La Gardienne du Phare/16
CHAPITRE XVI
Hervé d’Arles
Claire faillit tomber à la renverse. Comment, malgré son déguisement, le Commandant d’Arles l’avait reconnue !… Elle voulut se lever, mais Hervé posa doucement sa main sur le bras de la jeune fille.
« Ne partez pas, je vous en prie, dit-il, j’aurais tant de choses à vous dire !… Et d’abord, pardonnez ma brusquerie… Si je vous ai nommée ainsi, c’est que je voulais que vous sachiez que je vous ai reconnue et que vous n’avez rien à craindre tant que vous serez sur ce bateau. »
— « Merci, Monsieur », répondit Claire. « Je ne repousse pas votre protection… Quelle triste vie que la mienne ! » et elle fondit en larmes.
— « Je vous ai reconnue en vous apercevant, car jamais je n’ai oublié votre visage et notre rencontre des temps plus heureux. »
— « Vous savez l’accusation qui pèse sur moi ? »
— « Oui, je le sais ; mais inutile pour moi de vous affirmer que je vous sais innocente du meurtre de Madame Dumond ! »
— « Ah ! que vos paroles me font du bien. Monsieur ! »
— « Et maintenant, j’espère vous faire revenir sur votre décision d’accompagner ce vieillard au « phare des glaces ». Sûrement, sûrement, vous n’en ferez rien ! »
— « Il le faut ! », répondit la jeune fille avec décision.
— « Nous en causerons de nouveau, n’est-ce pas ?… Peut-être reviendrez-vous sur le pont à la même heure, demain soir ? »
— « Je ne sais », murmura Claire, en baissant les yeux. « Peut-être », ajouta-t-elle, en se levant.
Elle fit quelques pas dans la direction de l’escalier, puis elle revint :
« Bonsoir », dit-elle, en tendant la main à Hervé, « Bonsoir et merci ! »
Hervé saisit la main que lui tendait la jeune fille, il la pressa doucement, puis, s’enhardissant, y posa ses lèvres.
Cette conversation fut le prélude de bien d’autres. Chaque soir, Claire montait sur le pont où Hervé venait la rejoindre. Mais en vain le jeune homme essayait-il de décider la jeune fille à renoncer à son projet d’accompagner le vieillard au « phare des glaces ».
« C’est là seulement que je serai en sûreté », disait-elle, « il le faut ! »
Un soir, le Comandant dit à Claire :
« Il est un moyen… moins pénible, peut-être, de vous mettre à l’abri de tout danger… Claire, dans trois jours, nous arriverons à un port important. Consentez à devenir ma femme immédiatement à notre arrivée… Personne ne songera à associer la Comtesse d’Arles avec Mademoiselle d’Ivery. »
Claire éclata en sanglots, puis elle saisit la main d’Hervé et la baisa passionnément.
« Ô, mon noble Hervé ! », s’écria-t-elle. « Ah ! ce serait mal vous aimer que d’accepter de devenir votre femme dans les présentes circonstances ! »
— « Claire ! Claire ! », dit Hervé dont la voix tremblait d’émotion, « vous m’aimez ?… Je n’osais l’espérer… Vous venez de l’avouer ! »
— « Ah ! si je t’aime ! », murmura la jeune fille, entourant de ses bras le cou d’Hervé. Il la pressa sur son cœur longuement, puis leurs lèvres s’unirent dans un baiser passionné.
Cependant, Claire, malgré toutes les supplications d’Hervé, ne voulut pas consentir à sa généreuse proposition.
« Je serai votre fiancée pour le moment, si vous le désirez, Hervé ; mais, votre femme, non… pas avant que mon innocence soit reconnue et le coupable livré à la justice. »
— « Écoutez, Claire, je consacrerai tout mon temps à découvrir le meurtrier de Madame Dumond puis, quand je l’aurai découvert, j’irai vous chercher au « phare des glaces »… et Dieu veuille que ce soit avant longtemps, ma bien-aimée ! Vous êtes ma fiancée, Claire, n’est-ce pas ? »
— « Oui, Hervé », répondit Claire, simplement.