La Grande Grève/1/02

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Librairie des Publications populaires (p. 14-25).
Première partie


II

LA BANDE NOIRE


Chamot, le roi de Mersey, était content. Sa Grandeur, l’évêque de Tondou, qu’il était allé visiter, lui avait discrètement dit deux mots d’un homme jeune encore, et titré, conséquemment du meilleur monde, élève des bons pères jésuites, recommandation flatteuse et qui, avec cette délicatesse de sentiment propre aux fils des hautes classes, cherchait une riche héritière.

Chamot se disait que le baron des Gourdes, ainsi se nommait ce phénix, pouvait parfaitement convenir à Mlle  Julia.

Certes, quand on est la nièce d’un millionnaire sans enfants, on ne manque jamais de prétendants.

La société bourgeoise, qui flétrit la prostitution des filles pauvres, encourage et glorifie le mariage d’argent, la forme la plus caractéristique de ce marchandage sexuel, puisque, cette fois, la prostitution est à vie. Aussi, Mlle Julia n’eût-elle eu qu’à choisir parmi les soupirants attirés par l’espoir d’une grosse dot : ingénieurs sortis en un rang honorable de l’École centrale et apparentés à des personnages politiques ; avocats, naissantes lumières du barreau, également prêts à défendre la victime et le bourreau, le peuple souverain et le financier escroc ; futurs conseillers d’État et jeunes officiers aux victorieuses moustaches et aux bottes impeccables, reflétant l’âme militaire dans leurs miroitements, tout le régiment select et servile des coureurs de dot avait défilé dans les salons de Chamot ou postulait pour y être présenté.

Mais le directeur-gérant des mines de Pranzy était difficile : ses millions lui en donnaient le droit. Il connaissait d’ailleurs l’esprit de sa nièce, ambitieux sous une apparence placide d’eau dormante, et cela n’était pas pour lui déplaire. Il fallait à la jeune fille un mari qui eût la naissance, un nom et un titre ouvrant toutes les portes ; peu importait la fortune : Chamot était là pour y pourvoir. De cet aristocrate emmillionné, Julia se chargerait bien de faire un homme politique : un député — avec de l’argent on achète les électeurs — puis, pour peu qu’il eût quelque étoffe, un ministre — les honorables collègues ne sont pas plus incorruptibles que le suffrage universel.

Tout en naviguant dans les mêmes eaux conservatrices que Schickler (un autre roi, le roi de l’acier, au Brisot), Chamot jalousait ce dernier. Ne pouvant rivaliser avec lui par le chiffre de la fortune, quel triomphe s’il rétablissait l’égalité par un mariage aristocratique ouvrant à sa famille un double débouché dans le grand monde et dans la politique !

Le baron des Gourdes, d’après ce que lui avait confié incidemment l’évêque de Tondou, semblait réaliser l’idéal du genre. Officier de cavalerie, comme tout gentillâtre qui se respecte, il avait mis le comble à cette respectabilité en démissionnant pour ne pas servir la République. Inutile de dire si les bons pères jésuites, ses premiers éducateurs, s’intéressaient à lui et s’employaient à lui trouver l’héritière redoreuse de blason — des Gourdes ne possédait qu’une fortune modeste — qui lui permît de se lancer dans le monde politique et y servir efficacement la cause de l’autel d’abord, du trône ensuite.

De même que Mlle Julia avait rencontré des prétendants, des Gourdes avait croisé dans sa vie un certain nombre de demoiselles à marier, dont les aïeux avaient, sinon guerroyé aux croisades, du moins servi de valets de chambre à Louis XIV ou Louis XV, ce qui, dans le noble monde, est presque aussi bien porté. Malheureusement ces jeunes personnes n’avaient guère à lui apporter que des dots hors de proportion avec leur naissance.

Conséquemment le jeune baron ne dédaigna pas de tourner ses aristocratiques regards sur les héritières plus cossues du monde bourgeois.

Des Gourdes avait pour professeur un jésuite, le père Carino qui approchait l’évêque de Tondou. Et celui-ci, en général qui tient sous sa main l’état de ses effectifs et de ses ressources, possédait la liste complète des nobles célibataires et des riches héritières de son diocèse. C’est en faisant des mariages qu’on s’assure la domination des familles.

Le père Carino parla donc de des Gourdes à Monseigneur et celui-ci aussitôt songea à la famille Chamot. Il y avait là une jeune personne valant plusieurs millions. C’était l’oiseau rare rêvé par le noble célibataire.

Chamot et des Gourdes ayant un égal désir de se rencontrer, il était évident que la rencontre finirait par se produire. Restait à savoir comment, et où elle se produirait : les bons pères, qui s’intéressaient si activement à la chose, décidèrent que ce serait chez la comtesse de Fargeuil.

À quelques kilomètres de Mersey, sur la route du Brisot, s’élevait, au sommet d’un coteau entouré de vignes, une construction spacieuse, d’élégance banale, le château de Fargeuil, qui portait le nom de sa propriétaire.

Celle-ci était une créature étrange et belle, d’environ trente ans, arrivée de la Martinique cinq ou six années auparavant et qui appelait Mme Schickler sa tante. Elle avait été mariée à un viveur du second Empire, qui, à la suite de peccadilles d’argent, abus de confiance et faux, disparut un beau jour pour aller mourir à l’étranger. Mme de Fargeuil, qui n’appartenait pas à l’espèce rare des veuves inconsolables, n’en fut pas affectée et se livra sans hypocrisie à toutes tes impulsions de son ardente nature tropicale.

Grande et souple, avec cette démarche majestueuse que Virgile prêtait aux déesses, le teint mat, la lèvre voluptueuse, l’œil noir chargé d’éclairs, la comtesse de Fargeuil venait d’atteindre cet âge, apogée de la beauté féminine : trente ans. Perle tropicale, égarée par le caprice des événements dans cette région industrielle de la France, elle y était courtisée, adulée par tout ce qu’il s’y rencontrait de jeunes élégants et de vieux beaux appartenant à son monde.

Franche et naturellement humaine, il ne lui manquait, pour être excellente, que d’avoir vu le jour et grandi dans un autre milieu. Mais, dès le berceau, elle avait été la proie des imposteurs religieux. Jeune fille, elle avait reçu l’éducation vide des indolentes créoles, éducation faite de préjugés et de superstitions plus encore que d’orthographe et de musique. Elle crut avec ferveur à la création du monde en sept jours, aux sermons de l’ânesse de Balaam, à l’opération du Saint-Esprit et à toutes les bourdes abrutissantes enseignées par la sainte Église. En outre, sa nature impressionnable et sensuelle s’extasiait aux pompeuses cérémonies du culte, à toute cette mise en scène de parfums, lumières et cantiques, savamment combinée pour pénétrer et dominer les âmes faibles ou ignorantes.

Aussi, dans le département de Seine-et-Loir comme à la Martinique, était-elle demeurée le jouet des prêtres. C’était chez elle, souvent à son insu et sous le couvert de sa frivolité mondaine, que se nouaient des intrigues de toutes sortes, intrigues amoureuses, intrigues politiques.

Ce soir-là le salon de la belle créole était empli de monde : le gratin réactionnaire de la région. Du côté des hommes, le comte de Mirlont, un de ces gentillâtres désœuvrés au cerveau vide, qui justifient le jugement émis sur la noblesse contemporaine par un écrivain pourtant réactionnaire : « Catin, crotin, crétin. » Ce fin-de-race avait, en effet, toujours limité l’exercice de ses facultés entre le boudoir des mondaines et le turf. Maintenant retiré dans une exiguë propriété qu’il appelait pompeusement ses terres, il attendait lui aussi, à trente-cinq ans, que quelque héritière lui tombât du ciel. Puis, c’était le banquier Hachenin, quinquagénaire gros et poussif au physique, doué au moral d’une singulière activité, le roi de la finance dans Seine-et-Loir, comme Schickler y était le roi de l’industrie ; à côté de lui, le commandant en retraite Estelin, le notaire Durivaux et l’abbé Brenier, formant un groupe. Enfin, des Gourdes reluisant d’élégance, très entouré par l’élément féminin.

Et cet élément féminin, c’était : causant avec la créole, la belle Mme Hachenin, superbe incarnation de cette beauté bourguignonne faite de régularité, de robustesse et de fraîcheur ; avec son mari, la jeune femme, âgée de vingt-cinq ans à peine, offrait un contraste frappant. Un peu plus loin, Mme Ponette, veuve d’un des grands viticulteurs de la région, apparaissait, maigre et toute blanche, dans l’invariable costume de soie noire qu’elle portait depuis dix ans. Toute confite en dévotion, avec les allures dignes d’une douairière, elle avait la fourniture du vin de messe et, tous les ans, envoyait en cadeau à Monseigneur une barrique de son meilleur crû. Sa piété exemplaire lui valait d’être invitée au château de Fargeuil où sa correction sévère faisait repoussoir aux allures mondaines de la comtesse. Causeuses et rieuses, deux blondes créatures de vingt-huit et trente ans, les deux sœurs Mary et Jane Scheyne, orphelines d’un actionnaire de Pranzy et qui, émancipées par l’âge et par la fortune, aussi par l’éducation anglaise qu’elles avaient reçue, déclaraient tout haut leur intention de coiffer sainte Catherine ; le meilleur mariage, disaient-elles, ne valant pas la liberté.

Le valet de pied à la livrée bleu et argent annonça la famille Chamot. Un silence se fit comme à l’approche de souverains.

Le roi de Mersey entra dans le salon, et très régence, baisa galamment la main que lui tendait la créole. Celle-ci et Mme Chamot s’embrassèrent.

— Et vous ? dit en riant la comtesse de Fargeuil à Mlle Julia qui, discrète, effacée dans l’ombre de son oncle et de sa tante, s’était contentée de saluer d’une révérence.

Et elle embrassa aussi la jeune fille.

Puis commencèrent les saluts, les poignées de main. Et comme le baron des Gourdes demeurait un peu isolé ainsi qu’il convient à un premier rôle, la comtesse de Fargueil fit la présentation.

— Monsieur Chamot, le baron des Gourdes. Ne vous êtes-vous pas encore rencontrés ?

— Pas encore, fit le directeur des mines. Depuis le commencement de l’année, j’ai presque vécu en sauvage, à Mersey.

Et s’adressant au jeune homme :

— Sans doute, vous égarez-vous rarement dans cette région.

— C’est seulement la troisième fois que j’y viens, répondit le baron.

La créole expliqua à Chamot qu’elle avait connu des Gourdes à une réception au Brisot, chez Schickler, et l’avait revu à la fête diocésaine de Tondou. Puis elle se retira, laissant les deux hommes converser seul à seul.

Chamot écoutait et observait des Gourdes. Sans embarras, comme sans ostentation, le jeune homme, sortant des banales généralités, donnait un tour sérieux à la conversation, parlait des richesses de la région, de l’extension croissante de l’industrie dans Seine-et-Loir, du développement prodigieux qu’elle y atteindrait sûrement si un régime de sérieuses garanties pour les classes possédantes permettait enfin de se livrer en paix à l’exploitation du sous-sol. Qu’on en finît sérieusement, une bonne fois pour toutes, avec les misérables qui osaient prêcher aux ouvriers la haine du patronat et de la religion, alors la fortune des actionnaires de mines doublerait ou triplerait en quelques années ; mais pour cela, il fallait un gouvernement fort. Chamot approuvait, déjà sympathique à ce jeune homme qui causait affaires, citait des chiffres et, bien différent du comte de Mirlont, pouvait converser d’autre chose que de courses. Et des Gourdes, se sentant analysé, parlait posément, sûrement, en homme connaissant à fond la question, bien décidé à donner de lui une impression aussi favorable que possible.

Cependant à l’autre extrémité du salon, les petits groupes s’étaient fondus en un seul, au centre duquel pérorait, prenant des poses devant les dames, le gentilhomme-sportsman. Et tout d’un coup, éclata ce mot mystérieux, lancé par lui d’une voix mélodramatique : « La bande noire ! »

Chamot et des Gourdes se retournèrent.

— La bande noire ! fit en riant Jane Scheyne, mais c’est une invention de roman.

— Vous avez tort de plaisanter avec ces choses-là, fit gravement Mme Ponette.

— La bande noire, une invention ! s’écria de Mirlont atteint dans son amour-propre de conteur… Je puis vous assurer, moi, qu’elle existe.

Cette déclaration péremptoire produisit dans l’assistance une sensation profonde, mélange de frayeur et de curiosité. Ce fut ce dernier sentiment qui l’emporta, lorsque Mary Scheyne, qui ne semblait pas plus épouvantée que sa sœur, eut dit au comte :

— Eh bien ! monsieur de Mirlont, puisque vous savez ce qu’est la bande noire, il faut nous le dire. Nous mourons d’envie de vous entendre.

Chamot, intéressé, s’était rapproché, accompagné de des Gourdes, qui, comme lui, écoutait.

— La bande noire, fit le comte de Mirlont flatté par cette attention générale, c’est une société secrète, révolutionnaire, anarchiste et internationale — cette énumération d’épithètes entraîna un frisson de l’auditoire — formée sur le modèle de la fameuse société La Marianne. Nierez-vous que la Marianne ait existé ?

Personne n’ayant eu l’audace de formuler semblable dénégation, le gentilhomme continua :

— Vous n’ignorez pas que les nihilistes russes, les socialistes allemands et les communards français échappés en 1871 à une répression malheureusement des plus insuffisantes, se sont réunis en Suisse pour y fonder le parti anarchiste et y élaborer un plan de guerre impitoyable à la société.

— Oui, c’est connu, murmura le commandant Estelin, tandis que l’abbé Brenier approuvait gravement de la tête et que Mme Ponette levait au ciel des yeux angoissés.

— Lors de l’amnistie, tous ces brigands sont rentrés en France, et notre région se trouvant sur leur route, ils s’y sont naturellement répandus…

— Ces gens qui ont voté l’amnistie, prononça le banquier Hachenin, il faudrait les brûler à petit feu.

— Et encore, ce ne serait pas assez, appuya le commandant Estelin.

— C’est à Lyon qu’ils ont constitué leur quartier général, poursuivit de Mirlont. C’est de là qu’émanent tous les ordres de leur chef suprême, le prince russe Kropotkine.

— Comment ! Que dites-vous ? Un prince chef des anarchistes ? exclama stupéfaite Mme de Fargeuil.

— Oh ! celui-ci est un prince unique dans son genre, pour l’honneur de la noblesse, répondit vivement le gentillâtre. C’est lui qui a fait assassiner le tsar Alexandre II ; après quoi, condamné à mort dans son pays, il est tranquillement venu en France pour y bouleverser la société.

— Et la République le laisse libre… naturellement ! constata l’évangélique curé de Mersey.

Chamot, terrifié, levait les yeux au plafond et serrait convulsivement les poings. Mme Chamot était devenue très pâle : l’idée qu’une armée anonyme, insaisissable, de furieux malfaiteurs, allait se répandre dans la région, s’attaquant aux personnes et aux propriétés, venant peut-être l’assassiner après avoir égorgé son mari et violenté sa nièce, la bouleversait. Les autres dames paraissaient aussi peu rassurées ; même les demoiselles Scheyne, tout en conservant leur sourire, ne semblaient pas exemptes de quelque émotion. Le banquier Hachenin était pourpre d’indignation ; le notaire, visiblement inquiet, regardait le commandant comme pour lui demander sa protection, le cas échéant. Et l’ancien officier, se disant qu’il devait dans cette épouvante personnifier le courage militaire, veillant à la défense de la société menacée par l’hydre révolutionnaire, avait pris une pose héroïque.

Des Gourdes avait conservé la même physionomie. Sans être un aigle, il se rendait compte de l’amoncellement de sottises débitées solennellement par de Mirlont. Et Mlle Julia, ayant levé les yeux, son regard rencontra le regard impassible du jeune homme, peut-être traversé d’un éclair d’ironie.

Lui et elle se comprirent d’un coup d’œil.

La nièce de Chamot, sinon instruite, du moins intelligente, d’une intelligence froide, patiente et dissimulée, comprenait tout ce que résumait de prétentieuse ignorance le bellâtre causeur. Son oncle et sa tante pouvaient bien s’épouvanter, elle avait conservé son calme, moins émotionnée même que les sœurs Scheyne, hardies, railleuses, mais accessibles à l’imagination et au romanesque. Elle, au contraire, était tout calcul. Et, du premier coup, elle avait vu en de Mirlont une outre vide.

Il avait beau, celui-là, posséder un titre, ce n’était certes pas à lui qu’elle serait.

D’ailleurs, même mariée, elle ne serait jamais qu’à elle seule. Elle chercherait, non un maître, mais un instrument ou un associé.

Et, lisant dans les yeux de des Gourdes, elle se dit aussitôt qu’elle l’avait trouvé, tandis que le baron comprenait que le regard de la jeune fille signifiait une offre d’alliance, une alliance qui pourrait se nouer pour la vie.

De Mirlont continuait son récit. Il montrait une armée de pillards et d’incendiaires prête à se soulever au Brisot sous les ordres du socialiste Fumay, un buveur de sang qui, au Quatre Septembre, avait remplacé Schickler en fuite. Il parlait d’un dépôt de dynamite — au moins soixante cartouches ! — découvert par les gendarmes dans le bois des Brasses. Ailleurs, du côté de Montjeny, un cultivateur avait déterré près de son enclos trois mains coupées… oui, mesdames, trois mains coupées !… trois mains de traîtres, évidemment, car les affiliés de la bande étaient tenus de jurer qu’ils ne reculeraient, sous peine de mort, ni devant l’assassinat, ni devant le viol. Ce mot, le viol, fit à nouveau frissonner les femmes, même Mme Ponette, que ses cheveux blancs semblaient mettre à l’abri des derniers outrages.

— Et tous ces malfaiteurs sont venus de Suisse ? interrogea Mme Hachenin.

— Oh ! les chefs seulement, répondit l’abbé Brenier. Quant au gros de cette armée du crime, c’est la population ouvrière qui le fournit. Chose épouvantable à dire, il ne se trouve peut-être pas à Mersey deux mineurs sur dix qui ne soient prêts à faire cause commune avec les anarchistes.

Et, en disant ces mots, il regardait Chamot.

L’avant-veille, il l’avait averti des projets de ses ouvriers de fonder une société de secours mutuels et de se réunir dans les bois pour y discuter librement. Il ne pouvait préciser où, car le secret sur ce point était gardé par Ronnot, Détras, et quelques autres qui se chargeaient d’avertir leurs camarades au dernier moment. Aussi, le directeur de la Compagnie de Pranzy ne s’était-il point montré tout à fait aussi effrayé que l’espérait le prêtre.

— Mon cher abbé, lui avait-il répondu, je crois comme vous que mes mineurs sont travaillés par le mauvais esprit ; mais n’exagérons pas le mal qui est déjà assez grand. Toutefois, j’ouvrirai l’œil et vous avez ma parole que Détras sera frappé de mieux qu’un renvoi. Laissez-moi arranger cela.

Cette réponse n’avait qu’à demi satisfait le curé.

Un mot fait souvent plus que de longs discours. Ce nom « la bande noire », lancé par de Mirlont, qui l’avait entendu prononcer quelque part, bouleversa l’industriel plus que toutes les objurgations du prêtre.

— La bande noire ! murmura-t-il entre ses dents. Ah ! mes gredins, vous voulez la guerre ! Eh bien, je ferai venir les gendarmes et la troupe pour vous mater.

Cependant, la crainte et l’indignation ne lui faisaient pas oublier ses visées d’entrer, par une alliance de famille, dans le monde de l’aristocratie et en partant il invita le baron des Gourdes.

— Lorsque vous viendrez à Mersey, lui dit-il, j’espère bien que vous serez notre hôte pendant deux ou trois jours. Je vous ferai visiter les mines. Vous verrez comme le travail d’exploitation est intéressant.