle vers la tour 39. C’est de la ligne séparative de ces deux constructions que partait l’enceinte Gallo-Romaine démolie par Philippe le Hardi pour former l’important saillant actuel du sud-ouest (voir Plan Général, fig. 16).

39. Tour de l’Inquisition. — Dans laquelle nous avons trouvé un cachot avec pilier central garni de chaînes.

Courtine, entre les tours 39 et 40. — Les courtines qui font partie du saillant bâti par Philippe le Hardi (voir p. 19), sont munies de belles meurtrières percées sous des arcades avec bancs ; meurtrières qui battent les Lices et les chemins de ronde de l’enceinte extérieure.

Un fait curieux donne la date certaine de cette partie de l’enceinte qui enveloppait l’Évêché. En août 1280 à Paris, le roi Philippe le Hardi permit à Isar, alors évêque de Carcassonne, de pratiquer quatre fenêtres grillées dans la courtine adossée à l’Évêché, après avoir pris l’avis du Sénéchal, et sous la condition expresse que ces fenêtres seraient murées en temps de guerre, sauf à pouvoir les rouvrir, la guerre terminée. Le roi s’obligeait à faire, à ses dépens, les égouts pour l’écoulement des eaux de l’Évêché, à travers la muraille (voir Tour 12, p. 49), et à l’évêque était réservée la jouissance des étages de la tour dite de l’Évêque (tour carrée no 11, à cheval sur les deux enceintes), jusqu’au crénelage, sans préjudice des autres droits du prélat sur le reste des murailles de la ville. Or, ces quatre fenêtres n’ont point été ouvertes après coup, elles ont été bâties en élevant la courtine, et elles existent encore entre les tours nos 39, 11 et 40 ; donc ces courtines et tours datent de 1280.

40. Tour de Cahusac. — Présente une disposition curieuse. Le chemin de ronde tourne à l’entour, et est couvert par un portique.

41. Tour Miprade, de Prade ou du Coin. — Bâtie sur l’angle terminant le saillant occidental de la Cité, faisant face à l’Aude.

Elle contient deux étages voûtés et deux étages entre planchers, elle est munie d’une cheminée et d’un four. La seule porte donnant entrée dans cette tour, qui n’interrompt pas le chemin de ronde, est percée du côté de l’est et était fermée par des verrous et une barre rentrant dans la muraille. Comme aux autres tours de cette partie de l’enceinte, le dernier merlon des courtines s’élève au point de jonction avec la tour, là où sont percées les portes et le dernier créneau était également muni de volets sur rouleaux (voir p. 31), afin de protéger les entrants ou les sortants ou les factionnaires postés aux entrées des tours. Presque toujours il faut monter quelques marches pour passer des courtines dans les tours, et alors le crénelage suit la montée.

42. Tour du Moulin. — Ainsi nommée parce qu’autrefois son étage supérieur, en retraite sur le crénelage, était affecté au mécanisme d’un moulin à vent.

Aux pieds de cette tour, sur l’emplacement de l’ancien cloître, se développe la scène du Théâtre de la Cité.

43. Tour Saint-Nazaire (voir aussi Tour Crémade no 15). — Cet ouvrage, sur plan carré, est encore un des plus remarquables de la Cité. La porte, percée à la base de cette tour Saint-Nazaire, et donnant sur les Lices, est ouverte de côté, masquée par la saillie de l’échauguette d’angle, et le seuil de cette ouverture est établi à plus de deux mètres au-dessus du sol des Lices. Il fallait donc poser des échelles ou un plan incliné en bois pour entrer et sortir.

Dans la tour elle-même l’entrée est biaise, et, si de l’extérieur on n’entre par la porte percée sur le flanc Est de la tour qu’au moyen d’échelles ou d’un plancher mobile, on ne peut franchir la seconde entrée qu’en se détournant à angle droit. Cette porte ne pouvait donc servir qu’aux gens de pied. Chacune des deux baies est munie d’une herse, de mâchicoulis et de vantaux. Un puits dessert les Lices et le premier étage, qui contient en outre un four. La première herse était manœuvrée de la salle du premier étage, la deuxième du chemin de ronde, comme à la Porte Narbonnaise. Le crénelage supérieur s’élève sur une plate-forme propre à recevoir un engin de défense (mangonneau) et possède une guette, car ce point est un des plus élevés de la Cité. Le crénelage inférieur (car la défense de couronnement est double) est flanqué par des échauguettes qui montent de fond[5].

44. Tour Saint-Martin. — Cette tour semble avoir été élevée à proximité de la tour no 43 à dessein, pour masquer et battre la poterne à très petite portée. Cette tour est renforcée, comme les tours 41 et 42 et comme celles de la Porte Narbonnaise, par un bec saillant dont nous avons expliqué l’utilité. Elle contient deux étages voûtés, deux étages sous plancher, comme la tour no 41, et se dégage au-dessus du chemin de ronde qui tourne autour d’elle du côté de la ville.

Sur le mur du côté de la ville, traces de constructions (voir p. 29, anciens Logis).

Restes des Remparts Visigoths. — À partir de ce point de l’enceinte intérieure, nous voyons reparaître, dans les parties inférieures des courtines et tours, les restes des remparts visigoths jusqu’à la tour no 53, dite de Saint-Sernin, à côté de la Porte Narbonnaise (no 20).

Ainsi, toute cette portion de l’enceinte comprise entre la Tour 44 et la Porte-Narbonnaise (no 20), a été réparée et reconstruite en partie par Philippe le Hardi sur l’enceinte des Visigoths, qui avait été élevée sur les remparts romains. Le périmètre de la ville antique est donc donné par celui de la ville des Visigoths, puisque, du côté du midi comme du côté du nord, nous retrouvons les tracés des constructions romaines sous les ouvrages dus aux Barbares.

Courtine entre les tours 44 et 45. — On y trouve une poterne qui paraît être l’ancienne « Porte de Rodez ». Cette porte a été transformée en meurtrière au xiiie siècle.

45. Tours des Prisons. — 46. Tour de Castéra. — Ces deux tours sont, comme les nos 47, 49, 50, 52 et 53, bâties sur les fondations des tours primitives et sont d’un diamètre plus faible que les tours du xiiie siècle.

Elles ne sont pas voûtées, et des planchers en bois séparaient leurs étages, au nombre de deux seulement et établis sur le massif plein de la maçonnerie des Visigoths. Leurs escaliers à vis font saillie à l’intérieur des salles et sont pris à leurs dépens. Toutes ces tours interrompent la circulation sur le chemin de ronde des courtines ; il faut les traverser pour communiquer d’une courtine à l’autre.

47. Tour du Plô. — Elle présente aussi, sur les Lices, dans sa partie inférieure, des restes de soubassements romains, sur lesquels est implantée une tour visigothe couronnée par la bâtisse du xiiie siècle.

48. Tour de Balthazar. — Seule, la tour no 48 a été reconstruite entièrement par Philippe le Hardi. Aussi présente-t-elle à l’extérieur un bec saillant, et l’épaisseur de sa construction est très considérable. C’est qu’elle devait s’élever assez haut pour dominer la tour no 18 de l’enceinte extérieure, tour dite de la Vade ou du Papegay, sorte de donjon avancé absolument indépendant et qui était destiné à battre le plateau qui s’étend de plain-pied, en face de ce front.

Traces apparentes d’ancien logis sur le mur côté ville.

Dans l’angle de droite de la Courtine joignant la Tour de Balthazar est visible une poterne facilitant la communication avec la Tour de la Vade no 18.

49. Tour de Davejean ou de Daréja. — La tour no 49, est bâtie sur une substruction romaine, formée de gros blocs de pierre parfaitement jointifs, sans mortier. Le soubassement romain portait certainement une tour carrée, car les Visigoths se sont contentés d’abattre les arêtes saillantes à coups de masse, pour arrondir cette construction massive qui ne renferme qu’un blocage.

En examinant les constructions surélevées au xiiie siècle, on voit que les ingénieurs ont donné à la partie cylindrique (côté extérieur) une forte épaisseur, tandis que du côté de la ville, là où la tour est fermée par un pignon, les murs n’ont qu’une faible épaisseur, afin d’obtenir l’espace vide le plus grand possible à l’intérieur pour loger les postes.

50. Tour Saint-Laurent. — De construction Gallo-Romaine, réparée au xiiie siècle.

51. Escalier descendant à la Poterne de la Tour de la Peyre. — On trouve entre les tours 50 et 52, une construction saillante, no 51, qui contenait un escalier de bois, communiquant à de vastes souterrains dont l’issue extérieure est placée à côté de la tour de la Peyre, no 19, au niveau du fond du fossé et dont deux galeries débouchaient dans les Lices. Cette poterne de la Tour de la Peyre avait une grande importance, car elle mettait les chemins de ronde supérieurs en communication directe, soit avec les Lices, soit avec les dehors. Aussi, en arrière de la poterne donnant dans l’angle de la tour 19, est une salle voûtée, souterraine, vaste, pouvant contenir une quarantaine d’hommes armés.

Du côté de la ville restes apparents d’ancien logis, contre le mur de la construction saillante.

52. Tour du Trauquet. — Mêmes dispositions que les tours 45, 46, 47, 49 et 50. Traces d’ancien logis sur le mur faisant face à la ville.

53. Tour de Saint-Sernin. — D’origine Gallo-Romaine, ornementée d’une rangée de briques en forme « d’arêtes de poisson ». Formait l’abside de l’Église paroissiale de Saint-Sernin, démolie vers 1793. Belle fenêtre ogivale ouverte au xve siècle en remplacement de la baie primitive. Cette abside, creusée dans la circonférence de la Tour Gallo-Romaine, et tenant compte de ce fait que l’Église Saint-Sernin était la plus ancienne de la Cité, pourrait avoir été la Chapelle du Château Narbonnais qui s’élevait, avant le xiiie siècle, à la place des tours de la Porte Narbonnaise. (Voir p. 112, Intérieur de la Cité, Église Saint-Sernin).


III. — LE CHÂTEAU

Il est bâti sur le point culminant de la Cité. Ce fut probablement sous le Vicomte Aton ou, au plus tard, sous Roger III, vers 1130, que le Château fut élevé.


Phot. Michel Jordy.

Entrée principale du Château.

54. Barbacane Intérieure. — Lorsqu’on arrive devant le Château, dans l’intérieur de la Cité, le premier ouvrage qui se présente est une Barbacane bâtie au xiiie siècle, semi-circulaire, crénelée avec chemins de ronde (voyez le plan général, fig. 16), et dans laquelle est percée une avant-porte. Cette première porte n’était défendue que par des meurtrières et des créneaux garnis de doubles volets, un mâchicoulis et des vantaux de bois. C’est, comme on peut le voir, une charmante construction, bien faite et passablement conservée.

L’étage supérieur de la porte était ouvert du côté du Château, afin d’empêcher les assaillants qui s’en seraient rendus maîtres de se défendre contre la garnison renfermée dans le Château.

Le Château. — Les tours du Château, par leur construction et les quelques sculptures qui décorent les chapiteaux des colonnettes de marbre servant de meneaux aux fenêtres géminées, visibles dans la cour intérieure, appartiennent certainement à la première moitié du xiie siècle. En parcourant l’enceinte intérieure de la Cité, ainsi que le Château, on peut facilement reconnaître les parties des bâtisses qui datent de cette époque ; leurs parements sont élevés en grès jaunâtre et par assises de 0 m. 15 à 0 m. 30 de largeur, et grossièrement appareillés.

Un large « fossé » protège trois des fronts de cette citadelle, le quatrième donnant sur les escarpements faisant face à l’Aude.

Un pont, reconstruit en partie à une époque assez récente, donnait accès à la seule Porte du Château sur le front faisant face à la ville. Les piles de ce pont datent du xiiie siècle, et les deux dernières, proches l’entrée, sont disposées de telle façon qu’un plancher mobile en bois devait s’y appuyer.

L’assaillant trouvait un premier obstacle formé d’une barrière de bois couverte d’un appentis. Cet obstacle détruit, supposant le plancher mobile enlevé, il avait à franchir un fossé d’une largeur de 2 mètres pour arriver à la première herse défendue par un mâchicoulis. Derrière cette herse est une porte de bois, un second mâchicoulis, une seconde herse et une seconde porte. La première herse se manœuvrait du deuxième étage. La deuxième herse était servie dans une petite chambre disposée immédiatement au-dessus du passage.

Tours d’entrée. — Les deux tours qui flanquent cette Entrée renferment deux étages voûtés en calotte hémisphérique, et percés de meurtrières ; les deux étages supérieurs sont séparés par un plancher. Ces deux étages supérieurs mettent, sans murs de refend, les deux tours en communication avec le dessus du passage. On ne pouvait arriver à ces étages que par un escalier de bois disposé contre la paroi plate de la porte, du côté de la cour ou par les chemins de ronde des courtines. Les salles voûtées ne sont éclairées que par les meurtrières. Le troisième étage prend jour sur la cour par une charmante fenêtre romane à doubles cintres posés sur une colonnette de marbre avec chapiteau sculpté, et par une très petite ouverture donnant latéralement au-dessus de l’entrée à l’extérieur. Cette dernière fenêtre était percée pour permettre aux assiégés qui servaient la première herse de voir ce qui se passait à l’entrée et de prendre leurs dispositions en conséquence, sans se démasquer.

Bien que les tours affectent la forme cylindrique à l’extérieur, à l’intérieur les parements des étages supérieurs sont à pans coupés. Cette construction était évidemment faite pour faciliter l’établissement de la charpente des combles. Il est beaucoup plus facile de tailler et de poser une charpente en pavillon sur un plan polygonal que sur un plan circulaire ; le plan circulaire exige pour les sablières des bois courbes, pour la pose des chevrons des assemblages compliqués. À la fin du xie siècle on ne devait pas être fort habile dans ces sortes de constructions, qui, un siècle et demi plus tard, étaient arrivées à un degré de perfection remarquable ; aussi ne doit-on pas s’étonner de voir cette forme de charpentes pyramidales adoptée pour toutes les tours primitives du Château. Les constructeurs rachetaient les différences de saillies produites par la forme circulaire du parement extérieur par des coyaux.

Du deuxième étage on communique au premier au moyen d’une trappe ouverte dans la voûte hémisphérique. Cette trappe, percée derrière la petite fenêtre qui permet de guetter l’entrée, était destinée à transmettre des ordres aux gens qui servaient la deuxième herse dans la petite salle du premier étage, soit pour faire tomber rapidement cette herse en cas d’attaque, soit pour la lever lorsqu’un corps rentrait ; car on observera que les servants de la deuxième herse ne peuvent voir ce qui se passe à l’extérieur que par une meurtrière très étroite, ou par le mâchicoulis ouvert devant cette deuxième herse.

Dans cet ouvrage de défense si complet et dont nous donnons les coupes figure 12, C, p. 91), tout est disposé pour que le commandement puisse venir du haut, là où les moyens de défense les plus efficaces étaient déployés, et là, par conséquent, où devait se tenir le Capitaine de la tour au moment de l’attaque. Nos vaisseaux de guerre, avec leurs écoutilles, leurs porte-voix et leurs batteries basses, peuvent donner une idée des moyens de transmission du commandement alors en usage dans les ouvrages de fortification[6].


Fig. 12.
Coupe des Tours d’Entrée du Château.

Couronnement des Murailles. — Hourds saillants. — Tous les couronnements des murailles et des tours du Château élevé vers le commencement du xiie siècle étaient défendus en temps de guerre par des hourds très saillants, car on remarquera que les trous par lesquels passaient les pièces de bois en bascule portant ces hourds, sont doubles, percés à 0 m, 60 environ l’un au-dessus de l’autre, afin de soulager la portée des pièces supérieures recevant le plancher par des corbelets et des liens de charpente. La pose de ces hourds devait être moins expéditive que celle des hourds du xiiie siècle portés par de fortes solives en bascule. Toutefois elle pouvait se faire sans trop de difficulté en supposant les liens assemblés par embrèvement, sans tenons ni mortaises, ce qui, du reste, eût été inutile, puisque les pièces de bois traversant les murs étaient parfaitement fixes et ne pouvaient dévier ni à droite ni à gauche. Un charpentier (fig. 13, p. 95), à cheval sur la solive horizontale supérieure, adossé à la muraille, pouvait assembler le lien par le côté à coups de maillet, en ayant le soin de le retenir préalablement à l’aide d’un bout de corde[7].


Fig. 13.
La Pose des hourds.

Les trous des solives dans les crénelages du Château, étant plus petits que ceux des constructions datant du xiiie siècle, expliquent ce surcroît de précautions, destiné à empêcher les bois en bascule de fléchir à leur extrémité. On observera encore que les créneaux du Château sont hauts (2 mètres), c’est que le plancher des hourds était posé à la base même de ces créneaux, au lieu d’être, comme au xiiie siècle, posé à 0 m. 30 au-dessus du sol de chemin de ronde. Il fallait donc passer par ces créneaux comme par autant de portes et leur donner une hauteur suffisante pour que les défenseurs pussent se tenir debout dans les galeries des hourds.

Linteaux en béton. — Nous ne devons pas passer sous silence un fait très curieux touchant l’histoire de la construction. La plupart des portes et fenêtres des tours du Château, du côté de la cour, sont couronnées par des linteaux en béton. Ces pierres factices ont beaucoup mieux résisté aux agents atmosphériques que les pierres de grès ; elles sont composées d’un mortier parfaitement dur, mêlé de cailloux concassés de la grosseur d’un œuf, et ont dû être façonnées dans des caisses de bois. Après avoir observé en place quelques-uns de ces linteaux, mon attention ayant été éveillée, j’ai retrouvé une assez grande quantité de ces blocs de béton dans les restaurations extérieures des murailles des Visigoths entreprises au xiie siècle. Il semblerait que les constructeurs de cette dernière époque, lorsqu’ils avaient besoin de matériaux résistants d’une grande dimension relative, aient employé ce procédé qui leur a parfaitement réussi ; car aucun de ces linteaux ne s’est brisé, comme il arriva fréquemment aux linteaux de pierre.

Intérieur du Château. — Après avoir franchi la Porte du Château, on entre dans une cour spacieuse, entourée aujourd’hui de constructions modernes qui ont été accolées aux courtines et tours. Ces constructions ont été élevées sur l’emplacement de portiques datant du xiiie siècle et dont on retrouve toutes les amorces. Des traces d’incendie sont apparentes sur les parements des constructions du xiie siècle, et font supposer que ces portiques ont remplacé des constructions de bois garnissant l’intérieur de la cour avant les restaurations entreprises par Louis IX et Philippe le Hardi. Du côté de l’est et du nord les murailles n’étaient doublées que par un simple portique.

Du côté sud, s’élève un bâtiment dont toute la partie inférieure date du xiie siècle et la partie supérieure de la fin du XIIe avec remaniement au XVe. Ce bâtiment contenait, à rez-de-chaussée, des cuisines voûtées en berceau tiers-point, avec une belle porte plein cintre ouverte dans le pignon. Il sépare la grande cour d’une seconde cour donnant du côté du sud et fermée par une forte courtine du xiie siècle, complètement restaurée au XIIIe.

À cette courtine était accolée une construction présentant un très large portique à rez-de-chaussée, avec salle au premier étage. On voit encore en place, le long de la courtine, tous les corbeaux de pierre qui supportaient le plancher de cette salle, une belle cheminée dont les profils et les sculptures appartiennent à l’époque de Saint Louis ; et, à l’angle de la tour carrée no 31, dite tour Peinte (p. 75), l’amorce des piles du portique inférieur. Une grande fenêtre carrée à meneaux éclairait du côté sud, vers Saint-Nazaire, la grande salle du premier étage. Cette fenêtre est élevée au-dessus du plancher intérieur, et la disposition du plafond qui fermait l’ébrasement est telle, que les projectiles lancés du dehors ne pouvaient pénétrer dans la salle. À l’angle sud-ouest du Château s’élèvent d’énormes constructions, sortes de donjons ou réduits, indépendants les uns des autres, qui commandaient les cours et les dehors. La plus élevée, mais la plus étendue de ces bâtisses, est la tour dite Peinte, no 31.

Front ouest du Château. — Mais c’est sur le front ouest que l’étude du Château de la Cité est particulièrement intéressante. Le côté occidental est celui qui regarde la campagne et qui fait face à la grosse Barbacane no 8, bâtie au bas de l’escarpement.


Phot. Michel Jordy.

La Grande Échauguette du Château.

Pour bien faire comprendre les dispositions très compliquées de cette partie du Château il faut que nous descendions à cette Barbacane et que successivement nous passions par tous les détours si ingénieusement combinés pour rendre impossible l’accès du Château à une troupe armée.

Grande Barbacane extérieure du Château (no 8). — Malheureusement la Barbacane fut démolie en 1816 pour bâtir une usine le long de l’Aude (Usine de l’Île). Cette destruction est à jamais regrettable, car, au dire de ceux qui ont vu ce bel ouvrage, il produisait un grand effet et était élevé en beaux matériaux. C’était une importante défense, communiquant avec le Château, par des rampes fortifiées très habilement conçues au point de vue de la défense de la place. Je n’ai pu retrouver, en fouillant assez profondément, que ses fondations et ses premières assises, ce qui permettait seulement de reconnaître exactement et sa place et son diamètre.

Traces du pourtour de la Barbacane 8, visibles sur le sol de la Place Saint-Gimer, au pied de la Cité.

La Barbacane avait été élevée très probablement sous Saint Louis, comme la plupart des adjonctions et restaurations faites au Château. Elle était percée de deux rangs de meurtrières et était couronnée par un chemin de ronde crénelé avec hourds. Elle n’était point couverte, sa grande étendue ne le permettant guère, mais devait posséder à l’intérieur des galeries de bois facilitant l’accès aux meurtrières, et formant un abri pour les défenseurs.

La porte était percée dans l’angle rentrant, côté du nord, sur le flanc de la Grande Caponnière qui monte à la Cité (fig. 14) en B’[8].


Fig. 14.
Plan Général des Défenses du Château.

Un plan de la Cité et de la Ville de Carcassonne, relevé en 1774, antérieurement par conséquent à la destruction de la Barbacane, mentionne, dans la légende, un grand souterrain existant sous le boulevard de la Barbacane, mais depuis longtemps comblé. Je n’ai pu retrouver la trace de cette construction, à l’existence de laquelle je ne crois guère. Si ce souterrain a jamais existé, il devait établir une communication entre la Barbacane et le moulin fortifié dit du Roi, afin de permettre à la garnison du Château d’arriver à couvert jusqu’à la rivière.

La Grande Caponnière et Défenses du Château. — Cette Caponnière ou montée, fortifiée des deux côtés, est assez étroite à sa base près de la Barbacane. Elle s’élargit en E jusqu’au point où, formant un coude, elle se dirige perpendiculairement au front du Château, afin d’être enfilée par les assiégés postés sur les chemins de ronde de la double enceinte ou dans le Château même ; puis, ayant atteint le pied de l’enceinte, la Caponnière se détourne en E’ à droite, longe cette enceinte du nord au sud, pour atteindre une première porte dont il ne reste que les pieds-droits. Ces rampes E sont crénelées à droite et à gauche. Leur montée est coupée par des parapets chevauchés. En F était un mur de garde en avant de la première porte ; ayant franchi cette première porte, on devait longer un deuxième mur de garde, passer par une barrière, se détourner brusquement à gauche, et se présenter devant une deuxième porte G, en étant battu de flanc par les gens de la deuxième enceinte. Alors on se trouvait devant un ouvrage considérable et bien défendu ; c’est un couloir long, surmonté de deux étages, sous lesquels il fallait passer.

Le premier de ces étages battait la porte G et était percé de mâchicoulis s’ouvrant sur le passage ; le deuxième étage était en communication avec les crénelages supérieurs, battant soit la rampe, soit l’espace G. Le plancher du premier étage ne communiquait avec les Lices que par une porte étroite. Si l’ennemi parvenait à occuper cet étage, il était pris comme dans une souricière, car, la petite porte fermée sur lui, il se trouvait exposé aux projectiles tombant des mâchicoulis du deuxième étage ; et l’extrémité du plancher de ce premier étage étant interrompue en H, du côté opposé à l’entrée, il était impossible à cet assaillant d’avancer. S’il parvenait à franchir sans encombre le couloir à rez-de-chaussée, il était arrêté par la porte H, percée dans une traverse couronnée par les mâchicoulis du troisième étage, communiquant avec les chemins de ronde supérieurs du Château. Si, par impossible, les assiégeants s’emparaient du deuxième étage, ils ne trouvaient d’autre issue qu’une petite porte latérale donnant dans une salle établie sur des arcs, en dehors du Château, et ne communiquant avec l’intérieur que par des détours qu’il était facile de barricader en un instant et qui d’ailleurs étaient fermés par des vantaux. Si, malgré tous ces obstacles accumulés, les assiégeants forçaient la troisième porte H, il leur fallait alors attaquer la poterne I du Château, protégée par un système de défense formidable : des meurtrières, deux mâchicoulis placés l’un au-dessus de l’autre, un pont avec plancher mobile, une herse et des vantaux. Se fût-on emparé de cette porte, qu’on se trouvait à 7 mètres en contre-bas de la Cour intérieure L, à laquelle on n’arrivait que par des degrés étroits, défendus, et en passant à travers plusieurs portes en K.

En supposant que l’attaque fût poussée par les Lices du côté de la Porte de l’Aude, on était arrêté par un poste T et par une porte avec ouvrages de bois et un double mâchicoulis percé dans le plancher d’un étage supérieur communiquant avec la grande salle sur N du Château, au moyen d’un passage de charpente qui pouvait être détruit en un instant ; de sorte qu’en s’emparant de cet étage supérieur on n’avait rien fait (voir Courtine entre 31 et 37).

Si après avoir franchi l’ouvrage T, on poussait plus loin sur le chemin de ronde, le long de la tour carrée S, on rencontrait bientôt une garde avec porte bien munie de mâchicoulis et bâtie perpendiculairement au couloir G H. Après cette porte, c’était une troisième porte étroite et basse percée dans la grosse traverse Z qu’il fallait franchir ; puis, on arrivait à la poterne I du Château.

Si, au contraire, l’assaillant se présentait du côté opposé par les Lices du nord, il était arrêté par une défense V, mais de ce côté l’attaque ne pouvait être tentée, car c’est le point de la Cité qui est le mieux défendu par la nature. La grosse traverse Z qui, partant de la courtine du Château, s’avance à angle droit jusque sur la montée de la grande Barbacane extérieure, était couronnée par des mâchicoulis transversaux qui commandaient la porte H et par une échauguette crénelée qui permettait de voir ce qui se passait dans la Caponnière, afin de prendre les dispositions intérieures nécessaires, ou de reconnaître les corps amis.

Cette partie des fortifications de la Cité de Carcassonne est certainement la plus intéressante. C’est en examinant scrupuleusement les moindres traces des constructions encore existantes, que l’on a pu reconstituer ce bel ouvrage. Je dois dire, toutefois, que peu de points restent vagues et que le système de la défense ne présente pas de doutes. Il s’accorde parfaitement avec les dispositions naturelles du terrain, et les vestiges sont encore pleins de fragments qui donnent non seulement la disposition des constructions de pierre, mais encore les attaches, prises et scellements des constructions de bois, des planchers et gardes.

Une vue cavalière du Château et de la Barbacane restaurés, que nous donnons ci-après (fig. 15), présente l’ensemble de ces ouvrages.


Fig. 15.
Vue cavalière
du Château et de la Barbacane (8) restaurés.


IV. — ÉGLISE DE SAINT-NAZAIRE
Ancienne Cathédrale

Cette église se compose d’une nef dont la construction remonte à la fin du xie siècle ou au commencement du XIIe, et d’un transept avec abside et chapelles, datant du commencement du xive siècle.


Phot. Michel Jordy.

Église Saint-Nazaire.

Du côté sud-ouest, la muraille des Visigoths venait longer la façade ouest de l’église cathédrale de Saint-Nazaire (fig. 16). Cette façade, élevée, comme nous l’avons dit, à la fin du xie siècle ou au commencement du XIIe n’est qu’un mur fort épais sans ouverture dans la partie inférieure. Elle dominait l’enceinte Visigothe et augmentait sa force sur ce point attaquable. Son couronnement consistait en un crénelage dont nous avons retrouvé les traces et que nous avons pu rétablir dans son intégrité.

Les fortifications de Philippe le Hardi laissèrent entre elles et cette façade (fig. 16) un large espace et la défense supérieure de la façade de Saint-Nazaire demeura sans objet puisqu’elle ne commandait plus les dehors.

En 1096, le pape Urbain II vint à Carcassonne pour rétablir la paix entre Bernard Aton et les bourgeois qui s’étaient révoltés contre lui et il bénit l’église cathédrale (Saint-Nazaire), ainsi que les matériaux préparés pour l’achever. C’est à cette époque en effet que l’on peut faire remonter la construction de la nef de cette église.

Nous n’entreprendrons pas une discussion sur les édifices qui ont pu précéder l’église que nous voyons aujourd’hui, et dont les parties les plus anciennes ne remontent pas au delà de l’année 1090. Nous n’essayerons pas davantage de pénétrer les motifs qui firent reconstruire le sanctuaire, le transept et les chapelles au commencement du xive siècle, les documents historiques faisant absolument défaut. Mais, ce qui est certain, c’est que ces constructions du xive siècle ont été relevées sur les fondations romanes retrouvées partout, et notamment dans la Crypte du xie siècle que nous avons découverte sous le sanctuaire, en 1857, et qui fut alors déblayée. Seules, les voûtes de cette crypte avaient été détruites pour abaisser le sol de ce sanctuaire au xive siècle. Elles ont été remplacées par un plafond de pierre qui laisse apercevoir les anciennes piles et les murs percés de petites baies.

La nef romane présente une disposition qui a été adoptée assez fréquemment dans les églises provençales et du bas Languedoc. La voûte centrale, en berceau avec arcs-doubleaux, est contre-butée par les voûtes également en berceau, couvrant les collatéraux très étroits. Cette nef n’est donc éclairée que par les fenêtres des murs latéraux.

Une porte plein cintre, datant du commencement du xiie siècle, s’ouvre dans le bas-côté nord ; car autrefois la façade occidentale de la nef, ainsi que nous l’avons dit précédemment, était voisine des remparts et contribuait à leur défense. Sa base était seulement percée d’une très petite porte qui s’ouvrait dans un couloir dont on aperçoit les amorces.

Vers 1260 fut accolée au flanc sud du transept roman, une chapelle dont le sol est au niveau du pavé de l’ancien cloître, c’est-à-dire à 2 mètres environ au-dessous du sol de l’église. Cette chapelle renferme le tombeau de l’évêque Radulphe, dont l’inscription donne la date de 1266, comme étant celle de la mort du prélat. C’est sur les instances de cet évêque que les habitants des faubourgs de la Cité, proscrits à la suite du siège entrepris par le vicomte Raymond de Trencavel, furent autorisés à rebâtir leur ville de l’autre côté de l’Aude. Ce tombeau est un monument fort intéressant, bien que la figure du personnage, traitée en bas-relief, soit médiocre ; le simulacre du sarcophage qui la porte donne une série de figurines d’une conservation parfaite, représentant les chanoines de la Cathédrale dans leur costume de chœur. Ce soubassement est intact, car le sol de la chapelle ayant été relevé au niveau de celui du transept, les parties inférieures du monument sont restées enterrées pendant des siècles et ont été ainsi préservées des mutilations.

Le chœur, le transept et les chapelles de la Cathédrale ont été élevés sous l’épiscopat de Pierre de Roquefort, de 1300 à 1320. Le plan roman a été suivi dans la construction de cette partie de l’église, et c’est pourquoi les deux bras de ce transept présentent une disposition originale qui appartient seulement à quelques édifices de l’école romane du Midi, antérieure au xiiie siècle.

En effet, sur chacun de ces bras de la croix s’ouvrent trois chapelles orientées, séparées seulement par des claires-voies au-dessus d’une arcature de soubassement aveugle. Quatre des piliers qui forment la séparation de ces chapelles sont cylindriques comme pour rappeler ceux de la nef du xiie siècle.

L’évêque Pierre de Roquefort sembla vouloir faire de sa Cathédrale de Saint-Nazaire, si modeste comme étendue, un chef-d’œuvre d’élégance et de richesse. Contrairement à ce que nous voyons à Narbonne, où la sculpture fait complètement défaut, l’ornementation est prodiguée dans l’église de Saint-Nazaire. Les verrières, immenses et nombreuses (car ce chevet et ce transept semblent une véritable lanterne), sont de la plus grande magnificence comme composition et couleur. Le sanctuaire, dont les piliers sont décorés des statues des Apôtres, était entièrement peint.

Les deux chapelles latérales de l’extrémité de la nef, au nord et au sud, ne furent probablement élevées qu’après la mort de Pierre de Roquefort, car elles ne se relient point au transept comme construction, et, dans l’une d’elles, celle du nord, est placé, non pas après coup, le tombeau de cet évêque, l’un des plus gracieux monuments du xive siècle que nous connaissions.

Les grands vents du sud-est et de l’ouest qui règnent à Carcassonne avaient fait ouvrir la porte principale sur le flanc nord de la nef romane ; une autre porte est percée dans le pignon du bras de croix nord ; et dans l’angle de ce bras de croix est un joli escalier en forme de tourelle saillante. Des deux côtés du sanctuaire, entre les contre-forts, sont disposés deux petits sacraires qui ne s’élèvent que jusqu’au-dessous de l’appui des fenêtres. Ces sacraires sont munis d’armoires doubles, fortement ferrées et prises aux dépens de l’épaisseur des murs. Ils servaient de trésors, car il était l’usage de placer, des deux côtés du maître autel des églises abbatiales ou cathédrales, des armoires destinées à renfermer les vases sacrés, les reliquaires et tous les objets précieux.

Outre les tombeaux des évêques Radulphe et Pierre de Roquefort on voit, sur les parois du sanctuaire, côté de l’évangile, un beau tombeau en albâtre d’un évêque dont la statue est couchée sur un sarcophage et que l’on dit être Simon Vigor, archevêque de Narbonne, mort à Carcassonne en 1575. Ce tombeau et la statue datant du xive siècle ne peuvent, par conséquent, être attribués à ce prélat. Nous signalerons une autre erreur. On a placé dans l’église de Saint-Nazaire une dalle funéraire que l’on donne comme ayant appartenu au tombeau du fameux Simon de Montfort. D’abord le tombeau de Simon de Montfort fut élevé près de Montfort-l’Amaury, dans l’église de l’abbaye des Hautes-Bruyères, et, s’il y eut jamais à Carcassonne un monument dressé à sa mémoire, après la levée du siège de Toulouse, ce ne pourrait être une dalle funéraire. Puis la gravure de cette dalle, l’inscription, sont tracées par un faussaire ignorant et inhabile. Toutefois, cette dalle ayant été retrouvée, dit-on, sans qu’on ait su exactement où et comment, et donnée à l’église de Saint-Nazaire, nous n’avons pas cru devoir la rejeter.

On voit, incrusté dans la muraille de la chapelle de droite, un fragment d’un bas-relief d’un intérêt plus sérieux en ce qu’il présente l’attaque d’une place forte. Ce fragment, quoique d’un travail très-grossier, date de la première moitié du xiiie siècle. L’assaillant essaye de forcer les Lices d’une ville entourée de murailles, et les assiégés font jouer un mangonneau. On a cru voir dans ce bas-relief une représentation de la mort de Simon de Montfort, tué devant les murs de Toulouse par la pierre d’un engin servi par des femmes, sur la place de Saint-Sernin. L’hypothèse n’a rien d’invraisemblable, ce bas-relief datant de l’époque de ce siège, et des anges enlevant dans les airs l’âme d’un personnage, sous la forme humaine, qui peut bien être celle de Simon de Montfort.

Parmi les plus belles verrières qui décorent les fenêtres de la Cathédrale de Saint-Nazaire, il faut citer celle de la première chapelle près du sanctuaire, côté de l’épître, et qui représente le Christ en croix, avec la tentation d’Adam, des prophètes tenant des phylactères sur lesquels sont écrites les prophéties relatives à la venue et à la mort du Messie. Ce vitrail, comme entente de l’harmonie des tons, est un des plus remarquables du xive siècle. Toutes les autres verrières à sujets légendaires datent de cette époque. Mais dans le sanctuaire, il

existe deux fenêtres garnies, au xvie siècle, de

Fig. 16. — Plan général de la Cité.
vitraux d’une grande valeur qui appartiennent à

la belle École Toulousaine de la Renaissance. Les grisailles sont modernes et ont été fabriquées à l’aide des fragments anciens qui existaient encore. Les vitraux des deux roses et des deux chapelles de la nef sont anciens et ont été simplement restaurés avec le plus grand soin.

La sacristie, jointe à la chapelle de l’évêque Radulphe, a été construite en même temps que cette chapelle, puis réparée au xve siècle.


L’ÉVÊCHÉ. — LE CLOÎTRE

Quant aux bâtiments de l’Évêché, ils sont complètement rasés ; il n’en est pas de même du cloître de l’église Saint-Nazaire, dont les fondations ont été retrouvées. Ces fondations, et un mur de ce cloître, conservé avec les piles engagées et les formerets des voûtes, se rapportent aux tracés des vieux plans de la Cité, dans lesquels ce cloître et ses dépendances sont indiqués. Cette construction date de l’époque de Saint Louis. (Voir Escalier du Cloître, page 21).


V. — INTÉRIEUR DE LA CITÉ

Il n’existe plus, dans l’intérieur de la Cité, que quelques débris des maisons anciennes et trois puits. L’un large, avec belle margelle surmontée de trois piliers, margelle et piliers qui datent du xive siècle. Ce puits a été creusé dans le roc dès une époque très ancienne (le Grands Puits), l’autre, beaucoup plus étroit, dont la margelle date du xve siècle (le Puits du Plô), le troisième, dans le cloître de Saint-Nazaire (aujourd’hui comblé). Il devait exister des Citernes dans la Cité, car ces trois puits et ceux établis dans quelques-unes des tours, ainsi qu’on l’a vu, ne pouvaient suffire aux besoins de la garnison et des habitants. Une seule de ces citernes a été découverte par nous ; elle est creusée sous la montée de la porte de l’Aude, entre les deux enceintes. On y descend par un escalier, pratiqué dans l’épaisseur du mur de la première enceinte, et on pouvait puiser l’eau qu’elle contenait par un regard avec margelle que l’on voit le long de ce mur en montant à la porte de l’Aude. Cette citerne est aujourd’hui comblée en partie : elle devait être alimentée par les eaux de pluies recueillies entre la porte de l’Aude et le cloître de Saint-Nazaire, et peut-être par une source qui aujourd’hui ne donne que très peu d’eau (voir Avant-Porte de l’Aude, page 47).

Une petite église existait le long des murailles, près de la Porte Narbonnaise ; c’était l’église de Saint-Sernin, dont la tour no 53 formait l’abside. Au xve siècle, une fenêtre à meneaux fut ouverte dans cette abside, à travers la maçonnerie Visigothe. L’église fut démolie pendant le dernier siècle ; elle était de construction romane (voir Tour Saint-Sernin, no 53).

CONCLUSIONS

Cette description sommaire de la Cité de Carcassonne peut faire comprendre l’importance de ces restes, l’intérêt qu’ils présentent et combien il importait de ne pas les laisser périr. L’église de Saint-Nazaire a été complètement restaurée par les soins de la Commission des monuments historiques. Ces travaux, entrepris en 1844, n’ont été terminés qu’en 1860. Toutes les tours de l’enceinte intérieure, découvertes depuis un grand nombre d’années, et particulièrement celles qui sont voûtées, avaient beaucoup souffert des intempéries de l’atmosphère. Longtemps ces ruines ont été abandonnées aux habitants de la Cité, qui ne se faisaient pas faute d’enlever les matériaux des parapets et des chemins de ronde à leur portée, et de se servir des tours comme de dépôts d’immondices. La circulation, sur le chemin de ronde, était très difficile. Sur le front sud, un grand nombre de maisons et de baraques s’adossaient aux remparts. Ces maisons, qui composent ce qu’on appelle encore aujourd’hui le quartier des Lices, sont occupées par une population pauvre de tisserands qui vivent dans des rez-de-chaussée humides, pêle-mêle avec des animaux domestiques[9].

Depuis 1855, des travaux de restauration, et principalement de consolidation et de couverture des tours, ont été entrepris dans la Cité de Carcassonne sous la direction supérieure de la Commission des monuments historiques.

Chaque année, depuis cette époque, des crédits sont ouverts pour restaurer les parties de l’enceinte qui souffrent le plus et qui présentent le plus d’intérêt. La plupart des tours de l’enceinte intérieure sont couvertes comme elles l’étaient jadis. Des pans de murs qui menaçaient ruine, particulièrement du côté de la Porte de l’Aude, ont été remontés et consolidés, les chemins de ronde sont praticables. De leur côté, l’administration de la guerre, le Conseil général de l’Aude et la Ville de Carcassonne accordent des crédits qui sont spécialement affectés aux acquisitions des maisons adossées encore aux remparts.

Bien que les crédits disponibles soient faibles chaque année, cependant le résultat obtenu est considérable et les nombreux étrangers qui visitent aujourd’hui la Cité de Carcassonne peuvent se faire une idée exacte du système de défense employé dans les fortifications des diverses époques du moyen âge.

Je ne sache pas qu’il existe nulle part en Europe un ensemble aussi complet et aussi formidable de défenses des VIe, XIIe et XIIIe siècles, un sujet d’étude aussi intéressant, et une situation plus pittoresque.

Tous ceux qui tiennent à nos anciens monuments, qui aiment et connaissent l’histoire de notre pays, désirent voir achever cette restauration, et déjà, dans le Midi, la Cité de Carcassonne, à peine visitée autrefois, est devenue le point d’arrêt de tous les voyageurs.


  1. Des fouilles nous ont permis de reconnaître les fondations de cette enceinte sur les points où elle a été supprimée, à la fin du xiiie siècle, pour augmenter le périmètre de la Cité.
  2. On a vu que le sénéchal Guillaume des Ormes se félicite d’avoir pu reprendre le faubourg de Graveillant, dans lequel se trouvait une provision de bois qui fut très utile aux assiégés.
  3. À Toulouse, assiégé par Simon de Montfort, les habitants augmentent sans cesse les défenses de la ville :

    E parec ben a lobra e als autres mestriers
    Que de dins et defora ac aitans del obriers
    Que garniron la vila els portals els terriers,
    Els murs e las bertrescas els cadafalcs dobliers
    Els fossatz e las lissas els pons els escaliers
    E lains en Toloza ac aitans carpentiers. »

    Ces cadafalcs dobliers sont des hourds doubles.

    Voyez Poëme de la Croisade contre les Albigeois, Collection des documents inédits de l’Histoire de France.

  4. Des restaurations malencontreuses ont fait disparaître cet arc. (N. des E.).
  5. Une table d’orientation, placée par les soins du Touring-Club, occupe aujourd’hui la plate-forme de cette tour. (N. des E.).
  6. Dans la figure 12, la coupe transversale est tracée en A. En I est l’extrémité du pont fixe ; en B, le fossé couvert par un pont volant ; en C, la première herse avec son treuil en E ; en D, la deuxième herse avec son treuil en F ; en G, les trous des hourds. En H est tracée la coupe longitudinale sur le passage et les salles voûtées.
  7. Du chemin de ronde, les charpentiers faisaient couler par le trou inférieur une première pièce A, puis une seconde pièce B, en bascule. L’ouvrier, passant par le créneau, se mettait à cheval sur cette seconde pièce B, ainsi que l’indique le détail perspectif B’, puis faisait entrer le lien C dans son embrèvement. La tête de ce lien était réunie à la pièce B par une cheville ; un potelet D, entré de force par derrière, roidissait tout le système. Là-dessus, posant des plats-bords, il était facile de monter les doubles poteaux E entre lesquels on glissait les madriers servant de garde antérieure, puis on assujettissait la toiture qui couvrait le hourd et le chemin de ronde, afin de mettre les défenseurs à l’abri des projectiles lancés à toute volée. Des entailles G, ménagées entre les madriers, permettaient de viser.
  8. Notre figure 14 fait voir en C la Barbacane du côté de la ville avec sa porte en A’ ; en O la Porte du Château ; en L, la grande cour ; en P, le logis contenant les cuisines, en M, la deuxième cour avec le portique N sur lequel est établie la grande salle ; en Q et R, les logis, donjons ; en D, la grande Barbacane extérieure et en X et Y les tours du xiie siècle.
  9. Toutes ces maisons sont aujourd’hui démolies. Les Lices, ainsi dégagées et aplanies, offrent une promenade des plus intéressantes. (N. des E.).