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La Mort d’Artus/30

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Plon (4p. 179-180).


XXX


Là, elle commença par pleurer, s’égratigner le visage, se tordre les mains et gémir de tout son cœur. Puis elle réfléchit et envoya une de ses pucelles chercher Tarquin : c’était un valet que jadis le roi Claudas avait chargé de l’épier, comme le conte l’a rapporté en temps et lieu ; mais il était devenu son écuyer, puis le roi l’avait armé chevalier, et c’était maintenant l’un des hommes à qui elle se fiait le plus, avec raison. Lorsqu’il fut entré, elle fit sortir la pucelle et ferma la porte ; puis elle dit :

— Beau doux ami, les barons de ce royaume veulent me marier à Mordret, qui est, je vous le dis en vérité, le fils du roi Artus, mon seigneur, et de la femme du roi Lot ; et, ne le fût-il pas, j’aimerais mieux d’être brûlée que d’épouser ce traître déloyal ! Aussi veux-je faire garnir la tour de Logres de chevaliers, de sergents, d’arbalétriers et de toutes sortes de vivres et d’armes ; et, si l’on me demande pourquoi, je dirai que c’est pour la fête prochaine. Puis je m’y enfermerai. Que pensez-vous de cela ?

— Dame, je vous trouverai la garnison. Toutefois, si vous m’en croyez, vous enverrez un messager en Gaule pour savoir si le roi est mort, car le cœur me dit qu’il ne l’est pas. Et si messire est trépassé, vous manderez à Lancelot qu’il vous vienne secourir : jamais Mordret n’osera l’attendre en bataille rangée.

Ainsi fut fait : la tour très bien garnie de vivres et d’hommes, tous preux et dévoués, la reine s’y retira ; et quand Mordret vint avec les barons, au jour dit, chercher sa réponse, elle fit lever le pont et lui cria par un créneau :

— Mordret, Mordret, c’est pour votre malheur que vous avez voulu m’avoir pour femme de bon gré ou non. Cette déloyauté vous mènera à la mort !

Aussitôt Mordret courroucé fit assaillir la tour de toutes parts par échelles et engins ; mais ceux du dedans se défendirent si roidement qu’il y eut bientôt plus de vingt morts dans les fossés, de façon que l’assaut cessa. Et ainsi en fut-il souvent durant deux mois. Mais le conte laisse maintenant ce propos pour dire ce qui advint du combat de Lancelot du Lac et de monseigneur Gauvain.