La Grande Famille (J. Grave)/Ch. V.

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P.-V. Stock, éditeur (p. 115-144).


V


Dans la chambrée dont les portes de séparation avaient été laissées ouvertes, la 28e était rangée sur une seule file. Pieds nus, bras retroussés jusqu’au coude, le pantalon ouvert, les soldats attendaient le médecin qui devait passer la visite de santé.

Cette visite qui a lieu tous les mois, consiste à faire inspecter les hommes par un des charcutiers diplômés du régiment, qui s’assure que chaque soldat a les pieds propres, les bras lavés et qu’il n’a pas la gale. Puis, comme bouquet de ce luxe de sollicitude, examine l’état de la verge ; cet astronome d’un nouveau genre, s’assure que la conjonction de Mars et de Vénus n’a pas laissé de souvenirs trop cuisants au premier. Tel le fermier soucieux du bon état de ses troupeaux les soumet, de temps à autre, à l’inspection du vétérinaire.

Cette inspection nécessairement répugnante en soi ne peut que froisser instinctivement la délicatesse de toute organisation, tant soit peu affinée ; mais, pour la plupart des soldats, à l’esprit grossier et très peu sensitif, cela n’a rien d’humiliant ; ils ne voient là que matière à de grossières plaisanteries.

Caragut avait dû s’aligner avec les autres et, jetant un coup d’œil sur la longue file de ses camarades, il se rappelait les foires de son pays, où il avait vu les marchands palper et visiter les bestiaux qu’ils marchandaient.

Il avait encore à la mémoire l’impression de dégoût qu’il avait ressentie à la révision en voyant le docteur lui faire ouvrir la bouche, mais aussitôt une autre scène venait se substituer à celle-là dans son imagination : c’était un robuste paysan, parcourant le foirail, visitant le marché aux cochons et avant de conclure, renversant le porc sur le dos, lui passant un bâton entre les dents, afin de tenir le groin ouvert pour l’inspecter à son aise.

Les deux scènes se superposant finissaient par se fondre l’une dans l’autre, il en arrivait à se figurer le docteur avec un bâton à la main et une blouse sur les épaules, coiffé du képi à bord amaranthe, ayant devant lui une douzaine de gorets en culottes gris-bleu, à passe-poils rouges, qu’il renversait successivement sur le dos, leur ouvrant le groin avec son bâton.

Un instant il se crut transporté en plein champ de foire, attendant son tour d’être palpé, ne sachant plus si, après l’inspection, il ne serait pas, lui aussi, mené en laisse à l’abattoir, pour fournir la matière première nécessaire à la fabrication de saucisses, boudins et andouilles. Les grognements et piétinements de ses camarades figurant assez bien le bruit des troupeaux sur le marché, les interpellations des vendeurs et acheteurs.

Il fallut la voix rêche et criarde de Bracquel, commandant le silence, pour l’arracher à son hypnotisation ; mais il en vint néanmoins à se dire, qu’au fond, la comparaison n’avait rien d’invraisemblable et que si lui et ses camarades ne marchaient pas à quatre pattes, on ne les en traitait pas moins en bétail.

Et encore, se disait-il, on mène l’animal au marché, il n’y va pas de lui-même, tandis qu’il nous suffit d’une affiche placardée dans la rue, pour que nous allions nous faire inscrire, en ayant soin de spécifier les défauts et tares rédhibitoires qui peuvent nous faire refuser. La loi et la peur du gendarme suffisent pour faire de nous d’autres gendarmes, sauvegardes de la loi.

Les officiers, en attendant le docteur se promenaient dans la chambrée, ricanant selon les réflexions que leur suggérait l’attitude de leurs hommes.

Enfin le docteur se présenta à une des portes, le commandement de : « Fixe ! » immobilisa la compagnie. Le capitaine alla le recevoir et parcourut, avec lui, la longue file.

La visite fut rapidement menée, le docteur se contentant de regarder en passant, et ne s’arrêtant qu’à ceux qui paraissaient présenter quelque chose d’anormal, ou pour faire rectifier ce port d’arme d’un genre spécial, la position prise ne lui permettant pas de saisir à première vue ce dont il lui importait de s’assurer.

Il n’en trouva que trois ou quatre à envoyer à l’infirmerie, malgré toute la peine qu’ils s’étaient donnée pour dissimuler les larmes que leur arrachaient les regrets « cuisants » d’un amour passager avec quelques-unes des nymphes qui rôdaient habituellement autour de la caserne.

Un pauvre diable, à moitié idiot, du nom de Yaumet, attira, par sa saleté, l’attention du chirurgien qui le gratifia d’une engueulade, pendant que le capitaine furieux ordonnait de le conduire au lavoir.

Balan, heureux de s’amuser aux dépens de quelqu’un, commanda aussitôt quatre hommes de corvée pour conduire Yaumet à la fontaine et le « briquer ». De suite, quatre imbéciles heureux de faire, ce qu’ils appelaient une bonne blague, entraînèrent le pauvre Yaumet tout ahuri.

À Pontanezen, les fontaines se trouvaient en contre-bas du sol occupé par les habitations, les cuisines et les lieux d’aisance. Il fallait descendre une dizaine de marches pour arriver dans une sorte de fosse fermée, des quatre côtés, par une muraille nue et lisse. Au milieu se trouvait un grand bassin rectangulaire de pierres cimentées, toujours plein d’eau, alimenté par un robinet, le trop-plein s’écoulant par un conduit ménagé dans la margelle. Quand le fond devenait par trop sale, se recouvrant de ces mousses vertes qui croissent dans les fonds marécageux, on vidait le bassin, et on le curait, mais cela se faisait rarement. Plantés dans la muraille, trois ou quatre robinets fournissaient de l’eau potable pour les cuisines et les besoins des chambrées.

Dire que ce mode d’approvisionnement fût d’une hygiène absolue, serait peut-être un peu trop s’avancer. La situation des conduites d’eau au-dessous du terrain où reposent les lieux d’aisance, doit, par suite des infiltrations être fortement préjudiciable à la pureté de l’eau d’alimentation, mais ne faut-il pas habituer le soldat à ne pas être difficile ?

Arrivé au bord de l’escalier, Yaumet refusa de descendre, mais une bonne poussée lui ayant fait perdre l’équilibre, les quatre idiots n’eurent pas de peine à l’amener près du bassin.

Le déshabiller malgré le froid qui était ce matin-là des plus piquants, malgré ses cris et sa résistance, et l’étaler sur une pierre fut l’affaire d’un instant, pendant qu’une partie de la compagnie — à laquelle on avait ordonné de rompre, sitôt le docteur sorti — était descendue pour assister à ce spectacle.

Tout le monde riait à se tenir les côtes, pendant que le pauvre diable se tordait sous la morsure des brosses de chiendent que les quatre abrutis manœuvraient avec conviction.

— N’ayez pas peur de frotter, glapit Loiseau, ça lui apprendra à se tenir propre, ce sale cochon.

— Foutez-le dans le bassin, renchérit Balan, ça lui fera du bien de se baigner.

Et le pauvre Yaumet fut poussé dans le bassin dont on le retira après l’avoir laissé barboter pendant quelques instants. Tout grelottant et claquant des dents, on l’étendit à nouveau sur la pierre, où il fut briqué de plus belle, pendant que les loustics l’assaillaient de leurs lazzis, faisant parade d’esprit.

On le relâcha enfin sur l’ordre du capitaine qui venait de descendre, et s’apercevait que la peau commençait à céder sous la morsure des brosses. Et chacun se dispersa pendant que Yaumet se rhabillait encore mouillé.


— Revue d’armes à deux heures par le capitaine ! était venu annoncer Bracquel, sitôt la visite de santé terminée.

Plus que Loiseau, plus que Bouzillon, Bracquel était haï à la compagnie. Loiseau et Bouzillon « estampaient les bonnes têtes », en le faisant à la rigolade ; tout en punissant ferme, ils se donnaient si bien l’air bon enfant en présentant la punition qu’ils prononçaient comme une farce des plus amusantes, qu’on finissait par croire à leur « bongarçonnisme » et que les punis, eux-mêmes, ne semblaient pas leur en vouloir outre mesure : « Ils étaient si rigolos ! » C’était une blague un peu forte, voilà tout.

Avec Bracquel il en était tout autrement. Encore plus gommeux et plus prétentieux que Bouzillon, il portait manchettes et col officier qu’il dissimulait lors des revues et inspections. Ayant la prétention à l’épaulette, il se redressait comme un pou sur une gale, prenant des airs cassants lorsqu’il parlait à un inférieur et tenant sa tête, au front fuyant, comme on porte un « saint-sacrement ».

Pétant sec, la voix brève, il avait toujours l’air d’être perché sur un obélisque lorsqu’il regardait les simples troubades ; il les toisait de toute la hauteur… qu’il croyait avoir. Lui et le caporal Balan, étaient bien, dans la compagnie, les deux pendants et les deux bêtes noires de leurs subordonnés.

Ayant avec cela une façon de se dandiner et de remuer les fesses en marchant, de donner, à gauche, à droite, un coup de croupe en levant la jambe, on aurait dit une cane sortant de l’eau ; par sa démarche il était reconnaissable entre tous.

À la compagnie, on racontait, sur la foi de ceux qui l’avaient connu en Cochinchine, qu’il devait ses galons à certaines complaisances « envers » un officier supérieur, et sa facilité de changer de sexe en tournant le dos à l’objet de ses amours.

Or, en venant annoncer la revue d’armes, sa mauvaise étoile voulut qu’il passât près d’un lit où étaient assis deux gaillards réjouis, deux vieux soldats, « de la classe » — comme ils disaient — du nom de Perry et de Grosset, ayant connu Bracquel à Saïgon.

Malgré les « cuites » homériques qu’ils avaient l’habitude de se donner, et dont quelques-unes faisaient époque dans leur vie de poivrots, malgré les mille et une imprudences dont est capable un ivrogne ; résistant aux fièvres et à la dysenterie, ils étaient revenus, joufflus, frais et vermeils, échappant à la maladie et à la mort.

Pour le moment ils étaient parfaitement ivres. Connaissant toutes les grosses blagues de caserne, ils avaient, comme toujours, autour d’eux, un auditoire nombreux, s’esclaffant d’avance aux facéties qu’ils attendaient. C’était Grosset qui tenait le crachoir.

— Vous êtes encore saouls, ronchonna Bracquel en passant devant le groupe ; que vos fusils ne soient pas propres à la revue, c’est moi qui vous « souquerai. »

Les deux compères, pris à l’improviste, surpris par l’apparition de Bracquel qu’ils n’avaient pas vu venir, trop pleins pour jouir de leur présence d’esprit, suffoqués par cette accusation de pochardise qu’un ivrogne admet rarement, ils virent Bracquel disparaître dans la chambre de détail, qu’ils étaient encore à chercher une réplique.

Le plus estomaqué était Perry.

— Dis donc ! fit-il à Grosset, qui était resté en panne au milieu de son histoire, dis donc !… il prétend que nous sommes saouls !… C’est lui qu’est paf… T’as pas vu ?… en v’là un outil !… attends un peu, tu vas voir ce que je vais lui conter quand il va repasser.

Et, sautant à bas du lit, tout en zig-zaguant, Perry alla se poster près de la chambre de détail, attendant la sortie de Bracquel qui ne tarda pas à paraître, son éternel sourire de pédant satisfait aux lèvres, se tortillant plus que jamais.

Mais comme il passa un peu en coup de vent, Perry, surpris par la soudaineté de son apparition, n’eut pas le temps de lui cracher ce qu’il voulait dire, et le vit s’en allant le long de la chambre. Furieux, il assujettit son képi sur sa tête, la visière menaçant le plafond et, se tenant raide comme un piquet, il emboîta le pas à Bracquel qu’il rejoignit en trois enjambées.

— Dites donc ? finit-il par articuler, dites donc, sergent Bracquel, je suis saoul ?… Vous avez dit que j’étais saoul ?… Mais, vous savez,… moi… eh bien, j’en ai pas une de cassée dans le cul… moi !

Bracquel allongea le pas sans se retourner.

Et Perry qui n’y trouvait pas son compte, de plus en plus rageur :

— C’est que… vous savez… sergent Bracquel, j’en ai pas une de cassée dans le cul, moi !

Une porte se trouvait sur la droite de Bracquel, il obliqua vivement, l’ouvrit et disparut brusquement, feignant de ne pas l’entendre.

Dans la chambrée on se tordait.

Perry alla secouer son ami Grosset qui s’était affalé sur le lit et, tous deux, flageolant, mais fiers comme des paons, se tenant bras dessus bras dessous, allèrent à la cantine continuer leur cuvée.


Les rires s’étant apaisés, ceux qui connaissaient l’histoire à laquelle avait fait allusion Perry, la racontèrent ; un nouveau groupe se forma peu à peu autour du caporal Loiry qui avait fait ses deux ans de colonie avec Perry et Grosset, alors que Bracquel y vint. Une histoire en amenant une autre, la conversation roula sur la vie que les soldats mènent aux colonies.

Histoires de cuites ; comment on s’arrangeait pour gagner de l’argent ; comment on s’y prenait pour découcher, tout cela roulait sur le tapis, pêle-mêle, y tenant une large place. Par ses questions, Caragut, qui s’était joint au groupe, amena peu à peu les narrateurs à retracer les luttes avec les indigènes, les exactions qu’on leur faisait subir. Loiry et deux ou trois autres racontaient à mesure qu’ils se remémoraient leurs souvenirs, les scènes auxquelles ils avaient assisté.

— Oui, disait Loiry, en Cochinchine, on est bien mieux qu’ici. Plus maintenant à Saïgon, où c’est une commission d’ordinaires qui s’occupe de l’achat des vivres à présent, et traite directement avec les fournisseurs ; aussi, la nourriture y est la même qu’en France, mais quand nous étions en détachements, dans les petits postes, c’était le caporal d’escouade qui allait au marché : il achetait ce qu’il voulait. Une paire de poulets ne valait pas plus de trente sous, pour payer nous avions des ligatures de sapèques sur lesquelles il n’était pas difficile de tricher ; tout en discutant avec le marchand, on s’arrangeait de façon à fourrer dans le sac ce que l’on pouvait chaparder sans qu’il s’en aperçût. En payant un coup à boire aux hommes qui étaient avec lui, le caporal trouvait le moyen de faire sa gratte, tout le monde mangeait bien, il y avait au surplus toujours de reste, on pouvait même, de temps à autre, se payer un litre d’absinthe, et tous étaient contents.

— Moi, fit un autre, un grand gaillard, à la moustache rousse, au nez en bec d’oiseau de proie, du nom de Laugère, je n’étais pas trop mal à Saïgon ; on nous avait détachés pour surveiller les Annamites employés à la construction des nouvelles routes, nous n’avions rien à faire qu’à nous promener une matraque à la main, pour réveiller le courage des indigènes qui, sans cela, se seraient endormis sur leur travail !

— Mais c’était un métier de garde-chiourme que l’on vous faisait faire là, ne put s’empêcher de remarquer Caragut. Ce n’était pas assez de les forcer à travailler pour vous, vous les rossiez par dessus le marché.

— Ho ! intervint Loiry, ces rosses d’Annamites ne veulent pas travailler ; sans les coups de rotin on n’en ferait rien, assurément.

— Puis, continua Laugère, nos officiers tripotaient surtout sur le personnel, ils avaient un certain chiffre d’Annamites portés sur leurs rôles, mais il en manquait toujours bien la moitié : ils empochaient la différence, sans compter ce qu’ils raflaient sur le salaire attribué à tous ; il n’y avait pas de contrôle possible ; quand les Annamites réclamaient on les bâtonnait, on les bâtonnait aussi pour les activer au travail. On pouvait taper dessus, ça ne leur faisait rien ; on tapait comme des sourds, ça ne les faisait même pas crier.

Mais aussi nos officiers n’étaient pas rosses avec nous ; comme l’argent ne leur coûtait rien, ils nous payaient largement le travail qu’ils nous faisaient faire ; quand on leur rendait quelque service, ils lâchaient facilement la pièce.

— Mais il n’y avait donc pas d’inspecteur qui visitât les travaux, qui se rendit compte de ce qui se faisait, qui contrôlât le personnel ?

— Si fait, mais comme l’administration était prévenue lorsque devait avoir lieu une inspection, le personnel était toujours au complet. Aux villages d’alentour on raflait les Annamites dont on avait besoin. Sitôt l’inspecteur parti, on renvoyait à coups de matraque le personnel que l’on s’était ainsi adjoint. Et comme c’était toujours la matraque qui marchait, les indigènes se gardaient bien de réclamer.

— Au reste, ajouta Loiry, il était de notoriété que le trafic existait dans toutes les branches de l’administration, mais comme tout le monde trafiquait, chacun fermait les yeux sur ses voisins pour que les voisins n’eussent pas l’idée de les ouvrir sur lui.

Lors de la construction des casernes et des divers bâtiments administratifs, je suis sûr que l’officier qui en avait la direction a mis dans sa poche plus de cent cinquante mille francs, sans compter les complicités qu’il a dû payer pour leur fermer les yeux.

Oui, oui ! termina Loiry, en hochant la tête, tout le monde grattait : généraux, colonels, commandants, capitaines, lieutenants, adjudants, sergents-majors, fourriers, sergents et caporaux, tout le monde grappillait.

— Oui, fit Caragut, et le simple soldat, qui ne pouvait rien barboter sur les fonds de l’État, si j’en crois ce que je vous ai, plus d’une fois, entendu raconter, se rattrapait sur l’indigène en lui volant ce qui était à sa convenance, et l’assommant s’il gueulait trop fort.

— Oh, dit Laugère, c’était franc, à ce qu’il paraît, à l’origine de l’occupation, mais quand j’y suis allé, ce n’était plus guère que dans les postes éloignés où l’on pouvait sans risques rosser les indigènes. En ville, il ne fallait pas se faire prendre, sans cela on aurait passé au conseil.

— Les officiers, reprit Loiry, fermaient les yeux, n’écoutant guère les réclamations des Annamites, mais il ne fallait pas se faire prendre sur le fait.

— Croyez-vous, demanda Caragut, que c’était propre ce que vous faisiez là ?

— Ah ! tu sais, il fallait bien se débrouiller, si on ne voulait pas crever. Ces sacrés Annamites ! on ne pouvait rien leur tirer de bonne volonté ; même en payant, il fallait taper dessus ; et comme on n’était pas toujours argenté, du moment que l’on s’apercevait que le rotin faisait marcher, dame ! on en usait.

— Et si on faisait cela en France, comment l’appellerait-on ? demanda Caragut. Si vous pénétriez dans une maison, vous emparant de ce qui serait à votre convenance, et que, pour payer, vous fassiez une distribution de coups de pieds et de coups de poings, vous ne tarderiez pas à être cueillis par les gendarmes, il me semble ? et seriez bel et bien condamnés pour vol avec effraction.

— Ce n’est pas la même chose, répondit Laugère. Là-bas, on est en pays ennemi après tout, il faut savoir prendre ce que l’on vous refuse. Du moment que l’on est le plus fort, on serait bien bête de se laisser crever de faim et de soif quand il y a à boulotter et à boire.

— D’autant plus, renchérit Loiry, que ces Annamites sont à moitié sauvages, ça ne connaît rien : quand ils vous voient en nombre, ils font un tas de salamalecs à n’en plus finir ; mais quand ils peuvent pincer à cinq ou six un Européen tout seul, ils ont vite fait de le descendre. On y va pourtant pour les civiliser !

— Oui, ricana Caragut, et pour aller plus vite, c’est à coups de fusil qu’on leur inculque les premiers éléments de la civilisation ; on continue par les coups de trique, on les vole et on les exploite par la suite.

— Je voudrais bien t’y voir, bougonna Laugère, tu verrais si tu ne ferais pas comme les camarades. Quand tu aurais soif ou faim, et qu’on cacherait les vivres, que tu aurais affaire à des brutes qui ne te comprendraient même pas, tu verrais s’il n’y aurait pas de quoi te rebiffer !

Caragut allait répliquer : « qu’alliez-vous faire là-bas ? » mais ses réflexions n’étant pas du goût des narrateurs, et ne voulant pas les indisposer de peur qu’ils se refusent à continuer l’exposition de leurs souvenirs, il se contenta de questionner et d’apporter son contingent de souvenirs.

N’en ayant pas de personnels, ce fut ce qu’il avait pu recueillir, jadis, dans les conversations de ceux avec lesquels il avait pu se trouver en contact. Il se rappelait entre autres, une histoire typique que lui avait contée comme en étant l’acteur principal, un voisin, revenu depuis peu du service.

« En Algérie où il se trouvait, se promenant un jour en un lieu écarté, ses pas le menèrent près d’une fontaine, une jeune Arabe y puisait de l’eau ; surprise elle n’eut que le temps de se couvrir le visage de son voile, mais si vite qu’elle eût fait, le zouave vit qu’elle était d’une beauté merveilleuse, il lui offrit de l’argent pour qu’elle se donnât à lui ; mais ayant fait mine de s’enfuir, comme on ne voyait âme qui vive dans la plaine et que le douar de la jolie fille devait se trouver loin, il la prit et la renversa à moitié assommée et la posséda malgré sa résistance. »

L’air de parfaite inconscience avec laquelle le zouave racontait le fait, le considérant comme absolument normal, revenait à la mémoire de Caragut. En le racontant à son tour, il se disait que si de pareilles actions sont encore possibles dans un pays comme l’Algérie, conquise et pacifiée depuis longtemps, cela ne peut qu’être pire encore en Cochinchine où la lutte est permanente. Il comptait bien que ses auditeurs ne seraient pas en reste de lui raconter des histoires semblables.

Ce fut Loiry qui partit le premier.

— Figure-toi, mon vieux, j’étais avec un copain, Gélinier, — tu ne l’as pas connu, il est mort à l’hôpital, à Toulon, quinze jours après notre retour en France. — Il avait reçu de l’argent de sa famille : c’était entendu que l’on devait tout boulotter, nous avions donné le mot à trois de ses pays. Sitôt l’extinction des feux sonnée, on devait se retrouver dans la cour, près des cuisines ; il y avait un mur qui s’escaladait facilement, le factionnaire ne pouvait nous voir. En faisant la courte échelle et en tendant la main au dernier, nous eûmes vite fait de sauter de l’autre côté.

À quelque distance de la ville se trouvait une espèce de cahute tenue par des Annamites, l’homme et la femme. Ils vendaient à boire, et servaient de proxénètes, procurant aux soldats quelques congaïs faisant — depuis fort longtemps — métier de vendre leurs caresses aux représentants de la civilisation.

Les litres d’absinthe s’étaient succédé. Au plus fort de l’ivresse Gélinier remarqua que ça manquait de femmes. On avait l’habitude de peloter l’hôtesse qui, peu farouche, se laissait faire. Mais ce soir-là, n’étant pas disposée sans doute, ou notre nombre l’ayant effrayée, aux premiers attouchements de Gélinier, la congaï se rebiffa. L’homme s’en étant mêlé, reçut son compte, et la femme fut culbutée par Gélinier d’abord, par chacun de nous ensuite qui voulions avoir notre part des faveurs — légèrement forcées, il faut en convenir — de la belle qui se débattait, gueulant comme un putois.

Au beau milieu de nos ébats, la lampe avait roulé à terre et mis le feu à la cahute, sans qu’on s’en aperçût. Mais quand les flammes se mirent à jaillir, effrayés par le boucan que ça allait faire, nous nous enfuîmes, laissant tout griller, heureux de rentrer à la caserne avant que l’on se fût aperçu de notre absence.

Laugère, lui, raconta l’histoire d’une jeune Annamite qui venait parfois vendre des provisions au poste détaché où il était de garde avec une douzaine de camarades, sous le commandement d’un sergent.

Un jour qu’elle offrait des pastèques, le sergent qui était saoul comme une bourrique, commença à la chahuter : elle résista, il devint brutal et grossier. Les hommes du poste tout aussi saouls que le sergent cherchaient à l’exciter, pariant, les uns, qu’il ne réussirait pas, les autres affirmant que si.

Le sergent n’hésita pas et renversant la fille sur le lit de camp, il la viola. Mis en bonne humeur les soldats voulurent avoir leur tour, et, fraternellement, on alla relever les factionnaires pour qu’ils eussent leur part de l’aubaine. La malheureuse servit de jouet toute l’après-midi à tous les hommes du poste.

On porta plainte, il y eut des enquêtes, etc., mais on prouva que la fille s’était donnée de bonne volonté. Le sergent eut quinze jours de prison pour avoir mal tenu son poste, et l’affaire en resta là. Quelques jours après, il est vrai, quand on alla relever les factionnaires, on en trouva deux qui avaient la tête tranchée : on ne sut jamais qui avait fait le coup. Le village le plus proche fut frappé d’une très forte amende, seule satisfaction que l’on put en tirer.

— Chez nous autres, en Afrique, fit un nommé Fayet qui avait fait deux ans de Sénégal, on n’y allait pas par quatre chemins. Une fois, tout un poste fut massacré par des nègres, sans qu’on pût avoir l’idée d’où ils étaient venus. On détacha une colonne aux deux villages les plus proches du poste.

Ses habitants furent chassés et refoulés dans la plaine pendant qu’on incendiait leurs cases et qu’on détruisait les plantations. Comme il n’y a pas besef à boulotter dans ces parages, ils ont dû y crever de soif et de faim.

— C’était tout si simplement atroce ce que l’on vous faisait faire là.

— Ah ! dame ! après tout, il faut se faire craindre, sans cela les nègres auraient vite massacré le peu d’hommes que l’on y envoie. Sans la salutaire terreur que leur inspirent ces exécutions, ils nous extermineraient en détail.

— Sans doute, ne put s’empêcher de souligner Caragut, que vous étiez envoyés pour civiliser les Sénégalais ?

Son interruption ne fut pas relevée.

— Moi, reprit Loisy, ce qui m’a le plus frappé, c’est l’exécution des trois pirates, dont un surtout, du nom de Daï Phong, était célèbre parmi les Annamites. Moyennant un peu d’argent, un indigène avait dévoilé leur retraite aux autorités françaises. Surpris, ils n’eurent le temps ni de s’enfuir, ni de se défendre, un conseil de guerre immédiatement constitué, les condamna à mort. Ils furent exécutés sur la place du village où nous nous trouvions.

Lorsqu’on les tira de prison pour les mener au lieu d’exécution, ils ne bronchèrent pas plus que s’il s’était agi d’une promenade hygiénique. Ils s’agenouillèrent, tendirent le cou au coupe-coupe de l’exécuteur — c’est un Annamite qui remplit les fonctions de bourreau — et moururent sans jeter un cri. Daï Phong vit exécuter devant lui ses deux camarades sans broncher ; pas plus que ses deux compagnons, du reste, il ne laissa voir aucun tressaillement. C’est tout ce qu’il y a de plus insensible comme brutes dans ces pays-là.

— Et pourquoi les nomme-t-on des pirates ?

— Je ne sais… C’est un nom qu’on leur donne… comme ça… Peut-être parce qu’ils sont toujours en révolte contre nous, ne veulent pas se soumettre. Ils ont la haine de l’Européen. Ce sont eux qui harcèlent nos détachements, attaquent les postes isolés, les massacrant s’ils peuvent les surprendre, coupant le cou aux sentinelles qui ont le malheur de s’endormir en faction ou l’imprudence de ne pas surveiller les buissons qui les entourent.

— Alors, à ce que je vois, ce seraient les patriotes de là-bas ?

En 70, les Prussiens n’ayant pas voulu reconnaître aux francs-tireurs qu’ils capturaient, la qualité de belligérants, et, en ayant fusillé un certain nombre, on les a traités de bandits, de sauvages, de barbares, etc. À ce que je vois les Français ne se gênent pas pour en faire autant en Cochinchine. Ils baptisent les patriotes annamites du nom de pirates, et les patriotes français applaudissent.

— Dame ! fit Loisy embarrassé, c’est peut être vrai, mais il faut tenir compte que nous sommes peu nombreux là-bas, et, comme je te l’ai dit, sans la crainte ils ne feraient qu’une bouchée des Français. Ce sont les exemples que l’on fait de temps à autre, qui nous permettent de nous maintenir.

— Oui, je vois, ces Annamites ont le caractère mal fait : on les vole, on viole leurs femmes et leurs filles, on les assassine, on les force à travailler, on les bâtonne et ils ont le toupet de ne pas être contents ! Ils sont tellement féroces qu’ils se défendent et se vengent quand ils en trouvent l’occasion. Décidément, ils ne savent pas prendre leur mal en patience !

Seulement, je ne vois pas ce que l’on est en droit de reprocher aux Prussiens.

— Oh ! intervint Laugère, ce n’est plus la même chose : les Prussiens combattaient une nation civilisée, tandis que les Annamites sont encore des sauvages !

— Et alors, pour les civiliser, on agit encore plus sauvagement qu’eux.

— Ah ! fit Loiry, que veux-tu ? nous sommes soldats, après tout, nous devons obéir. Certainement, je préférerais rester chez moi. Mais, si on n’obéissait pas, ou nous serions fusillés, ou les Annamites nous couperaient le cou… À la guerre comme à la guerre, chacun pour soi !

— Ce qui prouve qu’ayant été assez veules pour nous laisser faire la loi par une bande de filous, nous n’avons plus qu’à les aider à assassiner les autres. N’ayant pas le courage de nous révolter contre ceux qui nous prennent notre sang, notre jeunesse, nous sommes forcés de faire un métier de bandits ! Une lâcheté en entraîne une autre.

— Oh ! mais dis donc, fit Laugère furieux, toi qui as l’air de nous la faire à la leçon, pourquoi es-tu ici ? Il me semble que tu ne t’es pas révolté non plus, puisque tu t’es laissé mettre un fusil dans les pattes ; tu n’as donc pas à crâner. Quand on t’enverra là-bas, mon petit, tu feras comme les autres et tu ne diras rien.

— Si on m’envoie là-bas, je ne sais pas encore ce que j’y ferai, il est possible que je fasse comme les autres, mais cela n’empêche pas que ce soit un sale métier, et que nous ne devrions pas le subir si nous avions du cœur.

Si je suis ici, cela ne prouve qu’une chose c’est que j’ai été aussi vache que vous autres… Une seule chose nous différencie, et ce n’est pas en ma faveur, je me rends compte de ce que l’on nous commande… Si c’était à refaire !…


— Comment, cria en paraissant le caporal Balan, on n’est pas encore installé ici ? Qu’est-ce qui m’a foutu des rosses pareilles ! Je vais visiter les fusils de mon escouade. Gare à ceux qui n’auront pas nettoyé le leur ! Je leur fous deux jours de salle de police. Je n’ai pas envie d’écoper pour vous.

Vous, Caragut, qu’est-ce que vous foutez là ? où est votre fusil ? Pas encore installé, nom de Dieu ! Je vais vous foutre deux jours, il y a assez longtemps que vous m’emmerdez.

— Mon fusil sera prêt à l’heure, il est propre, il n’y a qu’à l’installer.

— Je m’en fous ! il devait être déjà installé. Vous aurez vos deux jours.

— Oh ! et puis, à la fin, portez donc ce que vous voudrez, fit Caragut exaspéré, vous m…., mais, s’arrêtant, il n’acheva pas la phrase.

— Ha ! vous me répondez, ha ! vous m’insultez ! c’est bon, votre compte est clair. Vous n’y couperez pas, je vous porte le motif, vous savez. Que vouliez-vous dire ?… que je vous… ?

— Je voulais dire, répondit Caragut subitement calmé, ayant eu le temps d’envisager les conséquences d’une riposte trop vive, je voulais dire que vous n’aviez pas à me porter de punition, vu que ce n’est pas encore l’heure de la revue, et que je serais prêt.

— Vous ne voulez pas dire ce que vous étiez prêt à lâcher, je vous pincerai tout de même, je vous apprendrai à être poli… Dites donc, Mahuret, vous avez entendu ? Caragut a dit que je l’emmerdais.

Au premier coup de gueule, les hommes de la chambrée s’étaient vivement dispersés, s’occupant à démonter et à frotter d’une façon inaccoutumée, les pièces de leur fusil.

Mahuret interpellé répliqua qu’il n’avait rien entendu.

— Oh ! ça c’est trop fort ! hurla Balan. Dis donc, Loiry, tu as entendu, toi ?

Loiry s’approcha de Balan et lui souffla dans l’oreille : — Dis donc, espèce de fourneau, tu n’as pas fini d’emmerder les hommes ! si jamais tu portes ce motif-là, je te casse la gueule.

Et tout haut :

— J’ai bien entendu qu’il t’a dit : portez ce que vous voudrez, mais je n’ai pas entendu autre chose.

L’apostrophe de Loiry ayant un peu interloqué Balan, il bougonna en s’en allant que l’on se foutait de sa fiole, qu’on le prenait pour un bleu, mais que ça ne se passerait pas comme cela, et que l’on ne s’en foutrait pas tout le temps.

— Hé bien, mon vieux cochon, fit Mahuret, tu vas bien quand tu t’y mets, t’as eu de la veine de ne pas finir ta phrase, tu n’y coupais pas sans cela. C’est ce qu’il cherche depuis longtemps. Si, aussi bien d’un Loiry, il s’était trouvé par là un Bracquel ou un Loiseau, ce que tu étais frit. Crois-tu qu’il ne portera pas le motif quand même ?

— Non, je crois que Loiry lui a foutu le trac.

— Oui, mais vous savez, fit ce dernier en intervenant, il ne faudrait pas vous y habituer, j’ai bien voulu pour une fois vous parer celle-là, mais il ne faudrait pas vous y habituer, des officiers ou le « double » seulement, se seraient trouvés par là, c’est nous qui ramasserions, parce que nous nous laissons manquer de respect.

— Tu peux toujours compter sur tes quinze jours de salle de police, ajouta Mahuret.

— Ce n’est rien, et ça compte sur le congé, conclut philosophiquement Caragut qui s’était mis à démonter son fusil.


De tous côtés on ne voyait que des hommes frottant et astiquant, à grand renfort de brique anglaise sur les morceaux d’acier poli, cherchant à enlever les piqûres de rouille, laissées par la pluie aux exercices.

Sergents et caporaux sentant l’arrivée prochaine du capitaine, affinaient dans les chambrées, leur zèle se traduisant par un engueulement continuel.

— Dagneau ! votre paquetage n’est pas d’aplomb… les hommes de chambre, un coup de balai !… Pourquoi n’avez-vous pas arrosé !… Durieux, que fout ce paquet à côté de votre paquetage ? vous savez bien qu’il ne faut rien sur les planches en dehors de l’ordonnance,

— Qu’est-ce qui couche là ? reprenait la voix en fausset de Bouzillon, voilà un lit mal fait… Allons, retapez vos lits… Qu’ils soient carrés comme des billards !

— Poirier, clamait plus loin un autre, vous aurez deux jours de salle de police pour avoir pendu au clou des souliers qui ne sont pas cirés.

Et c’était un véritable chassé-croisé d’interpellations semblables d’un bout à l’autre de la chambrée.

— Fixe ! cria tout à coup une voix à l’entrée.

C’était le capitaine qui s’amenait.

— Repos ! fit-il en se dirigeant vers la chambre de détail, d’où il ne tarda pas à ressortir accompagné du sergent-major Chapron.

Le commandement de « Fixe ! » immobilisa de nouveau les hommes au pied de leurs lits qu’ils avaient regagnés à l’apparition du capitaine et la revue commença.


Elles sont toutes les mêmes, ces revues : mêmes minuties pour le placement des objets étalés, mêmes observations sur la disposition de toutes les parties du fourniment, sur leur plus ou moins de propreté, objections le plus souvent sans raisons bien déterminées, n’ayant pas lieu d’être adressées plutôt à l’un qu’à l’autre, mais que le gradé se croit forcé de faire pour faire voir qu’il fait son métier consciencieusement, et entretenir la crainte chez les subalternes.

Chapron accompagnant toujours le capitaine, ils arrivèrent devant le lit de Caragut, s’y arrêtèrent. Clignant de l’œil, en contractant tout un côté de sa figure, Chapron articula :

— Capitaine ! voici un élève-caporal qui, à une observation du caporal Balan, a répondu : portez donc tout ce que vous voudrez.

— Et pourquoi avez-vous répondu cela ? gronda Paillard, toisant le délinquant d’un coup d’œil sévère.

— Capitaine, parce qu’il est toujours après moi, m’en voulant depuis que je lui ai refusé de lui servir de domestique. Il me……

— Taisez-vous ! vous n’avez pas à juger si votre caporal vous en veut ou non, fit Paillard d’une voix brève. Vous n’avez à entrer dans aucune de ces considérations, ni à murmurer. Lorsqu’on vous commande, vous devez obéir. Tâchez de le savoir une autre fois.

Et passant à un autre, il continua son inspection.

Un moment après elle était terminée et l’ordre fut donné de remonter les fusils.

— Mince ! ce qu’il t’a parlé sec, le capiston, fit Mahuret, j’aurais pas voulu être à ta place. C’est quinze jours, va.

— Pourvu qu’il ne te porte pas de la prison, dit Brossier.

— Sans compter qu’il n’avait pas l’air commode, renchérit un troisième.

— Vous savez, Caragut, dit le fourrier, en passant, sortant de la chambre de détail, vous avez quinze jours de salle de police du capitaine ; mais le colonel n’a pas encore vu le motif. Priez le bon Dieu que ça n’aille pas plus loin !