La France républicaine et les femmes/14

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F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 55-58).
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XIV



Afin de t’intéresser à tout ce qui intéresse les tiens, apprends tout ce qu’on enseigne ordinairement aux jeunes filles ; mais va plus loin, aussi loin que Dieu le permet : l’intelligence que tu possèdes est ta mesure.

Dans le monde où nous vivons, on considère comme d’une importance suprême cette chose toute de convention, l’orthographe, dont la plus grave contravention a pour résultat d’ajouter ou de supprimer tel caractère ; et combien songent à la nécessité d’apprendre à celle qui sera mère comment l’aliment se transforme en la chair rose et blanche de l’enfant, comment l’air renouvelle son sang vermeil, comment le même sang porte la vie dans ce petit corps, afin qu’elle soit capable de lui donner des soins éclairés. Aussi combien de fois l’ignorance des mères a-t-elle eu de funestes conséquences !

Quelle femme ne peut, dans une journée, trouver une heure pour travailler à s’instruire ? Est-ce que la plus occupée n’emploie pas plus de temps aux soins de sa personne ?

N’imite pas cependant celles qui, par une exagération malheureuse, s’imaginent qu’il faut s’occuper uniquement de l’esprit et mépriser le corps. Si Dieu nous a faits hommes, c’est-à-dire esprit et matière, c’est qu’il n’est pas bon de négliger absolument l’un pour l’autre, et que nous devons partager nos soins entre eux.

Pour que nulle main étrangère ne dirige ta maison, ne dédaigne ni l’aiguille ni les moindres détails de l’économie domestique.

Ces soins quotidiens ne sont pas incompatibles avec le travail de la pensée, ils produisent au contraire une accumulation de force intellectuelle en établissant une intermittence de labeurs et de repos.

Cultive les arts si tu en as le goût, ce sont des moyens de plus d’être agréable aux autres.

Mais garde-toi de rien faire par ostentation : l’ostentation est une sorte d’hypocrisie.

Celui qui aime sincèrement le bien ne se soucie pas des louanges ou du blâme des hommes ; il fait ce qu’il croit bon, et il ne voit que le regard satisfait du Père qui est dans les cieux. Son cœur n’aime que la vérité en toutes choses, car la vérité est un des noms de Dieu.

Détourne-toi du méchant s’il ne t’est pas possible d’améliorer son âme ; mais souviens-toi que celui qui peut empêcher le mal et ne le fait pas n’est pas parfaitement honnête.

Que ton courage à étudier les choses qui t’entourent ne défaille pas devant les railleries des sots et des envieux, devant les fades plaisanteries de ceux qui ne comprennent pas la bienfaisante influence d’une femme instruite et sage, travaillant des doigts et de l’intelligence au bonheur de ceux qu’elle aime.

Si le chemin de l’étude et de la vertu a quelques aspérités, qu’importe ! puisque c’est seulement dans cette voie que tu deviendras un être capable d’apprécier et d’agir. Marche avec un cœur simple et droit, non pour obtenir une récompense même en la vie future ; mais pour rapprocher ton cœur du cœur de Dieu, mais pour participer, toi et les tiens, à ce grand œuvre, la régénération de la Patrie.