La Mort de notre chère France en Orient/29

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Calmann-Lévy (p. 183-184).


XXIX

AUTRES PREUVES DE LA « FÉROCITÉ » TURQUE


Et maintenant, pour clore le chapitre de la douce générosité des Turcs et de l’affection qu’ils nous gardent encore, je citerai une anecdote de plus, oh ! toute petite, une entre mille, mais infiniment touchante par la simplicité avec laquelle un matelot la conta devant un public français. Cela se passait dernièrement à Toulon au conseil de guerre appelé à juger de la perte de l’aviso Paris II (conseil qui se termina, comme on sait, à la plus grande gloire de l’héroïque lieutenant de vaisseau Rollin, commandant de ce navire, et à la plus grande louange des Turcs sauveteurs des rescapés). C’était au tour d’un humble petit marin d’apporter son témoignage, et il expliquait comment il avait pu, tout sanglant, tout trempé d’eau glacée, à demi mort de fatigue et de froid, atteindre à la nage un point de la côte ennemie. Le lieu lui semblait d’abord désert, mais soudain il vit un soldat turc accourir à toutes jambes vers lui :

« Pour vous maltraiter ? » questionna le président du conseil.

— Non, pour me donner ses vêtements. »

Alors un frémissement d’émotion parcourut la salle entière, car il venait d’être dit que cela se passait un jour d’hiver par un vent glacé, — et le soldat turc qui s’était dépouillé de ses vêtements pour en couvrir le soldat français, ne possédait que ceux qu’il avait sur le corps…

Vint ensuite le témoignage de cet autre blessé français qui fit un long séjour dans une pauvre ambulance turque du front, où l’on manquait de tout. Ses gardiens turcs ayant appris qu’il adorait les fleurs, avaient soin de lui en apporter de fraîches sur son lit tous les matins.