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La Mort de notre chère France en Orient/43

La bibliothèque libre.
Calmann-Lévy (p. 227-229).


XLIII

AUTRE LETTRE DE LA MÊME FRANÇAISE


Constantinople, le 30 mars 1920.
Commandant,

J’ajoute encore un mot à ma longue lettre pour vous dire combien les Français sont navrés à Constantinople de constater que notre Haut Commissariat est dépourvu de toute compétence pour défendre dignement les intérêts de la France.

Il y avait encore, il y a quatre mois, le baron Clauzel qui était le conseiller de notre ministre. Mais il a été rappelé à Paris pour occuper de plus hautes fonctions. Il était le seul capable de comprendre la situation dans ses causes et ses effets.

Aujourd’hui, M. Defrance est un très honnête homme, mais il manque de caractère et se trouve prisonnier entre sa femme, grecque orthodoxe de Péra, et sa fille, épouse d’un officier général anglais, vivant à ses côtés. Il n’a en outre autour de lui que des incompétents ou des gens tellement aveuglés par leur grécophilie et leur haine des nationalistes qu’ils oublient totalement les intérêts de la France qu’ils sont chargés de défendre.

Le premier drogman, M. Ledoulx, sur qui repose toute la documentation de notre Haut Commissariat, est un vieux « levantin » de plus de trente ans de service, qui comme un perroquet répète les potins des pérotes grecs ou arméniens. Il n’a aucun contact avec les Turcs nationalistes, qui constituent la masse des musulmans. Il approuve l’arrestation du Suleïman Nazif et est d’accord avec les Anglais en général.

M. Devaux, récemment arrivé, ignore toute la situation. Il remplace le premier conseiller.

M. Côsme, deuxième secrétaire, ancien attaché de la Légation d’Athènes, est grécophile enragé et m’affirmait l’autre jour que retirer les Grecs de Smyrne, ce serait une humiliation pour les Alliés.

Le reste est à l’avenant.

Il n’en est pas de même avec le Haut Commissariat d’Angleterre. Dès le lendemain de l’armistice, les Anglais y ont envoyé un homme remarquable : le général Deeds. Celui-ci y a organisé la propagande anglaise et a établi la base de la collaboration du sultan, de Férid Pacha et de certaines personnalités avec les agents de l’Angleterre.

En quittant Constantinople pour aller en Égypte où sa présence était nécessaire, il a laissé un digne successeur en la personne du premier drogman de l’ambassade d’Angleterre, M. Rayan. C’est ce dernier qui a monté toute la théâtrale intervention à Constantinople. C’est lui qui d’ici dirige ses agents qui suscitent et alimentent la révolte d’Anzarour, près des Dardanelles, pour seconder les plans anglais. Associés avec les Grecs et les Arméniens, ils organisent des bandes de brigands, ils entretiennent l’anarchie, ils créent des incidents et des révoltes, comme ils agissent en Syrie d’ailleurs.

Il serait urgent de mettre à la tête de notre représentation un homme de premier ordre, intelligent et énergique et entouré de gens compétents.

Veuillez…