La Grâce/Chant II

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Traduction par Louis Racine.
Œuvres de Louis RacineLe Normant, Imprimeur-LibraireTome 1 (p. 48-60).

CHANT SECOND.

 
Vous que la vérité remplit d’un chaste amour,
N’esperez point encor dans ce triste séjour,
Paisibles possesseurs la goûter sans allarmes :
Chrétiens, souffrez pour elle, et prêtez-lui vos armes.
L’église à la douleur destinée ici-bas,
Prit naissance à la croix, et vit dans les combats.
Il faut que tout entier sur elle s’accomplisse
De son époux mourant le sanglant sacrifice.
Contr’elle le démon arma les empereurs ;
Le fer brilla d’abord : inutiles fureurs !
En vain on la déchire, en vain le sang l’inonde :
De ce sang humectée elle en devient féconde.
L’empereur à la croix soûmit son front payen,
Montra qu’on pouvoit être et César et chrétien.
Le prêtre d’Apollon renversa son idole,
Et Jupiter vaincu tomba du capitole.
L’église dans son sein voyoit naître la paix,
Quand la fiere hérésie envenimant ses traits,
Aux enfans de la foi vint déclarer la guerre.
Plus d’une fois vaincue, enfin dans l’Angleterre
Elle appelle un vengeur ; et fidelle à sa voix
Pelage de la Grace ose attaquer les loix.
De notre liberté défenseur téméraire,
Au céleste pouvoir il prétend nous soustraire.
Hélas ! Que des humains les dehors sont trompeurs !
De pelage long-tems on admira les mœurs :

Mais que sert qu’en public la vertu nous honore,
Si le ver de l’orgueil en secret nous dévore ?
Pelage se démasque à l’univers surpris,
Et vient à Rome même infecter les esprits.
Le docteur pénitent, l’austere Anachorette,
Qui croit toujours du ciel entendre la trompette,
Ce savant, si fameux par tant d’écrits divers,
Qui du fond de sa grote éclaire l’univers,
Jerôme vieux alors, ranime son courage ;
Mais le seul Augustin devoit vaincre Pelage.
De ce grand défenseur le ciel ayant fait choix,
Lui mit la plume en main, le chargea de ses droits.
Augustin tonne, frappe et confond les rebelles.
Sa doctrine aujourd’hui guide encor les fidelles :
Rome, tout l’univers admire ses écrits,
Et M… lui seul en ignore le prix.
Disciple d’Augustin, et marchant sur sa trace,
Prosper s’unit à lui pour défendre la Grace.
Il poursuivit l’erreur dans ses derniers détours,
Et contr’elle des vers emprunta le secours.
Les vers servent aux saints : la vive poësie
Fait triompher la foi, fait trembler l’hérésie.
Admirateur zélé de ces maîtres fameux,
Je mets toute ma gloire à marcher après eux.
Formé dans leurs écrits, et plein de leurs maximes
Je les vais annoncer, n’y prêtant que mes rimes :
Augustin dans mes vers donne encor ses leçons.
Seigneur, c’est à tes saints à parler de tes dons !
Aux forces que la Grace inspire à la nature
Des foiblesses de l’homme opposons la peinture.

Connoissons par nos maux la main qui nous guérit.
L’erreur et le mensonge assiégent notre esprit,
Et la nuit du péché nous couvrant de ses ombres,
Entre nous et le jour jette ses voiles sombres.
Notre cœur corrompu, plein de honteux desirs,
Ne reconnoît de loix que celles des plaisirs.
Le plaisir, il est vrai, juste dans sa naissance,
Par de sages transports servoit à l’innocence :
Nos corps par cet attrait devoient se conserver,
Et nos ames vers Dieu se devoient élever.
Mais notre ame aujourd’hui n’étant plus souveraine,
Aux seuls plaisirs des sens notre corps nous entraîne.
Des saintes voluptés le chaste sentiment
Se réveille avec peine, et s’éteint aisément.
A croître nos malheurs le démon met sa joie :
Lion terrible il cherche à dévorer sa proie ;
Et transformant sa rage en funestes douceurs,
Souvent serpent subtil il coule sous les fleurs.
Ce tyran ténébreux de l’infernal abîme
Joüissoit autrefois de la clarté sublime.
L’orgueil le fit tomber dans l’éternelle nuit,
Et par ce même orgueil l’homme encor fut séduit,
Quand nos peres, à Dieu voulant être semblables,
Oserent sur un fruit porter leurs mains coupables.
L’orgueil depuis ce jour entra dans tous les cœurs :
Là de nos passions il nourrit les fureurs ;
Souvent il les étouffe, et pour mieux nous surprendre,
Il se détruit lui-même, et renaît de sa cendre.
Toujours contre la Grace, il veut nous révolter,
Pour mieux regner sur nous, cherchant à nous flater.

Il releve nos droits, et notre indépendance ;
Et de nos intérêts embrassant la défense,
Nous répond follement que notre volonté
Peut rendre tout facile à notre liberté.
Mais comment exprimer avec quelles adresses
Ce monstre sait de l’homme épier les foiblesses ?
Sans cesse parcourant toute condition,
Il répand en secret sa douce illusion.
Il console le roi que le thrône emprisonne,
Et lui rend plus leger le poids de la couronne.
Aux yeux des conquérans de la gloire enyvrés
Il cache les périls dont ils sont entourés.
Par lui le courtisan, du maître qu’il ennuie
Soutient, lâche flateur, les dédains qu’il essuie.
C’est lui qui d’un prélat épris de la grandeur
Ecarte les remords voltigeans sur son cœur.
C’est lui qui fait pâlir un savant sur un livre,
L’arrache aux voluptés où le monde se livre,
D’un esprit libertin lui souffle le poison,
Et plus haut que la foi fait parler la raison.
C’est lui qui des palais descend dans les chaumieres,
Donne à la pauvreté des démarches altieres.
Lui seul nourrit un corps par le jeûne abattu :
Il suit toujours le crime, et souvent la vertu.
Parmi tant de périls, et contre tant d’allarmes
La Grace seule a droit de nous donner des armes.
Du démon rugissant elle écarte les coups,
Contre nos passions elle combat pour nous :
Grace que suit toujours une prompte victoire,
Grace, céleste don, notre appui, notre gloire,

Grace qui pour charmer a de si doux attraits,
Que notre liberté n’y résiste jamais :
Souffle du saint amour, par qui l’ame embrasée
Suit et chérit la loi qui lui devient aisée.
Si cette voix n’appelle, en vain l’on veut marcher :
On s’éloigne du but dont on croit s’approcher.
Sans elle tout effort est un effort stérile,
Tout travail est oisif, toute course inutile.
Sans elle l’homme est mort : mais dès qu’elle a parlé,
Dans la nuit du tombeau le mort est réveillé,
Et ses liens rompus ne forment plus d’obstacle.
Par quel charme suprême arrive ce miracle ?
Dans le même moment, ô moment précieux !
La Grace ouvre le cœur, et dessille les yeux.
L’homme apperçoit son bien, et sent qu’il est aimable.
Dieu se montre, le reste est pour lui méprisable.
Plaisir, bien, dignité, grandeur, tout lui déplaît :
Il voit à découvert le monde tel qu’il est,
Plein de peines, d’ennuis, de miseres, de craintes,
Théâtre de douleurs, de remords, et de plaintes.
Plus de repos pour lui dans cet horrible lieu ;
Il le fuit, il l’abhorre, il vole vers son dieu.
Pour ébranler sa foi le démon n’a plus d’armes.
La gloire est sans attraits, la volupté sans charmes.
Mais de tant d’ennemis quoiqu’il soit le vainqueur,
Si la Grace un moment abandonne son cœur,
Le triomphe sera d’une courte durée.
Des dons qu’on a reçus la perte est assurée,
Si la Grace à toute heure accordant son secours,
De ses premiers bienfaits ne prolonge le cours.

Sans cesse vit en nous l’ennemi domestique,
Ou captif indocile, ou vainqueur tyrannique.
Guerre continuelle : un vice terrassé
Par un vice plus fort est bientôt remplacé.
Au dehors tout irrite, et tout allume encor
Ce feu, qui sans s’éteindre, au-dedans nous dévore.
Le monde qui l’attise, en tous lieux nous poursuit ;
Son commerce corrompt, sa morale séduit.
Il applaudit, il loue, et sa louange charme :
Il reprend, il condamne, et sa censure allarme.
Parmi tant de dangers la Grace est mon recours.
Amoureux de ses biens, je les cherche, j’y cours :
Par des vœux enflammés mon ame les implore,
Et quand je les reçois, je les demande encor.
Dieu, riche dans ses dons, peut toujours accorder :
L’homme, plein de besoins, doit toujours demander.
J’avance en sûreté quand Dieu me veut conduire,
Et je tombe aussi-tôt que sa main se retire ;
Tel que le foible enfant qui ne se soutient pas,
Si sa mere n’est plus attentive à ses pas.
Par ce triste abandon la suprême sagesse
Fait aux saints quelquefois éprouver leur foiblesse.
David, l’heureux David, si chéri du seigneur,
Ce prophète éclairé, ce roi selon son cœur,
Vaincu par une femme est en paix dans le crime,
Et ne seroit jamais sorti de cet abîme,
Si le ciel n’eût pour lui rappellé sa bonté.
Au tranquille pécheur Nathan est député :
Si-tôt que cette voix a frappé son oreille,
David se reconnoît : son œil s’ouvre, il s’éveille.

De son thrône à l’instant, d’un saint regret touché,
Il se leve, et s’écrie : il est vrai, j’ai péché.
Ainsi tombe, malgré ses sermens téméraires,
L’apôtre qui se croit plus ferme que ses freres :
Prêt à suivre son maître en prison, à la mort,
Nul obstacle à ses yeux ne paroît assez fort.
Il le croit, il le jure, et l’ardeur qui l’enflamme
Tout à coup va s’éteindre à la voix d’une femme :
Et même s’il gémit du plus grand des malheurs,
C’est au regard divin qu’il doit ses justes pleurs.
Mais Pierre abandonné, qui renonce son maître,
Et devient à la fois ingrat, parjure, traître,
Ranimé de la Grace ira devant les rois
Braver les chevalets, les flammes et les croix.
Que le juste à toute heure appréhende la chute :
S’il tombe cependant, qu’à lui seul il l’impute.
Oui, l’homme qu’une fois la Grace a prévenu,
S’il n’est par elle encor conduit et soutenu,
Ne peut, à quelque bien que son ame s’applique…
Mais à ce mot j’entends crier à l’hérétique.
Ne peut, c’est-là, dit-on, le jansénisme pur.
Dans ses expressions Luther est-il plus dur ?
Ainsi la loi divine, à l’homme impratiquable,
Impose sans la Grace un joug insurmontable.
Ah ! C’est-là le premier des dogmes monstrueux,
Juste objet de l’horreur d’un chrétien vertueux.
Mais vous qui transporté d’un zèle charitable
Voulez me mettre au rang des noirs enfans du diable ;
Signalez par vos cris votre sainte douleur.
Telle est de vos pareils la chrétienne chaleur :

Tout ce qui leur déplaît leur devient hérésie.
Répondez-moi pourtant. Le sauveur qui nous crie :
O vous qui gémissez sous le faix des travaux,
Accourez tous à moi, je finirai vos maux ;
Ne dit-il pas ? sans moi vous ne pouvez rien faire :
Vous ne pouvez venir qu’attirés par mon pere.
Vous allez, je le vois, avec subtilité
Eluder de ces mots la sainte autorité.
Toutefois épargnez votre soin téméraire.
Je conviens avec vous que l’homme peut tout faire :
Oui, qu’il peut à toute heure obéir à la loi.
Mais vous devez aussi convenir avec moi,
Que nous ne mettrons point ce pouvoir en usage
Si notre volonté n’y joint pas son suffrage,
Elle qui pour le bien le refuse toujours,
Si Dieu pour la fléchir n’accorde son secours.
Non, malgré ses efforts, la brebis égarée
Ne retrouvera point la demeure sacrée,
Si le tendre pasteur ne la prend dans ses bras,
Et jusqu’à son troupeau ne la rapporte pas.
Quand je sens pour le bien un desir véritable,
N’est-ce donc pas alors Dieu qui m’en rend capable ?
Dieu seul fait tout en nous : c’est lui dont la bonté
Y forme tout desir et toute volonté.
La créature entiere est soumise à son maître :
Nous devons la pensée à qui nous devons l’être.

En vain nous lui voudrons disputer notre cœur,
Il en sera toujours le souverain moteur.
Dieu commande, et dans l’homme il fait ce qu’il commande :
Il donne le premier ce qu’il veut qu’on lui rende.
D’où vient donc cet orgueil si follement conçu ?
Quel bien possedons-nous que nous n’ayons reçu ?
Mere des bons desseins, principe de lumiere,
La Grace produit tout, et même la priere.
Quand nous courons vers elle, elle nous fait courir ;
Quand pour elle un cœur s’ouvre, elle le vient ouvrir ;
Elle forme nos vœux, et dans l’ame qui prie,
Par d’ineffables sons c’est l’esprit saint qui crie.
L’homme, quand sur lui seul il ose s’appuyer,
Est semblable au roseau qu’un souffle fait plier.
Tout croît, et vit en Dieu : la foible créature
De sa main liberale attend la nourriture.
Aux pâturages gras il mene ses troupeaux :
Il les conduit lui-même à la source des eaux.
Pasteur rempli d’amour il adoucit leurs peines,
Il porte dans son sein les brebis qui sont pleines.
Soumettons-nous sans crainte à cette vérité :
La Grace est le soutien de notre humilité.
Au dieu qui vous conduit, mortels, rendez hommage.
N’allez point toutefois en détestant Pelage,
Dans un aveugle excès follement entraînés,
Vous croire des captifs malgré vous enchaînés,
Et du ciel oubliant la douceur infinie,
Changer son regne aimable en dure tyrannie.
L’impétueux Luther, qu’emportoient ses fureurs,
Joignit ce dogme impie à tant d’autres erreurs.

Affectant d’élever la Grace et sa puissance,
Il voulut nous ravir la libre obéissance ;
Prétendit que contraint par les suprêmes loix,
L’homme marche toujours sans volonté, sans choix,
Vil esclave, chargé de chaînes invisibles.
Préchant après Luther ces maximes horribles,
Calvin mit tout en feu : le fidelle trembla,
Et sur ses fondemens l’église s’ébranla.
Pour rassurer alors la vérité troublée,
La sage et sainte église à trente rassemblée,
Sans que jamais l’erreur y pût mêler son fiel,
Reçut, et nous rendit les réponses du ciel.
Défendons, en suivant ses dogmes respectables,
De notre liberté les droits inaltérables.
Notre cœur n’est qu’amour : il ne cherche, il ne fuit,
Qu’emporté par l’amour dont la loi le conduit.
Le plaisir est son maître : il suit sa douce pente,
Soit que le mal l’entraîne, ou que le bien l’enchante.
Il ne change de fin, que lorsqu’un autre objet
Efface le premier par un plus doux attrait.
La Grace qui l’arrache aux voluptés funestes
Lui donne l’avant-goût des voluptés célestes,
Le fait courir au bien qu’en elle il apperçoit,
Voir ce qu’il doit chérir, et chérir ce qu’il voit.
C’est par-là que la Grace exerce son empire :
Elle-même est amour, par amour elle attire ;
Commandement toujours avec joie accepté,
Ordre du souverain qui rend la liberté ;
Charme qui sans effort brise tout autre charme,
Vainqueur qui plaît encore au vaincu qu’il désarme.

Non, que le Dieu puissant, qui sait nous enflammer,
Malgré nous toutefois nous force de l’aimer,
Ni qu’à suivre son ordre il veuille nous contraindre :
En cela pour nos droits nous n’avons rien à craindre.
La Grace se plaît-elle à la gêne du cœur ?
Non, ses heureuses loix sont des loix de douceur.
Il est vrai, qu’aussi-tôt qu’elle se fait entendre,
Un infaillible aveu se hâte de s’y rendre.
Mais faut-il s’étonner que cette aimable ardeur
Dissipe en un moment la plus longue froideur ?
Que du céleste feu cette vive étincelle
Embrase tous les cœurs, n’en trouve aucun rebelle ?
Que cette douce chaîne enchaîne librement ?
Que cette voix obtienne un sûr consentement,
Sans qu’en elle jamais la moindre violence
Arrache cette entiere et prompte obéissance ?
Le malade qui souffre et sent qu’il va mourir,
Repousse-t’il celui qui vient pour le guérir ?
Libre de rejetter un pain qu’on lui présente,
Le pauvre le ravit quand la faim le tourmente.
Et maître de rester dans la captivité,
Toujours un malheureux court à la liberté.
Oui, j’y cours plein d’horreur pour ma premiere chaîne :
Mais celui qui la rompt m’en inspire la haine.
Oui j’y cours ; mais celui qui daigne me l’offrir,
Lui seul a mis en moi la force d’y courir.
Dans cet heureux moment qu’au dieu qui l’environne,
Pleine de ses attraits mon ame s’abandonne,
Et que par son amour, assiégé tant de fois,
A s’y rendre mon cœur détermine son choix ;

De tout ce que je fais je lui dois tout l’hommage.
Quand je choisis, mon choix est encor son ouvrage :
Et par un dernier coup intimement porté,
Dans l’instant que je veux il fait ma volonté,
Sans qu’à mon choix réel ce grand coup puisse nuire.
Dieu m’a fait libre : un dieu peut-il faire et détruire ?
Non Luther et Calvin assurent follement
Que la Grace asservit à son commandement.
J’abhorre, je proscris cet horrible blasphême :
De mon sang, s’il le faut, j’en signe l’anathême.
Maître de tous ses pas, arbitre de son sort,
L’homme a devant ses yeux, et la vie et la mort.
C’est toujours librement que la Grace l’entraîne :
Il peut lui résister, il peut briser sa chaîne.
Oui, je sens que je l’ai ce malheureux pouvoir,
Et loin de m’en vanter, je gémis de l’avoir.
Avec un tel appui qu’aisément on succombe !
Ah, qui me donnera l’aîle de la colombe !
Loin de ce lieu d’horreur, de ce gouffre de maux
J’irois, je volerois dans le sein du repos.
C’est-là qu’une éternelle et douce violence
Nécessite des saints l’heureuse obéissance :
C’est-là que de son joug le cœur est enchanté :
C’est-là que sans regret l’on perd sa liberté.
Là de ce corps impur les ames délivrées,
De la joie ineffable à sa source enyvrées,
Et riches de ces biens que l’œil ne sauroit voir,
Ne demandent plus rien, n’ont plus rien à vouloir.
De ce royaume heureux Dieu bannit les allarmes,
Et des yeux de ses saints daigne essuyer les larmes.

C’est-là qu’on n’entend plus ni plaintes ni soupirs :
Le cœur n’a plus alors ni craintes, ni desirs.
L’église enfin triomphe ; et brillante de gloire
Fait retentir le ciel des chants de sa victoire.
Elle chante, tandis qu’esclaves, désolés
Nous gémissons encor sur la terre exilés.
Près de l’Euphrate assis nous pleurons sur ses rives :
Une juste douleur tient nos langues captives.
Eh, comment pourrions-nous au milieu des méchans,
O céleste Sion, faire entendre tes chants !
Hélas ! Nous nous taisons : nos lyres détendues
Languissent en silence aux saules suspendues.
Que mon exil est long ! ô tranquile cité !
Sainte Jerusalem ! ô chere éternité !
Quand irai-je au torrent de ta volupté pure
Boire l’heureux oubli des peines que j’endure !
Quand irai-je goûter ton adorable paix !
Quand verrai-je ce jour qui ne finit jamais !