La France juive/Livre Deuxième/V

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Marpon et Flammarion (p. 361-380).


V


LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE




Crémieux et Goudchaux au pouvoir. — Rothschild sauvé de la banqueroute. — La France change de Juifs. — Le règne des Juifs du Midi. — Pereire, Mirès et Solar. — Retour offensif des Juifs allemands. — L’organisation de la guerre. — Le tentateur tenté. — Mgr  Bauer. — Le Juif allemand est partout à la fin de l’Empire. — La dépêche de l’agence Wolff et la déclaration de guerre.






LA DEUXIÈME RÉPUBLIQUE ET LE SECOND EMPIRE



La Révolution de 1848 est la seule en France qui n’ait point été agréable aux Juifs, en attendant celle qui leur sera infiniment moins agréable encore, la bonne, celle qui sera faite contre eux.

Le coup de pistolet de Lagrange faillit bien faire sauter la banque juive, mais comme les grecs qui ne s’asseyent jamais à la table d’écarté qu’avec un roi ou deux de rechange dans la poche de leur gilet, les Rothschild ne se mettent au jeu qu’avec deux ou trois hommes d’État juifs dans la manche. Le vrai roi tombé sous la table, le banquier étala brusquement sur le tapis, devant la galerie qui n’y vit que du feu, un joli lot de rois tout neufs : Crémieux et Goudchaux. Je crois bien qu’il y avait un brelan et que Marie était aussi d’origine juive.

Le premier a joué un rôle assez important dans la Juiverie, un rôle assez néfaste dans notre histoire, pour que nous lui consacrions un chapitre spécial. Goudchaux tripotait dans la petite banque, il exploitait les commerçants parisiens gênés, avec l’aide secrète de Rothschild ; il escomptait ce qu’on nomme, je crois, des broches. C’était une manière de Tirard ; du fabricant de bijoux faux, ministre des finances de la troisième République, qui égare si facilement cent millions au prêteur sur gages de la deuxième, la différence est peu sensible[1].

D’après les Archives israélites (année 1863), ce ne serait que sur les supplications du gouvernement provisoire que Goudchaux aurait daigné accepter le Ministère des finances. Il ne faut voir là, je pense, qu’un nouveau trait de l’effronterie juive, la houtzpa. Ces abaissements, habituels à nos républicains d’aujourd’hui, n’étaient pas dans le caractère des républicains de 1848. Arago a pu faire cette démarche, mais notre glorieux Lamartine, qui reste si grand malgré ses erreurs, avait l’âme trop désintéressée pour tremper dans ces manœuvres ; avec la candeur des Aryens, il laissa Goudchaux s’introduire dans le gouvernement pour garantir les intérêts de la Juiverie, mais il n’eut pas la pensée d’avilir devant la banque israélite le peuple qui venait de briser un trône[2].

Chacun, du reste, demeura fidèle à son rôle. Lamartine, devant les périls de la Patrie, s’écria : « Sauvons la France ! » Goudchaux s’écria : « Sauvons Rothschild ! »

La situation de Rothschild était critique, et il emplissait les antichambres de lamentations non sur ce qu’il perdait, mais sur ce qu’il manquait de gagner. Nulle victime n’était moins intéressante ; ainsi que Capefigue nous l’explique[3], il avait soumissionné, en 1847, un emprunt de 250 millions ; de novembre 1847 à février 1848, il avait pu placer cet emprunt en réalisant même, les cours en font foi, un bénéfice modeste de 18 millions de francs.

Avec l’avidité qui le distinguait, Rothschild n’avait pas trouvé ces 18 millions dignes de lui ; il avait gardé les titres en portefeuille. Quand la Révolution éclata, il refusa cyniquement de verser les 170 millions qu’il devait encore, il fit purement et simplement banqueroute. Il n’est point nécessaire, en effet, d’être très versé dans les questions financières, pour comprendre que la chance de gagner implique qu’on accepte le risque de perdre.

La conduite du gouvernement était toute tracée, il n’avait qu’à empoigner ce banqueroutier et qu’à le déposer à Mazas qui justement venait d’être construit.

Le bon Goudchaux, vous le devinez, se garda bien d’agir ainsi, il considérait comme valable la théorie de Rothschild que la parole donnée au goy n’engage pas le Juif. Non seulement il admit en secret cet homme, qui venait de manquer à ses engagements envers l’Etat, à une nouvelle . émission de 43 millions de rente 5 pour cent à d’excellentes conditions, mais encore il poussa l’amabilité jusqu’à lui fournir les fonds nécessaires au service de l’emprunt grec.

Ici Capefigue tombe frappé d’admiration et nous nous expliquons ce sentiment[4]. Dans l’histoire, je connais peu d’épisodes plus amusants. Le peuple est tout noir de poudre, il meurt de faim sur les pavés qu’il a remués, tous les ateliers sont fermés ; enfin il est vainqueur, il est émancipé, il a assuré la liberté du monde, il a réussi.… à quoi ? À mettre au Ministère des finances un obscur changeur juif : le Goudchaux. Au milieu de tant de misères suppliantes, une misère seule frappe l’âme sensible de l’enfant d’Israël ; dans le Trésor à sec, il trouve moyen de ramasser quelques fonds et il les porte lui-même à M. de Rothschild. Voilà, Lockroy, la comédie que tu aurais dû faire ; tu nous aurais divertis davantage qu’avec le Zouave est en bas.…

Proudhon, d’un mot rude et juste, définit la Révolution de 1848 : « La France, dit-il, n’a fait que changer de Juifs. »

Peu s’en fallut, cependant, que cette Révolution n’eût une influence considérable sur l’avenir de la France. Dès la proclamation de la République, les paysans du Haut et du Ras-Rhin, si cruellement pressurés, s’étaient précipités sur les demeures des Juifs ; à Heyemheim, notamment, ils s’étaient remis en possession de tout ce qui leur avait été dérobé. Traduits devant le jury à Strasbourg et à Colmar, ils furent acquittés au milieu des acclamations et portés en triomphe.

Devant le jury de Colmar, M. de Sèze, avocat à la Cour d’appel, défendit ces accusés, plus intéressants que les victimes, avec un merveilleux talent et flétrit les Juifs dans une des plus énergiques harangues qui aient jamais retenti dans un prétoire français.

Malheureusement le mouvement était isolé, aucun comité anti-sémitique n’existait alors pour permettre à tous les opprimés de s’entendre et d’agir en commun, et la tentative d’émancipation des chrétiens n’eut pas de suites.

Fould maria d’abord la Juiverie avec l’Empire, et, en sa qualité de ministre d’État, maria ensuite l’Empereur et l’Impératrice en prononçant, sans doute, in petto, toutes les formules de malédictions que contient le Talmud sur l’enfant qui devait naître de ce mariage et qui fut l’infortuné Prince Impérial.


Au début de l’Empire, la Juiverie allemande, représentée par Rothschild, s’efiiaça un peu pour laisser le champ libre à la Juiverie bordelaise représentée par les Pereire, les Millaud, les Solar. Le Juif Mirès entre en scène.

Les Juifs du Midi déployèrent les qualités particulières à leur race et que nous avons déjà constatées : le brio, le bagoût, le mouvement. Avec eux l’or, qui s’entasse lugubrement dans les caves de Rothschild comme ramené par le râteau silencieux d’un croupier invisible, sonna, tinta, brilla avec des splendeurs de féerie et des bruits de chanson ; il accompagna, comme le refrain de Marco, la période joyeuse de ce règne qui devait finir dans d’épouvantables catastrophes.

Au roulement des écus s’unissaient les ronflantes déclamations sur le règne de la civilisation, l’ère des progrès, l’amélioration des cités et la moralisation des individus par le gaz.

Pour revoir ce spectacle véritablement éblouissant, si proche de nous par la date, et qui semble déjà perdu dans le lointain des âges, vous n’avez qu’à relire les beaux discours dans lesquels les tripoteurs et les satisfaits d’aujourd’hui flétrissaient ces scandales, ces déchaînements d’appétit, cette déification de la richesse, opposaient à ces corruptions l’austère image de la future République qui réduirait les dépenses, proscrirait le népotisme, respecterait le domicile de chacun !

Un livre d’un grand écrivain, qui du moins, lui, est un honnête homme, les Manieurs d’argent, résume ce mouvement, comme le livre de Toussenel avait résumé le mouvement du règne de Louis-Philippe.

Toussenel, cependant, avait eu le courage d’indiquer le rôle prépondérant du Juif dans ces hontes. M. Oscar de Vallée a laissé ce point dans l’ombre. Le temps avait marché, en eflet, et le Juif était devenu un adversaire qu’on ne pouvait pas braver sans danger. Cette lacune, néanmoins enlève à l’ouvrage toute signification précise et en fait une déclamation à la Sénèque plus qu’une étude prise sur le vif de la société française.

Malgré tout, cette première phase eut une allure pittoresque, un entrain endiablé. Le Juif du Midi n’est pas éloigné de croire que l’Aryen a le droit de manger quelquefois ; il se frotte de lettres comme le Bordelais se frotte d’ail, il n’est point incapable d’apprécier un article de journal.

Le Constitutionnel, ce Voltaire de l’époque, le Pays, ce Paris de l’Empire, ouvrirent leurs caisses à des écrivains qui n’étaient pas sans talent. Millaud fonda l’Histoire qui tomba avant lui et le Petit Journal qui survécut à son neveu Alphonse. Sans avoir les nobles allures des Fermiers généraux, qui s’appelaient Lavoisier ou Beaujon, qui créaient la chimie ou fondaient des hôpitaux, les traitants de l’Empire se plaisaient à la société des artistes, ils furent même littérateurs à leurs heures ; à Solar, qui faisait jouer Clairon et Clairette, Millaud ripostait en donnant au Palais-Royal Ma Nièce et mon Ours.

À quelques-uns, comme à Solar, la fortune était venue sans qu’ils fissent grand chose pour la conquérir, en vertu de cette force secrète, qui amène l’argent au Juif comme le fer à l’aimant. À certains jours, l’auteur de Clairon et Clairette paraissait comme embarrassé de ses millions. Qui ne connaît le mot mélancolique de ce millionnaire malgré lui : « Paix et peu, telle a toujours été ma devise, j’ai toujours vécu dans le bruit et j’ai fini par avoir trop. »

Français déjà à demi, avant la Révolution, les Juifs de Bordeaux s’entouraient de Français ; leurs convives s’appelaient Dumas père, Ponsard, Albéric Second, Méry, Monselet.

Contents de vivre, ils faisaient construire des palais et restauraient de vieux châteaux lorsque les Juifs allemands frappèrent à la porte de la salle du banquet et leur dirent : « Frères, il y a dix ans que vous êtes à table, vous devez être rassasiés, si vous nous laissiez entrer à notre tour. »

Pour les inviter au départ, on pressa légèrement sur la place à l’aide des capitaux allemands. Pereire, qui avait écrasé Mirès, fut à moitié écrasé par Rothschild et l’on vit intervenir sur le marché les banquiers d’Outre-Rhin.

Pour remuer les grosses affaires il faut un levier, un thème. Les Rothschild, à leur première manière, avaient joué des emprunts d’État, les Pereire et les Mirès, en faisant appel aux souscriptions publiques, avaient vidé les petites bourses. Les uns s’étaient appuyé sur la paix sans phrases, la paix à tout prix ; c’était l’époque où courait le mot célèbre : « Nous n’aurons pas la guerre, le roi y est décidé, mais M. de Rothschild n’en veut pas. » Les autres avaient soutenu dans leurs journaux une sorte de paix intermittente, philosophique en même temps, réunissant dans un groupe idyllique les nations sœurs enfin réconciliées, ouvrant des Expositions universelles.

La paix était usée, les Juifs allemands comme base d’opération prirent la guerre ; ils organisèrent, sous des apparences militaires, la plus vaste et la plus admirable spéculation financière qui ait jamais été essayée et réussie.

Qui ne connaît cette célèbre entrevue où, sur la terrasse de Biarritz, Méphistophélès-Bismarck vint tenter l’Empereur en lui offrant des royaumes à partager[5] ?

Le tentateur lui-même avait été tenté, il avait succombé et conclu le pacte. Le Juif, qui est aussi subtil que le Diable, avait été trouver Méphisto et lui avait montré l’Alsace comme Méphisto montrait à Napoléon iii les bords du Rhin.

N’est-elle point toujours d’actualité la fameuse scène du Second Faust ?

— Nous n’avons point d’argent pour payer nos troupes, nos États sont en pleine révolte et notre Chancelier ne sait où donner de la tête ; ainsi parle l’Empereur, comme s’il racontait la situation critique de la Prusse quand le Parlement refusait de voter les impôts.

— Qu’à cela ne tienne, répond le Malin ; pour faire sortir l’argent des entrailles de la terre, il suffit de créer du papier monnaie.

Alors a lieu une fête qui ressemble assez à l’Exposition universelle de 1867, où, comme dans le Second Faust, on voit apparaître la Belle Hélène, et soudain le maréchal entre tout en joie, annonçant que tout va le mieux du monde ; le général vient dire aussi que toutes les troupes ont été payées ; le trésorier s’écrie que tous ses coffres regorgent de richesses.

— C’est donc un prodige ? dit l’Empereur.

— Nullement, dit le trésorier. Pendant que cette nuit vous présidiez à la fête, sous le costume du grand Pan, votre Chancelier nous a dit : « Je gage que pour faire le bonheur général, il me suffirait de quelques traits de plume. » Alors, pendant le reste de la nuit, mille artistes ont rapidement reproduit quelques mots écrits de sa main, indiquant seulement : ce papier vaut dix ; cet autre vaut cent ; cet autre vaut mille, ainsi de suite. Votre signature est apposée, en outre, sur tous ces papiers. Depuis ce moment, tout le peuple se livre à la joie, l’or circule et afflue partout ; l’Empire est sauvé[6].

La scène de Goëthe nous donne à peu près le scénario des événements de 1870. Les Juifs offrirent à Bismarck tout le papier monnaie dont il avait besoin et, pour échanger le papier monnaie contre des espèces sonnantes, ils firent réussir la guerre de France, car la France était le seul pays où il y eût de l’argent « dans les entrailles de la terre. »

La préparation de cette guerre fut admirable de tous points, je le répète. L’Allemagne, en réalité, eut peu de chose à faire et les agents de Stieber, le chef de la police de Berlin, qui lança sur nous des armées d’espions, trouvèrent la besogne toute faite ; le Juif livra à l’Allemagne la France toute garrottée.

À partir de 1865, tout est envahi par le Juif allemand ; le Juif allemand est le maître en tous les endroits où la vie sociale se manifeste. Le Juif Offenbach, uni au Juif Halevy, raille dans le général Boum les chefs de l’armée française. L’excellent père Kugelmann tient cette imprimerie incessamment traversée par les allants et venants, qui causent tout haut et qui livrent toujours, à des oreilles toujours tendues, une nouvelle intéressante, un renseignement utile. Son voisin, Schiller, a à lui les organes plus sérieux, comme le Temps. Wittersheim a l’Officiel ; Dollingen et Cerf, deux Juifs, tiennent les journaux par les annonces. Les correspondants juifs, les Lewita, les Lewisohn, les Deutch, les Jacob Erdan, arrivent à l’heure de la mise en page dans les cabinets de rédaction, s’installent dans un bon fauteuil, lisent les épreuves avant les écrivains et recueillent tranquillement sur leurs carnets tout ce qu’on dit de vive voix et ce qu’on n’écrit pas.

Regardez vers le quartier où l’on travaille : le Juif Germain Sée, en dépit des courageuses pétitions de M. Giraud au Sénat, démoralise la génération qui grandit, en enseignant le matérialisme à la jeunesse. Tournez-vous vers les endroits où l’on s’amuse, et, sous les palmiers en zinc de Mabille, vous apercevrez le Juif Albert Wolf, causant familièrement avec le colonel Dupin et se faisant expliquer, par l’ancien chef des guerrilleros au Mexique, sur lequel il a publié un intéressant article, les côtés faibles de l’armée française.

Entrez aux Tuileries, c’est Adrien Marx qui occupe l’emploi de Racine et qui est historiographe de France ; c’est Jules Cohen qui dirige la musique de la Chapelle ; c’est Wadleufel qui conduit l’orchestre des bals de la Cour. Les Archives israélites demandent qu’on nomme professeur de mathématiques du Prince Impérial un Juif de Bohême nommé Philippe Koralek.

Pénétrez dans la retraite sacrée dont nul, pas même l’Empereur, ne franchit le seuil, vous y verrez une femme agenouillée devant un prêtre et lui confiant ses anxiétés de souveraine et de mère à propos de la guerre qui se prépare.

Ce prêtre est le Juif allemand Jean-Marie Bauer. Jamais, depuis Cagliostro, l’interlopisme juif, qui produit cependant de si curieuses figures, n’a produit un type aussi complet, aussi digne d’intéresser l’écrivain qui, plus tard, s’efforcera de peindre notre siècle étrange.

Un beau matin, ce converti suspect arrive dans cette France dont le clergé, par la hauteur de son esprit, la profondeur de sa science, la dignité de sa vie, est l’admiration du monde entier ; il se met en tête de supplanter le vénérable abbé Deguerry, aumônier de l’Impératrice depuis de longues années, d’occuper ce poste de confiance de préférence à tous les prêtres du pays et il réussit…

Parvient-il à son but à force d’hypocrisie, en affichant d’apparentes vertus ? Nullement ; sa devise à lui, comme à tous les Juifs, est qu’on peut tout se permettre avec les Français ; il organise ces fameux lunchs ecclésiastiques où assistent les futurs conseillers de Paul Bert, ceux qui chantent sans doute avec un prélat connu pour son républicanisme :

Notre paradis est un sein chéri.

Habillé par Worth, il porte un costume de charlatan, il étale un luxe de dentelles qui fait rêver les femmes.

Le siège commence : cet acrobate à bas violets chausse les bottes à l’écuyère, il est aumônier général des ambulances, il galope aux avant-postes, et ses cavalcades l’entraînent toujours si près de l’ennemi qu’il aurait le temps de lui jeter quelques renseignements utiles sur la ville assiégée.

Quand tout est fini, il éclate de rire au nez de ceux qu’il a dupés ; il jette sa robe de Monsignor dans les coulisses d’un petit théâtre, il inspire des publications pornographiques sur les cocodettes du second Empire, il parade à l’Opéra où les plus grands seigneurs admettent ce prêtre indigne dans leur loge ; l’après-midi, vous le rencontrez à cheval au bois de Boulogne, où il fait le salut militaire à Gallifet qui, d’un geste de la main, lui renvoie une bénédiction épiscopale. Enfin, légèrement démonétisé, il finit par aller se marier à Bruxelles[7].

En choisissant un pareil intrigant pour confesseur, la pauvre femme qui a payé si cruellement tant d’imprévoyance obéit au sentiment général, qui éloigne de plus en plus ceux qui ont une action sur les affaires du pays de tout ce qui est Français, de tout ce qui sort du sol.

Vous connaissez le mot de d’Aurevilly. Quelqu’un disait devant lui : Oh ! moi, si je me confessais, je ne voudrais me confesser qu’à Lacordaire. — Monsieur a la prétention d’avoir des remords distingués ? s’écrie l’illustre écrivain catholique.

L’infortunée souveraine avait, elle aussi, des remords distingués.

En d’autres milieux, on avait l’amour des théories vagues, des paradoxes sentimentaux, des spéculations nuageuses.

Quelques mois avant la guerre, Michelet entonnait dans Nos fils, un hymne ardent à « sa chère Allemagne ! » dont il regrette d’être séparé par le pont de Kehl ; il rêvait de faire de ce pont une espèce de pont d’Avignon où tous les peuples danseraient en rond.

Ils sont tous ainsi. Généraux, écrivains, tous se confessent aux Juifs.

Vous avez vu le colonel Dupin, regardez le colonel Stoffel. Lui aussi il reçoit la visite d’un Juif qui vient en sondeur, comme on dit dans l’argot des voleurs. Lisez ce que le colonel mande à Pietri et vous verrez bien à l’œuvre le Juif entremetteur, tâteur de terrain, moitié espion et moitié négociateur.

Le lieutenant-colonel Stoffel écrivait à M. Pietri, à la date du 20 novembre 1868, pendant que M. de Moltke, exécutait son fameux voyage d’étude sur nos frontières.

Je vous disais, dans ma dernière lettre, que j’avais d’assez curieux détails à vous donner ; voici la chose : M. B…, dont j’ai parlé plus haut, est un banquier important de Berlin, correspondant de Rothschild et homme d’affaires de Bismarck. Parti de bas, il est parvenu, à force de constance et de sens pratique, à se faire une position considérable. C’est le seul Juif que Bismarck reçoive familièrement, le seul chez qui il consente à dîner. Il l’emploie comme chasseur aux renseignements, lui donne certaines missions de confiance, etc., etc. Chose à noter dans l’histoire des gouvernements prussiens qui se sont succédé depuis cent ans, ils ont presque tous employé un Juif (déjà du temps de Sieyès), comme instrument plus ou moins occulte. Celui dont je vous parle, sans être précisément un intrigant, aspire à jouer un rôle et à prendre la place de ses devanciers, parmi lesquels le Juif Ephraïm brille au premier rang. Ajoutez que c’est un homme doux, de formes bienveillantes, avec lequel je vis en relations assez suivies et cordiales. Or donc, M. B…, après avoir passé huit jours à Varzin, chez Bismarck, est venu me trouver tout dernièrement, et, si je vous conte les détails de notre entrevue, c’est que tout me porte à croire qu’il était chargé de me sonder ou de connaître mon avis. Il eut soin, comme préambule, de me demander le secret le plus absolu sur notre conversation, et me raconta ensuite longuement ses derniers entretiens avec Bismarck et les dispositions où il avait trouvé celui-ci.

Le ministre, me dit M. B…, désire la paix plus ardemment que jamais ; il fera tout son possible pour la conserver ; il est d’autant plus sincère en s’exprimant ainsi qu’il explique lui-même pourquoi le Nord ne peut ni ne doit désirer aujourd’hui l’annexion des États du Sud ; que l’unité de l’Allemagne se fera tout naturellement d’elle-même, tôt ou tard, et que sa mission à lui, Bismarck, n’est pas d’en hâter le moment, mais bien de consolider l’œuvre de 1866, etc., etc. De tous côtés, on se demande s’il n’existe aucun moyen de rétablir la confiance entre la France et la Prusse, aucun moyen de rassurer les esprits en Europe et faire cesser cette affligeante stagnation des affaires. Une entrevue de l’Empereur avec le roi Guillaume serait regardée par beaucoup de gens comme le moyen le plus efficace d’atteindre ces résultats. Il en a été question à Varzin, et les personnes de l’entourage de Bismarck cherchent à connaître son avis sur la possibilité d’une telle entrevue. Ses intimes m’ont dit qu’il serait enchanté qu’elle pût avoir lieu, mais il ne se dissimule pas que, pour y amener l’Empereur, il serait nécessaire que lui (Bismarck) et le roi s’engageassent à donner des garanties sérieuses, nettement exprimées (par écrit, me disait le banquier), celle de ne rien entreprendre en vue d’arriver à une union avec le Sud. En fin de compte, M. B… m’a demandé ce que je pensais des dispositions de l’Empereur à accepter ou à refuser une entrevue avec de telles garanties données[8].

La confiance de tout ce monde vis-à-vis du Juif était inimaginable. Savez-vous à qui le colonel Stoffel, qui cependant connaît les Juifs, s’adressait pour faire parvenir aux Tuileries ses dépêches secrètes ? au Juif prussien Bleichrœder.

Il faut absolument, écrit-il à Piétri à la date du 20 novembre 1868, que vous me fassiez savoir, par deux mots jetés à la poste, si vous avez reçu un envoi jeudi dernier 19, dans la soirée. C’était un travail pour l’Empereur et un autre pour le ministre, tous deux contenus sous un même pli à cinq cachets, que j’avais confié à M. Bleichrœder, banquier de Berlin se rendant à Paris[9].

Benedetti était à Berlin le locataire d’un Juif auquel, du reste, il oublia en partant de payer son loyer ; c’est ce qu’il a fait de plus spirituel dans sa carrière diplomatique.

La Correspondance slave a raconté, en 1872, comment un patriote tchèque avait remis à M. de Gramont un travail d’un considérable intérêt sur une alliance austro-française. M. de Gramont ne trouva rien de mieux « que de donner ce document à un Juif allemand qui se hâta, naturellement, de le publier dans les feuilles allemandes, au grand profit de son ami Bismarck. »

Dans de telles conditions, l’écrouloment n’a rien qui puisse surprendre ; il fut un coup de Bourse comme la catastrophe de l’Union générale. Tous les appuis étaient sciés d’avance et la Juiverie européenne étant d’un côté et la France de l’autre, il était facile de prévoir qui succomberait.

Tout faillit cependant manquer au dernier moment. Souverain humanitaire, homme au cœur profondément bon, être doué d’une faculté de voyant que neutralisait l’absence de volonté aggravée, cette fois, par une maladie terrible, Napoléon iii résistait tant qu’il pouvait à la pression de l’Impératrice qui, aiguillonnée par le Juif Bauer, s’écriait : « C’est ma guerre ! » Monarque chrétien, Guillaume sentait sa conscience troublée en pensant aux cent mille hommes qui, aujourd’hui, cultivaient la terre tranquillement et qui, dans un mois, quand une parole aurait été prononcée, seraient couchés morts sur les champs de bataille. Jusqu’à l’heure suprême, l’impératrice Augusta fut près de lui une suppliante de la paix ; on dit même qu’elle se jeta une dernière fois aux pieds de son mari, quand tout semblait fini, pour le conjurer de tenter un dernier effort.

Guillaume fit ce que certes l’Empereur n’aurait pas fait ou plutôt n’aurait pu faire à sa place, la candidature du prince de Hohenzollern au trône d’Espagne fut retirée.

Les Juifs allemands désespérés tentèrent le coup de la fausse nouvelle, qui leur a presque toujours réussi, le coup du Tartare, comme on dit chez Rothschild. Une agence juive, l’agence Wolff, annonça que notre ambassadeur avait été grossièrement insulté par le roi de Prusse, et vous voyez d’ici l’entrain avec lequel la presse juive française renvoya le volant.

« On a manqué de respect à notre ambassadeur, on a souffleté la France, mon sang bout dans mes veines ! » ainsi s’écriaient ces républicains qui, aujourd’hui, reçoivent tous les coups de pied diplomatiques, en disant : grand merci[10] !

Quoi qu’il ne soit que le prélude des choses étonnantes que nous allons désormais recueillir à chaque instant dans cette histoire de France, qui n’est plus que l’Histoire juive en France, le fait de cette guerre, déclarée sur une dépêche de Bourse, mérite d’attirer l’attention. Il dit bien l’état psychologique de ce pays, qui n’a plus pour base des institutions traditionnelles, qui est en l’air, soumis à toutes les influences atmosphériques, tantôt montant en haut comme un ballon que le vent soulève, tantôt tombant à plat comme une baudruche dégonflée…

  1. Dans notre Révolution de 1848, disait Crémieux en 1859, devant le conseil de guerre d’Oran, deux Juifs étaient attachés au timon de ce char alors si difficile à diriger. L’un d’eux était membre du gouvernement provisoire et ministre de la justice, c’est-à-dire de la sainteté parmi les hommes ; l’autre était ministre des finances, c’est-à-dire de la probité parmi les hommes. » Quel aplomb ! Malesherbes n’aurait pas osé dire cela.
  2. Voici en tous cas le récit des Archives : « Deux membres du gouvernement provisoire, MM. Lamartine et Arago se sont rendus chez Goudchaux dans la nuit du vendredi 24, à une heure, et l’ont supplié de se charger provisoirement du Ministère des finances. Sur son refus, ils lui ont dit que M. de Rothschild et les principaux membres de la haute banque se préparaient à quitter Paris, et que pour le prompt rétablissement des intérêts commerciaux, il était urgent qu’il acceptât le Ministère des finances. Ces motifs seuls ont vaincu sa résistance. En effet, sur son acceptation, M. de Rothschild s’est rendu chez lui et lui a déclaré que sa présence le rassurait, et qu’il resterait à Paris, et le Conseil général de la Banque a déclaré qu’il paierait à bureau ouvert. »
        N’est-ce pas toujours charmant le spectacle de ce peuple qui renverse des rois et chasse des princes vaillants qui ont combattu pour la France, et se laisse conduire par le bout du nez par des Juifs de Francfort, qui indiquent les ministres qu’il faut prendre ? En dépit de l’hypocondrie qui leur vient de la race, comme les Rothschild doivent rire parfois de bon cœur, lorsqu’on leur parle de ces citoyens ingouvernables qui ne veulent pas de maîtres, et qu’ils mènent à la baguette en temps de République, par un de leurs employés, Goudchaux ou Léon Say !
  3. Histoire des Grandes Opérations financières.
  4. Émile Barrault, dans la série de Lettres vendues dans les rues en formes de placards qu’il adressait, en 1848, alors qu’il était rédacteur en chef du Tocsin des Travailleurs, à tous les hommes du moment, à Lamartine, à Thiers, à Cavaignac, au prince Louis Napoléon, manifestait le même étonnement.

    « Vous êtes un miracle, Monsieur, disait-il, au début de sa lettre à Rothschild. Malgré ses quatre archiducs, malgré sa majorité légale, Louis-Philippe tombe ; Guizot s’abîme ; ensemble s’en vont la royauté constitutionnelle et l’éloquence parlementaire, vous résistez. Et ce n’est pas seulement la puissance établie que Février renverse ; ce qu’il élève il l’abat. Où sont la personnification de la poésie, et l’illustration de la science, qu’une explosion de popularité lança jusqu’au faîte ; où sont Arago et Lamartine ? À terre. Vous, vous planez. Actionnaires, boutiquiers, fabricants, rentiers, se culbutent en foule, grands sur petits, écrasants sur écrasés. Seul, au milieu de tant de ruines, vous ne bronchez pas.… Bref, toute opulence s’écroule, toute gloire s’humilie, toute domination se précipite ; le Juif, roi de l’époque, a gardé son trône »

  5. Les frivoles courtisans de Biarritz semblent, devant ce visiteur étrange aux yeux brillant d’un feu sombre, aux manières hautaines et séduisantes en même temps, à la fois inquiétant et fascinant, avoir ressenti comme une impression de ce genre. Ils en firent incontinent, selon la mode d’alors, une petite chanson d’opérette.

    Un soir, c’est une horrible page
    À raconter que celle-là !
    Un étranger à la Villa
    Vint sonner en grand équipage ;
    On l’accueillit : c’était Satan !

    « Satan, dit M. Cuvillier-Fleury qui cite ces vers datés de 1868, dans Posthumes et Revenants, c’est M. de Bismarck, il est venu à la Villa où il a laissé derrière lui, en partant, comme une odeur de soufre et de salpêtre. » Cela sent le brûlé, » disait-on.

  6. Le Second Faust, traduction de Gérard de Nerval.
  7. Le frère de ce Bauer remplit à Madrid le rôle que remplissait en Belgique le Lambert qui a épousé une Rothschild ; il est l’agent général de la Juiverie en Espagne. Le vicomte Bresson, premier secrétaire de l’ambassade de France et maintenant chargé d’affaire à Belgrade, venait avec sa femme jouer la comédie de société chez lui, tantôt du Feuillet, tantôt du Gozlan. Vous devinez le mépris qu’inspirait aux Espagnols, si fiers et si dignes l’avilissement devant un Juif de cette France d’où sont sortis les Bourbons d’Espagne.
  8. Papiers et correspondance de la famille impériale.
  9. Papiers et correspondance de la famille impériale.
  10. Il est inutile d’ajouter que le comte Benedetti dément formellement dans son livre : Ma Mission en Prusse, l’histoire de cet outrage imaginaire. « Je ne m’arrêterai pas, dit-il, aux prétendues insultes dont j’aurais été l’objet, ni aux procédés inconvenants qu’on m’a attribués. »