La Femme et le Féminisme avant la Révolution/I/7

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Éditions Ernest Leroux (p. 263-302).

CHAPITRE VII
LA FEMME ET LA VIE RELIGIEUSE
i. Les religieuses. Nombre des religieuses. Diverses communautés. Leurs ressources. — ii. Organisation intérieure. L’ordre de Remiremont. — iii. La vie des religieuses. Soucis mondains. — iv. Rôle dans l’instruction des filles et l’organisation de la charité. — v. Décadence de l’esprit religieux. — vi. Les femmes et la vie religieuse. — vii. Les femmes et la diffusion du jansénisme dans la bourgeoisie. — viii. La résistance passive des femmes protestantes. — ix. Les femmes dans la Franc-Maçonnerie.
i. Les Religieuses

Comme la noblesse et le Tiers-État, l’ordre du clergé est représenté parmi les femmes. Naturellement, en vertu des canons de l’Église qui, depuis le ve siècle, interdisent à la femme d’être investie des ordres sacrés, seul le clergé régulier compte des éléments féminins. Ils entrent d’ailleurs en une proportion assez considérable dans la constitution du clergé régulier.

Quel était le nombre des religieuses à la veille de la Révolution ? les indications que nous possédons sont assez imprécises.

En 1670, un abbé dénombre les ecclésiastiques de France et évalue le nombre des religieuses à 80 000 sur 206 000 ecclésiastiques[1].

Au milieu du xviiie siècle, l’abbé Expilly, tout en évaluant le nombre des clercs à 406 482, donne, pour les religieuses, le même chiffre, 80 000. Il semble bien d’ailleurs que, tant pour le chiffre global que pour les évaluations sur le nombre des membres de chaque ordre religieux, l’abbé Expilly ait copié à peu près exactement les chiffres de son prédécesseur. Or, celui-ci écrit avec la préoccupation de montrer que le nombre des ecclésiastiques de France est trop considérable. Il est donc porté à exagérer tous les chiffres. D’autre part, le Comité ecclésiastique de la Constituante évalue, en 1789, le nombre des religieuses à 37 000[2].

On peut admettre cependant que ce dernier chiffre est un peu faible et que, si l’on se place à l’époque où écrit l’abbé Expilly, le nombre des religieuses était plus considérable. Il semble qu’on puisse les évaluer à 50 000 ou 60 000. Et, comme au cours du xviiie siècle, un assez grand nombre d’ordres étaient en pleine décadence et s’appauvrissaient, on peut s’expliquer ainsi les chiffres plus faibles relevés par le Comité ecclésiastique.

Les principaux ordres religieux féminins étaient : les religieuses de Saint-Augustin ou Augustines (au nombre de 15 000, d’après les évaluations d’Expilly), les religieuses de Sainte-Claire ou Clarisses (au nombre de 12 500), les religieuses de l’ordre de Cîteaux (10 000), les Ursulines (8 000), les Bénédictines (8 000), les Visitandines (7 000), les Carmélites (3 000).

Elles étaient groupées en 253 abbayes et 64 prieurés, auxquels il fallait ajouter les 24 chapitres de chanoinesses qui, nous allons le voir, bénéficiaient d’une organisation et de privilèges spéciaux. Ces abbayes, prieurés ou chapitres, comme le clergé régulier masculin, possédaient des biens assez importants mais qui, cependant, ne représentaient qu’une assez faible part de ceux du clergé.

L’abbé Expilly, qui portait à 119 millions le revenu des biens du clergé, n’évalue qu’à 3 700 500 livres le total des revenus des abbayes, prieurés et chapitres de chanoinesses[3]. C’est que 13 308 religieuses seulement (d’après Expilly) vivaient des revenus de leur domaine. Et toutes les autres appartiennent à des ordres mendiants qui ne possèdent pas de biens (tel est le cas des Visitandines, des Ursulines, des Clarisses). Il faut ajouter, il est vrai, à ces revenus, 8 millions qui constituent les revenus des hôpitaux.

Les terres possédées par les abbayes sont de véritables tenures féodales. Elles constituent des domaines dont dépendent des seigneureries vassales et sur lesquelles vivent un assez grand nombre de paysans, libres le plus souvent, parfois mainmortables. Un très grand nombre des déclarations de foi et d’hommage que nous relevons dans les archives provinciales sont adressés aux abbesses de différentes abbayes, particulièrement des abbayes bénédictines[4].

L’abbesse des Bénédictines de Saintes, l’abbesse de Saint-Laurent de Bourges, l’abbesse de Montivilliers, l’abbesse de Fontevrault, l’abbesse de Jouarre ont encore, au xviiie siècle, de grands domaines et des vassaux nombreux.

L’abbesse de Fontevrault, celle de Saintes sont, à ce point de vue, particulièrement favorisées. L’abbesse de Saintes qui, jusqu’au xve siècle, avait exercé le droit de battre monnaie, restait encore à la veille de la Révolution un important seigneur féodal. Ses domaines s’étendaient sur une grande partie du département actuel de la Charente-Inférieure (canton de Saintes, de Marennes, Saint-Laurent-du-Gua, Cormes, Pont-l’Abbé, Île d’Aix). Elle y avait un droit de juridiction dont elle déléguait l’exercice à des prévôts nommés par elle. Au-dessous, des sergents, nommés par elle également, exerçaient le droit de justice dans chaque chatellenie[5].

Mais les abbesses de Saintes et de Fontevrault étaient loin d’avoir l’importance et l’éclat des abbesses de Remiremont. Celles-ci, à la tête d’un ordre qui n’avait guère de religieux que le nom, possèdent des domaines dispersés dans toute la Lorraine (trois évêchés et Lorraine ducale), une partie de l’Alsace et de la Franche-Comté. L’abbesse de Remiremont perçoit les redevances sur plus de 200 villages ou hameaux, nomme à plus de 100 cures situées dans les diocèses de Besançon, Toul, Bâle, Châlons-sur-Saône[6].

Princesse du saint Empire romain germanique, elle tient un rang quasi royal ; les jours de grande cérémonie, elle sort sous un dais de velours, crosse d’or en main. À sa mort toutes les églises de ses domaines sonnent le glas pendant vingt-quatre jours.

Elle exerce le droit de haute, de basse et de moyenne justice en son tribunal qui se tient à Remiremont et a su maintenir ses droits malgré les prétentions contraires des ducs de Lorraine[7]. Longtemps elle a possédé le droit de nommer le maire de toutes les localités qui dépendent de ses domaines. Elle a sans doute, depuis le xviie siècle, perdu ce droit pour Remiremont ; du moins l’élection du maire de cette dernière ville doit se faire en présence de l’abbesse.

Enfin, elle reçoit solennellement et suivant les formes traditionnelles l’hommage pour les seigneureries de Val d’Ajol, de Fougerolles, de Bruyères, de Bains, de Plombières, de Longchamps, qui dépendent de l’abbaye. L’abbaye de Remiremont, mieux encore que l’abbaye de Fontevrault et l’abbaye de Saintes ou l’abbaye de Jouarre, est donc bien, à la veille de la Révolution, une survivance des puissantes abbayes du moyen-âge dont les chefs, hommes ou femmes, tenaient une place si importante dans la hiérarchie féodale.

Mais seules les Bénédictines, les religieuses appartenaient à l’ordre de Cîteaux, les chanoinesses et les chevalières de Malte possèdent des terres et des revenus. Les autres ordres fondés depuis le xvie siècle et destinés plus particulièrement soit à la contemplation (Carmélites), soit au soin des malades et à l’instruction des femmes (Visitandines, Ursulines, religieuses de Saint-Vincent-de-Paul, Dames de la Charité), ne possèdent pas de terres et vivent des dons que leur font les personnes pieuses ou des revenus des établissements hospitaliers auxquels elles sont attachées.

D’ailleurs, au cours du xviiie siècle, la piété générale devenant de moins en moins vive, les communautés religieuses s’appauvrissent. À la veille de la Révolution, si l’on en excepte celles qui sont groupées en abbayes d’où relèvent de grands domaines terriens et des communautés de nature particulière, comme celle de Saint-Cyr, dont les domaines s’accroissent sans cesse, la plupart sont dans une situation voisine de la misère.

Sans doute, on trouve encore quelques riches abbayes ; dans le diocèse de Paris : Chelles (Bénédictines) ; l’abbaye du Bois (Cîteaux), le Val-de-Grâce (Bénédictines), le Panthémont (Cîteaux) sont pourvues, la première de 30 000, la deuxième de 23 000, la troisième de 20 000, la dernière de 57 000 livres de revenus[8] ; dans le diocèse de Meaux, les abbayes de Farmoutiers et de Jouarre (Bénédictines), pourvues respectivement de 20 000 et de 50 000 livres[9] ; dans le diocèse de Reims, les Bénédictines de Saint-Pierre, dont le revenu est de 35 000 livres[10] ; dans le diocèse de Lyon, les Bénédictines de Saint-Pierre, pourvues de 40 000 livres[11]. L’abbaye de Remiremont avait un revenu de 30 000 livres, celle de Fontevrault de 80 000 livres. Mais la plupart des communautés, qu’elles soient de l’ordre de Cîteaux ou de Saint-Benoît, ont de maigres revenus qui n’excèdent pas 5 à 6 000 livres. Il en est (Notre-Dame-des-Prés, à Troyes ; Le Bue, près de Périgueux) qui doivent vivre avec 2 500 ou 2 000 livres. La plupart des communautés bretonnes sont très pauvres[12]. Il est bien difficile à des communautés qui groupent souvent 20 ou 30 femmes de vivre avec ces maigres revenus et elles doivent demander des ressources « aux aumônes des fidèles, aux rétributions scolaires de leurs élèves, au travail de leurs hospitalisés[13] ».

La pauvreté générale des couvents de femmes est une des causes, entre autres, qui permettra, en 1790, la dispersion de ces communautés.

ii. Organisation intérieure

Le gouvernement des communautés varie suivant les ordres. Les Bénédictines de Cîteaux, les religieuses de Fontevrault, les chanoinesses de Remiremont ont à leur tête une abbesse. Celle-ci, théoriquement élue par les religieuses, réunies en assemblée, est le plus souvent nommée par le roi qui la désigne au suffrage de la communauté. L’évêque a d’ailleurs le droit de présider en envoyant un procureur qui, assistant aux délibérations des religieuses à travers grille, en enregistre le résultat.

Les Carmélites n’ont pas d’abbesses, mais seulement une prieure. Leurs privilèges s’étendent d’ailleurs non seulement à l’élection de cette prieure, mais à l’élection du supérieur ou recteur qui est le chef suprême de chaque communauté.

Les autres communautés ont seulement à leur tête une supérieure, élue par les sœurs.

Les pouvoirs des abbesses, qui ont été très grands au moyen-âge, restent encore assez vaste. Au point de vue temporel, il est vrai, ces pouvoirs ont beaucoup décliné à l’époque moderne. Sans doute, les abbesses de Remiremont, de Saintes, de Fontevrault, les premières surtout, restent-elles de puissants personnages ayant autorité sur de vastes domaines ; mais la plupart des abbesses n’ont, dans ce qui regarde l’administration même de leurs domaines, qu’une indépendance très relative. Leur évêque, le roi semblent exercer sur elles un assez actif contrôle. L’abbesse de Notre-Dame de Joye (près d’Hennebont) doit demander au contrôleur général Orry l’autorisation de vendre le blé qu’elle a récolté sur ses terres et dont le produit servira à faire réparer les cloîtres qui tombent en ruines[14].

D’autre part, les évêques se réservent la surveillance de la gestion temporelle comme de la gestion spirituelle. L’abbesse de Saint-Georges (près d’Hennebont) est en conflit avec son évêque pour avoir acheté un terrain sans sa permission. Une décision de l’évêque fait même priver l’abbesse de l’administration du temporel.

Il y a donc loin de ces abbesses à celles qui furent de véritables souveraines.

Quant à leurs pouvoirs spirituels, ils sont naturellement fort restreints par l’interdiction qui est faite aux femmes d’être investies des ordres religieux et d’exercer le saint ministère.

Les abbesses des plus importants établissements, Remiremont, Fontevrault, par exemple, ont, il est vrai, le droit de nommer les prêtres qui exercent en leur nom les fonctions spirituelles.

De même, elles possèdent la juridiction épiscopale sur les religieux dépendant de leurs domaines. Là se réduisaient leurs fonctions spirituelles. Au moyen-âge, des textes formels ont interdit aux abbesses de confesser leurs religieuses et nous ne voyons pas qu’à l’époque qui nous occupe elles aient cherché à y contrevenir.

L’organisation intérieure des communautés est en général assez peu compliquée. Au-dessous de l’abbesse, une prieure qui l’aide dans l’administration et peut au besoin la suppléer si, pour une raison ou pour une autre (maladie, interdit lancé sur elle par l’évêque), elle est hors d’état de l’exercer. La prieure prend parfois le nom de coadjutrice ou d’assistante[15].

Une économe ou trésorière est chargée de l’administration financière et de la comptabilité.

Dans certaines communautés (Ursulines), la zélatrice seconde l’assistante dans ses fonctions de surveillance générale et elle est, au besoin, chargée de prévenir les autorités ecclésiastiques des manquements à la règle que pourrait tolérer la complaisance de la supérieure[16].

Qu’il s’agisse des communautés anciennes établies au moyen-âge ou des ordres récemment institués il existe, à côté des officières du couvent, une assemblée qui, vis-à-vis de ces officières, pouvoir exécutif, joue un véritable rôle de pouvoir législatif. Cette assemblée se compose de toutes les religieuses, à l’exception des novices. Elle nomme la supérieure, l’économe, l’assistante, la zélatrice et délibère avec elles sur toutes les affaires intéressant la communauté. Cependant, sauf dans des cas bien déterminés, l’assemblée n’est que consultative : elle donne des avis que la supérieure n’est pas obligée de suivre. Ces avis, pris à la pluralité des voix, deviennent impératifs lorsqu’il s’agit d’aliéner les biens du couvent, de recevoir ou d’exclure une sœur[17].

L’ordre de Remiremont a, lui, une organisation plus compliquée. À côté de l’abbesse qui est, en théorie, élue par le chapitre de chanoinesses, mais en réalité par le suzerain, duc de Lorraine ou roi de France, suivant les époques, et qui, souvent établie dans la fonction abbatiale dès le berceau[18], souvent hors de sa résidence, n’exerce la plupart du temps qu’une autorité purement nominale, se trouvent deux hautes dignitaires entre les mains desquelles est placée en fait l’administration : la doyenne et la secrète, l’une et l’autre élues par l’assemblée capitulaire et confirmées par l’abbesse. La doyenne, véritable doublure de l’abbesse, exerce en pratique, pendant les longues absences ou la minorité de l’abbesse, toutes les fonctions et prérogatives de celle-ci (nomination aux offices, présidence du tribunal qui juge les causes civiles, juridiction ecclésiastique). La secrète a en mains toute l’administration financière qui est très importante et parfois dispute à la doyenne l’administration générale de la communauté.

Au-dessous de ces deux dignitaires qui manifestent leur importance en trônant, lors des assemblées, dans les fauteuils semblables à celui de l’abbesse, et seulement un peu moins élevés, se trouvent dix-huit officières, affectées à la direction du chœur et aux revenus de l’Église. Parmi les simples chanoinesses on distingue encore les dames tantes et les dames nièces. Les premières, pourvues d’un bénéfice ou prébende sur les revenus du chapitre, ont droit de désigner une jeune fille pour leur succéder dans tout ou partie de leur bénéfice. C’est l’opération de l’anniècement qui se fait par devant le notaire.

Toutes les chanoinesses, abbesses, officières ou simples dames, tantes ou nièces doivent être nobles et faire preuve de deux cents ans de noblesse.

Aussi ne s’astreignent-elles pas à faire les travaux subalternes de la communauté. Ceux-ci sont confiés à douze aides et à des infirmières non nobles qui, simples sœurs converses, n’ont aucune prébende et n’ont droit à aucune dignité. L’ordre de Remiremont est en effet un ordre aristocratique où toute l’inégalité du monde est maintenue. Il est à remarquer d’ailleurs que, même dans les autres communautés, les novices ne jouissent pas des privilèges des professes et que, dans tel ordre, comme dans celui des Visitandines, les domestiques ne participent pas à la communauté des biens qu’ont mise entre elles les sœurs qui ont apporté leur dot. Ce n’est donc pas dans les couvents de femmes, non plus que dans le reste du clergé masculin ou féminin, qu’il faudrait chercher la pratique de l’égalité.

iii. Vie des religieuses

S’il est facile de connaître l’organisation des religieuses, il est moins facile, sauf exception, de connaître leur vie. Sans doute en avons-nous l’idée d’après les règlements des ordres en communautés. Ils diffèrent, il est vrai, sensiblement entre eux.

Tout près du monde encore, et à peine religieuses, les dames des chapitres nobles. Celles-ci, dont les chanoinesses de Remiremont demeurent le type accompli, ne sont astreintes à presqu’aucune des obligations de la vie monastique, si ce n’est celle du célibat. Elles ne sont pas tenues en effet à la résidence, sauf à un an de stage quand elles deviennent dames nièces, et à un séjour de trois mois par an, porté il est vrai à huit mois pour la doyenne et la secrète, mais dont l’abbesse elle-même se dispense parfois presque totalement.

Le costume est, sauf dans les cérémonies, celui du monde. « Elles sont vêtues, écrit au xvie siècle Montaigne, comme les autres dames, sauf un voile blanc sur la tête, et, à l’église, pendant l’office, un grand manteau qu’elles laissent sur leur siège du chœur[19]. »

Leur existence, brillante et luxueuse, se passe en réception et en fêtes.

La vie commune est une obligation facilement éludée. Point de cellules austères ni de préaux, ni de réfectoire dans l’abbaye de Remiremont, mais des maisons de plaisance disposées autour du cloître et ouverte à tous les bruits, à tous les plaisirs mondains, et où « les compagnies, dit encore Montaigne, sont reçues en toute liberté ».

« Répudier toutes les gênes de la vie religieuse pour n’en garder que les avantages matériels, en réduire les devoirs au célibat temporaire et à la célébration de l’office divin, se débarrasser de la clôture, des trois vœux, de l’habit monastique et de la vie commune. Interdire avec un soin jaloux l’accès de ces riantes demeures à toutes les roturières, faire du bien de l’Église le patrimoine d’une caste, et d’un couvent de Bénédictines un séminaire des filles à marier, et recouvrir toute cette décadence d’un magnifique apparat de culte extérieur et de charité, telle est l’œuvre qu’accomplirent en Lorraine les religieuses des quatre abbayes de Remiremont, d’Epinal, de Pousssay, de Bouxières-aux-Dames[20]. »

Ce tableau de la vie des chanoinesses est, dans ses grandes lignes, fidèle. Les chanoinesses, particulièrement celles de Remiremont, ont en effet réduit au minimum les obligations de la vie religieuse. Sont-elles d’ailleurs encore vraiment des religieuses ? On se l’est demandé à leur époque et depuis. En tout cas, elles sont des religieuses sécularisées et leur organisation, comme leur vie, symbolise bien l’esprit aristocratique tout puissant même dans la religion, et la décadence des ordres religieux.

Elles ne sont d’ailleurs intéressantes qu’à ce seul point de vue. Sauf pour les aumônes que leur communauté distribue, elles ne jouent aucun rôle social.

Sans être aussi sécularisées, des abbayes comme celles de Fontevrault, du Panthémont, de Chelles, de l’Abbaye au Bois, riches et peuplées de dames de l’aristocratie, orgueilleuses de recevoir en pension les filles des rois de France, auxquelles elles dispensent d’ailleurs une éducation assez négligée, pourvues d’importants domaines, sont également touchées par l’esprit du monde. Les abbesses et les sœurs de ces diverses communautés apparaissent plus comme des grandes dames que comme des religieuses.

Toute autre est la vie des religieuses des ordres qui, établis à une autre époque plus récente, organisés suivant les règles posées au xviie siècle par des réformateurs religieux, devaient, dans leur pensée, offrir aux fidèles un modèle de pureté et de détachement du monde, digne des premiers chrétiens et, reprenant le rôle que leurs prédécesseurs avaient tenu, puis abandonné, instruire les pauvres et soulager les infortunes.

On peut tenir pour négligeables les Carmélites, groupées en petites communautés de 13 à 20 religieuses[21], destinées uniquement à la vie contemplative et que la clôture tient rigoureusement séparées du monde. Les Calvairiennes[22] sont aussi un ordre purement contemplatif. « Chanter les louanges de Dieu, prier pour le salut de l’État », telles sont les uniques occupations de ces religieuses que leur règlement « n’oblige qu’à se sanctifier[23] ». Mais les Augustines, les Bénédictines, les Cisterciennes, les Visitandines, les Ursulines, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, dites Sœurs grises, vivent selon une règle bien différente. La contemplation ne tient dans leur vie qu’une assez petite place.

Les Ursulines doivent se vouer non seulement à une vie de pauvreté, ou d’obéissance, ou de modestie, mais au travail manuel et à l’éducation des enfants pauvres[24]. Les religieuses de la Visitation ou Visitandines ont été instituées pour les femmes que leur faiblesse, leur maladie ou leur âge empêchent de supporter une vie de macérations et d’austérités. Dispensées d’assister à tous les offices et, sauf les choristes, de remplir les charges du chœur, elles doivent se consacrer plus particulièrement au soin des malades, qu’à l’origine elles vont visiter dans les hôpitaux déjà établis et qu’elles soignent ensuite dans leurs propres établissements.

Enfin, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ou Sœurs grises ont été, elles aussi, plus particulièrement instituées pour visiter les pauvres et les malades, et de même les Clarisses, les Hospitalières de la Miséricorde, les religieuses de Notre-Dame de la Charité, les sœurs de la Sagesse et mainte autre communauté souvent à l’origine laïque et composée d’associées volontaires, et devenue par la suite ordre religieux, sont dirigées également par des préoccupations d’ordre social.

Ainsi, au point de vue du rôle qu’elles sont appelées à jouer dans la société, il faut établir une distinction très nette entre celles des communautés des anciens ordres qui mènent soit une vie d’apparat extérieur comme les chanoinesses des chapitres nobles et la plupart des dames des abbayes bénédictines, soit une vie purement contemplative, comme les Carmélites et les religieuses, des ordres organisés ou réorganisés depuis le xviie siècle, dont les devoirs charitables : instruction des pauvres, soin des malades, entretien des orphelines, sont considérés comme la mission la plus essentielle. Ces préoccupations sont partagées par les communautés des anciens ordres que leur pauvreté force à trouver des ressources dans l’enseignement ou l’établissement de pensions pour les veuves.

De fait, le rôle joué par chacune de ces deux catégories de religieuses est nettement différent. Les religieuses des innombrables abbayes bénédictines, celles de Fontevrault, les dames des chapitres nobles lorrains font surtout figure de seigneurs féodaux occupés d’administrer leurs terres et de défendre jalousement leurs privilèges. Nous voyons les abbesses de Jouarre et de Fontevrault, de Saint-Andoche et de Loucharre (Bourgogne), de Montivilliers (près de Rouen), recevoir les hommages des seigneurs vassaux, percevoir leurs rentes et redevances sur leurs domaines, le tout avec une très grande activité[25].

Nous les voyons préoccupées de la mise en valeur de leurs domaines, dont, telle l’abbesse de Jouarre, elles surveillent l’exploitation [26], ou faisant exécuter sur ces domaines différents travaux [27].

Surtout, nous les voyons en fréquents démêlés avec les autorités laïques ou ecclésiastiques pour l’exercice de leurs privilèges civils ou religieux qui tendent à être restreints par les évêques ou les représentants du roi. Les religieuses de Fontevrault refusent de payer les taxes auxquelles veulent les assujettir les habitants des paroisses voisines et de loger les gens de guerre[28].

Les chanoinesses de Remiremont, au temps des ducs de Lorraine, n’ont cessé de lui disputer son droit d’épaves et d’amende, d’exiger la préséance de leurs représentants sur les siens propres, la nomination du maire de Remiremont[29]. Les religieuses de Saint-Sauveur exigent du curé de Chateaubriand que, reconnaissant son église pour dépendante de celle de leur monastère, il fasse sur leurs terres quinze ou dix-huit processions par an et qu’il laisse le chapelain des religieuses enterrer tous ceux et toutes celles qui meurent dans leur communauté[30]. Les contestations à ce sujet sont longues et nombreuses.

L’abbesse de Montivilliers soutient avec énergie ses droits de juridiction contre l’archevêque de Rouen. Lorsqu’en 1736 celui-ci prétend étendre son droit de juridiction sur l’abbaye de Montivilliers, située dans son diocèse, elle proteste, en appelle au Conseil du roi, à la Cour de Rome et fait faire par un gradué de l’Université de Salamanque un exposé de ses droits. Peine perdue, d’ailleurs : la Cour de Rome et le Conseil se montrent également insensibles. Elle échange alors une active correspondance avec les abbesses des principaux monastères ; les abbesses de Fontevrault, de Montmartre, de Jouarre, et jusqu’à des abbesses espagnoles se déclarent solidaires de l’abbesse de Montivilliers et c’est, dans le haut clergé féminin, une sorte d’insurrection morale contre la juridiction épiscopale. Le résultat n’est d’ailleurs pas celui qu’attendait l’abbesse de Montivilliers. Les prétentions des abbesses donnent aux juristes l’occasion de discuter tous les privilèges des monastères de filles. On peut s’apercevoir alors que l’opinion des hommes compétents leur est peu favorable. Finalement, l’abbesse de Montivilliers doit accepter la juridiction de l’archevêque de Rouen[31]. À la même époque, l’abbesse d’Almenèches, abbaye de l’ordre de Saint-Benoît, établie en Normandie, non loin d’Argentan, soutient une lutte très vive contre l’évêque de Séez et le roi lui-même pour obtenir de transporter une partie de sa communauté à Argentan, où, dit-elle, elle recrutera plus facilement des novices qu’elle ne le fait en pleine campagne, dans un site désolé « où ne mènent que des chemins affreux », sans cependant abandonner l’antique monastère fondé par sainte Opportune pour transporter à Argentan le siège abbatial.

Or, l’évêque de Séez obtient du roi une lettre de cachet, enjoignant aux religieuses de ne plus recevoir de novices à Almenèches, puis l’ordre de transférer toute la communauté à Argentan. Quand la décision est connue, c’est chez les religieuses du monastère, personnes d’âge qui ne veulent à aucun prix se rapprocher du monde, une véritable émeute[32]. D’un commun accord, les religieuses décident que pas une d’entre elles ne sortira. L’abbesse Marie-Gabrielle de Chambray fait agir à la Cour par le cardinal de Rohan et envoie mémoire sur mémoire à l’évêque de Séez et au Conseil du roi. Elle doit cependant, en 1737, exécuter les ordres royaux et transporter à Argentan toute la communauté.

Nous avons donné quelques exemples caractéristiques de conflits entre les communautés de femmes et l’autorité ecclésiastique ou laïque. Ils montrent que, chez les religieuses des anciennes abbayes, l’attachement à leurs privilèges était un des sentiments les plus puissants et que, d’autre part, ces privilèges, ainsi que tous les privilèges féodaux, tombaient en décadence. Ces conflits stériles et la mauvaise situation financière de la plupart des abbayes semblent détourner les religieuses de toute autre préoccupation, les empêcher de remplir tout autre rôle social.

iv. Rôle dans l’instruction des filles

Cependant, dans quelques couvents de province et dans un grand nombre de couvents de la capitale, les religieuses de Saint-Benoît, de Cîteaux, de Fontevrault se consacrent à l’éducation des filles de la noblesse et de la bourgeoisie ou même du peuple. Ce rôle, il semble d’ailleurs qu’elles le remplissent beaucoup moins par esprit charitable ou vraiment religieux, que pour obtenir les ressources qui, à la fin du xviiie siècle, font défaut aux communautés de plus en plus appauvries[33].

Les religieuses des ordres mendiants, au contraire, ont conservé dans une plus large mesure l’esprit de dévouement et de charité, et leur rôle social est bien plus important. Le soulagement des pauvres, le soin des malades, l’instruction des enfants des deux sexes indigents ou peu fortunés sont la raison d’être des établissements qui suivent la règle de saint Augustin, des Visitandines, des Ursulines, des Sœurs grises, Hospitalières, Dames du Bon Pasteur ou de telles communautés plus particulièrement développées dans certaines provinces : Sœurs de la Sagesse et Union Chrétienne en Bretagne et en Normandie, Filles de Saint-Charles ou de Notre-Dame en Lorraine.

Comme nous l’avons vu déjà, la plupart des établissements qui dispensent aux filles du peuple et de la bourgeoisie l’instruction gratuite ou à très bon marché sont entre les mains des religieuses. A Paris, les établissements des Visitandines, des Ursulines et des diverses communautés d’hospitalières sont particulièrement nombreux[34].

Dans telle province (Normandie) les sœurs de l’Union Chrétienne, originairement instituées pour les nouvelles converties, tiennent de nombreux établissements. Les filles de Saint-Charles et les filles de Notre-Dame, qui se consacrent à l’instruction gratuite des jeunes filles, ont, en Lorraine, plus de vingt établissements[35].

Les Hospitalières, les sœurs de la Miséricorde, les filles de l’Enfant Jésus, les sœurs de Saint-Vincent-de-Paul ont, pour la même destination, de nombreux établissements[36]. Les Ursulines et les Visitandines, les premières surtout, dont les établissements sont répandus dans presque toute la France, se consacrent plus particulièrement à l’instruction des filles pauvres.

Nous avons vu ailleurs les lacunes et les insuffisances de leur pédagogie. Cependant, en l’absence presque totale d’institutrices laïques, ces religieuses sont presque les seules à empêcher les filles du peuple de croupir dans une ignorance complète. Comme d’autre part, l’éducation des filles de la bourgeoisie et de la noblesse est presque uniquement assurée par ces religieuses (Augustines, Bénédictines du Panthémont, de Fontevrault, etc.), les religieuses tiennent donc une place presque exclusive dans l’éducation des filles et c’est là l’un des aspects essentiels de leur rôle social.

Leur rôle dans l’organisation de la bienfaisance n’est pas moins grand. Presque partout, en dehors des cas, d’ailleurs assez rares, où des congrégations laïques ont été établies pour le service de tel hôpital, les religieuses de divers ordres ont l’administration et la direction des divers établissements hospitaliers. À Paris, les Hospitalières de la rue Mouffetard, celles de Notre-Dame de la Miséricorde, celles de la place Royale tiennent des établissements hospitaliers dont chacun peut recevoir de vingt à quarante pauvres. Quelques-uns de ces établissements, tel celui de Notre-Dame de la Miséricorde, comportent un orphelinat où l’on assure aux filles une instruction professionnelle[37].

D’autres communautés assurent aux filles repenties un asile (communautés du Bon Pasteur).

Les Sœurs grises, qui forment une communauté particulière, « soignent les malades pauvres et se répandent partout » [38]. Les contemporains les plus hostiles au clergé n’ont pas assez d’éloges pour leur dévouement et voient en elles les seules religieuses vraiment utiles à la société.

Ils remarquent d’ailleurs que leur vie est peu austère, « l’habitude de vivre au milieu des jeunes hommes » leur donnant une assez grande liberté d’allures et le voisinage de la souffrance et de la mort leur faisant connaître le prix de la vie, leur donnant le goût du plaisir et de la volupté[39]. Les Sœurs grises n’ont pas en propre d’établissement hospitalier, n’ayant pas de couvent. Mais elles exercent dans presque tous les hôpitaux de Paris. Dans les provinces, ce sont surtout les religieuses de l’ordre de Saint-Augustin qui tiennent entre leurs mains les hôpitaux. Plus de 200 relèvent d’elles, écrit un M. Colombier, inspecteur des hôpitaux[40]. Mais les Visitandines (Auxerre, Arles, Agen, Angoulême, Grenoble, Clermont, Nevers, Marseille), les Hospitalières (Bar-sur-Aube, Laigle, Nancy, La Rochelle, Tonnerre), les religieuses de la Providence (Grenoble), celles du Tiers Ordre de Saint-François (Cambrai), celles de Sainte-Elisabeth (Lunéville, Orléans) ont ouvert des établissements hospitaliers[41].

Elles prennent en général leur rôle très au sérieux et administrent leurs établissements avec zèle, sinon toujours avec compétence. Tels hôpitaux, celui de Baveux, par exemple, confié aux religieuses, apparaît comme bien organisé et les supérieures de cet hôpital semblent des femmes de tête énergiques et avisées, dont la gestion est intelligente et économe[42].

Mais souvent les directrices des hôpitaux sont dures, autoritaires, dépourvues de véritable sympathie pour les malades. L’une des supérieures de l’hôpital de Bayeux se livre, un jour, dans une lettre qu’elle adresse au subdélégué, à un véritable réquisitoire contre les pauvres de son établissement, « fainéants, traités, dit-elle, avec trop de douceur, qui font un dieu de leur ventre et refusent de travailler « .

La supérieure de l’hôpital d’Oisemont (Picardie) apparaît à un inspecteur des hôpitaux comme autoritaire, personnelle et principalement occupée d’étourdir les visiteurs par un grand flux de paroles[43].

M. Colombier constate que sur les 200 hôpitaux dont la gestion est confiée directement aux religieuses, la plupart sont mal organisés, mal administrés et qu’en définitive on n’a pas à se louer de leur gestion. Ainsi, même lorsqu’elles exercent les deux missions pour lesquelles certains de leurs ordres ont été institués : éducation des pauvres, soin des malades, les religieuses apparaissent comme inférieures à leur tâche et justifient en partie les reproches des contemporains qui, exception faite pour les Sœurs grises, voient sur elles la partie la plus inutile de la population[44].

v. Décadence de l’esprit religieux

C’est que les ordres religieux féminins, comme les ordres religieux masculins, sont, à la fin du xviiie siècle, en pleine décadence. C’est que l’esprit de dévouement, de renoncement et de sacrifice commence à disparaître des ordres religieux féminins.

Y a-t-il encore au xviiie siècle de ces vocations religieuses ardentes qui précipitent irrésistiblement des âmes vers le cloître ? Quelques-unes, sans doute, et nous en trouvons parfois de curieux témoignages. Quelques titres conservés dans les papiers de famille montrent des novices confiant à leur famille leur joie d’être au couvent… En 1753, une jeune fille de la noblesse nivernaise, Augustine de Damas, fait part à sa mère, avec une exaltation véritable, de la joie et de l’impatience qu’elle éprouve en attendant la prise d’habit[45]. Sa lettre respire un véritable enthousiasme.

Mais de telles manifestations sont assez rares et la plupart du temps les vocations religieuses sont forcées.

C’est l’impossibilité de trouver un établissement honorable dans le monde, c’est la nécessité de réserver au fils toutes les ressources de la famille qui poussent la jeune fille au couvent. Bien souvent, on les enferme à un âge où elles n’ont pas eu le temps de réfléchir sur les obligations de leur vie nouvelle. Les prises de voile à quatorze ans ou quinze ans sont assez fréquentes[46].

C’est que « une jeune fille n’est pas plus tôt dans un couvent qu’une demi-douzaine d’embaucheuses s’emparent d’elle et agissent sur son esprit, dépourvu encore de réflexion, la circonviennent et l’amènent à prononcer des vœux qu’elle regrette ensuite amèrement[47]. »

N’est-il pas surprenant, écrit un jour une jeune religieuse de Lyon au roi Louis XV, que nos lois qui ont fixé l’âge d’une fille en état de passer un contrat, aient oublié de parler de celui auquel elle peut faire des vœux[48] ?

Contre un tel état de choses, les protestations furent nombreuses sans doute. Elles restèrent le plus souvent cachées. Mais telles déclarations faites par des religieuses au moment de la dispersion des couvents, en 1790, montrent une singulière rancœur[49]. Et tel fait divers tragique, comme le suicide d’une jeune fille dans un couvent de Paris, dont La Harpe tira sa Mélanie, montre que les assertions de Diderot, sur la fausseté des vocations religieuses, durent correspondre souvent à la réalité.

Entrées au couvent par force, bien plutôt que par vocation[50], les religieuses n’ont plus, semble-t-il, cette acceptation joyeuse du sacrifice qui a fait si peuplés les couvents du moyen-âge et qui, au xviie siècle encore, a amené la création de tant d’ordres religieux ; le xviiie siècle, lui, n’en voit naître aucun.

Dans le cloître, les religieuses semblent regretter le monde. Sans doute il est encore des communautés où l’on mène une existence austère : les chanoinesses de Poligny se lèvent la nuit pour faire l’office, font maigre et jeûne toute l’année, ne portent pas de linge et vont nu-pieds été comme hiver[51]. Mais, le plus souvent, l’esprit mondain pénètre sous bien des formes souvent inattendues. Les chanoinesses de Remiremont mènent une vie de grandes dames : les réceptions, les fêtes occupent leur vie et, pendant les rares moments où elles rendent au siège capitulaire les nourritures délicates, les objets de luxe figurent en bonne place sur les comptes de leur économe[52].

Celles-ci sont, il est vrai, des séculières qui ne sont obligées ni à la clôture, ni à un total renoncement. Mais dans les autres ordres religieux, la vie est à peu de choses près semblable, autant du moins que le permettent les ressources de la communauté. Dans tel établissement, comme l’abbaye bénédictine d’Almenèches, on voit, à mesure que le siècle s’avance, le besoin des commodités de la vie, ou même du luxe, devenir de plus en plus grand et les religieuses ne pas hésiter à obérer les ressources de la communauté pour le satisfaire ; elles font venir des eaux minérales, onguents, drogues, liqueurs, articles de Paris, s’abonnent au Mercure de France ; l’abbesse même commande son portrait[53]. Des monographies de chaque ordre, de chaque communauté montreraient des exemples semblables. Aussi le goût du bien-être et du luxe, général au xviiie siècle, n’épargne pas les religieuses. Ce n’est pas seulement le goût de la bonne chère qui apparaît chez elles, c’est aussi un besoin de distractions mondaines. Dans sa célèbre Religieuse, Diderot dépeint un couvent où, outre les jeux renouvelés de Sapho, les religieuses, lasses de la sainteté, prennent grand plaisir à jouer sur le clavecin des airs profanes et à fredonner l’ariette légère. La Religieuse est un pamphlet. Mais comment ne pas croire qu’il renferme une très grande part de réalité quand nous constatons que la principale préoccupation des abbesses et prieures est de ramener parmi leurs filles un peu d’esprit religieux ?

D’ailleurs, avec l’esprit de renoncement, les religieuses semblent avoir perdu l’esprit d’obéissance. L’histoire des divers ordres religieux féminins montreraient quels efforts acharnés, et vains le plus souvent, ont dû faire les abbesses, supérieures ou prieures, pour rétablir une autorité peu respectée et essayer de rétablir dans leurs couvents un esprit vraiment monastique.

Naturellement Remiremont, ordre qui n’a presque plus de religieux que le nom, nous en donne les plus fréquents et les plus caractéristiques exemples.

Dès le xviie siècle, une abbesse de Remiremont, Catherine de Lorraine, avait, avec l’appui du pape, essayé d’imposer aux chanoinesses le retour aux vœux d’obéissance et de chasteté et l’obligation de la clôture. Les chanoinesses protestèrent, firent briser les portes élevées autour du monastère et obtinrent finalement gain de cause[54].

Au xviiie siècle, les abbesses furent choisies très jeunes, parfois dès le berceau, par le duc de Lorraine ou le roi de France, et n’eurent de ce fait aucune autorité.

Cette autorité c’est en réalité les officières, doyennes et secrètes, qui l’exercèrent en son nom, mais il n’apparaît pas qu’elles aient été davantage obéies. À la veille de la Révolution, les chanoinesses de Remiremont s’étaient en fait déliées du vœu d’obéissance comme des autres vœux. Les exemples fournis par d’autres ordres ne sont pas moins caractéristiques. Les abbayes bénédictines d’Autun et de Saint-Jean-le-Grand sont, au xviie et au xviiie siècle, le théâtre de luttes constantes entre les abbesses qui veulent à la fois rétablir leur autorité et la vie monastique et les religieuses qui ne veulent pas se décider à renoncer au plaisir du monde[55].

Les religieuses de l’abbaye de Loucharre avaient été pendant près de vingt ans (1667-1680) en révolte ouverte contre leur supérieure et la présence même de l’évêque n’avait pu calmer leur effervescence[56]. Au xviiie siècle, l’autorité des abbesses de Loucharre ne semble guère raffermie. Les abbayes normandes ne donnent pas de meilleurs exemples. À Almenèches, à Essay, nombreuses sont les supérieures qui ont à lutter contre l’esprit remuant et turbulent des sœurs[57]. Le couvent de Saint-Laurent-de-Comminges était de même le théâtre de luttes acharnées entre le despotisme de la supérieure et l’esprit factieux des religieuses[58]. Sans doute, les sœurs sont-elles, malgré tout, encore attachées à leur cloître ; lorsqu’en 1790, les couvents furent dissous, un grand nombre de religieuses protestèrent. Les religieuses Annonciades de Paris déclaraient qu’elles « ne pouvaient entendre sans frémir la proposition de quitter l’état ecclésiastique[59] ».

Les vingt et une dames et les douze sœurs converses qui subsistent à l’abbaye de Almenèches, en 1790, manifestent unanimement le désir de rester dans leur couvent[60]. Les Carmélites supplient, dans une touchante adresse, l’Assemblée nationale de les laisser mourir en paix dans la retraite qu’elles ont choisie[61]. Un certain nombre de communautés provinciales imitent cette attitude ( Bénédictines de Locmaria, diocèse de Quimper, et de Neubourg, Bernardines de Maubuisson, sœurs de l’Union Chrétienne de Brest, Bénédictines de Valogne, Cordelières de Saint-Florent (Maine-et-Loire)[62].

Mais les motifs auxquels elles obéissent ne sont pas toujours d’ordre religieux. Beaucoup de religieuses restent parce que, privées de ressources, elles ne savent où aller ; d’autres parce que, malades, elles veulent finir leurs jours sans fatigues ; d’autres encore « pour ne pas être à la charge de leur famille ». Celles qui profitent de l’autorisation de s’en aller sont de beaucoup les plus nombreuses. Et elles allèguent, pour justifier leur décision, soit l’obligation religieuse à elles imposée sans leur consentement, soit l’impossibilité de vivre dans un monastère où la paix ne règne plus[63]. » Leurs déclarations témoignent et du relâchement de la discipline et surtout de l’affaiblissement de l’esprit religieux.

vi. Les femmes et la vie religieuse

De même que le rôle joué par les femmes dans les corporations de métier ne représente qu’incomplètement la place qu’elles tiennent dans la vie économique, de même on n’aurait qu’une bien faible idée du rôle joué par les femmes dans la vie religieuse si l’on se bornait à considérer les communautés religieuses féminines. Peut-être peut-on dire sans paradoxe que des ecclésiastiques et des laïques, ce sont les dernières surtout qui sont importantes pour l’histoire de la vie religieuse.

De tout temps, la puissance de la religion a été liée à son ascendant sur les âmes féminines, de tout temps c’est par les femmes que se sont répandues les sectes nouvelles et les doctrines mystiques, par les femmes qu’ont vécu les religions persécutées.

Le xviiie siècle n’échappe pas à cette loi. Essayer de porter un regard dans la conscience féminine, c’est mesurer à sa source même la force du sentiment religieux. Sans doute l’étude est malaisée. Elle ne pourra être faite ici avec les développements nécessaires et d’ailleurs elle échappe souvent au document. Néanmoins, il est possible de donner quelques indications de nature à indiquer la voie aux historiens qui pourront étudier plus spécialement cette question.

La femme, au xviiie siècle, a-t-elle vraiment perdu la foi ? Bien délicate question et à laquelle il est imprudent de faire une réponse trop générale. Si l’on considère seulement la haute société, il semble que l’on puisse ne soutenir qu’en effet la dévotion, si puissante encore au cœur des femmes de l’époque de Louis XIV, a presque complètement abandonné leurs petites filles. Chez celles qui composent la haute société parisienne ou provinciale, la dévotion n’est plus, dit très justement Goncourt, « qu’une affaire de bienséance…" « Une mode, voilà la piété:piété morte. À sa paroisse, la femme a la chaise où sont ses armes, et elle va à la messe pour occuper sa place par respect humain, pour elle-même ; pour les autres et pour ses gens…, on sort de l’église comme du théâtre, on s’y rend comme à la comédie…; des femmes même y vont en petites loges, avec l’espoir de s’amuser, d’y faire scandale[64]. » De fait, la dévotion de la femme de Cour est purement extérieure et l’on est frappé, en lisant les mémoires du temps, du peu de place que, dans sa vie, tiennent les préoccupations et les exercices religieux. Il y a bien à la Cour un parti dévot dont des femmes sont les tenants, mais mise à part la reine Marie Leczinska, dont la piété fut profonde et sincère quoique sans élan, la religion est pour elles comme pour le comte d’Argenson ou la plupart des hommes qui s’enrôlent dans ce même parti, le moyen d’arriver à des fins politiques. Chez toutes, l’exaltation religieuse fait totalement défaut, sauf au cours de bien rares crises de mysticisme individuelles ou collectives : lorsque Lalande publie ses mémoires sur le rôle destructeur des comètes, les églises de Paris se remplissent de belles dames[65]. C’est une fièvre bien rapidement calmée. Parfois aussi les désillusions du monde rejettent la femme vers le refuge ancestral : la piété. Après les premiers déboires conjugaux, Mme d’Epinay pense un moment à s’enfermer au Carmel ; avec la finesse habituelle aux confesseurs mondains, l’abbé Martin reconnaît combien est peu mûrie cette décision et donne à sa pénitente le sage conseil de n’y pas persister.

Sans doute on cite des conversions véritables : celles, par exemple, de Mme de Mailly qui, après son abandon, devient sincèrement dévote. Mais cette conversion coïncide avec une disgrâce.

À côté de ces quelques exemples de dévotion sincère, combien la plupart des femmes qui comptent dans la vie de société apparaissent comme inaccessibles aux émotions religieuses ? Des femmes comme la marquise du Deffand, terrifiée par le néant de l’existence, mais qui, même à l’extrême vieillesse, ne fait jamais appel à la dévotion pour le combler ; comme la duchesse de Choiseul, pétulante, toute remplie par les affections mondaines et un tranquille bonheur, sans autre nuage que les infidélités conjugales ; comme Mme de Tencin, disant à Marmontel, en posant sa main sur son cœur : « C’est de la cervelle qui est là ; > ; comme Mme Geoffrin, qu’un positivisme, un rationalisme absolu semblent guider ; comme les jeunes évaporées de l’entourage de Marie-Antoinette, les Lamballe, les Polignac, pour toutes celles-là, la religion se réduit à des gestes de parade, à des rites morts.

Même, lorsqu’à la fin du siècle, sous l’influence de Rousseau, se produit une vraie renaissance sentimentale, ce n’est pas vers le catholicisme que la femme du monde se tournera mais vers des mysticismes ou des superstitions d’une autre nature, mesmérisme, magie. Sur son âme de femme, le catholicisme a cessé d’avoir tout ascendant. Cependant les femmes à la mode ne sont pas toutes les femmes et ce qui est vrai d’elles ne l’est plus autant des bourgeoises. Déjà nous voyons les femmes de fermiers généraux, qui vivent effacées dans l’ombre de leurs étincelants époux, fréquenter assidûment les églises, subir fortement l’ascendant du clergé et mettre une partie de leurs revenus à la disposition des œuvres charitables que celui-ci subventionne. Il apparaît bien que ces femmes ne constituent pas une exception dans la bourgeoisie. C’est non seulement la bourgeoisie de la finance, mais la bourgeoisie parlementaire, mais la moyenne et la petite bourgeoisie qui nous montrent des femmes attachées encore à la religion ancestrale et en remplissant strictement les devoirs. Dans la plupart des villes de Parlement, on peut noter l’étonnant contraste entre les femmes de la noblesse d’épée, qui ne songent qu’au plaisir, et pour qui la religion ne compte guère, et celles de la noblesse de robe dont la vie est rendue austère par un respect plus grand, non seulement de la lettre, mais de l’esprit de la religion.

Les femmes de la moyenne et de la petite bourgeoisie parisienne et surtout provinciale restent, elles aussi, dévotes. Sans doute, il se trouve bien parmi elles des individualités comme Mme Roland qui, jeune fille encore, s’est fait sous l’influence de ses lectures variées : Plutarque, Voltaire, Rousseau et les physiciens ou les astronomes, une philosophie détachée de toute religion positive et où règne un vague déisme. On peut bien cependant considérer qu’une personnalité aussi forte, aussi exceptionnelle par sa culture et son stoïcisme que celle de Mme Roland, ne saurait être prise pour type de la bourgeoise de son époque. La plupart des femmes de la bourgeoisie sont de ferventes catholiques. De cet état d’esprit général, les preuves abondent. Ce sont les testaments des innombrables bourgeoises de province qui laissent à l’Église des legs petits ou importants, selon leur fortune, mais toujours avec la pensée d’assurer leur salut éternel. C’est la vie même de ces bourgeoises où la messe, les exercices religieux tiennent bien la plus grande place, à la fois par l’effet d’un sentiment plus profond et parce que la vie mondaine est moins absorbante que pour les femmes de la haute société. C’est enfin l’appui que, sous la Révolution, le clergé réfractaire a rencontré chez les femmes de la bourgeoisie, qui lui ont si fréquemment offert, pour la célébration de messes clandestines, leurs maisons.

Si, au cours de la période révolutionnaire, le catholicisme s’est maintenu en France, c’est parce que, dans sons ensemble, la femme de la bourgeoisie est restée catholique. Et si elle n’a pas perdu la foi en 1789, c’est donc qu’elle la possédait encore, sinon très ardente du moins toujours vivace, au cours des années qui ont précédé la Révolution. Ce qui est vrai de la bourgeoise est vrai aussi de la femme du peuple, de l’ouvrière comme de la paysanne. L’une et l’autre sont restées profondément attachées à la religion. Sans doute cet attachement n’empêche pas toujours, nous l’avons vu, un manque de respect envers ses ministres ; il n’en est pas moins profond encore. Ne voit-on pas non seulement des paysannes le marquer par des legs faits aux églises, mais de simples servantes se constituer des bibliothèques théologiques et discuter sur les questions de la grâce et de la bulle Unigénitus[66] ? Quelle preuve meilleure du sentiment religieux chez la femme du peuple que le rôle joué par la servante de la famille Calas ? Cette La Viguière, catholique convaincue, pousse Louis Calas à adjurer le protestantisme et son action contribuera à déterminer chez Marc-Antoine Calas la crise de conscience qui aboutit à son suicide[67] !

L’histoire révolutionnaire, encore, nous fournit des preuves de la persistance du sentiment religieux chez la femme du peuple. Si le clergé constitutionnel n’a pu que difficilement s’implanter, si les prêtres réfractaires ont trouvé tant d’appuis avoués ou clandestins, c’est que dans les campagnes, particulièrement dans celles de l’Ouest, les femmes étaient avec eux. Michelet le remarque fort justement : l’empire exercé par le prêtre catholique sur la femme qui met à son service toute l’influence qu’elle possède sur son mari, est une des causes déterminantes du soulèvement de la Vendée.

Est-ce seulement par ces constatations, d’ailleurs indirectes il faut le reconnaître, qu’on peut, à défaut de manifestations ouvertes plus nombreuses, déterminer la persistance du sentiment religieux chez la femme française ?

vii. Les femmes et le jansénisme

Une autre preuve, et très forte celle-là, que les Françaises continuèrent, pour la plupart, non seulement de pratiquer machinalement les rites du catholicisme, mais de lui rester attachées au fond de leur cœur, c’est le rôle immense que les femmes ont joué dans le développement du jansénisme qui lui, minorité persécutée, a son histoire, alors que le catholicisme n’en a pas.

Deux faits d’une extrême importance semblent dominer l’histoire du jansénisme au xviiie siècle : le jansénisme est une doctrine dont les adeptes se recrutent en majorité dans la bourgeoisie et dans le peuple. Les femmes ont pris une part prépondérante dans toutes ses manifestations : n’y a-t-il pas entre ces deux faits une liaison évidente ? C’est surtout dans les classes de la société où les femmes n’ont pas perdu leur foi, où elles sont capables de se passionner pour les problèmes d’ordre religieux, que le jansénisme est florissant.

L’étude complète du rôle joué par les femmes dans le jansénisme serait l’histoire même de cette doctrine. Nous ne pouvons songer à la retracer ici. Il suffit de montrer par quelques traits caractéristiques la place qu’a tenue, dans les grandes luttes entre le jansénisme et l’orthodoxie, l’élément féminin.

Au cours des querelles qui avaient précédé la destruction de Port-Royal, les religieuses du célèbre couvent s’étaient montrées animées d’un zèle et d’une ardeur qui avait fait d’elles les âmes de la résistance.

Au début du règne de Louis XV, Port-Royal a disparu, les religieuses sont rentrées dans le siècle ou dispersées en d’autres couvents. Mais le jansénisme, malgré la disparition de son élite intellectuelle et morale, n’en demeure pas moins vivant et il continue de trouver dans les femmes, particulièrement dans celles de la bourgeoisie et du peuple, des adeptes passionnées.

S’il faut en croire Montesquieu, la bulle Ugénitus était, en 1718, l’un des sujets de conversation favoris dans les salons parisiens et il n’était pas de femme du monde, pas de frivole perruche qui, revêtue d’un imaginaire bonnet doctoral, ne se crut capable d’en discuter les principaux articles. « Les femmes sont, dit-il, les motrices de toute la révolte qui divise la Cour, tout le royaume et toutes les familles » [68].

Ce qui n’est pour les mondaines qu’un sujet de conversation capable de faire briller les grâces de leur esprit, est pour mainte autre femme, convaincue et animée d’une vraie foi, la raison même de vivre.

« Le parti janséniste est fort et remuant comme un diable, signalait Barbier en 1728. Les femmes, femmelettes et jusqu’aux femmes de chambre s’y feraient hacher. »

Ce mot n’est pas exagération de littérateur. Les femmes manifestèrent en effet, de mainte manière, leur attachement au jansénisme.

Les évêques de Senez et de Montpellier furent encouragés dans leur résistance à la bulle par des femmes intelligentes qui, comme Mme de Jaucourt, prirent la plume du théologien pour soutenir leur opinion menacée, ou, comme Mme Perrier, directrice de l’hôpital de Clermont, les réconforter de leurs conseils[69].

Celles-ci dirigent des imprimeries clandestines d’où, au cours de la dispute entre l’évêque de Senez, Soanen, et le cardinal de Tenein, archevêque d’Embrun, qui se termina par la destitution du premier pour fait de jansénisme, sortent des libelles contre M. de Tencin[70].

D’autres distribuent à la Cour et à la ville ces libelles, les répandent sous le manteau ou les débitent sur la voie publique. Parmi les femmes qui payèrent alors de leur liberté leur zèle janséniste, se trouvent des bourgeoises de toute catégorie, petites marchandes (femmes de fournisseurs), notables, commerçantes (femmes d’orfèvres), femmes ou veuves d’hommes ayant exercé d’importantes fonctions libérales ; l’une est veuve d’un professeur de philosophie à l’Université de Paris, une autre, veuve du directeur de l’Académie française des Beaux-Arts, à Rome. Cette dernière, Mme Théodon, née Jourdan, semble avoir joué dans la diffusion de la pensée janséniste un rôle de premier ordre. Dès son retour de Rome, elle se dévoue entièrement à la cause et se sert de tous les moyens en son pouvoir pour la faire triompher. Les hagiographes jansénistes lui attribuent l’institution des imprimeries secrètes[71]. D’autres affichèrent dans les rues, sur les promenades publiques, des placards jansénistes[72].

Leur hardiesse allait jusqu’à coller les proclamations dans les églises. Un jour, on trouva sur une colonne de l’église Saint-Séverin un placard ainsi libellé : « Les vrais chrétiens n’acceptent pas la Constitution (Unigénitus), quelque persécution qu’on fasse. » Ce placard était écrit de la main d’une femme[73].

Après l’affaire des convulsionnaires, les imprimeries jansénistes desservies par des femmes se multiplient. De 1733 à 1736, une vingtaine de femmes sont écrouées à la Bastille pour des délits de cette nature[74]. Très nombreuses également sont les femmes qui sont signalées comme colportant et répandant des écrits jansénistes[75].

Sans doute un certain nombre de ces femmes sont des servantes qui ne font qu’exécuter les instructions de leur maître, mais la plupart agissent de leur propre mouvement et cela montre bien l’emprise que le jansénisme exerçait sur les âmes féminines.

Les convulsionnaires nous offrent des exemples plus significatifs. Sur la tombe du diacre Paris, au cimetière Saint-Médard, les femmes furent bien plus nombreuses que les hommes. Toutes les classes de la société y communièrent dans une folie mystique. On y voit, par exemple, au milieu des femmes du peuple, la princesse de Conti[76].

Mais les femmes de la petite bourgeoisie ou les ouvrières furent les plus nombreuses au cimetière Saint-Médard.

À lire les mémoire du temps, il semble bien qu’il s’y pressât une foule surtout féminine.

Lorsque le roi eut « fait défense à Dieu de faire miracle », les convulsionnaires tinrent dans les maisons particulières leurs assemblées secrètes. Dans les étranges cérémonies qui se déroulent au sein de ces assemblées, les femmes semblent avoir joué le rôle essentiel.

Ce sont elles qui, plus que les hommes, grâce à la plus grande excitabilité de leur système nerveux, entrent en transes et croient ainsi communier avec l’âme du saint. C’est parmi elles surtout que se recrutent les secouristes, suppliciées volontaires dont l’endurance fait penser à celle des fakirs de l’Inde.

La Condamine nous a laissé la description d’une de ces assemblées qui se tint, le 13 avril 1761[77], chez l’une des plus célèbres convulsionnaires, la sœur Françoise. « Dans une chambre meublée de bergames et de chaises de paille, sur le derrière d’une fort vilaine maison », se trouvaient réunis neuf convulsionnaires, toutes des femmes, petites bourgeoises ou ouvrières. En présence d’une assistance masculine, gentilhommes, bourgeois ou ecclésiastiques, qui se contentaient d’apporter leurs encouragements, la sœur Françoise, rompue de longue date (elle avait alors 55 ans) aux terribles exercices de la révélation nouvelle, et une jeune ouvrière, brûlant de marcher sur ses traces, la sœur Marie, se firent administrer « des secours » variés.

On les fustige avec des chaînes de fer de huit à dix livres, d’énormes bûches s’abattent sur leur crâne, des épées s’enfoncent dans leur poitrine, leurs vêtements sont brûlés sur elles.

Enfin, tandis qu’un des prêtres les exhorte à se souvenir de la crucifixion de Jésus-Christ, on les cloue sur la croix avec des clous carrés qui les déchirent atrocement, et on les y laisse exposées pendant trois heures.

Comme le remarque bien La Condamine, il y avait probablement des simulatrices ; la plupart cependant étaient sincères, leurs cris de souffrance le prouvent et aussi le fait que quelques-unes des secouristes n’étaient pas des oisives mais des ouvrières, à qui ces dures mortifications déformaient les mains.

« Il est digne de remarque, écrit La Condamine, qu’il n’y ait que des femmes gui se soumettent à cette cruelle opération » [78]. D’autres convulsionnaires, telle Mlle Nisette, qui, en 1737, fut célèbre à Paris, mangeaient des charbons ardents. De tels exercices, qui ressemblent singulièrement à ceux des fakirs de l’Inde, ne s’expliqueraient que par une sorte d’hystérie mystique, à laquelle les femmes sont plus disposées que les hommes.

Or, ces tortures volontaires furent pendant de longues années un élément essentiel de la propagande janséniste.

L’exaltation des convulsionnaires les portait parfois à des actes d’une extraordinaire hardiesse. Un jour l’une d’elles s’écria, en pleine Chapelle de Versailles, que « le roi avait un sort sur la langue, que son mariage était nul et que ses enfants n’étaient pas de lui ! » [79].

La folie mystique d’un petit nombre de femmes qui servit d’instruments à la propagande janséniste est d’une moindre signification encore que la résistance passive opposée par un grand nombre de femmes à l’application de la bulle Unigenitus. Pour une convulsionnaire, soulevée par une crise de folie mystique, souvent d’ailleurs passagère, on trouve vingt femmes qui, sous l’influence de prêtres jansénistes, ou de leur propre mouvement, se montrèrent toute leur vie des adversaires acharnées de la Constitution, s’efforcèrent d’en détacher leur entourage et tous ceux sur lesquels elles pouvaient avoir quelque influence, entretinrent dans leur famille, dans les couvents, dans le peuple parisien et la bourgeoisie provinciale la résistance à la Bulle et que leur conviction raisonnée, celle-là, et non impulsive, rendit fortes jusqu’à leur lit de mort, où elles confessèrent leur foi.

Un précieux document : la Nécrologie des défenseurs de la Vérité[80] nous montre que parmi ceux qui refusèrent d’accepter la Constitution et qui, faute de cette acceptation, moururent privés des derniers sacrements, il n’y eut guère moins de femmes que d’hommes.

Ces femmes appartiennent aux classes les plus diverses de la société. On trouve, mais en assez petit nombre, des représentantes de la grande noblesse, telle Mme de Jaucourt, la théologienne amie de l’évêque de Senez ; Mme de Mondonville, fondatrice de la maison des Filles de la Sainte-Enfance, à Toulouse ; la marquise de Genlis qui, ancienne pénitente de Soanen et fondatrice d’écoles de charité dans ses domaines de Soissons et de Beaumont, s’efforça d’y répandre la doctrine ; Mme Le Blanc l’Étang qui, au cours de la guerre de Succession d’Espagne, avait été investie d’une mission diplomatique en Hollande par Louis XIV, et d’autres moins célèbres comme Mlle de Metz, Mme de Meslay[81], qui manifestèrent leur zèle par la profondeur de leurs études théologiques. Mais la plupart des femmes qui « défendent la vérité » appartiennent en majorité, comme les anciennes religieuses de Port-Royal, à la bourgeoisie parlementaire, à la moyenne et la petite bourgeoisie. Mlle Cassard, qui mourut privée des sacrements, en 1738, était une fille d’un procureur du Parlement de Rennes[82]. La présidente d’Aigrefeuille, Mme de Borda, veuve du lieutenant général de Dax, Mlle Tartarin, fille d’un avocat près le Parlement de Paris, se signalèrent par leur zèle pour la cause et leur refus d’accepter à leur lit de mort la Constitution. Assez nombreuses sont celles qui, comme elles, sont filles de magistrats ou d’avocats. D’autres sont veuves ou filles de marchands bonnetiers ou drapiers. Et elles paraissent composer la grande majorité des appelantes.

Comme le montrent plusieurs faits caractéristiques, la doctrine des jansénistes, sans doute à cause de la forme grossièrement mystique que lui avaient donnée les convulsionnaires, commençait à pénétrer dans le peuple. On voit parmi les illustres appelantes figurer de simples paysannes : Claudette Guérin, servante d’un curé de Langres ; Françoise Sivot, paysanne de Joigny ; Mlle de Paradoux, paysanne des Flandres. Parmi les convulsionnaires arrêtées et détenues à la Bastille figurent un très grand nombre de servantes qui, seules ou accompagnant leurs maîtresses, courent les assemblées clandestines, des ouvrières couturières, des lingères, des maîtresses d’écoles[83]. Il est vraisemblable que pour celles-ci les subtilités théologiques d’où venait tout le différend entre le catholicisme et le jansénisme restaient lettre morte ; bien rares devaient être celles qui, comme la fileuse de Troyes que nous cite Babeau[84], auraient été capables d’embarrasser le curé au milieu du prône par des objections appuyées sur l’autorité des pères de l’Église. Il est plus vraisemblable qu’elles subirent sans trop raisonner l’influence des curés jansénistes et que la doctrine de l’Augustinus, comme le catholicisme lui-même, fut chez elles une foi naïve et exempte de raisonnement. Elles s’y attachèrent d’autant plus qu’elles donnaient un but à leur vie et que les joies du monde, proscrites par la loi nouvelle, leur étaient refusées. Car c’est là un fait digne de remarque, parmi celles qui, à leur lit de mort, ont confessé le jansénisme, on chercherait vainement une femme mariée en puissance de mari ou une mère de famille entourée de ses enfants. Presque toutes les « appelantes » sont des vieilles filles ou des veuves[85] sans enfants qui, privées de tout intérêt dans la vie, s’attachent à leurs bonnes œuvres et à la dévotion. Si quelques-unes, intelligentes et désirant raisonner leur foi, deviennent théologiennes, la plupart n’ont que la foi du charbonnier. Leur obstination à confesser la vérité et à souffrir pour elle est d’autant plus grande. En dehors des convulsionnaires, anesthésiées à moitié, à moitié seulement[86] par une véritable hystérie mystique, les humbles bourgeoises et les paysannes jansénistes donnèrent des preuves d’une énergie morale, d’une force d’âme, d’une ténacité dignes de celles des plus grands défenseurs de la foi. C’est sur leur lit de souffrances, parfois sur leur lit de mort, qu’elles soutiennent la lutte. Le scénario du drame est dans tous les cas, ou presque, identique : appelé au chevet de la malade, le curé exige d’elle, avant de consentir à lui donner l’extrême-onction, le témoignage qu’elle adhère à la bulle ou la présentation du billet de confession qui en porte témoignage. Elle prend occasion de cette exigence pour affirmer sa foi janséniste, parfois en repoussant d’une seule parole la Constitution, comme le fit une religieuse qui se contenta de dire « Unigenitus ? Non » avant d’expirer, parfois, quand elle en a la force, en discutant. Fanatique souvent, le curé constitutionnaire, jaloux d’obtenir son adhésion et de vaincre l’esprit de rébellion qui est en elle, la harcèle de ses objections pressantes, lui oppose les tourments de l’enfer. Vains efforts : la malade, la mourante résiste avec une énergie d’autant plus étonnante qu’elle est le plus souvent fort âgée et elle meurt sans sacrement, à moins qu’une autorité supérieure, l’évêque, le Parlement, ne le lui fasse, de force, administrer ou que, revenue à la vie (le cas est assez fréquent), elle ne fasse poursuivre par les autorités séculières son persécuteur.

Le refus des sacrements donna lieu, on le sait, à des scènes violentes, parfois à de véritables émeutes ou à des manifestations très vives contre le clergé catholique. Les manifestations eurent le plus souvent pour cause première la résistance d’une humble femme de la bourgeoisie ou du peuple aux volontés des curés constitutionnaires. En 1754, une lingère de la capitale, bonne janséniste, vit arriver à son lit de mort le grand pénitencier de Notre-Dame qui lui demanda de se réconcilier avec l’Église. Elle déclara qu’elle n’avait pas à se réconcilier et mourut sans être administrée. Son convoi fut suivi par huit ou dix hommes en robe, cent ecclésiastiques et laïques en noir et portant l’épée. Tout ce monde a été suivi de plus de trois cents femmes qui ont jeté de l’eau bénite, « ce qui ne se fait à aucun enterrement » [87]. Cette fille, explique Barbier, était parmi les bourgeois et bourgeoises de Paris, en grande considération. L’année précédente, un conflit de cette même fille avec son curé avait été la cause de l’exil de l’archevêque de Paris.

Nombreux pendant cette année 1754, les refus de sacrements amenèrent dans le peuple des manifestations de solidarité féminine. Un jour, rapporte d’Argenson, les poissardes ont insulté l’archevêque de Paris, qui passait sur le Pont-Neuf, et ont dit : « Il faut noyer ce b… là qui veut nous empêcher de recevoir les sacrements. » [88] Fait bien significatif : il montre que, peut-être d’ailleurs par esprit naturel de Fronde, plus que par raisonnement philosophique, le jansénisme commence à gagner dans le peuple même l’élément féminin. Mais il faut y revenir, et le fait nous paraît important, ce sont surtout des femmes seules que le jansénisme a profondément imprégnées. C’est parmi elles qu’il trouve ses plus énergiques confesseurs, non parmi des mères de famille qui pourraient inculquer la doctrine à leurs enfants. N’est-ce pas une des causes qui expliquent son dessèchement puis son extinction ?

Le jansénisme, qui eut tant d’adeptes parmi les curés parisiens ou provinciaux, se répandit assez rapidement au sein des ordres religieux féminins. On cite, parmi les jansénistes les plus notoires, un grand nombre de religieuses de tous les ordres : Ursulines, Visitandines, Calvairiennes, Carmélites, Hospitalières, Bénédictines, Les couvents de Paris et ceux de presque toutes les provinces semblent touchés.

Il n’est pas d’année où, en Bretagne, en Languedoc, en Anjou, en Auvergne, dans l’Ile de France, plusieurs sœurs ne meurent privées des sacrements ou ne soient, pour fait de jansénisme, en butte aux persécutions de leur évêque[89]. Parfois, sous l’influence de la supérieure ou autrement, le jansénisme gagne toute une communauté. Deux religieuses de la communauté de Sainte-Agathe, sœurs Sainte-Thècle et sœur Sainte-Perpétue qui, malades, refusent de recevoir les sacrements et d’ailleurs guérissent, semblent avoir gagné à leur cause les quatorze sœurs qui composaient leur communauté. À la suite de leur résistance au clergé constitutionnaire, leur couvent fut dispersé, tel celui de Port-Royal[90] (1752). L’abbesse des Clarisses de Dax, l’abbesse de l’importante abbaye de Gif, la supérieure de la Charité, à Aix, firent auprès de leurs sœurs une active propagande. Mlle Colinet, supérieure des Carmélites de Troyes, réussit à convertir toutes les religieuses de son couvent aux doctrines anti-constitutionnaires et, comme quarante années plus tôt la maison de Port— Royal, le couvent des Carmélites de Troyes fut dispersé.

Le refus du sacrement aux religieuses et les actes d’hostilité des évêques et des curés constitutionnaires contre les religieuses ou les communautés opposées à la bulle, fut souvent la cause de troubles et de conflits violents entre les autorités ecclésiastiques et les Parlements.

Ainsi les femmes ont contribué, pour une très large part, à maintenir le jansénisme persécuté et à le rendre sympathique à l’opinion.

viii. La résistance passive des protestantes

Dans les luttes soutenues pour le maintien de la foi par une autre confession persécutée, le protestantisme, le rôle des femmes n’apparaît pas moins grand.

Les femmes protestantes, pas plus que les hommes, n’ont accepté sincèrement les édits de Louis XIV leur imposant la conversion. Et celles qui n’avaient pas pu émigrer étaient restées, comme leur maris et leurs frères, fortement attachées à la religion des aïeux.

Pendant les dernières années du xviie siècle et les premières années du xviiie siècle, les femmes des religionnaires ont pris une part très grande à la lutte passive que, particulièrement dans les provinces méridionales, les « nouveaux convertis » ont soutenu contre le gouvernement royal.

Non seulement elles maintiennent au cœur de leurs enfants l’attachement à la foi par l’enseignement de la doctrine réprouvée, mais leur activité se déploie en maintes circonstances.

Dans les villages de la Guyenne, de nouvelles converties qui s’intitulaient elles-mêmes des femmes fortes et s’érigeaient en prédicantes[91], allaient de maison en maison sous prétexte d’œuvres charitables, visitaient et soignaient les malades, secouraient les pauvres et les empêchaient de vivre en bons catholiques. Notre temps viendra, dit communément l’une d’elles, on nous bâtira des temples[92].

Au début du xviie siècle, dans l’Hérault, les assemblées du désert comptent, au témoignage de l’intendant, plus de femmes que d’hommes[93] et les bourgeoises, les femmes nobles, mais aussi les servantes s’y pressent.

Plus tard, sans que l’on soit en droit d’affirmer que, dans les assemblées du désert qui se sont tenues au cours du xviiie siècle dans le Languedoc, les femmes aient été plus nombreuses que les hommes, il est certain en tout cas que l’élément féminin était très largement représenté[94].

La preuve en est le grand nombre de condamnations prononcées contre des femmes pour avoir assisté à des assemblées du désert. Sur vingt-cinq femmes qui, en 1754, étaient encore détenues à la tour de Constance, à Aigues-Mortes, plus de vingt avaient été emprisonnées pour avoir assisté « aux assemblées à prier Dieu[95] ». Aux assemblées de protestantes qui se tiennent au milieu du xviiie siècle, dans le Béarn, on trouve également des femmes en grand nombre[96].

Plus tard, lors de la renaissance du calvinisme dans le Haut-Languedoc, des femmes jouent également un grand rôle en prêtant leurs maisons pour la tenue des assemblées. Il en est ainsi à Clairac, à Tonneins. Dans cette ville, les maisons de la demoiselle Antony, de la demoiselle Vivens s’ouvrirent largement aux fidèles. On y fit le prêche, on y accomplit les cérémonies. Dans la grange de la demoiselle Vivens auraient eu lieu, écrivait à Saint-Florentin l’intendant du Languedoc, plus de trois cents mariages ou baptêmes[97]. Dans les premières années qui suivirent la révocation de l’Édit de Nantes, où les édits étaient appliqués avec rigueur, les assemblées se tenaient parfois dans des maisons particulières. Souvent des femmes prêtèrent leurs demeures pour ces assemblées. En 1706, à Montpellier, un prêche se fait dans la maison d’Isabelle Rion[98]. La même année une assemblée se tient à Alais dans la maison de la veuve Verdier[99].

Pendant tout le cours du xviiie siècle et malgré les peines qu’elles encouraient de ce fait, les femmes assistèrent nombreuses aux assemblées qui se tinrent dans toutes les provinces.

En 1754, moment où recommencent les persécutions violentes, une infinité de femmes se trouvent enfermées dans les couvents ou les hôpitaux du Languedoc (Tarbes, Cahors, Montauban, Carcassonne), du Dauphiné (Die, Vienne) et de la Saintonge. Nous savons que l’on punissait ainsi leur assiduité aux assemblées.

Sans que l’on puisse déterminer exactement dans quelle mesure l’élément féminin assistait aux assemblées du désert, on peut du moins supposer qu’il était aussi largement représenté que l’élément masculin. Sans doute toutes les femmes qui se rendaient au désert ne faisaient pas acte d’héroïsme, car le plus souvent leurs assemblées n’étaient pas troublées. Mais il pouvait arriver qu’elles le fussent : les hommes étaient passibles des galères et les femmes s’exposaient à la réclusion dans un couvent ou un hôpital et souvent à une très dure prison. L’inégalité du traitement que, d’ailleurs sans raison apparente, on faisait subir aux prisonnières, est éclatante. Celles-ci sont gardées quelques années dans un couvent, en butte aux sollicitations des supérieures et des prêtres, qui espèrent les ramener à l’Église romaine. Les reconnaît-on inébranlables, on recommande de les relâcher pour ne pas accroître leur aversion pour la religion catholique[100].

Mais d’autres languissent dans d’affreuses prisons comme la tour de Constance, géhenne où, depuis 1686, gémissent, accompagnées par le mugissement lugubre de la mer, de malheureuses femmes. Dans ce noir donjon, isolé au milieu d’un paysage sinistre, avec sa grande salle ronde sans autre meuble qu’un banc de pierre circulaire, percée d’étroites meurtrières qui laissent filtrer un pâle jour, « murée d’une porte effroyable, on croit lire l’inscription du Dante : Lasciate ogni speranza, voi’ch entrate » [101]. Là, en 1769, quatorze femmes vivaient « dans la misère et les larmes » [102]. N’a-t-il pas fallu à celles-là, et particulièrement à cette Marie Durand qui y fut enfermée à l’âge de quinze ans et passa trente-sept ans dans la geôle, un courage surhumain pour ne pas acheter d’une abjuration le retour à la lumière ! Et ne sont-elles pas parmi les plus hauts exemples de ce que peut l’énergie féminine soutenue par la foi ?

Nombreuses sont celles aussi qui, ne pouvant vivre en paix en France, passent les frontières et s’empressent d’aller vers la Suisse, l’Angleterre, la Hollande ; nombreuses celles qui donnent asile aux pasteurs du désert ; nombreuses celles qui, allant trouver à leur lit de mort les nouvelles converties, les ramènent à la religion des ancêtres[103].

Quelques-unes, plus hardies, vont, comme la demoiselle Canonge, femme d’un monnayeur de Montpellier, jusqu’à prendre part à des complots avec l’Angleterre, « pour le rétablissement de la religion réformée en France » [104] ; ou comme cette Allemande de la confession d’Augbourg, à « remettre au roi un placet où elle lui expose que, dans l’embarras qu’il a de rétablir la paix entre le pape, les évêques, le deuxième Ordre et le peuple, l’expédient le plus simple est de se faire protestant » [105].

Celles des protestantes qui ont l’occasion de faire preuve d’héroïsme ou de se signaler à l’attention des fidèles par leur constance dans les épreuves ou quelque action d’éclat, sont d’ailleurs, en somme, extrêmement rares et leur renommée en est d’autant grandie. Dans sa prison, puis après sa délivrance, Marie Durand en correspondance avec les plus notables pasteurs, connue des fidèles de Suisse et de Hollande, gratifiée d’une pension par les communautés hollandaises, fut l’objet d’une vénération universelle[106]. Mais plus intéressantes peut-être que ces augustes exceptions et plus significatifs pour l’histoire de l’Église protestante de France sont les centaines de milliers des femmes qui, malgré les rigueurs toujours suspendues sur leur tête, malgré un simulacre d’apostasie à elles imposé (puisque jusqu’en 1787 il n’y a plus officiellement en France de protestants, mais simplement des nouveaux convertis et nouvelles converties), continuent cependant avec une fermeté et une douceur inlassables de pratiquer la religion des pères, qui se marient au désert devant leurs pasteurs, font baptiser secrètement leurs enfants dans des granges, des étables, comme ceux des premiers chrétiens, et affirment à l’heure dernière leur fidélité à leurs croyances[107]. Contrairement à ce que nous montre le jansénisme, où nous voyons surtout des femmes seules parmi les apôtres et les martyres de la foi, ces protestantes qui ne veulent pas abdiquer sont des épouses et des mères. La tradition, souvent formulée en touchantes complaintes des exilées du désert[108], les rapports administratifs, les plaintes des autorités ecclésiastiques sont d’accord pour nous montrer les mères protestantes insufflant dans l’âme de leurs enfants l’attachement à la foi et faisant échouer tous les efforts tentés pour les ramener au catholicisme. La mère du pasteur Rousselle, exécuté à Nîmes le 30 novembre 1738, l’aurait encouragé au pied même de l’échafaud à mourir pour sa foi et aurait repoussé avec indignation le salut acheté au prix d’une abjuration.

Considérant que, dans cette région de la Picardie, le protestantisme fait d’inquiétants progrès, un curé de Noyon constate que le seul moyen d’en empêcher la diffusion serait d’instruire les filles, qui instruiraient elles-mêmes leurs enfants[109]. Les écoles pour former les jeunes nouvelles catholiques, voilà pour lui l’essentiel. On ne peut mieux dire que les mères protestantes empêchent par le seul ascendant familial les progrès de la conversion. Parfois, le père fléchit, la mère tient. Telle mère protestante envoie son fils à Genève contre la volonté même du mari[110].

Quant aux femmes qui se marient au désert, elles sont légion. Un édit de 1686 a eu beau établir que « les femmes des religionnaires convertis… qui persisteraient dans la R. P. R. ne pourraient disposer de leurs biens par donation ou par testament et seraient déchus des avantages à elles faits par leurs maris » [111] ; les tribunaux ont beau, parfois, à la requête de parents avides, considérer le mariage protestant comme un simple concubinage et priver les veuves des biens qui, légitimement, devaient leur revenir pour les attribuer aux collatéraux[112], malgré tout les femmes autant que les hommes, et en dépit des inconvénients plus grands encore qui résultent pour elles d’un mariage clandestin, ne veulent se marier que devant leur pasteur. En 1750, on évaluait à 100 000 le nombre des mariages faits au désert[113].

Se mariaient-elles devant le prêtre catholique, elles retournaient bientôt devant le pasteur pour faire bénir à nouveau leur union. « Sur deux cents couples qui se marient en face de l’église, il n’en est pas deux, dit l’évêque d’Alais, qui persévèrent dans le catholicisme[114] ».

Il faut le signaler une fois encore : à cette résistance passive, les femmes avaient plus de mérite encore que les hommes, l’état présumé de concubinage n’ayant pas pour eux les graves inconvénients juridiques qu’ils entraînaient pour leurs compagnes.

Aussi la question des mariages protestants se posa-t-elle, vers la fin de l’ancien régime, avec acuité. Les évêques, les autorités administratives, les écrivains constataient quel très grave inconvénient il y avait à laisser des centaines de milliers de couples protestants, qui refusaient absolument même le simulacre de mariage devant le prêtre, privés de toute pièce constatant légalement le mariage, et les enfants qui naissaient de ces unions, dépourvus d’état-civil. Plusieurs mémoires furent lancés où l’on pouvait voir « qu’il était de l’intérêt de l’Église et de l’État de faire cesser ces sortes de mariages, en établissant pour les protestants une nouvelle forme de se marier qui ne blesse pas leur conscience et qui n’entame point celle des curés et des évêques » [115].

Le plus détaillé de ces mémoires, dû à la plume de M. Beer, aumônier du roi de Suède, exposait que le mariage étant distinct du sacrement du mariage, et celui-ci n’étant pas nécessaire pour donner à celui-là sa valabilité civile, le roi devait établir pour ses sujets protestants une nouvelle forme de mariage consistant dans la publication de bans et la comparution devant un magistrat[116].

Le mémoire fut lu et commenté. Les écrivains catholiques le réfutèrent et des polémiques assez longues s’engagèrent. Malgré les velléités assez timides manifestées par le gouvernement royal, lorsqu’au cours de la guerre de Sept Ans, il crut avoir besoin de capitaux protestants et chercha à obtenir leur concours par des concessions, la question resta en suspens. Elle ne fut tranchée que par l’édit de 1787, qui établit pour les protestants le mariage civil.

La résistance tranquille, mais acharnée, des femmes protestantes, a donc contribué pour une très large part à maintenir le protestantisme français.

ix. Les femmes et la Franc-Maçonnerie

Enfin, la Franc-Maçonnerie trouva chez les femmes un grand nombre d’adeptes.

Ce n’est pas le lieu de rechercher ici l’origine de la Maçonnerie, mais il est à remarquer que, primitivement, celle-ci fut jalousement réservée au sexe fort. C’est seulement au cours du xviiie siècle que les dirigeants de la Maçonnerie se montrèrent plus libéraux et firent une place aux femmes. Vers quelle date, exactement, il est assez difficile de le préciser. On peut cependant conjecturer que c’est aux environs de 1770, car une brochure maçonnique parue en 1775 fait allusion à l’admission des femmes comme à un fait récent. « Jusqu’alors, écrit l’auteur anonyme de la Maçonnerie des Dames[117], les maçons, sans qu’on sut bien la raison de cet usage, n’admettaient pas leurs mères et leurs épouses dans les loges et laissaient seulement des frères « adopter ou maçonner une femme » réunie à la grande confrérie d’un lien fort lâche et ne pouvant ni être initié, ni à plus forte raison acquérir un grade dans la Maçonnerie.

« Il était réservé aux jours heureux qui nous éclairent, continue le même auteur, de réunir les deux sexes dans nos loges. »

Il faut d’ailleurs s’entendre sur cette dernière expression. Jamais les femmes ne furent admises dans les anciennes loges. Mais on créa spécialement pour elles des loges où elles purent figurer à côté des hommes. Ces loges, dites loges d’adoption, font leur apparition vers 1772. C’est en effet à partir de cette date que les dirigeants de la Maçonnerie s’occupent d’établir un catéchisme à l’usage de leurs sœurs d’adoption et d’instituer, pour leur admission, un cérémonial particulier[118].

Dans les nouvelles loges, dites d’adoption, les femmes peuvent parvenir aux trois grades d’apprenties, de compagnonnes, de maîtresses. Au premier degré de la hiérarchie, la candidate, « qui doit être saine et sans grossesse » et être présentée par un frère qui répond d’elle, subissait les épreuves d’initiation, revêt la jarretière et le tablier et promet « de se taire sur les saints mystères et de travailler au bonheur de ses frères et de ses sœurs ».

Elle n’est encore qu’une novice qui n’a aucun rôle dans la direction de la loge. Les compagnonnes et surtout les maîtresses (celles-ci reçoivent la truelle symbolique qui est l’un des insigne de commandement ) tiennent au contraire une place fort importante et considérée comme telle par les frères maçons. « C’est, écrit l’un d’eux, … nos sœurs qui ont apporté avec elles un cœur qui renferme les cinq colonnes de notre ordre : vertu, silence, charité, tempérance, fidélité, que vos sérieuses applications cherchaient avec soin et qu’elles ne trouvaient pas pour soutenir et servir de base à ce temple célèbre, l’école des mœurs… Il fallait le cœur de nos maçonnes pour renfermer nos recherches. Il fallait adopter dans la loge le sexe que nous en bannissions[119]. »

Les loges d’adoption furent, en effet, très en vogue. Les femmes se montrèrent très empressées à s’y faire admettre, à tel point qu’un écrivain put avancer, en 1776, « qu’on ne faisait presque plus de loges que pour les femmes » [120].

Parmi elles, comme parmi les hommes, c’est l’aristocratie surtout qui se montre empressée à participer aux mystères. La loge de la Candeur, la loge des 9 Sœurs furent les plus importantes des loges d’adoption et toute l’élite féminine de la Cour sembla s’y être donné rendez-vous. Mmes de Choiseul-Gouffier, de Rochechouart, de Loménie, de Nicolaï, de Brienne, de Rochambeau, de Bethisy, de Genlis siègent dans la loge de la Candeur, autour de la duchesse de Bourbon qui préside, entourée d’un état-major où l’on relève les noms de Luynes, de Brancas, de Caylus et de Turennes. Mme Helvétius préside la loge des 9 Sœurs. Mme de de Lamballe[121], la loge du Contrat social. La comtesse Potocska fonde les chevaliers de Notre-Dame-de-la-Persévérance.

Le 18 mars 1776, la duchesse de Bourbon est déclarée grande maîtresse des loges d’adoption.

C’est presque exclusivement à Paris que celles-ci furent florissantes. Les écrivains qui ont étudié avec le plus de détail le développement de la Franc-Maçonnerie en France ne nous signalent que deux loges d’adoption provinciales : Besançon (loge de la Sincérité) qui, en 1778, comptait vingt-quatre maîtresses conseillères ou compagnonnes, toutes de l’aristocratie ; la loge de la Parfaite Amitié, de Toulouse, où, en 1786, se réunissent quinze femmes de l’aristocratie parlementaire et de la noblesse d’épée[122]. En 1780, il s’était fondé à Confolens une loge, celle de la Parfaite Union, qui groupait l’élite féminine de la bourgeoisie et de la noblesse[123]. Partout ailleurs, la Franc-Maçonnerie reste exclusivement masculine.

Quoi qu’aient pu dire les historiens hostiles à la Franc-Maçonnerie, il ne semble pas que les loges d’adoption aient eu un rôle politique où y aient visé le moins du monde. Il est à présumer que la plupart d’entre elles entrèrent dans les loges plus par snobisme que par conviction et que les principes de fraternité et d’entr’aide qui étaient à l’ordre du jour dans la Maçonnerie répondirent à la sensibilité humanitaire qui, à la veille de la Révolution, était au cœur de tant de femmes. Leur action se borne à l’exercice de la charité. « Les réunions où elles assistaient, dit un historien pourtant peu favorable à la Maçonnerie, étaient toujours des fêtes, précédées de travaux pour les réceptions et les œuvres de bienfaisance[124]. On seconde les familles dans la misère, on délivre des prisonniers pour dettes, on paye des mois de nourrice aux enfants des familles nécessiteuses. Nulle assemblée qui ne commence ou ne se termine par une quête… » Les sœurs maçonnes n’étaient donc pas des femmes politiques. Mais elles étaient sensibles aux misères des pauvres, désireuses sans doute d’en amener la fin. Et leur enthousiasme explique et prépare celui que bon nombre de femmes de l’aristocratie manifesteront, aux premières jours de la Révolution, pour la régénération du peuple français.

  1. Nombre des ecclésiastiques de France. Paris, 1670.
  2. Arch. Nation., D. XIX.
  3. Abbayes de filles : 253 ; revenus, 2 654 000 livres ; prieurés : 64 ; revenus, 680 000 livres ; chapitre des chanoinesses : 24 ; revenus, 360 000 livres ; maison des Chevaliers de Malte : 2 ; revenus, 16 500 livres.
  4. Arch. Départ., Loire-Inférieure, H. 350 (abbaye de Fontevrault) ; Cantal, E. 268 (abbaye de Baunesaigue) ; Cher, E. 1633 (abbaye de Saint-Laurent) ; Aube, B. 1089 (Notre-Dame-des-Prés) ; Seine-Inférieure, H. 5363 (Montivilliers).
  5. Arch. Départ., Charente-Inférieure. Introduction.
  6. Cardinal Mathieu. L’ancien régime en Lorraine.
  7. Dictionnaire de jurisprudence : Chanoinesses.
  8. Peigné Delacour. Tableau des abbayes et monastères d’hommes avec liste des abbayes royales de filles ; et Tuetey, Sources manuscrites de l’histoire de Paris.
  9. Peigné Delacour. Ibid.
  10. Ibid.
  11. Ibid.
  12. Rebillon. Le clergé dans les diocèses de Rennes, Fougère et Vitré.
  13. Ibid.
  14. Arch. Départ. Ille-et-Vilaine H. 32.
  15. Constitution pour les religieuses de Sainte-Ursule.
  16. Ibid.
  17. Constitution pour les sœurs de la Visitation. Paris, 1818.
  18. En 1702 Gabrielle, fille du duc de Lorraine, Léopold, fut constituée abbesse de Remiremont à l’âge de 5 ans.
  19. Cité par Mathieu. Loc. cit.
  20. Mathieu. Loc. cit.
  21. Helyot. Dictionnaire des ordres religieux (Carmélites).
  22. Organisée en 1617 par le père Joseph du Tremblay, l’éminence grise.
  23. Arch. Nation., D. XIX, 1.
  24. Constitution pour les religieuses de Sainte-Ursule.
  25. Arch. Départ., Saône-et-Loire, H. 682 ; Seine-Inférieure, G. 538, 3.
  26. D’Argenson. Loc. cit.
  27. Cf. Contestation du corps de ville de Grenoble avec la prieure de Montfleury, qui a construit une digue sur l’Isère. Arch. Départ., Grenoble.
  28. Arch. Départ., Loire-Inférieure, H. 350.
  29. Arch. Départ., Vosges, introduction.
  30. Arch. Départ., Loire-Inférieure, E. 2153.
  31. Arch. Départ., Seine-Inférieure, H. 5363.
  32. François Lautour. Mémoire et description de la ville d’Argentan (ms. conservé aux archives de l’Orne et cité par Duval : Introd. à la série H. des Arch. Départ. de l’Orne. Tome III (Alençon, 1899).
  33. L’abbaye du Panthémont, à Paris, a une école célèbre. Les Bénédictines ont des établissements à Aix, Châlons, Cusset, Metz, Nancy, Limoges, Laval, Nantes ; les religieuses de Fontevrault, à Tarbes (Arch. Nation., D. XIX, 1 à 6).
  34. Cf. supra. L’éducation.
  35. En particulier à Épinal, Pont-à-Mousson, Nancy, Lunéville, Toul, Neufchâteau.
  36. Rebillon. Situation du clergé dans le diocèse de Rennes.
  37. Jèze. Loc. cit.
  38. Mercier. Loc. cit.
  39. Ibid.
  40. Arch. Départ., Somme, C. 1604.
  41. Arch. Nation., D. XIX, 1-6.
  42. Arch. Départ., Calvados, H. 1137.
  43. Arch. Départ., Somme, C. 1604.
  44. Mercier. Loc. cit. — D’Argenson. Loc. cit.
  45. Arch. Départ., Nièvre, E. 731.
  46. Bachaumont. Mémoires secrets.
  47. Cf. Mme du Hausset. Mémoires.
  48. Ibid.
  49. Arch. Nation., D. XIX, 14-15.
  50. Arch. Nation., D. XIX, 1.
  51. Arch. Nation., D. XIX, 1.
  52. Au cours du xviiie siècle, nous relevons sur l’état des comptes de la secrète de Remiremont : « Perdrix, grives, canards, carpes, poulets, jeux de cartes, etc… » Arch. Départ., Vosges, passim.
  53. Arch. Depart., Orne. Introduction à la scène H.
  54. Arch. Départ., Meurthe-et-Moselle, G. 2 et 3.
  55. Arch. Départ., Saône-et-Loire, H. 1173.
  56. Ibid.
  57. Arch. Départ., Orne, H. passim.
  58. Arch. Nation., C. XIX, 1.
  59. Tuetey. Sources manuscrites de l’histoire de Paris. N° 4693.
  60. Arch. Départ., Orne, H.
  61. Adresse des Carmélites à l’Assemblée nationale (1789). Cette adresse est signée par les prieures des quatre couvents de Paris.
  62. Arch. Nation., D. XIX, 15.
  63. Ibid.
  64. Goncourt. Loc. cit.
  65. Ibid.
  66. Babeau. Artisans et paysans.
  67. Dubédat. Histoire du Parlement de Toulouse.
  68. Lettres persanes (XXIV). Ed. Didot.
  69. Nécrologie des défenseurs de la vérité.
  70. Funck Brentano. Lettres de cachet : Arrestation, à Senlis, de la femme du libraire Samson, 1727.
  71. Nécrologie des défenseurs de la vérité.
  72. Arrestation de Marie-Angélique Moreau et de sa mère pour affichage de placards aux Tuileries. Funck Brentano. Ibid.
  73. Barbier. Loc. cit.
  74. (4) 1732 : Arrestation de la femme Bullot, pour impression des Nouvelles ecclésiastiques ; 1733 : Arrestation de Louise Dupré et de Mlle de Saint-Hilaire, pour publications jansénistes ; 1734 : Arrestation des femmes Guillin et Courbet, pour les mêmes délits ; 1735 : Emprisonnement de la femme Gruveau ; 1736 : Arrestation de la sœur Lacroix, de Marie Fontaine, de la sœur Marie, des demoiselles Liébault et Noël ; 1737 : Arrestation de Catherine Danger et de Marguerite Molie ; — arrestation de Marie-Angélique Moreau et de sa mère, pour affichage de placards aux Tuileries ; — arrestation de la sœur Daubine, qui essayait de faire passer sous ses jupes, à la barrière de Paris, la Petite constitution janséniste ; des sœurs Maloi, qui colportaient des publications jansénistes (Funck Brentano).
  75. Ibid. Loc. cit.
  76. Barbier. Loc. cit.
  77. Grimm. Correspondance littéraire, janvier 1761.
  78. Grimm. Loc. cit.
  79. D’Argenson. Loc. cit.
  80. Nécrologie des défenseurs de la vérité.
  81. Nécrologie et Funck Brentano, Loc. cit.
  82. Nécrologie des défenseurs de la vérité.
  83. Funck Brentano. Loc. cit. ; Grimm. Correspondance, janvier 1761.
  84. Loc. cit.
  85. Sur environ deux cents noms de femmes qui figurent dans la Nécrologie des défenseurs de la vérité, c’est à peine si nous avons relevé une femme mariée.
  86. Car, malgré ce qu’on prétendait alors, La Condamine vit des convulsionnaires se tordre et crier de souffrances.
  87. Barbier. Loc. cit.
  88. D’Argenson. Mémoires.
  89. Nécrologie.
  90. D’Argenson. Loc. cit.
  91. Arch. Départ. Gironde, E. 5243.
  92. Mémoire du curé de Libourne, Arch. Départ., Gironde, E. 5243.
  93. Arch. Départ., Hérault, C. 181.
  94. Coquerel. Histoire des églises du désert.
  95. D’après une liste dressée par une des prisonnières, Marie Durand. Ce curieux document a été reproduit par Coquerel. Histoire des églises du désert.
  96. Arch. Départ., Basses-Pyrénées, B. 4879.
  97. Coquerel. Loc. cit.
  98. Arch. Départ., Hérault, C. 186.
  99. Ibid., C. 187.
  100. Coquerel. Loc. Cit.
  101. Dépêche de M. de Saint-Florentin à l’intendant du Languedoc, citée par Coquerel.
  102. Relation du chevalier de Boufflers, cité par Coquerel.
  103. Arch. Départ., Hérault, C. 189. — Coquerel, loc. cit. — Funck Brentano. Loc. cit.
  104. Arch. Départ., Hérault, C. 189.
  105. Coquerel. Loc. cit.
  106. D’Argenson. Loc. cit.
  107. Divers mémoires parus au xviiie siècle, sur la question des mariages protestants, évaluent sans doute, avec quelque exagération, le nombre des protestants français à trois millions.
  108. Coquerel en cite quelques-unes d’une naïveté émouvante.
  109. Arch. Départ., Somme, C. 1548.
  110. Arch. Départ., Hérault, C. 232.
  111. Isambert. Anciennes lois françaises.
  112. Coquerel (Histoire des églises du désert) cite plusieurs de ces jugements rendus par les parlements.
  113. Beer. Mémoires historiques et politiques, au sujet des mariages clandestins des protestants de France.
  114. Ibid.
  115. Ibid.
  116. Ibid.
  117. Londres, 1774.
  118. Les manuels mis à la disposition des dignitaires chargés de recevoir les nouvelles adeptes et de celles-ci, sont alors nombreux et leur succès, le nombre d’éditions de certains d’entre eux prouvent qu’ils sont fort répandus. En 1772, paraît (c’est, semble-t-il, le premier en date de ces ouvrages) Les quatre grades complets de la Franc-Maçonnerie des dames (Jérusalem, 1772), Vient ensuite, La Maçonnerie des dames (Londres, 1774), et l’Adoption ou la Maçonnerie des dames, à la Fidélité, chez le Silence, 100 070 075 (c’est-à-dire 1775).
  119. L’adoption ou la Maçonnerie des femmes.
  120. Bachaumont. Mémoires secrets, 1776.
  121. Cf. Bertin. Mme de Lamballe.
  122. Bord. La Franc-Maçonnerie, Paris, 1908.
  123. Cf. Babaud-Lacroze. Pages confolentaises, cité par la Révolution Française, juillet-septembre 1922.
  124. Bournand. Histoire de la Franc-Maçonnerie.