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La Légende de Gayant/Préface

La bibliothèque libre.
Lucien Crépin (p. 5-7).

PRÉFACE.




Ce petit poème, que nous livrons au public, n’aurait sans doute pas vu le jour, si une main bienveillante et d’une vigueur toute charmante, n’avait poussé l’auteur hors de sa réserve ordinaire.

Il est, au milieu de Paris, où tant de nouveautés piquantes, tant de choses sublimes naissent, se succèdent et tombent ; au milieu de ces bruits attrayants, de ces préoccupations incessantes qui peuvent causer l’oubli d’un pays plus calme et plus paisible ; il est un cœur tendre qui n’aspire qu’à son pays natal, un esprit rare d’élévation et de grâce, qui, plein du souvenir des joies de l’enfance, n’éprouve de bonheur qu’à s’entretenir de sa Flandre bien-aimée. L’auteur, témoin de ces élans vers la patrie, plein d’admiration pour les œuvres de cet esprit à la poésie si pure et si harmonieuse, chanta le héros douaisien et dédia son essai à Mme Desbordes-Valmore… Ne l’avions-nous pas nommée ? Ce poète éminent daigna répondre à cette dédicace des lignes si encourageantes et si flatteuses, que nous ne pouvons résister au plaisir de les reproduire en tête du poème qui les suggéra :

« Monsieur,

« […]

« Si j’avais pu vous écrire sous la première émotion que m’a causée votre lettre, je n’aurais pas en ce moment la crainte de n’avoir pas assez mérité ce touchant souvenir. Cependant, je ne crains pas de vous en louer froidement pour vous en louer trop tard ; mais ce seul mot : trop tard, me fait de la peine, parce que j’ai peur qu’il ne vous en ait fait à vous-même, et je ne le voudrais pas pour tout au monde.

Le cadre charmant et ingénieux dans lequel vous avez enfermé le géant amour et gloire de notre ville, est une nouveauté très-originale. Elle fourmille de traits naïfs, et […]

« Votre compatriote qui s’honore de l’être,
« Mine Desbordes-Valmore. »


Quelle bonté touchante et quel style pour juger un essai que l’on trouvera sans doute bien faible auprès de l’éloge ! Cette petite œuvre est écrite par amour des légendes qui poétisent la vie des peuples, sans leur inculquer d’erreurs dangereuses pour leur raison, ou nuisibles à leur progrès. C’est l’amour de la patrie, c’est l’exemple du dévoûment que nous voulons préconiser dans cette légende de Gayant qu’aucun document historique ne vient malheureusement prouver.

Plusieurs versions sont accréditées sur ce géant, objet de la joie annuelle des Douaisiens ; nous avons adopté celle qui présente le plus noble enseignement.

Les enfants aiment les contes ; on pourra leur apprendre celui-ci où ils puiseront en même temps des leçons d’histoire que le sujet a amenées. L’auteur l’a écrit particulièrement pour les mères de famille ; mais ne voulant pas descendre aux descriptions des jeux, qui sont de toutes les fêtes et souvent fort insignifiants, il dut animer le sujet et l’encadrer d’une manière quelque peu attrayante. C’est ce qu’il essaya en faisant raconter cette histoire à un jeune enfant par son aïeule. L’auteur a fait un Essai ; la critique, qu’il désire parce qu’elle éclaire et rend prudent, lui apprendra s’il a réussi.


Douai, 15 avril 1856.