La Guirlande des dunes/Les Fenêtres et le Bateaux

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Deman (La Guirlande des dunesp. 66-68).

Les Fenêtres et les Bateaux


Le port de Blankenberghe et le bassin d’Ostende,
Le soir, servent de nids de pierre aux lourds bateaux ;
Ils y replient leur aile, ainsi que des oiseaux,
Se blottissent l’un près de l’autre et puis attendent.

Et la nuit amicale, avec sa lune d’or
Descend : les cordages entrecroisés et sombres
Tressent au-dessus d’eux un mouvant filet d’ombres,
Qui semble emprisonner leur vol et leur essor.


Les fenêtres des quais doucement les regardent ;
Elles disent : Voici l’asile et le nid clair.
À quoi bon s’en aller, sous la nue et l’éclair,
Lutter, avec les vents et les vagues hagardes ?

Les flots âpres et fous roulent là-bas, au loin,
Voyez : voici le câble et l’ancre ; ils vous protègent ;
Et la petite vierge, en sa robe de neige,
Jette les yeux sur vous, de sa niche du coin.

Goûtez le reposant et lumineux silence :
Au-dessus de vos mâts, tous les astres du ciel
Vous présagent le calme et doux bonheur réel,
Sans surprises, sans angoisses, sans violences.

On étendra vos grand’voiles en pavillons
Sur la joie et l’orgueil des francs buveurs de bière
Et vous les entendrez entrechoquer leurs verres
Quand la kermesse ameute et bat les carillons.

Vos rames deviendront les hampes solennelles
Où la fête pendra ses éclatants drapeaux ;
Elles verront passer des gens monumentaux
Avec de l’or, sur leurs poitrines fraternelles.

Et vous, vous dormirez sans crainte au long des quais,
Longtemps, toujours, dans le berceau des eaux serviles,
Avec, autour de vous, les lumières des villes
Et le cadran des tours sur vos sommeils braqué.

Mais aucun des bateaux n’écouta les fenêtres.
Et dès que l’aube eut coloré le jour léger
On les vit tous se réveiller pour le danger
Et, les voiles au vent, sur la mer apparaître.