La Géologie et la Minéralogie dans leurs rapports avec la théologie naturelle/Chapitre 3

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Chapitre III.


Quels sont les sujets spéciaux des recherches géologiques.


L’histoire du globe fournit un sujet de recherches vaste et compliqué que l’on peut diviser dès le principe en deux branches distinctes. La première comprend l’histoire des élémens minéraux inorganisés et des divers changemens par lesquels ils paraissent avoir passé depuis leur création pour arriver aux conditions dans lesquelles nous les voyons aujourd’hui placés : la seconde embrasse l’histoire passée du règne animal et du règne végétal, et des diverses modifications successives que ces deux grandes divisions de la nature ont subies durant les opérations chimiques et mécaniques qui se sont accomplies à la surface de notre planète. Comme l’étude de l’une et de l’autre de ces deux branches fait également partie de la science géologique, nos investigations ne doivent pas avoir pour but de rechercher moins la nature et l’action des forces physiques qui ont affecté les corps inorganiques que les lois de la vie elle-même et les diverses conditions d’organisation qui ont successivement prévalu dans le temps que la croûte du globe était en progrès de formation.

C’est pourquoi, avant que d’entrer dans l’histoire des fossiles animaux et végétaux, nous devons passer brièvement en revue les états successifs des formations minérales, et voir jusqu’à quel point nous pourrons découvrir dans la constitution chimique et dans l’arrangement mécanique des matériaux du globe les preuves d’un plan général et providentiel en vertu duquel tout se préparait dès lors pour les exigences futures des organismes végétaux et animaux.

Pour tout ce qui concerne notre planète, le premier acte de la création paraît avoir été de faire exister les élémens du monde matériel. Ces élémens inorganiques ne semblent pas avoir depuis augmenté en nombre, et rien ne prouve que leur nature ou leurs qualités aient subi quelque altération ; ils paraissent au contraire avoir été soumis, dès le moment de leur création, aux mêmes lois qui les régissent dans leur condition actuelle, et les avoir subies dans toutes les périodes où se sont succédé les changemens géologiques. De même, les élémens qui entrent dans la composition des végétaux et des animaux actuels paraissent avoir rempli les mêmes fonctions dans l’économie organique à toutes les époques.

En traçant cette histoire des phénomènes naturels, nous considérerons tout d’abord la dynamique géologique, science qui embrasse la nature et le mode d’action des agens physiques de toute espèce qui ont, à quelque époque et de quelque manière que ce soit, affecté la surface ou l’intérieur du globe. Au premier rang, se placent le feu et l’eau, ces deux agens universels et antagonistes qui ont si prodigieusement influé sur la condition du globe, et qui, devenus entre les mains de l’homme les instrumens les plus puissans de sa volonté, le servent en auxiliaires soumis dans les plus hautes opérations de la mécanique et de la chimie, comme dans les détails les plus vulgaires de l’intérieur de son ménage.

Les élémens qui entrent dans la composition des roches cristallines ont obéi surtout, dans l’arrangement qu’ils ont pris, à deux puissans principes d’action, les forces chimiques et les forces électromagnétiques ; au contraire les matériaux qui constituent les dépôts stratifiés sédimentaires ont été principalement influencés par l’action mécanique des eaux en mouvement, et modifiés dans certaines occasions par le mélange de restes végétaux et animaux en quantité considérable.

Comme l’action de ces forces sera rendue plus intelligible par des exemples de leurs effets, je renvoie mes lecteurs, qui voudraient en prendre une idée d’ensemble, à la coupe figurée dans la première de mes planches[1]. L’objet de cette coupe est d’abord de représenter l’ordre dans lequel les séries successives de formations stratifiées ont été entassées les unes sur les autres comme des assises successives de maçonnerie, puis de montrer les changemens qui sont survenus dans leurs conditions minérales et mécaniques ; en troisième lieu, de faire voir comment les roches stratifiées ont été bouleversées à diverses époques par l’introduction violente de roches cristallines non stratifiées, et par les divers soulèvemens, les dépressions, les fractures et les dislocations qu’elles ont éprouvées ; et enfin de donner des exemples des diverses altérations que la vie a subies dans ses formes chez les animaux et chez les végétaux, en traversant les divers changemens qui se sont opérés dans les conditions minérales du globe.

La coupe figurative que nous venons de citer fera reconnaître qu’il existe huit variétés distinctes de roches cristallines non stratifiées, et vingt-huit divisions bien définies de formations stratifiées. En prenant pour moyenne maximum de chacune de ces divisions une épaisseur d’environ mille pieds[2], nous obtiendrons une épaisseur totale de plus de deux lieues ; mais comme les terrains de transition, de même que les couches stratifiées primitives, excèdent de beaucoup cette moyenne, l’ensemble des terrains stratifiés en Europe peut être regardé comme s’étendant à une profondeur d’au moins quatre lieues.


  1. Toute cette coupe se trouve décrite avec détails, dans l’explication générale des planches, tome 2.
  2. Un grand nombre de formations dépassent de beaucoup ce terme moyen ; d’autres au contraire ne l’atteignent pas.