La Légende dorée/Saint Loup
CXXVII
SAINT LOUP, évêque et confesseur
(1er septembre)
Loup naquit à Orléans d’une famille royale. S’étant de bonne heure distingué par ses vertus, il fut élu archevêque de Sens. Il donnait aux pauvres tout ce qu’il avait ; et comme, un jour, il en avait invité un grand nombre à sa table, et que le vin manquait, il répondit au sommelier qui venait le lui annoncer : « Je crois bien que Dieu, qui nourrit les oiseaux, ne refusera pas de compléter notre charité ! » Et, en effet, un messager arriva au même instant, qui annonça que cent tonneaux de vin attendaient à la porte.
On reprochait beaucoup à l’évêque l’affection qu’il témoignait à une jeune religieuse, fille de son prédécesseur. Alors, en présence de ceux qui l’accusaient, il fit venir la jeune fille et l’embrassa, disant : « Les paroles des hommes ne sauraient nuire à celui que ne souille pas sa propre conscience ! »
Comme le roi des Francs Clotaire, étant entré en Bourgogne, avait ordonné à son sénéchal d’assiéger la ville de Sens, saint Loup se rendit à l’église de Saint-Étienne et se mit à faire sonner la cloche : ce qu’entendant, les ennemis furent saisis d’une telle frayeur qu’ils s’enfuirent, par crainte d’être tués sur place. Et quand le roi, étant devenu maître de la Bourgogne, envoya à Sens un autre sénéchal, celui-ci, furieux de ce que l’évêque ne fût pas venu au devant de lui avec des présents, le calomnia si cruellement auprès de son maître que celui-ci l’envoya en exil. Mais, dans l’exil comme sur son siège, le saint brilla par sa science et par ses miracles. Et bientôt les habitants de Sens, ayant mis à mort l’évêque par qui l’on avait remplacé saint Loup, obtinrent du roi le rappel de celui-ci. Et quand le roi le vit épuisé de privations, il se prosterna devant lui, lui demanda pardon, et l’envoya à Sens après l’avoir comblé de présents. Et l’on raconte que, comme il passait en bateau par Paris, la foule des prisonniers virent s’ouvrir les portes de leurs cellules et tomber leurs chaînes, de façon qu’ils purent se rendre librement au devant de lui.
Un dimanche, pendant qu’il célébrait la messe, une pierre précieuse tomba du ciel dans son calice : le roi la fit mettre plus tard parmi ses reliques.
Le roi Clotaire, apprenant que la cloche de Saint-Étienne de Sens avait un son d’une douceur merveilleuse, fit transporter cette cloche à Paris, pour pouvoir l’entendre à sa guise. Mais, cet ordre ayant déplu à saint Loup, la cloche perdit toute sa douceur dès qu’elle sortit de Sens. Ce que voyant, le roi la fit aussitôt restituer ; et, lorsque la cloche, fut arrivée à sept milles, de Sens, elle sonna si fort que toute la ville l’entendit : de telle sorte que saint Loup put aller à sa rencontre.
Une nuit, tenté par le diable, il se fit apporter un verre d’eau froide ; puis comprenant les ruses de l’ennemi, il posa son oreiller sur le verre et y tint le diable enfermé jusqu’au matin suivant. Une autre fois, revenant chez lui de sa visite aux églises de la ville, il entendit des prêtres parlant à voix haute et disant qu’ils voulaient forniquer avec des femmes. Alors, il entra dans son oratoire et pria pour eux ; et aussitôt l’aiguillon de la tentation cessa de les tourmenter, et ils vinrent humblement lui demander pardon.
Enfin saint Loup s’éteignit en paix, en l’an du Seigneur 610.