La Mystification fatale/Première Partie/XVI

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§ XVI. — Concile de Constantinople (880). — Alexandre III ; sa lettre d’avénement. — Réunion des églises.


Un nouveau concile fut donc convoqué à Constantinople, en l’an 880, pour régulariser la position de Photius, dans lequel assistèrent les légats de Jean VIII, qui y prirent part, ainsi que les autres patriarches d’Orient. Dans la troisième session de ce concile le symbole fut lu solennellement, dans son état primitif, sans l’addition, comme profession de foi officielle et commune aux deux églises d’Orient et d’Occident. Dans la septième session, célébrée en présence et même avec la participation des légats du Pape, l’anathème fut prononcé contre ceux qui y auraient ajouté ou qui en auraient retranché la moindre chose. Notez bien, pour couper court à tout ambage, que l’anathème comprenait encore ceux qui auraient osé enseigner ou professer quelque chose qui eût altéré ou modifié le sens de son contenu. Ceci sert encore à corroborer l’authenticité et la pureté du contenu de la lettre de Jean VIII à Photius, qui fut lue solennellement à la fin de la dernière session. (Voir Fleury, liv. 53, chap. 7, 16 et 18. — Hardouin, vol. VI, pag. 331. — Réfutations du Papisme, tom. II, pag. 95, et les auteurs qui y sont cités.)

À Jean VIII succéda Marin II, que suivit Alexandre III. Celui-ci, dans sa lettre synodale d’avénement à Photius, entre autres points d’orthodoxie qu’il y confessait, se déclarait aussi pour la Procession monadique du St-Esprit, ainsi que nous l’apprend Photius dans sa Divine Mystagogie (chap. 89—90). Que faire de cette déclaration qui contrarie le système de l’Infaillibilité ? Le cardinal Maï en rejette l’authenticité, pour la même raison que celle qu’il allègue contre l’authenticité de la lettre de Jean VIII, de laquelle nous venons de parler. « Ainsi, dit-il, cette lettre nous fait défaut. Est-ce là un motif raisonnable pour douter de son authenticité ? » Puis, sentant lui-même l’inanité de cette objection, il ajoute : « Lors même que cette lettre, que nous ne possédons plus, serait vraie, Photius en abuse. — Photius autem ejus abutitur. » Quelle misère ! Comment pouvez-vous savoir si Photius en fait un usage abusif, lorsque vous ne connaissez ni son texte, ni ses expressions ?

Lequiens, dans son ouvrage Litterae summorum Pontificum (Romae 1591), auquel le cardinal se rapporte, reconnaît bien l’authenticité de cette lettre, ainsi que la pureté de son contenu, tel qu’il nous est présenté par Photius ; mais, pour échapper aux suites qui en découlent, il a recours à un subterfuge impuissant. « L’Église romaine, dit-il, n’a jamais ordonné clairement et nettement aux Grecs d’augmenter le symbole de cette particule, quoiqu’ils soient obligés de croire au dogme qu’elle énonce… Qu’y a-t-il donc d’étrange, si Adrien III a, peut-être, écrit de cette façon ? — Ecclesia romana nunquam Graecis diserte imperavit ut symbolum ea particula augeretur quamquam hi rei ipsi fidem adjungere teneantur… Quid ergo mirum, si Adrianus ita fortasse locutus sit ? » Je laisse à part l’incongruité impertinente des imperavit et des teneantur, qui sentent le Loriquet, et je dis que Photius n’y parle pas de ce que ce pape permet ou ne permet pas aux Grecs, mais du fait qu’Adrien III dans cette lettre expose sa profession de foi ; sa propre profession, comme il était d’usage en toute lettre d’avénement de papes ou de patriarches, afin que tous ses collégues, les autres patriarches de Constantinople, d’Autriche et de Jérusalem, ou papes (celui de Rome et d’Alexandrie), sachent s’ils devaient le reconnaître ou non comme leur confrère en Orthodoxie ; ceux-là dans leurs réponses étaient également tenus d’en faire de même à l’égard du nouvel élu. Le plus sage aurait été de déclarer cette lettre simplement et nettement fausse, sans phrases, comme le font tant d’autres sur de pareilles questions. Pourquoi ? Parce qu’elle ne cadre point avec le dogme de l’infaillibilité.

Après la mort de Photius succéda le calme dans les relations entre les deux Églises, et l’union fut maintenue. Ceci donne à présumer que les lettres d’avénement que les papes adressaient aux patriarches d’Orient devaient de rigueur se trouver en conformité avec celles des Orientaux, c’est-à-dire sans le filioque, ni comme addition ni comme doctrine ; autrement l’union aurait été rompue. C’est ce que nous donne à penser la destruction des registres ou cahiers qui contenaient les lettres des papes pendant l’espace de cent soixante-dix années, dont nous avons déjà parlé (page 68). Il n’y a pas d’autre moyen d’expliquer cette lacune. Qui les a détruits ? Celui qui était intéressé à leur disparition ; celui qui a détruit aussi les treize chapitres de la lettre d’Adrien Ier à Charlemagne, dont nous avons parlé (pag. 24).