La Mystification fatale/Deuxième Partie/XV

La bibliothèque libre.


Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 171-174).
§ XV. — Pères de l’Église Latine.


Nous avons jusqu’à présent réfuté tous les textes des Pères orientaux allégués, par nos adversaires, comme favorables à la doctrine de la procession dyadique. Venons-en aux Pères occidentaux. Nous pouvons d’abord établir comme thèse irréfutable, qu’on ne trouve chez aucun des Pères et anciens Docteurs de l’Église d’Occident un témoignage clairement exprimé nous indiquant que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils, dans le sens d’une procession éternelle, qu’on ne trouve, dis-je, aucun témoignage de ce genre, avant le cinquième siècle, comme saint Augustin l’atteste lui-même avec force en disant : « Jusqu’à présent les érudits et les grands investigateurs des Saintes Écritures n’ont point assez discuté avec assez de soin et de circonspection sur l’Esprit-Saint pour qu’il soit aisé de saisir son attribut personnel d’après lequel nous ne l’appelons point Fils ni Père… mais Saint-Esprit. Au reste, ils observent dans leur prédication que l’Esprit-Saint n’est point engendré par le Père, comme le Fils, — car il n’y a qu’un seul Christ ; qu’Il n’est pas du Fils comme petit-fils du Père suprême, mais qu’Il n’est redevable de tout ce qu’Il est qu’au Père seul, de qui sont toutes choses, afin que nous n’allions pas admettre deux principes sans principe : ce qui serait complètement faux, absurde et propre à l’hérésie, et non à la foi catholique. » (De Fide et symbolo, cap. IX, n. 19, in Patrolog. curs. compl. t. XXXVI, p. 191.) Hilaire, après s’être quelque part exprimé ainsi : « On doit professer le Saint-Esprit avec le Père et le Fils comme auteurs, » (selon d’autres : du Père et du Fils, ses auteurs[1] explique ailleurs qu’il nomme le Fils auteur du Saint-Esprit en tant qu’il est dispensateur des dons spirituels : « …Deo in Filii creatione subveniant (Ariani)… Jam vero quid mirum ut de Spiritu Sancto diversa sentiant, qui in largitore ejus creando… tam temerarii sint auctores ? atque ita dissolvant perfecti hujus sacramenti veritatem : Patrem negando, dum et usum et auctorem ejus ignorant ? (De Trinit., lib. II, n. 4, in Patrolog., t. citat. pag. 53.) Et dans un autre passage il dit. C’est du Fils que reçoit l’Esprit-Saint, qui est aussi envoyé par Lui et qui procède du Père, » en faisant observer que le mot procéder n’a pas la même signification que recevoir, et que, ce que l’Esprit-Saint reçoit du Fils, c’est seulement le pouvoir, ou la force, ou la doctrine : « Et interrogo utrum id ipsum sit a Filio accipere quod a Patre procedere ? Quod si differre credetur inter accipere a Filio et a Patre procedere, certe id ipsum atque unum esse existimabitur a Filio accipere quod sit accipere a Patre. Ipse enim Dominus ait : …Joann. XVI, 14, 15. Hoc quod accipiet (sive potestas est, sive virtus, sive doctrina est) Filius a se accipiendum esse dixit ; et rursum hoc ipsum significat accipiendum esse de Patre… » Et plus loin il répète : « A Patre procedit Spiritus veritatis ; sed a Filio a Patre mittitur. » (De Trinit., lib. VIII. n. 20. in Patrolog., ibid, p. 251.) C’est ce même passage qu’on nous cite jusqu’à présent (Perrone, Opuscul. citat., p. 424), pour nous prouver qu’Hilaire aurait reconnu comme identiques les expressions : Le Saint-Esprit procède du Père et reçoit du Fils, au lieu qu’Hilaire dit tout le contraire ! Le fait est que, dans les précédentes éditions, avant le mot differre on avait ajouté à dessein nihil, bien que tout ce qui suit soit en opposition avec cette intercalation ; mais les auteurs modernes l’ont supprimé d’après les anciens manuscrits.


  1. « Loqui de eo non necesse est, qui Patre et Filio auctoribus confitendus est. » (De Trinit., lib. II, n. 29.) Ainsi l’ont imprimé les éditeurs modernes sur d’anciens manuscrits (Patrolog. curs. compl., t. X, p. 69) ; mais les anciennes éditions présentaient une différence ; dans les unes, on lisait : « quia de Patre et Filio, » et dans d’autres : « qui a Patre et Filio. » Les éditeurs modernes sous-entendent ici la préposition cum. Mais, avec comme sans cette préposition, la pensée reste toujours obscure.