La France républicaine et les femmes/13

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F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 52-54).
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XIII



Jeune fille, c’est l’Évangile qui te conduira dans le droit chemin.

Laisse celles à qui cela plaît faire glisser entre leurs doigts les grains d’un rosaire, apprendre à haïr au récit des hérésies fameuses, étouffer les sentiments naturels et généreux du cœur au contact de ce livre si injustement nommé Imitation de Jésus-Christ. Laisse-les et ne les blâme pas : Dieu seul est juge ; pour toi, lis l’Évangile, médite-le, lui seul t’enseignera l’amour véritable.

Que de sujets d’instruction ! Prenons, par exemple, la parabole des dix vierges allant au-devant de l’époux.

Cinq d’entre elles sont sages, elles ont soin avant son arrivée de remplir leur lampe d’huile, c’est-à-dire leur âme de savoir et de vertus ; les autres, légères et imprévoyantes, voient bientôt leur lampe s’éteindre, et l’époux les repousse, et les portes de la maison se ferment devant elles : c’est qu’il n’a trouvé dans leur âme que faiblesse et obscurité.

Si tu voulais me suivre, ô jeune fille, je te conduirais sous un toit où l’une d’elles gémit encore…

Regarde cette femme assise tristement près du foyer où la flamme se meurt.

Elle est seule et elle pleure.

Pourtant elle est jeune, son visage est frais et charmant.

Elle est seule, parce que l’époux la délaisse.

Elle pleure, parce que ses rêves n’étaient que des illusions… Ah ! rêves perfides, pourquoi lui disiez-vous : « La beauté, le plaisir, c’est là que doivent tendre tes vœux. » Et vous, qui lui avez indiqué sa route, que n’avez-vous dit : « Regarde en face, c’es le but, » au lieu d’en détourner son visage ; mai votre intérêt était ici et non là !

Hélas ! hélas ! pauvre vierge folle, vous sentez le vide de votre âme aujourd’hui que l’époux cherche loin de vous la vie intellectuelle que vous ne pouvez partage avec lui.

En tout temps vous avez satisfait votre vanité, et les propos futiles conviennent seuls à votre bouche.

Hélas ! hélas ! que n’avez-vous mis de l’huile dans votre lampe ! que n’avez-vous su aimer votre prochain !

Ne perds pas, jeune fille, comme la vierge folle, les belles années de ta jeunesse en puérilités de toutes sortes, car tu es l’arbitre de la paix de ton âme, le principal élément du bonheur des tiens.

Malheur à celui qui n’entend sous son toit que des paroles égoïstes et lâches, il sera bientôt gangrené et deviendra digne du mépris des uns et de la pitié des autres.

Malheur surtout à la femme qui prononce de telles paroles : la dégradation des siens sera son œuvre, et la honte de son nom rejaillira du front de ses fils aux pierres de son tombeau.

Tu dois à celui que tu aimeras, non-seulement le charme de ton esprit et tes grâces de femme, mais l’âme forte d’un vaillant ami.

Dans les jours agités et difficiles, c’est ta voix qui doit lui dire : « Allez ! agissez sans autre considération que le bien public : si vous souffrez persécution pour la justice, je saurai souffrir avec vous. »