La Montagne noire (Holmès)/Acte I

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Ph. Maquet (p. 1-18).

LA MONTAGNE-NOIRE


ACTE PREMIER

Des ruines fortifiées dans la Montagne-Noire. Au loin, pics neigeux, ciel bleu. À droite, un autel taillé dans le roc, surmonté d’une statue de la Vierge, portant l’Enfant Jésus. Au fond, à gauche, vieilles murailles crénelées.

Au lever du rideau, les femmes, diversement groupées, regardent au dehors, anxieusement, par dessus les créneaux démantelés. Héléna est parmi elles. Plus haut, sur un rocher, dominant la scène, Dara, appuyée sur un grand bâton, contemple la bataille. Au dehors, bruit de combat, tumulte, cris, coups de canon.



Scène PREMIÈRE

DARA, HÉLÉNA, Les Femmes.
TOUTES LES FEMMES.

Hélas ! la bataille est perdue !

Ô vain courage ! Ô vain effort !

Un vol d’oiseaux noirs traverse le ciel.
UN GROUPE.

Les corbeaux, dans la nue
Poussent leur cri de mort !

UN AUTRE GROUPE.

Lamentez-vous, et déchirez vos voiles !

DES FEMMES, pleurant.

Ô mes enfants !

D’AUTRES, de même.

Mon époux !

TOUTES.

Plus d’espoir !
Dieu n’entend pas, le ciel est noir ;
L’enfer a vaincu les étoiles !

QUELQUES FEMMES, sur le rempart.

Il triomphe, le Turc damné !
Ah ! c’en est fait ! Pleurez, pleurez, c’est l’heure !

DES VIEILLES FEMMES.

Nous verrons s’écrouler la paisible demeure !

DES JEUNES FILLES.

Nous verrons l’autel profané !

UN GROUPE.

Ô mon père !

UN AUTRE.

Ô mes fils !

TOUTES.

Ah ! je pleure, je pleure !

DARA, sur la hauteur.

Ô Montagne, ô mère des forts,
Où donc sont tes gloires passées ?
Notre sang a jailli sur tes roches glacées,
Tes forêts sont pleines de morts.
Âme de la chère patrie,
Âmes des héros d’autrefois,
Réveillez-vous enfin ! Tonnez, ô grandes voix,
Parmi la bataille en furie !

Coups de canon formidables au dehors.
LES FEMMES, s’écartant des murailles avec terreur.

Entendez-vous ?

D’AUTRES, de même.

Le canon tonne !

TOUTES, tournées vers l’autel, les bras étendus.

Ô roi Jésus, pardonne !
Reine-Vierge, protège-nous !

HÉLÉNA, vers l’autel.

Sauvez Mirko, mon seul amour, ô Notre-Dame !

Le jeune chef au pied léger,
L’or de mon âme,
Où donc est-il ? Dans le danger !
Et moi, je ne suis qu’une femme,
Et je ne puis servir, ni protéger
L’or de mon âme !

Montagne, sur tes blancs sommets
La source pleure.
Moi, j’attends celui que j’aimais…
S’il meurt, il faudra que je meure !

Comme la source, attristée à jamais,
Mon âme pleure !

TOUTES LES FEMMES, à genoux.

Hélas ! mon âme pleure
À jamais !

DARA, qui est descendue pendant le chœur.

Femmes au lâche cœur, silence !
Vos larmes font injure au pays offensé !

Les femmes se relèvent et se groupent plus loin.
HÉLÉNA.

Mais moi, j’attends Mirko, ton fils, mon fiancé !

DARA.

Et moi, j’attends la délivrance !
Si mon fils meurt, les joueurs de guzla,
Chantant son nom, boiront à sa santé de brave !
J’aime mieux voir mon fils mort que mon fils esclave :
Ce n’est point sur un lit qu’il doit mourir…

Avec un grand geste vers la bataille.
Ce n’est point sur un lit qu’il doit mourir… C’est là !
VOIX, au dehors.

Victoire !

LES FEMMES, tumultueusement.

Eux !… Ce sont eux, vainqueurs !

HÉLÉNA, s’élançant vers le fond.

Mirko !

DARA, de même.

Mon fils !

LES GUERRIERS, apparaissant.

Victoire !


Scène II

Les Précédents, ASLAR, MIRKO, LE PÈRE SAVA.

Aslar et Mirko, couverts de sang et de poussière, l’épée nue à la main, apparaissent sur le mur crénelé. Le Père Sava, des pistolets et un crucifix à la ceinture, les suit. Des chefs et des guerriers les entourent.

ASLAR et MIRKO

Nous sommes délivrés, nous sommes triomphants !
Mères, embrassez vos enfants !
Époux, racontez votre gloire !
Le Christ a combattu pour la Montagne-Noire !
L’ennemi fuit, épouvanté !
Victoire ! Victoire ! Victoire !
Nous ramenons la liberté !

Ils descendent en scène avec tous les hommes. Les femmes les entourent et les embrassent.

Chœur général
LES FEMMES.

Ô gloire !
Je vous revois, c’est vous !
Ô mon fils, mon époux !
Oui, nous sommes à vos genoux,
Vous qui ramenez la victoire !

LES HOMMES.

Sur mon cœur ! Dans mes bras !
Ô ma sœur ! Ô ma mère !

Plus de larmes, plus de combats !
C’est le triomphe et la lumière !

Pendant le chœur, le Père Sava s’est mis en prière. Mirko est descendu vers Héléna, et l’a baisée au front. Ils vont tous deux s’incliner devant Dara, qui les bénit. Les femmes entourent Aslar, et Mirko qui l’a rejoint.

UN GROUPE DE JEUNES FILLES.

Jeunes chefs, vos aïeux naguère
Au retour du danger, racontaient leurs exploits.
Comme ceux d’autrefois,
Ô guerriers, contez-nous la guerre !

TOUS.

Contez-leur la guerre !

MIRKO, montrant Aslar.

Aslar vous a sauvés !

ASLAR, montrant Mirko.

Et Mirko vous délivre !

MIRKO, aux hommes.

Hommes, vous lui devez de vivre !

ASLAR, aux femmes.

Femmes ! Votre honneur, vous le lui devez !

MIRKO.

Au fracas du canon, sous l’éclair des épées
Aslar, comme l’Ange en courroux,
Marchait sur les têtes coupées
Avec du sang jusqu’aux genoux !

ASLAR.

Vaincus, sanglants, le désespoir dans l’âme,
Par nos vils ennemis nous étions repoussés…

Comme le vent chasse la flamme,
Mirko les a chassés !

MIRKO, à Aslar.

Ta force rend la vie !

ASLAR, à Mirko.

Et ton bras extermine !

ENSEMBLE.

Ah ! vingt fois j’ai vu ta poitrine
Entre le trépas et mon cœur !

ASLAR, se tournant vers la foule, la main sur l’épaule de Mirko.

Mirko fut le héros !

MIRKO, se jetant dans les bras d’Aslar.

Aslar est le vainqueur !

LE PÈRE SAVA, de l’autel, à la foule.

Le seul vainqueur, c’est le Dieu des armées !

Tous courbent la tête en silence. Le Père Sava joint les mains, dans un geste de prière.

Éternel, ô Dieu des armées,
Toi par qui l’impie est puni,
Père des races opprimées,
Vengeur du pauvre et du banni,
Toi de qui le souffle infini
Disperse les tyrans ainsi que des fumées,
Éternel, ô Dieu des armées,
Que ton nom soit béni !

Il descend la scène.

Non ! Tu n’as point souffert que la Patrie,
Où ton saint nom fut toujours vénéré,

Gémît en vain sous le joug abhorré
D’un maître qui te nie !
Et les guerriers du Ciel au glaive triomphant,
Les Archanges ailés de flamme,
Ont décimé la horde infâme
Qui l’outrageait, ô Dieu vivant !

TOUT LE CHŒUR, à genoux

Éternel, ô Dieu des armées,
Toi par qui l’impie est puni,
Père des races opprimées,
Vengeur du pauvre et du banni,
Toi de qui le souffle infini
Disperse les tyrans ainsi que des fumées,
Éternel, ô Dieu des armées,
Que ton nom soit béni !

Tous se relèvent. Aslar et Mirko se mêlent aux hommes.

DARA, aux femmes.

Et maintenant, femmes, dressez les tables.

Aux hommes.

Après les labeurs formidables,
Vainqueurs, buvez, et réjouissez-vous !

HUIT CHEFS, à Dara.

Pas encor !

Ils se consultent entre eux. Aslar et Mirko se retirent vers la droite. Les chefs s’avançant vers le Père Sava.

Père, entendez-nous !

Le Père Sava est allé vers eux. Les femmes viennent se grouper à la gauche des chefs, les hommes à leur droite.

Serviteurs de l’Église !
Deux hommes, forts de leur gloire conquise,
Réclament la fraternité !

LE PÈRE SAVA.

Leurs noms ?

LES CHEFS.

Aslar, Mirko, deux compagnons d’épreuves.

LE PÈRE SAVA.

Les connaissez-vous ?

LES CHEFS.

Nous les connaissons !

LE PÈRE SAVA.

Sont-ils braves ?

LES CHEFS et TOUS LES HOMMES.

Demande aux veuves
Des tyrans que nous maudissons !

LE PÈRE SAVA.

Sont-ils pieux ?

LES CHEFS.

Dieu les protège !

LE PÈRE SAVA, à Dara, qui est en avant des groupes.

Parle, aïeule aux cheveux de neige :
Sont-ils doux envers tes vieux ans ?

DARA.

La douleur du vieillard s’allège,
Quand les jeunes sont bienfaisants.

LE PÈRE SAVA, à Héléna qui est en avant du groupe des jeunes filles.

Toi, jeune fille,
Devant ta pureté sont-ils humbles et doux ?

HÉLÉNA, baissant les yeux.

Ils parlent bas au foyer de famille,
Et l’un d’eux est promis à l’une d’entre nous.

LE PÈRE SAVA.

Répondez tous, hommes et femmes !
Le pur serment par eux peut-il être prêté ?

TOUS, étendant la main droite.

Nous nous portons garants de leur fraternité
Devant le Christ, et sur le salut de nos âmes.

Sur un geste du Père Sava, la foule s’écarte. Aslar et Mirko se trouvent dégagés à droite.

LE PÈRE SAVA.

C’est bien ! Venez !

Il marche vers l’autel. Aster, Mirko et la foule le suivent. Arrivé à l’autel, le Père Sava se retourne vers les deux amis. Les hommes et les femmes se rangent à droite et à gauche.

Prononcez le serment
Qui lie éternellement !

Aslar et Mirko se prennent les mains. Le Père Sava élève son crucifix.

ASLAR et MIRKO.

Je jure devant Dieu de t’aimer comme un frère,
Dans la vie ou la mort, dans la paix ou la guerre,
Et de sauvegarder ton honneur de chrétien,
Fût-ce au prix de mon sang, ou fût-ce au prix du tien !

LE PÈRE SAVA.

Échangez vos épées !

Aslar et Mirko croisent leurs handjars, que le Père Sava bénit ; puis Aslar attache son épée au côté de Mirko, qui attache la sienne au côté d’Aslar.
ASLAR et MIRKO, après l’échange des armes.

Avec ce fer qu’ainsi j’attache à ton côté,
Je te donne ma force avec ma volonté,
Comme lui, dans la flamme et dans le sang trempées !

Tous les hommes étendent leurs épées nues, en voûte étincelante, au-dessus d’Aslar et de Mirko. Sur un geste du Père Sava, ces derniers s’agenouillent ; le pope lève les yeux au ciel dans une attitude de prière, puis il étend les mains en un geste de bénédiction.

LE PÈRE SAVA.

Allez en paix, soyez unis…
Frères en Dieu, je vous bénis !

Aslar et Mirko se relèvent, et se prennent les mains avec une joie profonde.

ASLAR et MIRKO. ?

Ô mon frère, mon frère !
Nous n’avons plus qu’un cœur et qu’un même destin.
Nous boirons ensemble au festin ;
Je te défendrai dans la guerre !

ASLAR. ?

Si la douleur courbe ton front,
Ce sont mes pleurs qui couleront ;
Je saignerai par ta blessure.

MIRKO. ?

Nous gravirons le dur chemin
Qui mène à la victoire sûre,
En chantant, la main dans la main !

ENSEMBLE. ?

Dans la joie et dans la tristesse,
Dans la misère ou la richesse,

Je ne t’abandonnerai pas,
Et nous serons unis jusque dans le trépas !

TOUT LE CHŒUR.

Soleil des âmes,
Fraternité,
Brûle ces deux cœurs de tes flammes !
Chaîne des âmes,
Fraternité,
Unis-les pour la liberté !


Scène III

Les Précédents, Hommes, YAMINA.

Des hommes armés paraissent dans le fond, sur la hauteur, traînant Yamina échevelée, qui se débat entre leurs mains désespérément. Elle est vêtue en femme de harem, couverte de voiles de gaze à travers lesquels brillent des ornements d’or.

YAMINA, au loin, avec de grands cris.

Ah ! grâce !

LES HOMMES.?

Ah ! grâce ! À mort !

LE CHŒUR.

Ah ! grâce ! À mort ! Quels sont ces cris ?

YAMINA.

Ah ! grâce ! À mort ! Quels sont ces cris ? Grâce !

LES FEMMES, regardant au fond.

Ah ! grâce ! À mort ! Quels sont ces cris ? Grâce ! Une femme !
Voyez !

LES HOMMES.

Voyez ! C’est une Turque !

D’AUTRES HOMMES.

Voyez ! C’est une Turque ! Une espionne ! Infâme !
À mort ! à mort !

YAMINA, se dégageant, d’un effort violent, et venant tomber, par hasard, aux pieds de Mirko.

À mort ! à mort ! Grâce ! je n’ai rien fait !

TOUS, hommes et femmes, la menaçant.

À mort !

MIRKO

À mort ! Arrêtez !

À part.

À mort ! Arrêtez ! Qu’elle est belle !

ASLAR, à Mirko.

Que fais-tu ? Cette femme est coupable en effet :
C’est l’ennemie, et l’infidèle !

MIRKO, regardant Yamina tremblante à ses pieds.

Comment se pourrait-il qu’elle fût criminelle ?

YAMINA, baisant la frange du manteau de Mirko.

Ô seigneur, sauve-moi !

MIRKO, après un long regard sur elle.

Ô seigneur, sauve-moi ! Ton nom ?

YAMINA

Yamina !

MIRKO.

Yamina ! Ton pays ?

YAMINA.

Yamina ! Ton pays ? Istamboul…

TOUS, avec rage, s’avançant sur elle.

Yamina ! Ton pays ? Istamboul… À mort !

MIRKO.

Yamina ! Ton pays ? Istamboul… À mort ! Non !
La défaite punit, la victoire pardonne.

Il fait signe à Yamina de se relever.

Parle !

YAMINA.

Parle ! Je n’ai jamais fait de mal à personne !

Elle se relève et descend au milieu de la scène.

Parmi les fleurs et les odeurs
Je suis née.
Je languissais, abandonnée
Sous un jasmin en pleurs,
Lorsqu’un marchand de Chéronée,
Me trouvant, pauvre fleur fanée,
Me dit : Viens, Yamina !

Avec un petit rire.

Et m’emmena.

Libre, avec les tribus errantes,
Sous les tentes,
J’ai chanté les chants du désert,
Et les femmes au caftan vert
M’ont enseigné leurs danses lentes.

Dans Trébizonde et dans Delhi

Et dans Alger la blanche,
J’ai dansé, portant sur la hanche
La ceinture en argent poli ;
Et, pour les longs festins parée
De satin broché d’or et de gaze nacrée,
J’ai régné dans les frais jardins
Des Hassans et des Noureddins
Où s’ouvre la rose pourprée.

Très sombre, et regardant autour d’elle avec haine.

Puis, en ce pays
J’ai suivi les fils du Prophète.
Après le combat, dans les nuits de fête,
Je tournais, aux yeux éblouis
Des noirs Timariots et des rouges Spahis.
Mais le destin les a trahis,
Et j’ai vu l’affreuse défaite !

Avec un air de défi et de haine.

J’ai suivi les fils du Prophète
En ce pays !

LES HOMMES, avec mépris.

C’est l’esclave des Turcs !

LES FEMMES, s’avançant menaçantes.

C’est l’esclave des Turcs ! À la mort sois vouée !

TOUS, entourant Yamina.

À mort !

MIRKO, se plaçant devant Yamina.

À mort ! Non !

À Dara.

À mort ! Non ! Sauve-la, ma mère !

DARA, le regardant fixement.

À mort ! Non ! Sauve-la, ma mère ! Tu le veux ?

Mirko baisse la tête en signe d’assentiment. — Dara s’avance vers les hommes, et met la main sur l’épaule de Yamina.

Fils ! Elle est mon esclave !

Tous s’écartent.

Fils ! Elle est mon esclave ! En ces monts glorieux,
Elle vivra parmi l’opprobre et la huée !

Yamina tressaille. — Dara se tourne vers elle avec mépris.

Je t’accorde la vie, et tu nous serviras.
Tu porteras les lourds fardeaux. Tu quitteras
Ton impudique voile et ta large ceinture,
Pour nos manteaux de drap et nos robes de bure.

Les femmes s’empressent, prennent les fusils, les réunissent en faisceaux, et portent au fond de grands paniers de terre pour les remparts.

Toi, fille de plaisir des soldats de l’Enfer,
Pour les guerriers du Christ tu fourbiras le fer !

Pendant ces paroles, les femmes ont, pour ainsi dire, illustré ce que dit Dara, en chargeant les fusils, en apportant à boire aux hommes, en nettoyant les handjars.

Mais tu pourras, vivant dans nos pauvres familles,
Voir combattre les fils et travailler les filles,
Et peut-être, en priant la Vierge à deux genoux,
Seras-tu digne un jour d’être l’une de nous.

Elle renvoie, d’un geste méprisant, Yamina, qui courbe la tête et va se mêler aux femmes dans le fond. Toutes apprêtent des tables, des cruches de vin et des coupes. Les hommes s’asseoient, les femmes leur versent à boire.
Dara et Héléna servent aussi. Pendant le chœur suivant, Mirko, qui est assis à droite, demeure les yeux fixés sur Yamina. Aslar boit avec les guerriers.
LE CHŒUR.

Buvons à la Montagne-Noire !
Buvons aux exploits des aïeux !
Buvons le vin de la victoire !
Jetons au ciel des cris victorieux !

Un groupe de danseurs et de chanteurs portant des guzlas passe autour des tables.

Célébrez-nous, ô joueurs de guzla !
Videz la coupe à nos santés de braves !
Buvons le vin ! L’eau convient aux esclaves,
Buvons le vin qui pour nous ruissela.

Les deux chœurs se mêlent. Tous se lèvent et choquent leurs coupes. Pendant l’interruption des chants, Héléna vient offrir une coupe pleine à Mirko, qui ne la voit même pas. Yamina, en même temps, vient s’agenouiller devant lui et lui offre aussi une coupe pleine.
YAMINA, souriante.

Prends, mon beau maître !

Mirko saisit la coupe et boit, puis il rend la coupe à Yamina, en lui serrant les mains, ardemment penché vers elle. Héléna laisse tomber sa coupe qui se brise, et porto les mains à son cœur avec un cri étouffé. Yamina se relève, et se retire au fond, triomphante.

Prends, mon beau maître ! Il est à moi !

DARA, qui s’est retournée, à part.

Prends, mon beau maître ! Il est à moi ! Héléna pleure !

ASLAR, saisissant le bras de Mirko et désignant Yamina.

Frère, il eût mieux valu la tuer tout à l’heure !

Mirko fait un geste d’impatience, et s’éloigne, cherchant toujours Yamina des yeux.
TOUT LE CHŒUR.

Buvons aux exploits des aïeux !
Buvons à la Montagne-Noire !
Buvons le vin de la victoire !
Jetons au ciel des cris victorieux !