La Langue française au Canada/Préambule
ans un moment d’enthousiasme juvénile — on peut être jeune à tout âge — j’ai eu, Messieurs, la témérité d’accepter, il y a déjà plus d’un an, l’honorable invitation de votre Rév. Père Directeur de faire une conférence ou causerie devant l’Union catholique. J’avais choisi pour sujet : La Langue française au Canada. Mais, lorsqu’il s’est agi de mettre mon projet à exécution, mon enthousiasme m’a abandonné et j’ai compris les difficultés de ma tâche. Je me suis rappelé tout à coup que, pour parler convenablement de la langue française, au Canada ou ailleurs, il faudrait être Français et rien que Français, Français jusqu’au bout, non seulement de la plume, mais aussi de la langue : or, je suis à moitié Anglais — et même davantage, à cause de mon éducation première, — bien que messieurs les Anglais ne semblent guère s’en douter. Consterné, j’aurais voulu me dégager de ma promesse ; mais le procédé habile qui consiste à promettre beaucoup et à tenir peu, quoique parfaitement admis dans le monde politique, ne l’est pas du tout paraît-il, dans le monde des lettres : j’ai donc dû m’exécuter. Et, sans plus de préambule je vais vous parler, avec un accent anglais plus ou moins prononcé, de la langue française.
Nous jetterons d’abord un coup d’œil sur l’histoire politique de la langue française au Canada ; nous examinerons ensuite le caractère de cette langue, ses qualités, ses défauts ; et nous verrons enfin les dangers qui la menacent.