La Mystification fatale/Deuxième Partie/XVI

La bibliothèque libre.


Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 174-177).
§ XVI. — Saint Jérôme. — Saint Ambroise. — Saint Augustin.


Pierre Lombard et d’autres partisans de la papauté citent des ouvrages de saint Ambroise sur le Saint-Esprit, le passage suivant : Ce qui est d’un homme est de son essence ou de son pouvoir : de l’essence, comme le Fils qui est du Père, et comme l’Esprit qui procède du Père et du Fils. » (Petr. Lombardus, Sentent. lib. III, distinct. 4 ; Hugon Héthériane, lib. III, cap. 17, in Bibl. Patr. coloniens, t. XII, part. II, p. 412 ; Palecas, lib. II, p. 288, in eadem Bibl., t. XIV.) Mais aujourd’hui, dans toutes les éditions d’Ambroise, on lit aussi : …de l’essence comme le Fils, qui disait : Je suis sorti de la bouche du Très-Haut. (Eccl., XXIV), comme l’Esprit qui procède du Père, et duquel le Fils disait : Il me glorifiera, parce qu’Il recevra de ce qui est à moi. » …Sicut Spiritus Sanctus, qui a Patre procedit, de quo dicit Filius : Hic me glorificabit. » (Ambros. de Spir. Sancto, lib. II, cap. s, n. 42, in Patrolog. Curs. compl., t. XVI, p. 751.)

Dans toutes les éditions des écrits de saint Jérôme, à l’explication du Symbole de la foi qu’il écrivit à saint Cyrille, nous lisons : « L’Esprit-Saint procède proprement et effectivement du Père et du Fils. » (Patrolog. curs. compl. t. XXX, Hieronymi, XI, p. 179.) Mais les théologiens romains eux-mêmes, qui exploitèrent les œuvres de saint Jérôme quand elles n’étaient encore qu’en manuscrit, citent ce même passage sans le supplément « et du Fils » ; (Petri Damiani Tractat. de Spir. Sancto, cap. 2, in Opp., t. III, p. 287, Paris, 1642 ; Petr. Abailardus, Introduct in Theolog., lib. II, cap. 14.) Bien plus, l’un d’eux, Pierre Lombard, après avoir cité ce même passage de saint Jérôme et deux autres pareils, se demande avec anxiété : Pourquoi donc Jérôme après avoir dit que le Saint-Esprit procède du Père, n’a-t-il pas ajouté : et du Fils ? Cur Hieronymus dixerit Spiritum Sanctum a Patre procedere proprie, non addito Filio ? » (Sentent. lib. I, distinct. 12.)

Les œuvres de saint Augustin sur la sainte Trinité fournissent à Pierre Lombard la citation que voici : « L’Esprit est le don du Père et du Fils, parce qu’il procède du Père et du Fils. » Mais aujourd’hui, dans toutes les éditions de cet auteur, ce passage est ainsi conçu : L’Esprit-Saint est le don du Père et du Fils, parce qu’il procède du Père, suivant les paroles du Seigneur (Jean, XV, 26), et parce que ce que disait l’Apôtre : Si quelqu’un n’a point l’Esprit de Jésus-Christ, il n’est point à lui, est dit de ce même Esprit. »

Enfin parmi les témoignages que citent les Occidentaux en faveur de leur croyance, il en est qui n’appartiennent point aux Pères de l’Église latine, mais leur sont faussement attribués. Ainsi les envoyés du concile d’Aix-la-Chapelle, en cherchant à prouver, devant le pape Léon III, que le Saint-Esprit procède du Fils, citent, entre autres, sous le nom de Jérôme, les paroles suivantes de son Exposition du Symbole : « L’Esprit, qui procède du Père et du Fils, est coéternel au Père et au Fils et leur est égal en tout. » Mais ces paroles ne se trouvent point dans ladite Exposition du Symbole ; elles ne se rencontrent même nulle part dans les écrits de saint Jérôme, suivant les recherches faites à ce sujet par un auteur de l’Occident. (Petri Damiani Tract. de Process. Spirit. Sanct., cap. 5, in Opp., t. III, p. 288.) Au concile de Florence, Jean le Provincial allègue, à l’appui du faux dogme romain, ce témoignage du pape Damase, qu’il emprunte, dit-il, de la Profession de foi envoyée à Paulin, évêque d’Antioche : « Nous croyons… au Saint-Esprit, qui n’est ni le Père ni le Fils, mais qui procède du Père et du Fils ; — par conséquent le Père est inengendré, le Fils est engendré, et le Consolateur procède du Père et du Fils. » Mais sa Profession de foi citée ne renferme aucun témoignage pareil ; au contraire, elle marque clairement, que le Saint-Esprit procède uniquement du Père.