La Nouvelle Atala/Critiques

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Le Propagateur catholique (p. 123-138).


LES DEUX PREMIERS CRITIQUES DE LA NOUVELLE ATALA.


En attendant les oracles ambigus et fastidieux des abbé Morellet, des Joseph Chénier et des autres faux Aristarques attirés,—classe médiocre si nombreuse dans la basse littérature et la presse vulgaire,—il est permis de donner l’appréciation spontanée et sympathique des deux premiers critiques de la NOUVELLE ATALA,—l’un anglais, l’autre créole,—et qui, ceux-là, ont eu le mérite et le courage de s’être prononcés, avant que les autres aient rendu leurs sentences négatives, avec cette emphase magistrale et cette pédantesque assurance qui caractérisent toujours une autorité usurpée.

« Le vrai critique, le grand critique se place assez haut pour saisir du même coup d’œil le tout et ses parties. Nul ne peut juger ce qu’il ne domine pas. L’engouement vulgaire entraîne la partialité. L’enthousiasme supérieur entraîne l’impartialité, qui est la gloire du juge. L’enthousiasme donne le courage, et le courage a deux accents. Il admire ce qui est beau, il flétrit ce qui ne l’est pas. La critique doit être fidèle comme la postérité, et parler dans le présent la parole de l’avenir. Elle doit commencer, près de l’homme qui attend, le rôle de l’humanité, et préluder au concert que feront sur sa tombe ses descendants. Elle doit faire les noms, faire les gloires. Il est bon que quelqu’un soit là, debout et vaillant, qui puisse, après l’Amérique découverte, n’ayant ni calomnié, ni trahi, regarder en face Christophe Colomb. »

Extrait du NEW ORLEANS DAILY CITY ITEM, February 24 1879 A LOUISIANA IDYLL.

We have before us the advance pages of a romance which we do not hesitate to term the most idyllic work in the literature of Louisiana,—a creation insired by the Spirit of forest-solitudes,—a prose-pœm melodious as an autumn wind chanting a language, mystic and unwritten, through woods o pine. Fresh and pure as that unfettered wind, fragrant as wild flowers, there is a strange charm about this story unlike anything, perhaps, except the magic of Chateaubriand. Perhaps the modest, yet aspiring title, La Nouvelle Atala, would seem to suggest the inspiration of that mighty master ; but the uniqueness of the New Atala is too strongly announced to allow of this idea. There is indeed a remote kinship between the romanticism of the French and the Louisiana author ; but only sufficient to justify the criticism that La Nouvelle Atala comes from the hand of un nouveau Chateaubriand ; and he is none other than Chahta-Ima, the last of the Indian missionaries, the good father Adrien Rouquette. None but one whose life had been passed in communion with nature in all her moods could have written such a book ; —it seems to have the very odor of a pine-forest ; and on turning its pages a breeze from the prairie seems to aid the fingers of the reader.

Aside from the religious idea which permeates, like a leaven, the whole structure of the volume, La Nouvelle Atala offers a curious study from a purely literary point of view. It reflects the spirit of a life,—a most unique and strange life, such as will doubtless never be lived again in this country ; the life of a missionary so enamored with nature and solitude, and of the simple and healthy existence of those who call him Black-robe Father, that he has become even as one of them, as his Indian appellation teaches us ; —a priest whose temple is the forest, with the cloud-frescœd heaven for its roof, and for its aisles, the pillared magnificence of the pines,—whose God is the God of the Wilderness, the Great Spirit overshadowing the desert. Poetically does the author express this sentiment in his preface :

Perhaps La Nouvelle Atala may seem, in the eyes of the great masters of modern aesthetics, the more wild, strange, and savage, the closer her relationship to primitive nature, and the closer her union to the God of that nature,—who is also the God of true philosophy and the God of true religion. In the mighty cities, in the great intellectual centres, before the hearths of this great age of knowledge, will she find a place,—though it should be even the last,—in the company of her pale-faced brothers and sisters. I hope for her ; yet I hope only as one hopes for something unlooked for and exceptional. But whatever be the lot reserved for La Nouvelle Atala in the great circles of literary refinement, before the Supreme Areopagus which sits at Paris, or elsewhere, she will assuredly find her home again under the sun of her native desert ; the wild flower will still bloom in the same solitude where it first blossomed ; and none shall go there to profane its repose, far from inhospitable cities, and the illusive glitter of a civilization disenchanted."

And La Nouvelle Atala herself ? We have a portrait of her at the commencement of the romance,—a finely-engraved plate. Of course the heroine is a child of the desert,—dusky but beautiful withal ; and we are assured this is a strictly faithful portrait of the heroine, who has, however, sufficient white blood in her veins to account for the peculiar character of her features. The contemplative expression of the face, together with its surprising regularity, reminds one of a Raphaelesque study ; but the general shape of the head is truly Indian.

Unfortunately lack of space renders it impossible for us to do the book common justice, by attempting to translate a few of its richly eloquent passages ; this we may do at some future time. At present we can only call attention to it as a most remarkable and beautiful piece of writing,—idyllic in sentiment, strong and brilliant in coloring, and valuable as a unique example of romance inspired by the personal experiences of a life-time spent in the solitude of the wilderness. Yet we can not conclude without a brief extract,—one which reflects the spirit of the author so perfectly, that we must offer it to our readers :

"Atala spoke to God, sometimes she talked to herself ; but with others she seldom conversed, and soon forgot what had been said to her ; —others could not have comprehended her ; she was to them but a mystery or a scandal ; in her, intuition had reached its highest summit of bliss ; identified with the savage and primitive spirit of American nature, inspired by the mysterious voices of the deep forests, of the vast prairies, of impetuous rivers and tempestuous seas,—uplifted by the mighty breezes which fill and animate the solitudes haunted only by the sovereign eagle and the fiery angel of prayer,—standing upon some giddy height, or bending above abysses whose depths re-echoed the roar of falling waters, the illimitable unfolded its mysteries to her illumined gaze, and the infinite heaven opened itself to the mystic flight of her burning thoughts."

Extrait du PROPAGATEUR CATHOLIQUE. Traduction Française de l’article précédent, 1er Mars, 1979. UNE IDYLLE LOUISIANAISE.

Nous traduisons avec plaisir un article éditorial du « Daily City Item, » de mardi dernier, 25 févier, sur la Nouvelle Atala.

Nous avons devant nous les épreuves d’une légende romantique, que nous n’hésitons pas à signaler comme la plus véritable idylle de toute la littérature de la Louisiane ; —c’est une création inspirée par l’Esprit de la solitude des forêts ; —c’est un poème en prose aussi mélodieux que le vent d’automne chantant un langage mystique, qui ne s’écrit pas, mais qui s’entend dans les bois de pin. Cette histoire légendaire, fraîche et pure, aussi libre que le vent, et remplie des mêmes parfums que les fleurs sauvages, a un charme qui lui est tout-a-fait particulier, et qui no ressemble, peut-être, qu’à la magie qui distingue le génie de Chateaubriand. On serait tenté de croire que ce titre modeste, et pourtant quelque peu ambitieux, La Nouvelle Atala, aurait pour but de nous faire comprendre que l’inspiration de l’auteur est dûe à ce maître puissant ; mais le caractère unique de La Nouvelle Atala est trop fortement prononcé pour que l’on puisse entretenir cette idée. Il y a, cependant, une sorte de parenté éloignée entre le romanticisme de l’auteur Français et celui de l’auteur Louisianaise ; mais cette parenté ne sert qu’à justifier la critique, lorsqu’elle affirme que La Nouvelle Atala est l’œuvre d’un nouveau Chateaubriand ; et ce Chateaubriand n’est pas autre que Chahta-Ima, le dernier des missionnaires indiens, l’excellent Père Adrien Rouquette. Aucun autre que celui-là seul dont la vie s’est passée dans une intime relation avec la nature, dans tous ses aspects et ses changements, n’aurait pu écrire un pareil livre ; —il semble imprégné de l’odeur des pins ; et, en le feuilletant, on dirait que la brise qui vient des prairies aide nos doigts à en tourner les pages parfumées.

« Sans tenir compte de l’idée religieuse, qui, comme un levain, pénètre et anime toute la composition du volume, à ne la considérer que du seul point de vue littéraire, La Nouvelle Atala est un sujet de curieuse et intéressante étude. Ce volume reflète l’esprit d’une vie tellement exceptionnelle et étrange, qu’on n’en mènera jamais encore une semblable dans ce pays : la vie d’un missionnaire si épris d’amour pour la nature et la solitude ; il reflète l’existence simple et robuste de ceux qui l’appellent Robe-Noire, et à qui il ressemble assez pour être regardé par eux comme un des leurs, ainsi que nous le prouve le nom qui lui a été donné ; à lui, qui a pour temple la forêt, pour pavillon le ciel aux fresques nuageuses, et pour nefs les magnifiques colonnades de pins ; à lui, dont le Dieu est le Dieu du désert, le Grand Esprit qui couvre de l’ombre de ses ailes l’immense solitude : Et l’auteur exprime poétiquement ce sentiment dans sa préface :

« La Nouvelle Atala paraîtra peut-être, aux yeux des Grands Maîtres de l’Esthétique moderne, d’autant plus agreste, étrange et sauvage, qu’elle est plus rapprochée de la grande nature primitive, et plus étroitement unie au Dieu de cette nature, qui est aussi le Dieu de la vraie philosophie et le Dieu de la vraie religion. Dans les grandes villes, dans les grands centres intellectuels, trouvera-t-elle une place, fût-ce la dernière, pour s’y asseoir dans la compagnie de ses frères et de ses sœurs au pâle-visage ? Je l’espère pour elle ; mais je l’espère, comme on espère l’inattendu et l’exceptionnel. Quel que soit cependant le sort réservé à La Nouvelle Atala, dans les grands cercles du raffinement littéraire, devant l’Aréopage Suprême qui siège à Paris ou ailleurs, elle est toujours sûre de retrouver sa place au soleil du désert natal ; la fleur inculte s’effeuillera dans la même solitude où elle s’est épanouie ; et nul villes inhospitalières, et loin de l’éclat trompeur d’une civilisation désenchantée. »

« Et que dire de la personne de La Nouvelle Atala elle-même ? Nous avons un portrait d’elle en tête du volume qui contient son histoire. Nous n’avons pas besoin de dire qu’elle est une enfant du désert, d’un teint foncé, mais cependant ayant une beauté qui lui est propre ; et on nous assure que c’est là une ressemblance parfaite de l’héroïne, qui a assez de sang caucasien dans ses veines pour nous aider à comprendre ce qu’il y a de particulier dans le caractère de ses traits. L’expression contemplative de ce visage, en même temps que l’étonnante régularité qu’on y remarque, nous fait penser à une des études Rafaëlesques ; Et cependant l’ensemble de cette tête dénote évidemment le type indien.

« Il est à regretter que le manque d’espace nous empêche de rendre au livre une sorte de première justice, en essayant d’en traduire quelques-uns des passages les plus splendidement éloquents ; mais nous espérons pouvoir le faire plus tard. Pour le moment, nous ne pouvons qu’appeler l’attention sur ce remarquable et magnifique morceau de composition, qui tient de l’idylle par le sentiment, qui se distingue par le ton chaud et brillant de son coloris, et qui est précieux comme un exemple unique d’inspiration romantique que nous devons à l’expérience et aux observations de quelqu’un qui a passé presque toute sa vie dans la solitude du désert. Nous ne pouvons terminer sans donner à nos lecteurs ce court extrait, qui réfléchit d’une manière si parfaite l’esprit de l’auteur :

« Atala parlait à Dieu, elle se parlait à elle-même, mais elle parlait peu aux autres et oubliait ce qu’ils avaient dit ; les autres ne l’auraient pas comprise ; elle était pour eux un mystère et un scandale ; en elle, l’intuition atteignait au plus haut sommet de l’idéal ravissant ; identifiée avec la primitive et sauvage nature américaine, inspirée par les voix mystérieuses des forêts profondes, des vastes pairies, des fleuves impétueux et des mers orageuses, soulevée par les grands souffles qui remplissent et animent les solitudes où habitent seuls l’aigle souverain et l’ange enflammé de la prière, debout sur les hauteurs vertigineuses, ou penchée au-dessus des abîmes où tombent les grandes eaux mugissantes, l’espace illimité était ouvert à ses regards illuminés, et l’infini du ciel au vol mystique de ses pensées brûlantes. »

Autre Extrait du PROPAGATEUR CATHOLIQUE. NOUVELLE-ORLÉANS, 29 MARS. 1879. LA NOUVELLE ATALA, PAR CHAHTA-IMA

Il y a quelques semaines, nous avons donné la traduction d’un article sur La Nouvelle Atala qui a paru dans le « Daily City Item. » Cet article était de la plume d’un remarquable écrivain anglais, L. Hearn, savant archéologue qui voyage en Amérique, pour en étudier les antiquités. Aujourd’hui, nous donnons un nouvel article sur le même ouvrage, qui est sous presse et qui sera bientôt livré au public. Ce second article est de la plume d’un créole distingué, qui, écrivain lui-même, apprécie l’œuvre de son compatriote d’un point de vue élevé et avec cet enthousiasme « qui ayant seul le don de sentir, a seul aussi droit de juger : »

« Il est des hommes dont le début littéraire est brillant mais éphémère, et qui, satisfaits d’un premier succès, qui les enivre, s’imaginent avoir conquis une gloire permanente et n’avoir plus à faire aucun effort pour la conserver ou pour l’agrandir ; natures molles et paresseuses qui s’endorment sur leurs premiers lauriers et « s’ensevelissent dans leur premier triomphe. »

« Il en est d’autres, comme Charles Gayarré et Chahta-Ima, qu’une première victoire littéraire n’éblouit pas, et qui ne se laissant point aveugler par les éloges prodigués à leur premier ouvrage, se disent que succès oblige et leur talent fait sans cesse de nouveaux efforts inattendus, se métamorphose, se renouvelle, rajeunit d’année : La vieillesse de ces hommes privilégiés est féconde comme leur jeunesse ; et, sous la neige amoncelée des ans, ils nous apparaissent plus enthousiastes, plus éloquents, plus poétiques, plus grands, plus jeunes que jamais : comme le Meschacébé qui ne s’arrête que quand il a mêlé ses flots aux vagues de la mer, ces littérateurs infatigables ne cessent de produire que lorsque la mort glace leur main tenant encore la plume inspirée.

« Après les Savanes, accueillies par les éloges de Chateaubriand, par les bravos d’Emile Deschamps, par les louanges sympathiques de Barthélemy, de Lamartine, de Brizeux, de Turquety et de Sainte-Beuve, le plus éminent critique de notre siècle ; après les Wild Flowers qui nous montraient le littérateur louisianais aussi grand poète en anglais qu’en français ; après la Thébaïde en Amérique, surabondante, débordante de hautes pensées mystiques, et unissant à l’éloquence pittoresque de Lacordaire l’âpre et abrupte poésie de Lamennais ; après l’Antoniade, poème rival des plus beaux poèmes de Victor de Laprade, le Platon de la poésie française ; après Tegahwhita, ce poème anglais qui n’a paru que dans un journal, et qui, par ses hautes qualités dramatiques, par le souffle lyrique qui l’anime, mériterait d’être imprimé en Amérique et en Angleterre à vingt mille exemplaires ; voilà que tout-à-coup, au moment où l’on croyait que la source de l’inspiration était tarie pour Chahta-Ima, que la Muse était prête à l’abandonner, que « sa voix tombait et que son ardeur allait s’éteindre ; » voilà que son talent se révèle sous un forme nouvelle et imprévue, dans une œuvre vraiment admirable, qui est « his great work, » a dit un journaliste anglais du plus incontestable mérite ; qui a arraché des bravos à l’un des écrivains louisianais les plus distingués ; oui, voilà que, plus que sexagénaire, notre illustre compatriote enrichit la littérature de son pays d’une œuvre qui a quelque chose de l’harmonieuse tristesse des grands puis et de la sérénité silencieuse des forêts vierges. On y respire comme un souffle embaumé de la solitude ; on croit entendre, on écoute, dans ce livre, les graves mélopées, les majestueuses symphonies du désert.

« Si la Nouvelle Atala avait été écrite d’un style dur comme celui de Lamothe, ou dans une langue aussi lourde que celle de Condorcet, le canevas seul de cette légende indienne, si pathétique et si dramatique, eut touché et ravi le lecteur ; mais Atala est écrite dans une langue harmonieuse, toute spontanée, pittoresque, colorée, pleine de fraîcheur, de limpidité, de grâce, de jeunesse : Rarement la langue française, ce marbre rebelle, a été sculptée à coups de ciseau plus audacieux, plus fermes, plus sûrs.

« La Nouvelle Atala ! Ce titre pourra paraître ambitieux. Ah ! loin de l’auteur toute idée de rivalité avec l’incomparable génie de l’Homère breton. L’œuvre de Chahta-Ima est comme une efflorescence d’une resplendissante et grandiose imagination : Le génie de Chateaubriand a jeté une poussière fécondante sur cette terre de la Louisiane qu’il a immortalisée, et de cette poussière est née la Nouvelle Atala.

« Cette œuvre est celle qui résume le plus le talent si varié et si souple de l’auteur. Il y a mis toute son âme, toute sa vie. C’est un cri de son cœur. Dans un siècle affamé de jouissances matérielles, il convie l’âme aux plus sublimes aspirations idéales ; il nous soulève, il nous enlève, il nous élève aux plus hautes sphères de l’Infini, où nous respirons un air qui n’est pas de la terre et qui nous la fait oublier.

« Si vous voulez apprécier la Fille de l’Esprit à sa juste valeur, il faut lire cette émouvante légende, à la fois chaste et passionnée, à la campagne, dans les forêts, sous les grands arbres inspirateurs où elle est éclose, où elle s’est épanouie, comme une de ces fleurs sauvages de la solitude, que nul œil profane n’a vues, que nul pied profane n’a foulées, et qui n’exhalent leur parfum que pour Dieu. Lisez ce livre dans la retraite, avec recueillement ; lisez-le avec une attention bienveillante, sympathique, fraternelle. Laissez-vous entraîner au courant de ces pages si éloquentes, si dramatiques, si attendrissantes. Après cette lecture vous vous sentirez meilleur ou du moins plus porté au bien. Cette œuvre pacifie et fortifie le cœur. Il y a dans ce poèmeéclos au désert, comme dans la nature, une puissance d’apaisement ineffable ; mais pour comprendre les beautés symboliques de la création, il faut la pureté du cœur et du regard.

« La Nouvelle Atala aura peut-être ses négateurs, ses détracteurs, comme sa glorieuse aînée. Qu’importe ? Le triomphe, partout comme à Rome, est accompagné d’insulteurs poursuivant de leurs clameurs impuissantes le char du triomphateur. On opposera l’ancienne Atala à la nouvelle, la mère à la fille, comme on opposait Bernardin de Saint-Pierre à Chateaubriand ; comme on a dit que Graziella n’était qu’une pâle copie, un pastiche de Paul et Virginie ! Comme si la pensée, comme la voix humaine, n’avait pas mille accents divers ! Comme si le beau, le vrai beau n’avait pas mille interprétations possibles ! Comme si la variété dans l’unité n’était pas la loi de l’art comme la loi de la nature ! Comme s’il n’y avait point place au soleil littéraire pour l’épanouissement de toutes les grandes imaginations créatrices ! Si de hautes pensées exprimées dans un langue digne d’elles ; si de belles et éblouissantes images puisées à la vive et grande source de la solitude ; si un doux et profond sentiment de la nature, de ses joies et de ses tristesses ; si un magnifique drame, dont le théâtre est le désert, « l’empire des grandes passions ; » si des pages rappelant souvent les plus belles de Chateaubriand sans une ombre d’imitation ou de réminiscence ; si un livre où l’auteur se montre quelquefois publiciste vigoureux comme par intuition, souvent penseur profond, toujours grand poète ; si tout cela peut donner à un ouvrage la popularité immense qu’il mérite, nous croyons que la Fille de l’Esprit aura une place d’honneur dans toutes les bibliothèques. C’est pour tout Louisianais un devoir d’acheter un exemplaire de la Nouvelle Atala, et nous ne doutons pas du patronage chaleureux de nos compatriotes. Ils apprécieront à sa juste valeur l’œuvre d’une intelligence supérieure et lui paieront un tribut de sympathique admiration. L’admiration ! « Je ne sais pas de plaisir plus divin qu’une admiration nette, distincte et sentie, » dit Sainte-Beuve. »